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Les infrastructures et les aménagements

2 Analyser la pratique du vélo

2.4 Le potentiel d’accueil des territoires

2.4.2 Les infrastructures et les aménagements

La répartition des déplacements entre modes est également la conséquence de relations de pouvoir dans l’espace (qui se matérialisent par la place et par les budgets alloués aux différents moyens de transport) et des représentations dans le domaine de la planification des transports (Koglin et Rye, 2014). Si les mobilités actives deviennent incontournables dans les discours contemporains sur la ville, il n’en a pas toujours été ainsi et de loin.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la planification des transports fait écho au courant de l’urbanisme moderne qui promeut notamment la séparation des fonctions (habiter, travailler, se récréer et circuler). Elle conduit à une marginalisation du vélo dans l’aménagement. Les infrastructures de transport – essentiellement routières – sont conçues pour transporter personnes et biens de manière rapide et efficace. Le trafic routier est à fluidifier, la ville est sectorisée et traversée par des réseaux indépendants les uns des autres, les flux sont séparés selon leur vitesse (Paquot, 2016). La rue  –  qui faisait office de support de la vie sociale, de lieu de rencontre et où les différents modes de déplacement se côtoyaient – laisse place à la route, à une artère moderne où

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le trafic automobile doit pouvoir circuler sans interruption.

Pour Le  Corbusier, « La rue n’est plus. Elle est devenue route de ville, route d’automobile, autostrade » (Le Corbusier, 1941).

Quelques années plus tard, Georges Pompidou résume l’esprit de l’époque : « Il faut adapter la ville à l’automobile. » La Suisse n’a pas échappé à cette tendance, même si elle s’est distinguée par un poids important donné au chemin de fer et aux transports publics urbains (Jemelin, 2008). Leur qualité en a fait des concurrents sérieux des mobilités actives, notamment dans les agglomérations.

Les villes et les pays qui ont connu les rebonds les plus conséquents dans la pratique du vélo ne le doivent pas au hasard. Des programmes de construction d’infrastructures et d’aménagement de l’espace urbain ont joué un rôle déterminant (Buehler et Dill, 2016 ; Handy et al., 2014 ; Pucher et al., 2010) en accroissant la cyclabilité du territoire. Certains auteurs, comme Héran (2014), ont également montré l’impact important voire prépondérant de mesures modérant la vitesse et le volume du trafic automobile et garantissant une meilleure cohabitation avec les cyclistes.

Les itinéraires cyclables ont d’autant plus d’impact qu’ils sont élaborés de manière à créer un réseau dense, cohérent et rapide et qu’ils sont séparés physiquement du trafic. Outre les bandes et les pistes cyclables traditionnelles12, les projets de voies express vélo (ou véloroutes) se diffusent. Ils sont destinés à favoriser la pratique du vélo sur de plus grandes distances en supprimant ou en atténuant les obstacles (ouvrages d’art, continuité des itinéraires, priorité donnée aux cyclistes, etc.)13.

12 Les premières sont indiquées par des marquages sur la voirie, les secondes sont des itinéraires spécifiques qui excluent le trafic routier.

13 Parmi les premiers projets en Suisse, on peut mentionner la Transagglo à travers l’agglomération de Fribourg, la Voie verte entre Genève et Annemasse et la Velo-Hauptroute Wankdorf, premier itinéraire d’un futur réseau à l’échelle de l’agglomération de Berne.

En plus des infrastructures linéaires, certains aménagements ponctuels sont stratégiques pour la pratique du vélo. Les carrefours constituent des endroits potentiellement dangereux.

Différents traitements  –  onde verte (synchronisation des feux pour les vélos), sas pour vélos14, etc. – assurent la fluidité et la sécurité des itinéraires cyclables.

Un autre point névralgique est le stationnement (Pucher et Buehler, 2008). Abrité et sécurisé, il est une condition de l’accès pérenne à un vélo en état de fonctionnement. Localisé de manière judicieuse sur le territoire, il rend l’usage du vélo attractif et efficace. Ce devrait être le cas pour l’habitat (le vélo devant être facilement accessible, le lieu de domicile étant le point de départ de nombreux trajets), mais aussi pour les installations à forte fréquentation (entreprises, zones commerciales, institutions de formation, etc.). Il en est de même pour les gares où se développent des vélostations qui proposent, en plus du stationnement, divers services d’entretien et de réparation15. De tels aménagements sont également susceptibles de favoriser la combinaison entre le vélo et les transports en commun16.

Plusieurs organismes ont énoncé des principes généraux sur l’urbanisme cyclable. Aux Pays-Bas, cinq exigences fonda-mentales ont été définies. Les itinéraires doivent être directs, confortables, attrayants, sécurisés et cohérents. Ces critères sont déclinés en fonction du type de cheminements, du contexte territorial, du volume de trafic, dans un manuel détaillé à destination des urbanistes et des ingénieurs (de Groot, 2016).

14 Soit une zone tampon entre le feu et la ligne à laquelle s’arrêtent les véhicules motorisés et qui permet aux cyclistes d’être visibles, de démarrer dans de meilleures conditions et d’éviter d’inhaler les gaz d’échappement.

15 Selon le Forum Vélostations (www.velostation.ch), 45 vélostations étaient opérationnelles en 2018 dans les gares de Suisse.

16 La combinaison vélo-transport en commun est très fréquente aux Pays-Bas : parmi les utilisateurs du réseau ferroviaire, 40 % se rendent à vélo à la gare et 10 % utilisent un vélo après être descendus du train (Héran, 2014, p. 180).

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Les exigences sont très élevées car l’objectif est de rendre la pratique du vélo accessible et attractive au plus grand nombre.

Selon ce guide, un itinéraire cyclable qui n’est pas sûr pour un enfant de 8 ans n’est pas un itinéraire cyclable ! Cette liste a été complétée par le bureau Artgineering qui estime que l’infrastructure cyclable ne doit pas uniquement être conçue du point de vue de son efficacité pour mener d’un point  A à un point B, mais également comme un des éléments participant à la qualité de l’espace entre A et B et comme une occasion de transformer les espaces de circulation en de réels espaces publics (Bendiks et Degros, 2013).

L’amélioration de la qualité des infrastructures cyclables n’a pas seulement un impact sur le nombre et la proportion de déplacements réalisés à vélo. Elle diversifie également le public des adeptes du vélo en termes de genre17, de classe d’âge mais aussi de niveau de compétence et de motivation. Ce lien a notamment été illustré par Geller, urbaniste à Portland. Il distingue dans sa ville quatre types d’habitants en fonction de leur appropriation du vélo et de leur sensibilité à la sécurité : les

« habiles et téméraires » (qui se sentent à l’aise sans aménagement spécifique ; moins de 1 % de la population18), les « motivés et confiants » (qui demandent certains aménagements ; 6 %), les

« intéressés mais inquiets » (qui seraient prêts à faire davantage de vélo à condition que les infrastructures soient suffisamment développées pour assurer leur sécurité ; 60 %) et les « pas question » (qui ne souhaitent ou ne peuvent faire du vélo ; 33 %) (Dill et McNeil, 2013). Un enjeu prioritaire de la promotion du vélo serait de convaincre une partie croissante de la troisième

17 La part des femmes parmi les cyclistes est souvent considérée comme un indicateur de la qualité des infrastructures. Dans les pays et dans les villes où les parts modales de la bicyclette sont élevées, la proportion des femmes l’est également. À l’inverse, lorsque la pratique du vélo est peu répandue, la part des femmes est faible (Garrard et al., 2012).

18 Ces pourcentages avancés pour le cas de Portland varient en fonction des contextes.

catégorie de faire le pas en mettant à disposition les conditions-cadres nécessaires.