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: La diffusion de la komische Oper à Paris

Im Dokument Università degli Studi di Firenze (Seite 158-200)

Les trois saisons allemandes au Théâtre-Italien en 1829, 1830 et 1831 La saison 1829 du Théâtre allemand

Lors de sa première saison parisienne, la troupe d’Aix-la-Chapelle1, dirigée par le chanteur et directeur théâtral Josef August Röckel (1783-1870), et accompagnée par l’orchestre du Théâtre-Italien sous la direction de Jean-Jacques Grasset puis de Telle, donna douze représentations de trois opéras de Weber, Mozart et Beethoven entre le 14 mai et le 9 juin 1829. Röckel possédait une certaine autorité en matière d’opéra allemand puisqu’il fut le créateur du rôle de Florestan dans la deuxième version de Fidelio représentée au Theater an der Wien le 23 mars 1806, et que Beethoven lui demanda conseil pour opérer certaines coupures dans son ouvrage2. Donné en ouverture de la saison le 14 mai 1829, Der Freischütz fut l’opéra le plus joué avec sept représentations, suivi par Die Zauberflöte à partir du 21 mai et Fidelio à partir du 30 mai, respectivement avec deux et trois représentations3. Les trois opéras n’avaient jusqu’alors jamais été représentés en version originale à Paris. Si les opéras de Mozart et Weber avaient, comme nous l’avons vu précédemment, déjà obtenu un grand succès dans la capitale sous la forme de versions arrangées en français, cumulant au total près de trois cents représentations à eux deux avant cette date, l’opéra de Beethoven était resté jusqu’alors inconnu du public parisien, le projet de le faire représenter au Théâtre de l’Odéon étant resté sans suite. Cinq articles parus dans la Revue musicale et signés par les initiales A.S.

rendent compte de l’ensemble de la saison allemande de 18294. L’idée de faire venir la troupe allemande à Paris serait à mettre au crédit d’Auguste-Simon-Jean-Chrysostome Poirson, dit Delestre-Poirson (1790-1859), directeur du théâtre du Gymnase dramatique de 1820 à 18445.

1 Cf. : LOEWENBERG, Alfred, op. cit., p. 497. - CASTELLI, Ignaz Franz, « Notizen », in : Allgemeiner musikalischer Anzeiger, 9 mai 1829, vol. 1, n° 19, p. 75 : « Hr. Röckel, gegenwärtig Director in Aachen, wird mit seiner Gesellschaft nach Paris gehen und daselbst 12 deutsche Opern im italienischen Theater geben.

Unter diesen Opern werden Don Juan, Zauberflöte, Entführung aus dem Serail, Figaro’s Hochzeit, Titus, Fidelio, unterbrochenes Opferfest, Faust und Schweizerfamilie seyn. »

2 SIETZ, Reinhold, « Röckel, Josef August », in : MGG, 1949-1986, 1ère éd., vol. 11, p. 604-605.

3 A. S., « Théâtre Royal Italien : Dernières représentations de la troupe allemande », in : Rm, 1829, vol. 5, p. 470 : « Des trois opéras qui ont rempli la série des douze représentations, le Freyschütz a été le plus heureux, car il a été donné sept fois. La Zauberflöte n’a eu que deux représentations, et Fidelio trois. » ; Castil-Blaze évoque huit représentations de l’opéra de Weber, soit une de plus, pour un total de treize représentations des trois opéras. - Cf. : CASTIL-BLAZE, François-Henri-Joseph, L’Opéra-Italien de 1548 à 1856, Paris, Castil-Blaze : 9 rue Buffault, 1856, p. 469. - « L’opera tedesca a Parigi », in : Il Censore universale dei teatri, 13 et 27 juin 1829, n° 47 et 51, p. 188 et 204.

4 A.S., in : Rm, 1829, vol. 5 :

1) « Théâtre Royal Italien : pour les débuts de la troupe allemande, Der Freischütz », p. 399-404.

2) « Théâtre Royal Italien : par la troupe allemande, Die Zauber floete [sic] », p. 421-425.

3) « Théâtre Royal Italien : par la troupe allemande, Fidelio », p. 440-445.

4) « Théâtre Royal Italien : Dernières représentations de la troupe allemande », p. 468-471.

5) « Théâtre Royal Italien : Dernières représentations de la troupe allemande. Au bénéfice de M. Haitzinger, Die Weisse frau (la Dame blanche), die Wiener in Berlin (les Viennois à Berlin) », p. 491-494.

5 A.S., « Théâtre Royal Italien : pour les débuts de la troupe allemande, Der Freischütz », in : Rm, 1829, vol. 5, p. 404.

La troupe était constituée entre autres des chanteurs Haitzinger (Haizinger), Fischer, Fritze, Riese, Wieser, Genée et Rœckel, et des chanteuses Mme Fischer, Mlle Hanff et Mlle Greis. Lors de la première représentation du Freischütz, le journaliste donne une critique ambivalente de la prestation de Madame Fischer :

Madame Fischer est une charmante Agathe, dont la voix est douce et pénétrante ; elle peut, quand il le faut, lui donner beaucoup d’éclat, et elle charme surtout par une expression touchante et une sensibilité très vive. Ses défauts sont ceux qu’on reproche généralement à l’école allemande.

Le son n’est pas toujours bien posé, et vacille quelquefois jusqu’aux limites du faux. Le chant vraiment soutenu lui est presque inconnu, et elle ne connaît guère de milieu entre le mezza voce et le fortissimo6.

Tandis que la voix de Mademoiselle Hanff manque « de force et de charme », M. Haitzinger est un « ténore [sic] fort remarquable », la basse M. Genée, « qui joue plus qu’il ne chante le rôle de Casper, est un bel et bon acteur » et M. Haitzinger obtient des applaudissements mérités7. Le critique musical semble cependant avoir été davantage convaincu par la qualité des chœurs que par celle des solistes :

Les autres rôles sont peu importants, mais les artistes qui en sont chargés concourent d’une manière louable à l’ensemble. Tout le monde chante généralement juste. Il n’est pas jusqu’à une coryphée, madame Absenger, qui ne dise bien, au troisième acte, les petits couplets du Brautchor. Les chœurs font preuve d’une intelligence et d’un sentiment musical remarquable8.

L’orchestre du Théâtre-Italien, peu habitué au répertoire lyrique d’outre-Rhin, est très loin de soutenir la comparaison avec l’ancien orchestre du Théâtre de l’Odéon où l’opéra de Weber avait été représenté plus de cent cinquante fois en français lors des années précédentes :

Qui le croirait ? L’orchestre, dont les Parisiens tiraient gloire, et avec raison, a été jusqu’à présent la partie la moins satisfaisante. Les accompagnements et les passages de douceur n’ont presque rien laissé à désirer ; mais l’énergie et l’éclat ont manqué totalement. La péroraison de l’ouverture et la symphonie infernale du second acte sont, faute de contrastes suffisamment prononcés, complètement éteintes. La walse [sic], dite sans dégradations intermédiaires, a passé presque inaperçue. On doit avouer que l’orchestre de l’Odéon, étincelant de verve et de jeunesse, et pour lequel l’innovation était une condition d’existence, avait bien mieux compris la sauvagerie de cette musique9.

Cette idée est amplement partagée par le correspondant parisien de la Berliner allgemeine musikalische Zeitung, L. Berger, qui n’hésite pas à considérer l’orchestre du Théâtre-Italien comme le plus mauvais des orchestres :

Doch ist es wohl das schlechteste Orchester, und der deutsche Direktor wird fürs nächste Jahr zu thun haben, dass er die Mittel ausfindig mache, uns über diesem Schund hinweg zu bringen.

Wenn doch die vereinten Mitglieder des Odeon-Orchesters gewonnen werden könnten10!

Le critique allemand dresse un tableau peu flatteur des différents pupitres de l’orchestre11. Les seize premiers et seconds violons nécessaires pour interpréter l’opéra

6 Ibid., p. 401.

7 Ibid., p. 402 et 403.

8 Ibid., p. 402.

9 Ibid., p. 403.

10 BERGER, L., « Die deutsche Oper in Paris », in : BamZ, 27 juin 1829, vol. 6, n° 26, p. 206-207 : « C’est pourtant bien le plus mauvais des orchestres, et le directeur allemand aura de quoi faire afin de trouver les moyens de nous débarrasser de cette camelote pour l’année prochaine. Si seulement la participation de tous les musiciens de l’orchestre de l’Odéon pouvait être acquise ! »

de Weber sont remplacés par quatre étudiants du Conservatoire. Seuls un altiste sur quatre et un violoncelliste sur trois, Franchomme, jouent convenablement de leur instrument. Les sept contrebassistes ne sont ni bons, ni mauvais. Considéré comme le meilleur corniste parisien, Gallay ne peut jouer les solis de la partie de premier cor, car il doit, malgré son talent, se contenter de la partie de troisième cor en raison des règles de l’ancienneté. Si les flûtistes et les clarinettistes sont bons, ce n’est pas le cas des hautboïstes et des bassonistes qui sont fâchés avec la mesure et les tempi rapides. De même, le timbalier ne compte pas correctement les mesures de silence.

Lors de la première représentation de l’opéra Die Zauberflöte, la première représentation en allemand de l’opéra de Mozart sur une scène parisienne, vingt-huit ans après la création des Mystères d’Isis, le journaliste de la Revue musicale se montre plus sévère, évoquant « la troupe foraine d’Aix-la-Chapelle12 ». De même, les correspondants parisiens de la Berliner allgemeine musikalische Zeitung13 et de l’Allgemeine musikalische Zeitung14 rapportent que la troupe est présentée par la presse parisienne tantôt comme une « troupe provinciale », tantôt comme une troupe allemande de « cinquième classe ». Selon le journaliste français, la troupe allemande ne serait pas suffisamment étoffée pour prétendre représenter convenablement un opéra exigeant une distribution vocale aussi large. Par manque de solistes, les trois Dames de la Reine de la Nuit sont ainsi interprétées par des choristes15. Les rôles de la Reine de la Nuit, de Pamina, de Tamino, de Papageno et de Sarastro sont respectivement interprétés par Madame Fischer, Mademoiselle Greis, M. Haitzinger, M. Wieser et M. Riese16. Tandis que Madame Fischer est dépassée par la virtuosité et les difficultés techniques de son rôle, Mademoiselle Greis est davantage louée pour sa beauté que pour ses talents de cantatrice, M. Wieser « n’est point un chanteur, mais bien un comédien septentrional d’un naturel parfait et d’une naïve bonhomie fort amusante » et M. Riese « nous a fait entendre une voix de basse vibrante, grave, mais sans intensité suffisante. » Seul M. Haitzinger, qui « a consolidé son succès d’une manière inébranlable », semble répondre aux attentes du public parisien. L’admiration du critique musical envers les chœurs allemands est inchangée : « Les chœurs ont été, comme auparavant, excellen[t]s [sic]17. » De même, sa condamnation du jeu de l’orchestre persiste et le journaliste évoque un conflit de personnes au poste de chef d’orchestre :

Pourquoi faut-il que nous ayions à nous plaindre de l’orchestre, ou plutôt d’un seul individu ? Au tort d’avoir exécuté avec un classicisme tout bourgeois la partition romantique du Freischütz, est venu se joindre celui de manquer fréquemment d’ensemble, et de s’endormir dans la musique si pure de Mozart. On assure que M. Grasset, dont nous ne contestons nullement le mérite et la science, s’est fait un point d’honneur de ne pas céder à un étranger le sceptre de la direction, et de ne point obéir aux indications données par le capellmeister de la troupe d’Aix-la-Chapelle. De là résultent deux directions simultanées, mais souvent à contre-temps, et des tiraillements fréquents et très sensibles. Il nous semble que M. Grasset, eût-il raison au fond, devrait pourtant céder ; car c’est surtout en exécution musicale, que la dictature est éminemment salutaire ; et d’ailleurs le capellmeister qui connaît les habitudes de sa troupe, et ce qu’on peut demander à chacun des chanteurs, doit naturellement être plus à même qu’aucun autre de la bien diriger. Enfin, ces étrangers sont ici pour leur compte, et il nous semble

11 Ibid., p. 206.

12 A.S., « Théâtre Royal Italien : par la troupe allemande, Die Zauber floete [sic] », in : Rm, 1829, vol. 5, p. 422.

13 BERGER, L., op. cit., p. 205.

14 « Nachrichten: Paris am 1sten Juni 1829 », in : AmZ, 15 juillet 1829, vol. 31, n° 28, p. 465-466. - Cf. : AmA, 20 juin 1829, vol. 1, n° 25, p. 100.

15 A.S., op. cit., p. 423.

16 Ibid., p. 423-424.

17 Ibid., p. 424.

qu’une fois les conditions auxquelles ils se sont soumis envers le directeur privilégié, remplies, ils doivent être considérés comme chez eux, et maîtres de se gouverner ainsi qu’ils l’entendent18.

Si le correspondant du journal de Leipzig se montre indulgent à l’égard des solistes, soulignant le succès de Haitzinger19, le correspondant du journal berlinois remarque le faible succès obtenu par l’opéra de Mozart et dénonce sa mauvaise interprétation vocale et instrumentale :

Man gab nachmals die „Zauberflöte“, ohne sonderlichen Erfolg. Vieles beleidigte das Gehör bei der ersten Vorstellung. Vor allen Dingen war die Papagenopeife ¼ Ton niedriger als das Orchester, und das Glockenspiel wieder 2/4 Ton niedriger; daraus entstanden so schreckliche Verstimmungen, die das Publikum mehrmals empörten. Madame Fischer war unglaublich schwach in den beiden Gesängen als Königin der Nacht, sie zeigte so wenig Geläufigkeit in der Betonung, dass daraus deutlich hervorging, wie wenig sie die Kunst des Gesanges inne habe. Nur Haitzinger allein wurde lebhaft applaudirt. Im dritten Akte wurde die Wiederholung einer Arie von ihm verlangt, die er sehr seelenvoll sang. Das Orchester war schwächer und widriger als je; Herr Grasset leitet es fortwährend20.

Lors de la première représentation parisienne de Fidelio21, le journaliste de la Revue musicale, après avoir exposé quelques considérations sur la nature des opéras italiens et allemands, opposant la « mélodie italienne » à « l’effet allemand22 », poursuit sa critique négative des solistes. Madame Fischer se fait davantage remarquer par son « expression » et son « âme » que par son « talent de cantatrice », Fritze chante d’une « voix sourde et pâteuse » et la voix de Genée se caractérise par sa « faiblesse ». De nouveau, seul Haitzinger se distingue favorablement de ses collègues23. Enfin, le journaliste met au compte de son article précédent le changement opéré à la tête de l’orchestre du Théâtre-Italien, le chef français, M. Grasset, cédant sa place après l’ouverture de l’opéra à son collègue allemand24. L. Berger rapporte en effet que les mauvaises critiques des journaux et la pression de la troupe sont à l’origine du remplacement de Grasset par un chef allemand nommé Telle, fils d’un maître de ballet berlinois :

Da indess einige Zeitschriften die Unfähigkeit des Herrn Grasset verkündeten, gab er endlich der dringenden Vorstellung der deutschen Schauspieler nach, zog sich zurück, und liess dem fremden Kapellmeister Herrn Telle (Sohn des Berliner Balletmeisters) freies Feld25.

Les dernières représentations de la troupe allemande sont une nouvelle occasion pour le critique de la Revue musicale de souligner la faiblesse des chanteurs Genée, Wieser et

18 Ibid., p. 425.

19 « Nachrichten : Paris am 1sten Juni 1829 », op. cit., p. 466.

20 BERGER, L., op. cit., p. 205-206 : « On donna ensuite la Flûte enchantée, sans succès particulier. Beaucoup de choses offensèrent l’ouïe lors de la première représentation. Avant tout, la flûte de Papageno était [accordée]

un quart de ton plus bas que l’orchestre et le Glockenspiel de nouveau un demi-ton plus bas ; cela occasionna d’épouvantables désaccords qui indignèrent plusieurs fois le public. Madame Fischer fut incroyablement faible dans les deux airs de la reine de la nuit, elle montra si peu d’aisance dans l’intonation que cela mit au jour combien elle maîtrisait peu l’art du chant. Seul Haitzinger fut vivement applaudi. Au troisième acte, on exigea de lui la répétition d’un air qu’il chanta avec beaucoup de sentiment. L’orchestre fut plus faible et répugnant que jamais ; Monsieur Grasset le dirige continuellement. »

21 Cf. : AmA, 4 juillet 1829, vol. 1, n° 27, p. 107.

22 A.S., « Théâtre Royal Italien : par la troupe allemande, Fidelio », in : Rm, 1829, vol. 5, p. 440-441.

23 Ibid., p. 442-445.

24 Ibid., p. 445.

25 BERGER, L., op. cit., p. 206 : « Comme certains journaux annoncèrent entre-temps l’incompétence de M. Grasset, il céda finalement à la demande pressante des acteurs allemands, se retira et laissa le champ libre au chef d’orchestre étranger Monsieur Telle (fils du maître de ballet berlinois). »

Mlle Hanff, « aussi mal partagés, sous le rapport de l’organe », et les problèmes de vocalisation de Mme Fischer26. Seul Haitzinger incarne à ses yeux un « excellent type du chanteur d’opéra allemand : chaleureux, plein d’âme et de sentiment musical ».

Le journaliste le juge toutefois incapable de rivaliser avec la virtuosité des chanteurs italiens.

Encore une fois, les chœurs sont « parfaits » et l’orchestre d’un niveau exécrable :

L’orchestre s’est montré bien faible, pour ne rien dire de plus ; il ne conservait pas la mesure, les instruments à vent n’étaient point d’accord, et ont fait entendre dans le second acte des sons qui déchiraient l’oreille. Comment se fait-il que cet orchestre, jadis l’un des meilleurs de Paris, en soit devenu un des plus mauvais27 ?

Lors de la dernière représentation de la troupe allemande donnée au bénéfice de M. Haitzinger, les chanteurs présentent deux nouvelles œuvres au public parisien, l’opéra-comique de Boieldieu La Dame blanche, traduit en allemand sous le titre Die weisse Dame, et un « vaudeville » viennois intitulé Die Wiener in Berlin28. Une seconde représentation annoncée du même spectacle est annulée en raison d’une « grave indisposition » de Haitzinger29. À propos de la première œuvre, le critique de la Revue musicale estime vaine l’idée de faire représenter par une troupe étrangère une œuvre française aussi connue du public parisien, la comparaison avec la troupe du Théâtre de l’Opéra-Comique, bien plus experte dans ce répertoire, étant inévitable30. À notre connaissance, la représentation en allemand par une troupe allemande d’un opéra-comique français à Paris, contrairement à Strasbourg, constitue dans la première moitié du XIXe siècle une entreprise isolée. Elle est pourtant facilement explicable par l’importante diffusion des opéras-comiques français en Allemagne dans la langue de Goethe à la même époque. Traduit en allemand, le répertoire comique français était souvent assimilé au répertoire allemand des troupes germaniques.

Sans doute faut-il voir dans la représentation parisienne en allemand de La Dame blanche en 1829 un hommage de la troupe de Röckel au patrimoine culturel de la ville-hôte.

Concernant la deuxième œuvre, il s’agit d’un Liederspiel en un acte de Heinrich Marschner (1795-1861) composé sur un livret de Karl Eduard von Holtei et créé le 24 août 1825 à Dresde. Le journaliste ne mentionne pas le nom du compositeur et attribue peu de valeur à cet ouvrage : « Les Viennois à Berlin font le très mince sujet d’un vaudeville sans action, qui n’a, pour les Parisiens, d’autre mérite que celui d’un assez bon nombre de morceaux de musique nationale autrichienne qu’on y a placés31. » Il note l’utilisation du « jodeln » et sa caractérisation de l’œuvre relève du champ lexical du bas-comique :

« Le tout entremêlé de bons gros lazzis, de calembours inappréciables, de singeries du patois et de la grasse prononciation de Vienne32 ».

À notre connaissance, cette représentation parisienne d’une œuvre de Marschner n’a jusqu’à présent jamais été relevée par les musicologues. Cette information est loin d’être sans importance. Notons qu’Alfred Loewenberg n’indique aucune représentation en France au XIXe siècle des neuf opéras de Marschner dont il a étudié la diffusion, Der Holzdieb

26 « Théâtre Royal Italien : Dernières représentations de la troupe allemande », in : Rm, 1829, vol. 5, p. 470-471.

27 Ibid., p. 471.

28 « Théâtre Royal Italien : Dernières représentations de la troupe allemande. Au bénéfice de M. Haitzinger, Die Weisse frau (la Dame blanche), die Wiener in Berlin (les Viennois à Berlin) », in : Rm, 1829, vol. 5, p. 491-494. - AmA, 4 juillet 1829, vol. 1, n° 27, p. 108.

29 Rm, 1829, vol. 5, p. 494.

30 Ibid., p. 492. - Cf. : M., « Die deutsche Oper in Paris », in : BamZ, 3 juillet 1830, vol. 7 n° 27, p. 216 : « Wenn es nun auch einmal interessant war: die „Dame blanche“ deutsch zu hören, wie vor’m Jahre, so möchte es doch nicht gerathen sein, den Versuch oft zu erneuen. »

31 Rm, 1829, vol. 5, p. 493.

32 Ibid., p. 493-494.

(1825), Der Vampyr (1828), Der Templer und die Jüdin (1829), Des Falkners Braut (1832), Hans Heiling (1833), Das Schloss am Ätna (1836), Der Bäbu (1838), Kaiser Adolph von Nassau (1845) et Sangeskönig Hiarne und das Tyrfingschwert (1863)33. Selon lui, seuls les opéras Der Holzdieb et Der Templer und Die Jüdin ont été représentés en allemand au début du XXe siècle à Strasbourg, respectivement en janvier 1909 et en 1912, c’est-à-dire à une époque où l’Alsace faisait partie du territoire allemand. L’édition du 21 janvier 1829 de l’Allgemeine musikalische Zeitung signale toutefois une représentation en allemand du « Vaudeville » Die Wiener in Berlin à Strasbourg le 26 mars 182834, soit un an avant sa représentation parisienne. L’ouvrage sera repris dans la capitale alsacienne le 26 avril 183135 et durant l’été 183236. L’édition du 13 mars 1839 de l’Allgemeine musikalische Zeitung mentionne également quelques représentations strasbourgeoises en allemand de l’opéra Der Vampyr entre mai et décembre 183837. La seule traduction française d’un opéra de Marschner citée par Alfred Loewenberg dans son ouvrage est celle de l’opéra Der Vampyr par Joseph Ramoux, publiée en 1843 à Paris par l’éditeur Aulagnier et représentée à Liège le 27 janvier 1845. Bref, la représentation d’un ouvrage comique du théâtre musical de Marschner à Paris en 1829 constitue une exception très intéressante, étant donnée l’absence de diffusion de ses opéras en France au XIXe siècle en dehors de l’Alsace.

La saison 1830 du Théâtre allemand

Après avoir annoncé dans un premier temps le retour de sa troupe allemande à Paris durant l’hiver 1829 pour vingt-quatre représentations au Théâtre Favart, soit le double des représentations données au printemps de la même année38, Josef August Röckel et sa troupe reviennent finalement au Théâtre-Italien du 6 avril au 29 juin 1830 pour un total de trente-trois représentations de dix opéras, dont sept représentations de Fidelio39. Dans son édition du 3 juillet 1830, la Berliner allgemeine musikalische Zeitung salue sur un ton condescendant le succès de l’entreprise : « Sie bezeugt uns die Empfänglichkeit der Franzosen für bessere Musik, als die ihrige40 ». Sur le plan comptable, il s’agit en effet de la plus importante des cinq saisons allemandes organisées à Paris dans la première moitié du XIXe siècle, aussi bien en fonction du nombre de représentations que du nombre d’opéras représentés. Castil-Blaze a dressé la liste de ces dix opéras dans l’ordre chronologique de leur première représentation : Der Freischütz de Weber le 6 avril 1830, Faust de Spohr le 20 avril, Das unterbrochene Opferfest (Le Sacrifice interrompu) de Winter le 27 avril, Bibiana (oder die Kapelle im Walde) de Johann Peter Pixis le 1er mai, Fidelio de Beethoven le 8 mai, Oberon de Weber le 25 mai, Die Schweizerfamilie (La Famille suisse) de Joseph Weigl

33 LOEWENBERG, Alfred, op. cit., p. 695, 713-714, 722, 742, 752, 776, 794-795, 845 et 963.

34 AmZ, 21 janvier 1829, vol. 31, n° 3, p. 46.

35 AmZ, 26 octobre 1831, vol. 33, n° 43, p. 711.

36 AmZ, 3 avril 1833, vol. 35, n° 14, p. 222.

37 AmZ, 13 mars 1839, vol. 41, n° 11, p. 210-211.

38 « Nouvelles de Paris », in : Rm, 1829, vol. 5, p. 568.

39 Archives Nationales : AJ/13/1160 : Théâtre allemand (au Théâtre Royal Italien), avril-juin 1830 : trente-trois représentations au total, dont sept représentations de Fidelio : samedi 8, jeudi 13 et samedi 15 avril 1830, samedi 22 mai 1830, mardi 1er, jeudi 17, jeudi 24 et mardi 29 juin 1830. - Cf. : Il Censore universale dei teatri, 19 août 1829, n° 66, p. 262 ; 28 avril 1830, n° 34, p. 136 : annonces de la saison. - « Opera tedesca a Parigi », in : Il Censore universale dei teatri, 22 mai 1830, n° 41, p. 164 : compte-rendu de la saison.

40 M., « Die deutsche Oper in Paris », in : BamZ, 3 juillet 1830, vol. 7 n° 27, p. 214 : « Elle nous confirme la réceptivité des Français pour une musique meilleure que la leur. »

Im Dokument Università degli Studi di Firenze (Seite 158-200)