• Keine Ergebnisse gefunden

Lecture codicologique de l’illustration

1.1 L’aspect physique du codex

L’illustration des manuscrits médiévaux est prédéfinie par des lois inhérentes au matériau, au format, au travail en atelier, à l’écriture, au destinataire et dans le cas de la commande aux capacités financières du futur possesseur. L’examen des manuscrits de la Légende Dorée montre que les formats sont similaires : hauteur, largeur et nombre de lignes diffèrent très peu d’un ouvrage à l’autre. Le plus petit manuscrit, conservé à la Bibliothèque Nationale à Paris sous la cote 415-416, mesure 20,5 sur 30, 5 cm. Le plus grand est également un manuscrit parisien, le manuscrit 184, mesurant 30, 5 cm sur 43,8 cm. Quand au nombre de lignes, il varie de 34 à 52 suivant les ouvrages. Les écarts observés dans le cadre de la mise en page des manuscrits restent très minces d’un ouvrage à l’autre. À l’instar de 82 % des manuscrits produits au 14ème siècle, tous comportent deux colonnes191, ce qui délimite de façon claire le format de l’illustration principale. L’unité de réglure varie de 4,61 à 7,1 mm, on note que les ouvrages réalisés après 1400 tendent à avoir une réglure plus élevée que ceux réalisés entre 1348 et 1375. Aucun des manuscrits ne présente une organisation de la page identique, ce qui exclut d’emblée la possibilité d’une production en masse des manuscrits par un seul libraire. La hauteur du cadre de la miniature, sa place dans la page et la quantité dans l’ouvrage sont conditionnées par des facteurs supplémentaires comme la rédaction et les dépenses engagées par le mécène. On peut effectivement noter dans la plupart des manuscrits que le nombre de miniatures diminue visiblement à l’approche de la fin, comme si les copistes

191 Carla Bozzolo, Ezio Ornato, Pour une histoire du livre manuscrit au Moyen-âge, trois essais de codicologie quantitative, Paris, CNRS, 1983, p. 219.

avaient laissé de moins en moins de place à l’illustration. Est-ce dû à des échéances imposées à l’atelier ou à un manque de liquidités du mécène ? C’est l’un des points sur lesquels la Légende Dorée rennaise ainsi que quatre autres ouvrages du corpus se distinguent, puisque le nombre de miniatures ne diminue pas aussi visiblement.

En ce qui concerne la hiérarchie du décor, on constate là encore une certaine constance malgré le siècle séparant le plus ancien manuscrit P1192 du plus récent du corpus Hb193. Les entrées de la table des matières débutent par des initiales filigranées, des initiales ornées introduisent les parties importantes du texte, bouts de ligne et pieds de mouche ponctuent la lecture. Le tout donne l’impression d’un schéma bien établi alors que les manuscrits n’ont a priori aucun lien entre eux. Ce qui diffère est la présence ou non de décoration marginale et la taille des initiales variant d’un ouvrage à l’autre.

1.2 Les miniatures

La décoration principale participe aussi à ce rythme organisant la lecture. Le type formel prédominant est la vignette rectangulaire de la largeur d’une colonne194, placée entre l’étymologie du nom du saint et le texte de sa légende ou, plus souvent, après l’explicit de la dernière légende. La rubrique de couleur rouge, signalisant un nouveau chapitre, est placée au-dessus ou en dessous de la miniature. La présence de la miniature fait donc redondance à la rubrique puisque l’on obtient une double signalisation du début du texte. Néanmoins, la rubrique conserve la primauté de cette signalisation car de nombreuses légendes ne sont pas illustrées. Les deux exceptions notables concernant la forme des miniatures sont le manuscrit conservé au Musée Condé de Chantilly, C, réalisé en 1365, et le manuscrit Q conservé à la British Library de Londres daté de 1375. Ces deux ouvrages ont bénéficié non pas de vignettes mais d’initiales historiées. Le manuscrit le plus ancien, déjà cité plus haut, se démarque par la présence de neuf miniatures doubles : il s’agit de vignettes occupant toute la largeur de la justification, illustrant en général des scènes relatives à la vie du Christ et de la

192 Paris, BNF, ms. fr. 241, 1348.

193 Munich, Bayerische Staatsbibliothek, ms. Gall. 3, c. 1430.

194 Richard H. Rouse, Mary A. Rouse, Manuscripts and their makers, Turnhout, Harvey Miller Publishers, 2000, vol. 1, p. 247. Cette tradition trouve, selon eux, son origine dans les miniatures de Richard de Montbaston, créant un type “vernaculaire” au cours de la première moitié du 14ème siècle en illuminant de la sorte les romans. Hilary Maddocks rappelle pourtant que cette forme était déjà présente dans les bréviaires et les lectionnaires. Cf. Hilary Maddocks, “Illumination in Jean de Vignay’s Légende Dorée”, dans Legenda Aurea, sept siècles de diffusion, Brenda Dunn-Lardeau (dir.), Paris, J. Vrin, 1986, p.157.

Vierge. Ces scènes permettent alors l’insertion d’une véritable narration. Notons également que le manuscrit Royal 19 B XVII (R) conservé à la British Library possède des vignettes un peu moins larges, car une initiale introduisant le texte vient s’accoler à l’enluminure. Ceci témoigne une fois de plus de la collaboration étroite qui existait entre la copie et l’enluminure, et plus encore de la préparation dont les ouvrages faisaient l’objet. Rien n’est pensé au hasard, rien n’est laissé au hasard, l’improvisation n’est pas de mise. Le format des miniatures est un facteur déterminant dans les choix iconographiques puisque la place réservée à l’enluminure est réduite. L’un des manuscrits les plus anciens, celui de la Bibliothèque Mazarine (M) dispose de vignettes larges de 6,5 cm seulement sur environ 5,5 cm de hauteur tandis que celui de Munich, qui est le plus récent des ouvrages du corpus présente des miniatures larges de 9,6 cm et hautes de 8,7 cm. La taille du cadre dans lequel les artistes avaient à travailler conditionne donc à l’avance les sujets représentés. Si l’on voulait que la miniature rythme la lecture dans le sens où le texte qui suivait pouvait être identifié grâce à elle, les artistes devaient aller à l’essentiel et choisir ainsi des sujets qui pouvaient être techniquement incorporés au cadre physique restreint de la vignette et que le lecteur pouvait reconnaître sans ambages. La préparation de la page était une contrainte de premier ordre pour les enlumineurs, délais et budget sont des contraintes secondaires qui déterminent le nombre de miniatures présentes dans les ouvrages. La Légende Dorée de Rennes s’inscrit elle aussi dans cette thématique, d’autant plus qu’avec ses cent soixante enluminures, c’est l’ouvrage de type a le plus décoré, ce qui laisse supposer un budget plus important.

Il est néanmoins un sujet sur lequel le manuscrit rennais fait faux bond à ses semblables : le frontispice. Parmi les dix-huit manuscrits du corpus étudié, ils sont deux à ne présenter aucune miniature frontispice : le manuscrit 266 conservé à Rennes et le manuscrit Gall. 3 conservé à Munich. Tous les autres comportent au début une enluminure occupant généralement les trois-quarts de la justification. Cette miniature introduit soit le prologue de Jean de Vignay soit le texte de la Légende Dorée à proprement parler, cas le plus fréquent.

Ces frontispices ne sont pas systématiquement l’œuvre du ou des enlumineurs du texte, elles ont en général été réalisées par les artistes les plus doués, c’est d’ailleurs pour cette raison que les historiens leur ont accordé de l’attention, délaissant parfois les miniatures ornant le texte.

Il ne s’agit pourtant pas du rajout d’un feuillet effectué avant la couture des cahiers.