• Keine Ergebnisse gefunden

Contextualisation d’un phénomène récent

Im Dokument Vers un renouveau de la démocratie ? (Seite 11-16)

2. La crise du politique

2.1. Contextualisation d’un phénomène récent

« Le développement de l'émancipation politique au Proche-Orient commence à se propager dans les sociétés occidentales. La démocratie s'est effacée au fil des années ; ses mécanismes n'atteignent plus les individus. […] Une nouvelle ère palpitante s'annonce. La seule interrogation est de savoir si la politique y jouera un rôle avec ses modes de pensée traditionnels. La démocratie doit être mise à jour de toute urgence »32.

Le propos de l’expert en politique étrangère, von der Decken, lors de la journée mondiale de manifestations contre le pouvoir des banques le 15 octobre 2011, met en exergue le 'malaise' démocratique des sociétés occidentales. Autour du globe des centaines de milliers des citoyens ont protesté contre l’emprise du secteur financier sur la politique ainsi que contre la déchéance sociale. « L’exclusion du pouvoir politique – ou son impotence de fait – en matière économique est une donnée nouvelle en Europe, difficile à accepter par les élus et source de frustration pour les citoyens »33.

La critique du fonctionnement de la démocratie représentative qui rebondit au sein de l’UE de manière véhémente face à la crise de l’euro est complexe et s’enracine dans des tendances de longue durée. Ainsi, on constate une défiance croissante des citoyens à l’encontre des autorités institutionnelles depuis les années 1970. De même, les enquêtes du Ministère français de l’Education nationale révèlent une évolution de « l’ignorance des valeurs civiques chez les jeunes »34 ainsi qu’un taux d’abstention croissant. Ce dernier a atteint un niveau historique de 39,7 % lors du second tour de l’élection législative de 200735 ce qui, selon le spécialiste de sociologie électorale Perrineau, indiquerait un 'désenchantement démocratique' en France.

Pareillement, la participation électorale s’est affaiblie en Allemagne : 82,2 % de la population a voté lors des élections du Bundestag en 1998, par contre seulement 70,8 % des Allemands se sont déplacés aux urnes en 200936. Le phénomène d’un désengagement des citoyens se traduit à l’échelle européenne où le taux de 








31 Sondage mené par la Commission européenne depuis 1973 afin d’évaluer l’opinion publique dans les États membres de l’Union. Cf. http://ec.europa.eu/public_opinion/index_fr.htm (Page consultée le 11 août 2011).

32 Alexander VON DER DECKEN, « Die Welt protestiert » , Wiener Zeitung, 12.10.11, [En ligne].

http://www.wienerzeitung.at/meinungen/gastkommentare/403649_Die-Welt-protestiert.html (Page consultée le 13 octobre 2011).

33 Yves MÉNY, Problèmes et défis de la démocratie dans un monde global, Allocation à l’Université d’Athènes, 2007, p. 4 [En ligne]. http://www.eui.eu/Personal/Meny/Problemes%20et%20defis%20de%20la%20democratie.PDF (Page consultée le 30 septembre 2011).

34 Jacqueline COSTA-LASCOUX / Lucien JAUNE, « La démocratie et le déclin de la confiance, une rupture dans la culture politique » , in Pascal PERRINEAU (sous la dir. de), Le désenchantement démocratique, op. cit., p. 78.

35 Cf. Stéphane JUGNOT, La participation électorale en 2007 - La mémoire de 2002, Institut national de la statistique et des

études économiques (INSEE), Paris, Décembre 2007, [En ligne].

http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1169#inter5 (Page consultée le 5 octobre 2011).

36 Cf. « Wahlbeteiligung-Bundestagswahlen » , Wikipedia,

http://de.wikipedia.org/wiki/Wahlbeteiligung#Bundestagswahlen (Page consultée le 5 octobre 2011).

participation aux élections du Parlement européen est en déclin depuis l’introduction du suffrage universel direct en 1979. En même temps, le recrutement des sympathisants est devenu un enjeu majeur pour les partis politiques traditionnels. Même s’il faut relativiser le taux d’adhérents aux partis en France qui est considéré le plus faible en Europe occidentale37, on peut constater un recul des partisans. De même, les deux partis principaux en Allemagne, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD), enregistrent un déclin du nombre des militants depuis les années 199038. Cela est contrasté par l’essor qu’ont connu des mouvements populistes, par exemple en Finlande et aux Pays-Bas, ces dernières années ce qui peut avoir des conséquences graves comme l’ont démontré l’assassinat du réalisateur néerlandais Theo van Gogh en 2004 ainsi que les attentats d’Oslo de juillet 2011.

Dans ce contexte, la confiance que les citoyens témoignent à l’égard des institutions politiques au niveau national ainsi qu’à l’échelle de l’UE, notamment vis-à-vis des gouvernements et des parlements, s’avère être un facteur révélateur de l’état de la démocratie européenne39. En constituant un phénomène complexe, la confiance ainsi que la perception de la performance des institutions varient selon des États membres de l’Union. Néanmoins, l’Eurobaromètre 75 du printemps 2011 ainsi que l’Eurobaromètre 76 de l’automne 2011 permettent d’esquisser quelques tendances. L’analyse de l’opinion publique démontre que la plupart des Européens (43 %) continue à s’intéresser 'moyennement' à la politique40. Pourtant, le taux de confiance qu’ils accordent aux institutions démocratiques reste faible et semble confirmer un détachement des citoyens. Ainsi, la confiance est 'nettement minoritaire' : 24 % des Européens ont une image positive de leur gouvernement et 27 % se fient à leur parlement national41. Compte tenu que la situation économique s’est améliorée en Autriche, en Finlande ainsi qu’au Danemark, la majorité de leurs populations jugent les institutions étatiques de manière positive42. A contrario, c’est la défiance qui s’impose dans la plupart des États membres ainsi qu’à l’échelle européenne. En novembre 2011, seulement 34 % des citoyens européens sondés déclarent d’avoir confiance dans l’UE43. Depuis l’automne 2010 le nombre des pays dont la population se montre majoritairement distante a augmenté de six à dix. Le taux de défiance est le plus élevé parmi des États fondateurs tels que l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ainsi que parmi les pays dont la situation économique s’est détériorée, notamment la Grèce, l’Espagne et le Portugal44. Au sein des pays membres ce sont les étudiants, les cadres ainsi que les classes aisées « n’ayant pratiquement jamais de difficultés à payer leurs factures » et qui considèrent la « mondialisation comme opportunité économique »45 qui accordent la confiance à l’UE. Par conséquent, l’analyse de l’opinion publique au sein de l’Union suggère que la perception de la situation économique sur le plan individuel, national et européen est en lien direct avec le bilan de la performance des institutions démocratiques.










37 Cf. Pascal PERRINEAU, « Les renouveaux de l'action politique » , Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°60, octobre-décembre 1998, p. 113, [En ligne]. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1998_num_60_1_2762 (Page consultée le 12 octobre 2011).

38 Cf. STATISTA, Mitgliederentwicklung der CDU von 1978 bis 2011, Mai 2011, [En ligne].

http://de.statista.com/statistik/daten/studie/1215/umfrage/mitgliederentwicklung-der-cdu-seit-1978/ et STATISTA, Mitgliederentwicklung der SPD von 1978 bis 2011, Mai 2011, [En ligne].

http://de.statista.com/statistik/daten/studie/1214/umfrage/mitgliederentwicklung-der-spd-seit-1978/ (Pages consultées le 5 octobre 2011).

39 Cf. Stephen COLEMAN, « L’avenir de l’Internet et de la démocratie : pour une politique qui transcende les métaphores » , in Promesses et limites de la démocratie électronique: les défis de la participation citoyenne en ligne, Paris, OCDE, 2003, p. 168.

40 EUROBAROMÈTRE STANDARD 75, L’opinion publique dans l’Union européenne, printemps 2011, Rapport, août

2011, p. 28, [En ligne]. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb75/eb75_fr.pdf (Page consultée le 12 octobre 2011).

41 Cf. EUROBAROMÈTRE STANDARD 76, Public opinion in the European Union, Autumn 2011, First results, December 2011, p. 19, [En ligne]. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb76/eb76_first_en.pdf (Page consultée le 14 mars 2012).

42 Cf. EUROBAROMÈTRE STANDARD 75, L’opinion publique dans l’Union européenne, op. cit., p. 29.

43 EUROBAROMÈTRE STANDARD 76, Public opinion in the European Union, op. cit., p. 19.

44 En outre la défiance prévaut en Slovénie (49%), en Lettonie (48%), en République tchèque (48%) et l’Autriche (50%). Cf. EUROBAROMÈTRE STANDARD 75, L’opinion publique dans l’Union européenne, op. cit., p. 46.

45 Ibid., p. 47.

« Plus le revenu est faible, plus on a le sentiment que sa situation économique s’est détériorée, plus le bilan du fonctionnement de la démocratie […] semble négatif »46.

Ainsi, les indices d’une 'crise du politique' en Europe sont multiples et se retrouvent à différents niveaux.

Qu’en est-il alors des origines d’un tel mécontentement ? Superficiellement, les critiques sont dirigées à l’encontre d’une performance peu convaincante des gouvernements nationaux contemporains et de la gouvernance européenne. Quant à une analyse plus profonde, il s’agit d’examiner l’évolution de la démocratie représentative dans laquelle la volonté du peuple s’exprime par l’intermédiaire des représentants élus. Le fonctionnement du système politique qui est aujourd’hui le plus répandu en Europe, a été contesté à plusieurs reprises dès le XIXe siècle47. Du fait que « les définitions de la démocratie sont multiples [et] sa signification variable dans le temps et l’espace »48, le concept est notamment caractérisé par sa dynamique. La démocratie se base sur deux principes fondamentaux : la participation citoyenne de laquelle dépend sa légitimité et l’État de droit en tant que garant des droits fondamentaux49. Ce dernier qui a essentiellement été instauré par le processus de constitutionnalisation est jugé être bien établi dans les sociétés européennes contemporaines. La participation citoyenne par contre, est souvent perçue comme insuffisante et donne lieu à des revendications de 'démocratiser' et d’'approfondir' la démocratie de manière récurrente. Ainsi, il s’agit de s’interroger sur la capacité des institutions et des intermédiaires démocratiques évolués au long du XXe siècle à répondre aux défis de la mondialisation. De même, il faut examiner le lien entre le 'désenchantement démocratique' et un changement des valeurs qui semble découler de la modernisation. Pourtant, les critiques formulées à l’égard du fonctionnement de la démocratie représentative doivent être interprétées comme appel de renouveau de ses mécanismes plus que comme une remise en cause du système politique en tant que tel. « Citizens in advanced industrial societies remain staunchly committed to democratic principles although they have gradually become more distrustful of politicians, detached from parties, and doubtful about public sector institutions »50. Par conséquent, il s’agit de remonter aux années 1960 et d’esquisser les critiques qui ont forgé la conception d’une 'démocratie désenchantée' afin d’évaluer la nouveauté des revendications formulées à l’heure actuelle.

Dans les années 1960 et 1970, ce sont les révoltes estudiantines et les nouveaux mouvements sociaux qui fustigent « les limites de la participation électorale » jugée « ponctuelle et réductrice »51.« La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une case, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans »52. En République Fédérale d’Allemagne la mise en place de la grande coalition sous le chancelier Kiesinger en 1966 lors de laquelle il n’existait plus d'opposition efficace au Bundestag, semble démontrer les défaillances du système parlementaire et aboutit à la formation de l’opposition extraparlementaire (APO). En France, le mouvement ouvrier se solidarise avec les étudiants afin de protester contre les structures de la société traditionnelle. L’action collective 'non conventionnelle' par le biais des réunions informelles ('sit in') dans les rues ou à l’intérieur des administrations, donne naissance à une « politique protestataire »53 qui revendique la réalisation d’une

« participation 'réelle' »54.D’une part, ce nouveau type de militantisme promeut l’émergence d’une société civile forte qui a recours aux possibilités de participation élargie, notamment par le biais de mouvements citoyens, et dispose des réseaux transnationaux, dont le mouvement écologique est un exemple paradigmatique. D’autre part, la 'désobéissance civile' dirigée contre l’autorité étatique s’exprime souvent 








46 Gérard GRUNBERG / Nonna MAYER, « Démocratie représentative, démocratie participative » , in Pascal PERRINEAU (sous la dir. de), Le désenchantement démocratique, op. cit., p. 225.

47 Cf. Jean-Pierre GAUDIN, La démocratie participative, Paris, Armand Colin, 2007, p. 12.

48 Yves MÉNY, Problèmes et défis de la démocratie dans un monde global, op. cit., p. 1.

49Ibid., p. 5.

50 DALTON in Pippa NORRIS, « Chapter 1: Democratic hopes and fears » , in Pippa NORRIS, Democratic deficit:

Critical citizens revisited, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 1, [En ligne].

http://www.hks.harvard.edu/fs/pnorris/Acrobat/CriticalCitizensRevisited/Chapter%201.pdf (Page consultée le 2 octobre 2011).

51 Yves MÉNY / Yves SUREL, Politique comparé. Les démocraties : Allemagne, États-Unis, France, Grande Bretagne, Italie, op.

cit., p. 21.

52 Pierre MENDÈS FRANCE in Loïc BLONDIAUX, Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, op. cit., p. 15.

53 Pascal PERRINEAU, Le désenchantement démocratique, op. cit., p. 7.

54 Yves MÉNY / Yves SUREL, Politique comparée. Les démocraties : Allemagne, États-Unis, France, Grande Bretagne, Italie, op. cit., p. 21.

par la violence. Ainsi, la radicalisation au sein de l’APO aboutit au terrorisme de la 'Rote Armee Fraktion' (RAF) qui bouleverse l’Allemagne de l’Ouest pendant les années 1970.

Lors du premier choc pétrolier une crise économique s’ajoute à la crise du politique : l’État-providence ayant constamment élargi son pouvoir d’intervention à la sphère privée des citoyens ne semble cependant pas en mesure d’atténuer l’impact de la récession économique internationale55. L’expression de la

« surcharge gouvernementale »56 forgée par Rose met en exergue la complexité bureaucratique croissante des administrations modernes. Leur système de prise de décision est perçu comme incohérent, avec le risque d’aboutir à une indifférence des citoyens et d’entraver par conséquent la légitimation des politiques publiques.

Suite à la 'période de provocation', les années 1980 sont caractérisées par le retour à la vie privée. En se transformant en parti politique des 'Verts', le mouvement écologiste s’intègre au système représentatif et perd partiellement de dynamique protestataire. La critique de l’interventionnisme étatique est prise en compte par des régimes néolibéraux tels que le 'Thatcherism' au Royaume-Uni, qui mettent l’accent sur la dérégulation57 afin de promouvoir le progrès économique des sociétés occidentales.

Compte tenu de ces fluctuations de l’opinion publique, Hirschman avance que les démocraties « vivent des cycles où à de forts investissements dans l’action publique, motivés par le sentiment que les choses vont changer, succède un cycle de déception et de repli »58. Ainsi, après des années 1960-70 on constate une décennie de réajustement de la démocratie avant que son fonctionnement soit de nouveau remis en cause à partir du milieu des années 1990. Les sociétés occidentales se voient face à « a flight from politics, or what the Germans call Politikverdrossenheit: a weariness about its debates, disbelief about its claims, scepticism about its results, and cynicism about its practitioners »59. De la perte de confiance aux modes de participation formelles découle un engagement politique en dehors des voies traditionnelles. En 1990, 56

% des Européens déclarent participer à des activités politiques non conventionnelles telles que des manifestations, des pétitions ou des boycottages, dont la popularité augmentait constamment dès les années 197060. « On revient à l’action publique, avant tout pour en découdre sur un mode protestataire et sans forcément utiliser la médiation du vote »61. Par conséquent, le phénomène d’un 'désenchantement démocratique' en tant que tel ne constitue pas une nouveauté. Pourtant, selon Perrineau la persistance de la crise pendant une quinzaine d’années est sans précédent62. Ainsi, il s’agit de s’interroger sur les facteurs du désengagement continu des citoyens européens. La mondialisation a non seulement révolutionné la communication et le commerce internationaux, mais a également des répercussions politiques et socioculturelles. Face aux nouveaux défis sociétaux, les programmes des partis politiques traditionnels convergent. Les carences de la médiation politique impliquent à la fois la recherche des nouvelles pratiques démocratiques et une réorganisation des mouvements sociaux63.










55 Cf. CROZIER, HUNTINGTON et WATANUKI in Pippa NORRIS, « Introduction: The Growth of Critical Citizens? » , in Pippa NORRIS, Critical citizens. Global support for democratic governance, Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 2, [En ligne]. http://www.hks.harvard.edu/fs/pnorris/Acrobat/Critical_ch1.pdf (Page consultée le 6 octobre 2011).

56 Yves MÉNY / Yves SUREL, Politique comparée. Les démocraties : Allemagne, États-Unis, France, Grande Bretagne, Italie, op. cit., p. 25.

57 Cf. Yves MÉNY / Yves SUREL, Politique comparé. Les démocraties : Allemagne, États-Unis, France, Grande Bretagne, Italie, op. cit., p. 25.

58 Pascal PERRINEAU, Crise et renouveau du politique : Quelle contribution des associations ?, Intervention lors du colloque organisé par le CEVIPOF et la Fonda, 17 et 18 janvier 2007, [En ligne]. http://www.fonda.asso.fr/Crise-et-renouveau-du-politique,455.html (Page consultée le 11 octobre 2011).

59 Pippa NORRIS, « Introduction: The Growth of Critical Citizens? » , op. cit., p. 4.

60 Pascal PERRINEAU, « Les renouveaux de l'action politique », op. cit., p. 116.

61 Pascal PERRINEAU, Crise et renouveau du politique : Quelle contribution des associations ?, op. cit.

62 Cf. Pascal PERRINEAU, L'état politique de la France et la crise de la représentation politique, Intervention dans un séminaire de formation continue portant sur les 'Élections cantonales et régionales de 2004', Sciences Po Paris, 4.02.2004, p. 2, [En ligne]. http://www.cevipof.com/DossCev/elec2004/pdf/0_perrineau01.pdf (Page consultée le 10 octobre 2011).

63 Cf. Guy GROUX, « Crise de la médiation et mouvements sociaux : vers une démocratie de l’entre-deux ? » , in Pascal PERRINEAU (sous la dir. de), Le désenchantement démocratique, op. cit., p. 239.

La théorie du post-matérialisme développée par Ingelhart dans les années 197064 a attiré l’attention sur le changement des valeurs au sein des sociétés modernes « from maximising economic gains to maximising subjective well-being »65. « On est dans une phase d’individualisation du politique, qui ne fait que répondre au processus libéral. Les gens changent souvent d’avis »66. Les citoyens qui bénéficient d’un niveau d’éducation élevé, s’avèrent moins loyaux à l’égard des institutions politiques traditionnelles et choisissent des intermédiaires divers67. « Au triptyque de la 'démocratie de partis' […] s’est substitué le [quadrique] de la 'démocratie du public' mettant en avant groupes de pression, experts en communication, stratégies d’image et agora médiatique et sondagière »68. En définissant le système politique comme « une 'boîte noire' recevant des inputs (demandes et soutiens) et produisant des outputs (actions et décisions) »69, Easton prend en compte la participation citoyenne d’une part et la performance des professionnels du politique d’autre part. Dans ce contexte, l’effort de ces premiers d’influencer l’agenda politique, la prise de décision ainsi que la mise en œuvre des politiques publiques en dehors des moments électoraux a jusqu’à présent entraîné deux transformations principales. En termes de légitimation par les outputs, la divulgation des défaillances des représentants politiques telles que des affaires de financement illicite des partis leur rappellent leur 'accountability' vis-à-vis des électeurs. En même temps, la valorisation de l’expertise de la société civile, notamment par le biais de consultations publiques, fournit une légitimation par les inputs70.

« Never before in history have there been so many opportunities to access, comment upon and challenge governing authorities. But never before […], has the public felt so frustrated and disappointed about its lack of ability to make any difference to the policies and decisions of government »71. Ce 'désenchantement démocratique' s’inscrit dans un contexte de complexification de l’environnement dans lequel les institutions politiques, les médias et leur public interagissent72. Lors de la modernisation sociétale et de la mondialisation qui doit être appréhendée comme phénomène multidimensionnel ainsi qu’en vue de l’intégration européenne, les États-nationaux se voient de plus en plus interconnectés. Cette transformation sur le plan des relations internationales a été caractérisée par Nye et Keohane en tant qu’« interdépendance complexe »73. Ainsi, les sociétés européennes contemporaines ne sont pas seulement liées par des intérêts commerciaux, mais par des enjeux nombreux qui ne sont pas hiérarchisés d’une manière claire. De même, les pays coopèrent dans des domaines d’action divers, dont les échanges scientifiques ou les flux migratoires constituent des exemples. Dans la mesure où l’interdépendance des États s’accroît, leur pouvoir militaire perd de l’importance en tant qu’outil politique sans pour autant devenir obsolète74. En même temps, la multiplication des questions touchant à l’ensemble de l’UE ainsi que des niveaux sur lesquels se déroulent les interactions stratégiques et les prises de décisions rend difficile pour le citoyen lambda de suivre les négociations et de saisir leurs résultats75.










64 Cf. Ronald INGELHART, The silent revolution, Princeton, Princeton University Press, 1977.

65 Stephen COLEMAN / Jay G. BLUMLER, The Internet and Democratic Citizenship. Theory, Practice and Policy, op. cit., p.

79.

66 Henry REY, « Les représentations de la démocratie chez les militants du parti socialiste » , in Pascal PERRINEAU (sous la dir. de), Le désenchantement démocratique, op. cit., p. 206.

67 Cf. Pippa NORRIS, Democratic phoenix : Reinventing political activism, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p.

222.

68 Pascal PERRINEAU, « Les renouveaux de l'action politique » , op. cit., p. 116.

69 Cf. Anne-Marie GINGRAS, La communication politique: état des savoirs, enjeux et perspectives, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2003, p. 23.

70 Cf. Yves MÉNY / Yves SUREL, Politique comparée. Les démocraties : Allemagne, États-Unis, France, Grande Bretagne,

70 Cf. Yves MÉNY / Yves SUREL, Politique comparée. Les démocraties : Allemagne, États-Unis, France, Grande Bretagne,

Im Dokument Vers un renouveau de la démocratie ? (Seite 11-16)