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DES COLLECTIONS HARLEQUIN

Im Dokument Boys Don’t Cry! (Seite 94-114)

Objets littéraires déclassés, méprisés, les romans sentimentaux se fondent principalement sur une intrigue structurée autour de la relation entre un homme et une femme, dont l’enjeu est le jeu des passions, des sentiments et la quête, sans cesse retardée par des obstacles, de l’amour et du bonheur, réalisés par la fusion de deux entités en une 1. Analyser cette littérature permet donc tout d’abord de saisir, dans une société donnée, l’état de représentations collectives et historicisées, de conventions censées orienter les conduites amoureuses et sexuelles. Comme le note en effet B. Péquinot, « le roman sentimental nous offre d’une certaine manière une sorte de concentré de la vie sociale, et de ses représentations collectives des classes sociales, des professions, des rapports hommes-femmes, des adultes et des enfants, du travail et du non-travail, etc. 2 ».

Ces romans nous permettent plus précisément ensuite d’approcher les normes sociales véhiculées sur l’amour en direction de certaines femmes : les lectrices souvent stigmatisées de ces romans 3, qui appartiennent aux catégories sociales les moins cultivées – au sens de la culture légitime, celle reconnue comme constituante d’un capital 4 – pas ou peu diplômées, insérées dans des foyers

1.  S. Pétillon analyse cette scène générique, dans son article : « Les mauvais genres à l’épreuve de l’analyse textuelle des discours de la production écrite », Mauvais genres, Item n° 4, [http://www.revuerectoverso.com/spip.php?article154], p. 15-16.

2.  B. PÉQUINOT, La relation amoureuse. Analyser sociologique du roman sentimental moderne, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1991, p. 191.

3.  Pour une étude des mécanismes croisés de qualifi cation des textes et des publics, voir P. PARMENTIER, « À mauvais genres, mauvais lecteurs ? », in Les mauvais genres, Actes du colloque organisé au Centre culturel canadien de Paris, 23, 24 et 25 novembre, Liège, Éditions du CLPCF, 1989, p. 25-36.

4.  Tel que défi nit par P. Bourdieu : l’ensemble des ressources (économiques, culturelles, sociales, symboliques) accumulé par un individu et qui, si elles sont mobilisées dans certaines situations sociales, deviennent des atouts dans la construction de positions, ou au contraire, des handicaps si elles viennent à manquer.

d’ agriculteurs, d’ouvriers ou d’employés, de retraités 5. Mais ce matériau est d’autant plus intéressant à analyser que, reposant sur un « procédé de focalisation interne 6 », il véhicule des normes pratiques autant que psychiques. Littérature réfl exive, centrée dans son écriture sur l’intériorité des actants 7 – leurs ressentis, leurs émotions, leurs pensées –, les romans Harlequin ne décrivent pas seule-ment des comporteseule-ments associés aux rencontres amoureuses hétéronormées, mais font inlassablement le minutieux récit des sentiments éprouvés par les protagonistes de ces rencontres. C’est donc toute l’économie psychique des rituels de séduction qui y est explicitée de sorte que l’on peut considérer que

« ces lectures romanesques, silencieuses, intimes et secrètes […] constituent l’une des modalités de construction du “for intérieur féminin” 8 ».

Vu sous cet angle, l’étude du contenu de cette littérature est alors d’autant plus instructive que la mise en scène de cette économie psychique du « bon » rapport amoureux se fait au détriment des conditions sociales de sa réussite – en l’occurrence : l’asymétrie de pouvoir entre les deux partenaires 9. Certes, ces conditions ne sont pas totalement éludées, comme on le verra dans les lignes qui suivent. Mais à la différence du « ressenti », elles sont exposées sur le mode implicite du cela-va-de-soi. En d’autres termes, la rencontre amoureuse est ici présentée comme un processus avant tout psychique, dont la réussite repose sur le cheminement intérieur de deux individus dont les attributs sociaux ne sont exposés que pour mieux planter le décor de leur relation. Le récit, en effet, ne s’encombre pas de tels « détails » – ses protagonistes, en particulier de sexe masculin, sont d’ailleurs la plupart du temps orphelins. Tout se passe donc comme s’ils ne constituaient pas le cœur du problème. Bien plus : l’asymétrie des ressources entre l’homme et la femme y apparaît comme une condition naturelle du choc amoureux, un élément clé au principe même du désir. Ce qui fait problème – i. e. qui est problématisé –, est bien plutôt le for intérieur des

5.  O. DONNAT, Les pratiques culturelles de Français. Enquête 1997, Paris, La Documentation française, Département des études et de la prospective, ministère de la Culture et de la Communication, 1998.

6.  S. OLIVIER, « Les prémices d’une histoire d’amour ou comment écrire un roman sentimen-tal », Mauvais genres, Item n° 4, consulté en décembre 2009, [http://www.revuerectoverso.

com/spip.php?article145], p. 13.

7.  Cette écriture se caractérise par le point de vue adopté – principalement celui de l’héroïne, même si, depuis les années 1980, certaines collections donnent une place grandissante à celui du héros, l’importance donnée aux dialogues en comparaison avec celle de la descrip-tion des lieux ou aux acdescrip-tions, etc.

8.  I. CHARPENTIER, « Prévenir le péril en la demeure. Les lectures féminines “lascives” : de l’encadrement médical du for intérieur au contrôle social (XVIIe-XVIIIe siècles) », CURAPP, Le for intérieur, Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 308.

9.  Sur l’articulation entre littérature féminine populaire et légitimation de la domination masculine, voir J.-A. RADWAY, Reading the romance. Women, patriarchy and popular literature, Londres, Verso, 1984 ; et du même auteur « Lectures à “l’eau de rose”. Femmes, patriarcat et littérature populaire », Politix, vol. 13, n° 51, 2000, traduit par Brigitte Le Grignou, p. 163-177.

actants, ou pour le dire plus précisément le processus d’ajustement réciproque des deux partenaires aux attentes de l’autre. On y découvre ainsi comment, par un mécanisme invariant d’érotisation de la domination masculine 10, une femme accepte avec bonheur de se soumettre au désir d’un homme, les romans Harlequin s’attachant toujours « à enchanter le sexe » (« to keep sex pretty ») entre les deux protagonistes, en liant systématiquement acte physique et senti-ment amoureux dans la rencontre mise en scène. Mais si la femme livre son corps à l’homme, ce dernier abandonne en échange – et de manière inédite 11 – son cœur. Aussi, pour qui veut bien y prêter attention, découvre-t-on également à quelles conditions l’homme conquiert le cœur et le corps de sa partenaire.

La légitimation de la domination masculine ne passe effectivement pas que par son érotisation. Elle suppose simultanément que le protagoniste de sexe mascu-lin soit en mesure de tenir le rôle et le rang du Prince charmant. Les romans Harlequin n’apparaissent alors pas seulement comme des guides de conduites psychiques pour les femmes des classes populaires en même temps qu’un instru-ment de légitimation de leur double domination : c’est aussi un matériau qui livre les attentes de ces mêmes femmes envers les hommes – leur plastique, leurs émotions, leur virilité, etc. –, autant de normes véhiculées sur le « bon » amant qui pèsent sur le choix de leur(s) partenaire(s), et donc potentiellement sur le comportement de ces derniers. Par conséquent, elles peuvent se comprendre comme des contraintes pour les hommes. C’est dans cette perspective que s’ins-crit en tout cas cette contribution.

Au rebours des recherches existantes qui ont pour la grande majorité concen-tré leur attention sur les fi gures féminines, on s’intéressera ici principalement aux représentations idéalisées des masculinités développées dans les romans des collections Harlequin, en les considérant comme autant de prescriptions indirectes faites aux hommes. Notre regard sera donc doublement singulier ici. D’une part, en ce qu’il portera sur les investissements et les ressources, tant physiques (corpo-relles, gestuelles) que sociales (positions à atteindre dans la hiérarchie sociale), considérées comme nécessaires pour endosser un rôle masculin dans les rituels de

10.  Référence à l’ouvrage de D. KENNEDY, Sexy dressing. Violences sexuelles et érotisation de la domination, Paris, Flammarion, coll. « Champs essais », 2008. Souvent dénoncé par les critiques féministes comme légitimation du viol, ce travail d’érotisation peut aussi se comprendre comme un moyen de légitimer le désir féminin selon A. Houel. Car « la violence de l’homme est là reconnue, voire désirée, comme contenue par la tendresse : l’aspect paradoxal de ce fantasme […] refl ète avec toute l’ambivalence qui traverse l’héroïne face à son propre désir. […] Un désir féminin non admis, indicible peut-être : le fantasme de viol, dont le baiser pris de force est une des fi gures, autoriserait alors la femme de se poser comme extérieur, à n’avoir pas à assumer ce désir », in A. HOUEL, « Les chemins de la passion », Les mauvais genres, Actes du colloque organisé au Centre culturel canadien de Paris, 23, 24 et 25 novembre, Éditions du CLPCF, 1989, p. 138.

11.  Lorsque sont abordées les expériences sexuelles antérieures du héros, elles sont souvent réduites à une gymnastique sans âme, à un relâchement de tensions sexuelles, à un exutoire aux pulsions de la libido.

séduction préconisés dans ces histoires 12. D’autre part, nous n’appréhenderons pas ces romans comme un tout uniformisé et uniformisant, sous prétexte qu’ils sont soumis à une production industrielle en séries, à une standardisation des struc-tures narratives en lien avec une consommation de masse. Il s’agira au contraire de tenir compte des stratégies marketing mises en œuvre par l’éditeur, qui consis-tent en des ajustements du modèle narratif générique et donnent lieu à des offres éditoriales différenciées 13. Enfi n, notre analyse se distingue des précédentes en ce qu’elle récuse une vision unilatérale de la domination masculine où les fi gures respectivement dominatrice et victimaire du masculin et du féminin semblent exclusives l’une de l’autre. C’est, du reste, l’un des nombreux intérêts qu’offre l’étude de ces romans Harlequin que de montrer que la domination masculine, qui se joue et se rejoue dans la rencontre amoureuse, qui en est l’un des principaux enjeux, est le produit d’une relation sociale complexe où le dominé est loin d’être passif et n’en supporte pas seul les coûts.

Pour avancer dans notre réfl exion, nous avons réalisé une étude de contenu comparative – quantitative et qualitative – d’un corpus de romans appartenant aux différentes collections mises sur le marché. Nous avons analysé les séries Azur, Horizon, Blanche, Passions, Audace, Prélud’s, sur la base de 12 volumes par collection (12 histoires d’amour inédites par collection), volumes choisis de façon aléatoire, et publiés entre 2006 et 2009 14. Dans la première partie de cet article, nous nous attacherons à défi nir les profi ls-types de héros (physiques et sociaux) selon les collections. Puis, nous nous intéresserons aux comportements masculins attendus dans la rencontre amoureuse. Nous verrons enfi n en quoi les

12.  Dans la même perspective, voir l’article de P. SCHMOLL, « La rencontre amoureuse : entre permanences et mutations », A. TOUATI (dir.), Femmes/Hommes. L’invention des possibles, Sciences de l’Homme et Sociétés, 2005, p. 137-147. L’auteur reprend la notion foucaldienne de dispositif pour étudier les transformations de la relation amoureuse et, notamment, les rôles joués par les productions imaginaires dans la construction de nos dispositions et, les contraintes qu’elles font peser sur les hommes : « Pour être un “homme”, de nos jours, il faut assumer des contraintes énormes, travailler pour gagner de l’argent, se battre pour un statut social, assumer ses responsabilités familiales » (p. 143).

13.  Les romans Harlequin se déclinent aujourd’hui entre, d’un côté, des livres de poche (les collections mensuelles, les hors-séries) et, de l’autre côté, l’édition de romans fi ctions de grands formats édités tous les deux mois. Il existe également des sagas, imprimées soit en livres de poche, soit en livres grands formats (dont la plupart deviennent ensuite des livres de poche). Les volumes des collections mensuelles mobilisent une grande quantité d’auteurs, souvent d’anciens lecteurs, et leur travail d’écriture s’élabore à partir de formats d’écriture différenciés (writing guidelines), qui encadrent le travail des auteurs, en défi nis-sant des règles précises (spécifi cités des situations sociales, caractéristiques des person-nages, place octroyée à la sexualité dans l’histoire, longueur des manuscrits, rapport au lecteur recherché…).

14.  Dans un souci de vraisemblance avec les réalités des relations entre hommes et femmes, nous avons volontairement écarté de notre corpus les séries thématiques (princes du désert, par exemple), les collections Historiques et Black rose : pour la première, parce qu’elle s’inscrivait dans une période historique éloignée ; pour la seconde, parce que l’intri-gue mêle histoire d’amour et récit fantastique (extra-terrestre, magiciens…).

romans Harlequin, tout en interrogeant les formes de socialisation aux identités masculines (et féminines), imposent, en la naturalisant, une défi nition masculine unique de la séduction, marquée socialement et politiquement.

LAPANOPLIEDUSÉDUCTEUR

Séduire est une activité symbolique qui se déroule dans un échange interper-sonnel entre deux personnes, socialisées à un ensemble de règles de comporte-ments, de croyances, d’interprétations de signes propres à la société dans laquelle ils évoluent. En effet,

« étant un mode spécifi que de communication, la séduction a besoin de passer par un rituel, qui construit à la fois l’acte de parole et l’attitude gestuelle prise dans le sens d’un positionnement particulier du corps. Ces codes doivent être partagés par les deux individus pour pouvoir être perçus, lus et déchif-frés. Ainsi, un rire ou un regard partagé établissent une communication en apparence ludique et spontanée. Mais le fondement de celle-ci relève davan-tage de la création d’un personnage fi ctif. Tout dans ce jeu est en réalité construit, le vêtement, l’intonation de la voix, la posture choisie révèlent la mise en scène d’une stratégie pour plaire 15 ».

C’est donc une cartographie des compétences, des ressources, des qualités attachées aux fi gures du mâle séduisant et séducteur dans les romans Harlequin que nous esquisserons dans cette première partie. Elle se compose de caracté-ristiques physiques (âge, couleurs des yeux et des cheveux), et sociales (situa-tion matrimoniale ; parentalité – parents, fratrie, enfant – ; na(situa-tionalité ; catégorie socioprofessionnelle) des héros. Ces caractéristiques dessinent les contours d’un habitus de la séduction au masculin, au sens où elles traduisent des dispositions d’esprit, des manières d’être, d’agir mises en action au travers de postures, de mouvements, de rapports au langage, à autrui… Cet idéal construit la « mascu-linité comme noblesse 16 », dans la mesure où les héros sentimentaux, êtres de fantasme, sont par défi nition des êtres d’exception.

Une plastique exigeante

et des assignations sociales à la hauteur du fantasme

Tout d’abord, nous remarquons des constantes dans les caractéristiques physiques des héros : musclés, grands (plus grands que l’héroïne), des traits acérés, anguleux, signes de pouvoir, de maîtrise et de confi ance en soi. Les variations se font davantage sur les couleurs des attributs physiques et les caractéristiques sociales. Être Prince Charmant nécessite non seulement d’accéder à des positions

15.  G. BOËTSCH, D. GUILHEM, « Rituels de séduction », Hermès, 43, 2005, p. 181.

16.  Concept emprunté à P. BOURDIEU, dans La domination masculine, Paris, Le Seuil, 1998, p. 63.

sociales plus élevées que celles de leur amoureuse, mais inscrites dans les classes sociales supérieures : chefs d’entreprise de 10 salariés et plus, cadres ou membres de professions intellectuelles supérieures, quelquefois commerçants ou assimilés, rarement employés. À l’occasion, il peut même être un grand dirigeant écono-mique ou politique (sénateur, scheik, prince). Par ailleurs, l’on ne devient pas le protagoniste principal d’une histoire d’amour à n’importe quel âge. Pour les hommes, l’amour ne se rencontre pas après 40 ans, et pas avant 26 et 35 ans.

On le voit, il existe des diktats concernant la beauté des héros des romans senti-mentaux Harlequin, fondés en partie sur l’impératif de jeunesse, avec des seuils

« plus élevés » que leurs partenaires féminines. De plus, les héros ne peuvent être que très rarement roux, mais potentiellement châtains ou blonds. Ils n’ont que peu souvent les yeux ambres (réservés la plupart du temps aux princes d’orient).

L’image de la virilité s’accorde davantage avec les cheveux bruns, les yeux noirs (de braise), ou gris/bleus (regard glacial et indéchiffrable). Que ceux qui ne corres-pondent pas à ces attentes (synthétisées dans le tableau 1) n’entretiennent pas d’illusion sur leurs ressources et leurs opportunités amoureuses.

Collections Âges

Chef d’entreprise de 10 salariés et +/Cadre et professions intellectuelles supérieures

Chef d’entreprise de 10 salariés et +/Cadre et professions intellectuelles supérieures

à égalité avec employé

PRELUD’ 31-35 ans Brun

aux yeux noirs

Cadre et professions intellectuelles supérieures/

Employé/Chef d’entreprise de 10 salariés et +

PASSION 26-30 ans Brun

aux yeux noirs

Chef d’entreprise de 10 salariés et +/Cadre et professions intellectuelles supérieures/

Agriculteur (propriétaire d’un ranch)

BLANCHE 31-40 ans Brun

aux yeux gris Cadre et professions intellectuelles supérieures Tableau 1 – Les 6 collections du point de vue du protagoniste masculin 17.

Enfi n, l’ethos du Prince charmant correspond en tout point à l’idéal de la masculinité hégémonique 18. Leurs gestes sont vifs, leurs déplacements furtifs, leurs paroles parfois coupantes, leurs pensées souvent impénétrables. Ces êtres mystérieux sont décidés, rencontrent peu d’hésitations, balbutient rarement.

17.  Lorsque plusieurs réponses sont données, elles apparaissent par ordre décroissant des pourcentages.

18.  Cf. R.-W. CONNELL, J.-W. MESSERSCHMIDT, « Hegemonic masculinity. Rethinking the concept », Gender and Society, vol. 19, n° 6, décembre 2005, p. 829-859. Voir aussi l’article de Mankowski dans ce livre.

Leur voix, forcément sensuelle, peut être forte, grave, ferme, rassurante, sarcas-tique, glaciale ou suave selon les situations.

« Peut-être se montrait-il parfois brutal, d’une certaine manière, par son côté direct. Mais il était surtout honnête » (Azur, n° 2907, juillet 2009).

« Car Adam Cazell était un prédateur. Un prédateur fort séduisant, certes, dont le caractère menaçant était tempéré par un physique avantageux. […] Mais sa carrure anguleuse, la barbe qui ombrait son visage et la beauté anguleuse de ses traits envoyaient un message de virilité presque agressive. […] Tout en lui indiquait le chasseur, prêt à bondir » (Azur, n° 2894, juin 2009).

« Sa voix était exactement telle qu’elle se la rappelait : profonde, légèrement rauque, et sexy » (Passions, n° 156, août 2009).

« Le regard sombre de son interlocuteur demeura indéchiffrable » (Prélud’, n° 145, mai 2009).

« Jackson la considérait d’un air narquois, presque condescendant » (Blanche, n° 947, août 2009).

« Il mena la danse avec des gestes assurés » (Audace, n° 160, août 2009).

Cette assurance a pour contrepartie la pauvreté de leur vie affective. S’il est un expert de la séduction et occupe une position sociale enviable, l’amant Harlequin en paie en effet le prix fort dans ses relations sociales, en particulier avec les femmes. Coupé de ses émotions (autres que la colère), il est aussi très souvent isolé : il est souvent orphelin, sans fratrie et sans enfants 19. Surtout, il ne connaît guère l’amour dont il a d’ailleurs une vision totalement désen-chantée. Rares sont en effet les histoires dans lesquelles les relations entre les sexes seraient en quelque sorte inversées, où le héros serait en attente d’un engagement amoureux exclusif et permanent alors que l’héroïne fuirait toute connexion affective forte, en dehors du cadre familial. Et plus la liste de ses conquêtes amoureuses est longue, plus son cynisme envers les femmes est profond. Il les voit généralement comme des êtres cupides, les envisage au mieux comme des objets de désir avec lesquels assouvir ses pulsions sexuelles, au point qu’il n’est pas rare qu’au début de l’intrigue soit établi entre les héros un contrat marchand par lequel l’héroïne reçoit de l’argent en échange de ses prestations sexuelles 20.

19.  À l’exception de la collection Audace dans laquelle le héros est non-orphelin, la collection Passions dans laquelle il a des frères et sœurs, et la collection Prélud’ où il est à 50 % avec enfant ou avec une compagne enceinte.

20.  Il est intéressant de noter que, si les auteurs des romans sentimentaux développent une conception hétérosexuelle et monogame de la relation amoureuse, ils n’éludent pas totale-ment la question du lien entre sexualité des femmes et leur dépendance socio-économique vis-à-vis des hommes. Voir sur ce sujet P. TABET, La grande arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, 2004. Toutefois, la dimension sociopolitique de ce type d’échanges est là aussi occultée par la focalisation du récit sur les seuls facteurs psychologiques qui conduisent l’homme à utiliser sa puissance économique pour « se payer » une femme. Les raisons invoquées sont en effet le plus souvent liées à son histoire personnelle : il peut être motivé par la vengeance envers l’héroïne elle-même (elle l’a

20.  Il est intéressant de noter que, si les auteurs des romans sentimentaux développent une conception hétérosexuelle et monogame de la relation amoureuse, ils n’éludent pas totale-ment la question du lien entre sexualité des femmes et leur dépendance socio-économique vis-à-vis des hommes. Voir sur ce sujet P. TABET, La grande arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris, L’Harmattan, 2004. Toutefois, la dimension sociopolitique de ce type d’échanges est là aussi occultée par la focalisation du récit sur les seuls facteurs psychologiques qui conduisent l’homme à utiliser sa puissance économique pour « se payer » une femme. Les raisons invoquées sont en effet le plus souvent liées à son histoire personnelle : il peut être motivé par la vengeance envers l’héroïne elle-même (elle l’a

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