Sous l'abbé Alcuin 796-804 Sous l'abbé Adélard 834-843
Bible de Berne
Or dans toutes ces bibles (dont on vient de
parler),
nous rencontrons de frappantes analogies avec celle de Grandval et nous ne pouvons cependant pas dire qu'elles ont été copiées les unes sur les autres, car dès qu'une bible était terminée, elle était livrée par l'Ecole de Tours à son acheteur. Mais nousBible de St
Gall
\
— 200 —
pouvons
affirmer qu'il
y eut des modèles vieillis, des manus-crits plus ou moins anciens, raturés, corrigés. C'est ainsi que M. André Michel a pu écrire dans son///s/o/zr
<te /Mz-/, quela Bible du comte Vivien a eu sa préparation immédiate dans
les Bibles de
Glanfeuil
et de Grandvab).Cherchons donc en quoi consistent ces analogies, et énon-çons le problème: La Bible de
Moutier
n'a pas été enluminéeà la même époque où elle
fut
écrite, en d'autres termes: les anciennes, petites et grêles initialesfurent
remplacées plus tard par de plus belles et de plus riches.a',) La cozz/ecftozz cte /a ßtete. En effet, une partie de
l'orne-mentation de la Bible de Grandval est contemporaine de son écriture. Ce sont les tables des épîtres de St Paul(fol.
408 b et 409 a). Ces peintures-ci en formes d'arcades sont de la même époque que le texte (820-830). Les tables des canons des Evangiles
(fol.
349 b, 350 a, 350 b, 351a) sont identiques aux tables des épîtres de St Paul; elles sont postérieures à elles cependant, en ce sens que les deux constructions quifigurent
des deux côtés du plein cintre, ont été ajoutées dans les dernières années de Frédégise (830-834) ouplutôt
dans les premières annéesd'Adélard
(834-836).Quant aux quatre grandes miniatures, d'après leurs caractères, elles
ont
été ajoutées dans la suite. Elles sont plus jeunes que les tables des Evangiles et elles ne sont pas plus vieilles que les peintures correspondantes qui or-nent la Bible du comte Vivien. Celles-ci, nous le savons, sont postérieures aux années 840-). Nous avons donc main-tenant un terme /?ost <7«<?zrc sur les miniatures de la Biblede Grandval, — dix années, 830-840 — comme nous en avons un pour sa confection. Nous pouvons alors assigner comme date à la Bible de Grandval les années comprises entre 820 et 840. Nous allons le prouver.
L'j
Le z-eznan/eznezz^ de te ßtete.1'. /.es /?etetezes. L'encadrement de la première page
(fol.
1 b), le haut des tables des canons des Evangiles, les quatre miniatures et les belles initiales sont à placer dans le groupe des manuscrits de l'abbé de Tours, Adé-lard (834-843). La Bible de Grandval se distingue de i) T. I., p. 357.
-) Nous sommes arrivés à la même conclusion, par l'étude matérielle des cahiers, savoir que ces miniatures ont été ajoutées plus tard Cf. p. 176.
la Bible de RorigorO) par
l'emploi
de certainsmotifs
et surtout par
l'emploi
del'or
et del'argent.
Cette re-marque a son importance, car elle prouve que la déco-ration de notre première page date du début destrai-tements des
folios
avec del'or
et de l'argent. Lescar-Une des lettres remaniées fol. 52 a.
Le miniaturiste en agrandissant la lettre a empiété en haut à droite sur
l'I de 7/itt/wY ainsi que sur le N de Atomen. Pour rétablir le texte, le calligraphe a inscrit un I dans le N de 7/idj/?iY„et a ajouté
un petit N devant VMERI
(Reproduction réservée)
touches et les entrelacs sont contournés d'argent sur
des fonds verts et sur des rectangles
or
et vert àentre-lacs
d'or
bordés de couleur rouge. De cette observationil
découlequ'il
n'existepoint
une longue période en-i) Cf. Tableau p. 19y.— 202 —
tre la confection de la Bible de Qrandval et son rerna-niement. A cette période aussi,
il
faut rattacher les ta-bles des canons des Evangiles qui ont été enlaidis par la construction assez lourde de deux maisons. Ces ta-bles sont déformées et d'un goût douteux.2'. Les /zz/PaP?s. Si
l'on
ouvre la Bible de Grandval, on distingue à certaines pages, de vilaines taches grisâtreset brunes qui encadrent
l'initiale.
Cette annotation, tou-te matérielle, nousfait
conclure au remaniement des lettres.Z.(?s /zzPzïes z/z/Pzz/tfs o/7gz'/z£//£s. Quelques-unes des petites initiales —
il
y en a très peu —n'ont
pas étéremaniées. Elles sont grêles, des plus simples et de couleur rouge. Ce sont: V
(fol.
307b, 5 cm.); E(fol.
410a, Be col. 37 mm.); P
(fol.
410a,2
col. 5 cm.).Z.£?.s /zz>PYes zzzzY/afes «mû/z/ées. Elles sont plus
nom-breuses que les précédentes. Elles ont été modifiées de deux façons: 1° le miniaturiste s'est contenté d'inscrire
une bande
d'or
dans la lettre rouge: 7"(fol.
80a, 48mm.);
2" le miniaturiste a orné ces petites lettres de motifs en couleur: C(fol.
321 a, 22 mm.), lettre rougeoriginelle.
Le peintre a dessiné plus tard une rosace rouge et or àl'intérieur
de la boucle. P(fol.
417 a, 55mm.), lettre rouge
originelle
avec un Sd'or
sur la queue duP;
en haut, à gauche de la lettre unefeuille
bleue; àl'intérieur
de la boucle un entrelacor
et rouge sur des fonds bleus et violets. O(fol.
418b, 4 cm.). On perçoit la trace de l'ancien O plus petit. La lettre d'à présent est rouge avec des teintes vertes et argentées.A
l'intérieur
un vase d'or. P(fol.
422 a, 6 cm.), lettreoriginelle
rouge entourée d'une guirlanded'or.
Vased'or
àl'intérieur
de la boucle. Au-dessus de la lettre,des entrelacs
d'or
rouge, sur fonds verts. P(fol.
432 b,7 cm.), la lettre rouge
primitive
existe encore, mais avec adjonction d'une guirlandeviolette;
inscription d'untrait d'or
au milieu de la lettre rouge; oiseaud'or
dans la boucle.c")
Lesgrands
zzzz'Pa/es z-tf/zza/zz'^s. Parmi les cinquante-six grandes initiales que nous relevons dans la Biblede Moutier-Qrandval, une trentaine méritent notre atten-tion. Toutes ont été remaniées. Leur grandeur nous étonne d'abord. La plus allongée atteint 32 cm. (F.
fol. 2a).
Les autres varient entre 226 mm. et 5 cm.').Lors de la confection de la Bible de Grandval,
l'initiale
était des plus simples, de couleur rouge. Nue, elle se perdait dans un grand espace vide qui lui avait été ré-servé par le copiste. A mesure que la minuscule se per-fectionnait, les miniaturistes de Tours, commed'ailleurs
les copistes ou calligraphes ont cherché à donner plus d'ampleur et
d'allure
à leurs lettres. Admirons donc cesinnombrables motifs qui ornent les initiales de la Bible de
Grandval;
leur composition peut s'expliquer par un lent phénomène de maturation ou mieux peut-être, par latrouvaille
d'un esprit précoce. La forme des lettres, leur ornementation surtout, le mariage des couleurs, tous ces caractères sont le patrimoine de la peinture de Tours. A cepoint
de vue artistique, la Bible deMou-tier
est un des plus beaux manuscrits confectionnés sous l'abbé Adélard. Sans doute, les initiales de la Bible deGrandval ne possèdent pas encore une forme parfaite et bien équilibrée comme celles de la Bible de Vivien, mais elles dépassent de beaucoup celles de la Bible de Ro-rigon. Des analogies se retrouvent, cependant, dans tous ces manuscrits et à
partir
de la Bible de Grandvalnous découvrons souvent un nombre plus considérable de motifs identiques.
Nous avons:
des vases A
fol. 2a; £ fol.
182a; Afol.
340a, etc.;des oiseaux £)
fol. 6a;
F/fol. 26a;
Afol.
111b;£ fol.
120b; V
fol.
141 b;£
f.216a;
Cfol.
225a; Ofol.
260b, etc.;des mains V
fol.
41a, etc.;des fleurs P
fol.
89b, etc.;des serpents V
fol.
225b, etc.;') Voici la liste des initiales intéressantes. Nous donnons les mesures
en cm. Le premier chiffre indique le folio où se trouve l'initiale; F. 2a,
32i/„; D. 6a, 102 mm.; /. 7a, 226 mm.; 77. 26a, 10; V. 41a, 8; /..
52 a,"IO1/2; W. 67b, 9; F. 81a, 8; P. 89b, 13; y. 97 b, I6V2; V. 99 a, 8V2;
F. 100a, 191/2; F. 111b, 11; F. 120b, IOV2; /V. 141 a, 6; V. 141b, 8V2; F.
182a, 71/2; 4. 201b, 51/2; V. 210a, 6V2; V. 212b, 6V2; V. 213b, 6V2; V.
216a, 61/2; F. 216 a, 61/2; V. 217a, 6 1/2; V. 220 a, 51/2; C. 225 a, 81/2: V, 225 b, 10; F. 234 a, 13 1/2; /. 249 a, 201/2; P. 250a, 18; V. 258a, 8; O. 260b.
6V2; F>. 262b, IOV2; O. 269a, 41/2; S. 285a, 7; 4. 285b, 9'/2; C. 295a, 9'/2;
y. 308a, 18; y. 316b, 161/2; F. 321a, IOV2; 4 324a, 41/2; F. 329b, IIV2;
F. 340 a, 17'/2; F. 349 a, 12; F/, (ligature) 353 a, 15 V2; y. 363a, 5; F. 370a,
61/2; Q. 370a, 5; y. 382a, 7; P. 390b, 17; y. 402b, 16 1/2; P. 404b, 10; S.
405a, 6; Q. 406 a, 5; P. 411 b, 18; 4 442b, 12.
\
— 204 —
des têtes V
fol.
225b; Efol.
390b, etc.;une femme E>
fol.
262 b;des animaux Z)
fol. 6a;
Vfol.
225b; Afol. 285b;
Cfol.
295a; Efol. 329b;
Pfol.
390b,fol.
409a, etc.;des lièvres E
fol.
329 b;/ fol.
7 a, etc.des entrelacs surtout E
fol. 2a; / fol. 7a;
Efol.
100aetc., etc.
Tous ces motifs sont généralement en couleurs na-turelles. Les deux coqs qui sont placés dans la boucle du
D
aufol.
6 a,ont
la crête rouge. Celui de droite sedrape dans une robe
d'argent
à plumesd'or;
celui degauche, dans une robe
d'or
à plumes d'argent. Les pattes de ce dernier sont bleues,d'or
de celui de droite.Au-dessus d'eux, deux oiseaux bleus picotent du raisin
noir;
au-dessous, deux lionsd'or
couchés*).A
l'intérieur
de la lettre C de la page 225 a, l'oiseau est habillé d'une robed'or.
Ses pattes sont rouges, ses plumes vertes et son bec bleu. La lettre P dufolio
225 best intéressante: oiseau
d'or
sur fond vert, maind'or
sur fond bleu, tête
d'or,
maind'or
sur fondvert;
un animal doré cherche à boire dans un vased'or.
Une femme vêtue d'unerobe.d'argent,
d'un manteau rouge aux plisd'or,
d'un voiled'or
est encadrée par la lettreinitiale
E) aufol.
262b dulivre
de la Sagesse. Son chef est entouré d'une auréole verte. Elletient
dans sa main droite unlivre
à couverture rouge et aux tranchesd'or;
dans sa main gauche un bâton. La lettre Z? au début des psaumes
(fol.
234 a) représente David qui dompte un lion. Al'intérieur
du C aufol.
295 a, un animald'or,
contourné de couleur rouge,fait
le beau. Sa queue estprise entre ses jambes et
il tire
la langue. Le petittrait
ou laguette de la lettre E au
folio
329 b supporte un lièvre doré aux aguets. Ses deux longues oreilles sedressent majestueusement sur sa tête.
Dans toutes ces initiales, les métaux dominent sur des fonds gris, rouges, bleus, verts, violets. Nous obte-nons ainsi un ensemble des plus féériques.