Couvre le vieux château.
Frères, pour le défendre, Debout nous sommes tous Qu'ils viennent le reprendre...
Neuchâtcl est à nous
lia
musique s'empare de ses chants. Ses vers et son nomvolent sur bien des lèvres.
Il
n'a pas d'orgueil.Bientôt, il
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retourne à ses
vieilles
amours,il
u'est plus, commeil
lenote clans une ode dédiée à Félieie Stockmar, poète elle aussi,
Que le poète obscur, dont la muse légère Chante un bleu liseron...
Si l'on songeait à glaner clans les .JZpej-oses, 011
y
décou-vrirait
plus d'une pièce qui appelle la citation, outre celles auxquellesj'ai
déjàfait
allusion, ainsi Fwcc cfawafm,
6'ij'étais
petit oiseau,Le
C7im< momri?ît et les iambes duJSéueïï, avec quelques
jolies
traductions de l'allemand, où le naturel du tour sauve les inexpériences du versificateur.Près de quinze ans se passent. Köhler sème quelques binettes de droite et de gauche.
Le
poèteserait-il
mort enlui Il
a sommeillé.La
tragédie de 1870 le réveillera.Il
est bien de sa race,
il
est unfervent
de sa langue. Or la Francegît
là, mutilée et vaincue. Se clemandera-t-il si elle n'estpoint
punie de ses travers et de ses fautesPésora-t-il
scrupuleusement dans la balance les raisons et les tortsdes deux combattants Se souviendra-t-il qu'on
criait
: à Berlin avant qu'on eût crié : à Paris Non.Et
les/Itsu-tie/i?ies paraissent.
En voyant iiuo c'étaient des vaincus, j'ai pleuré
Nous
lui
pardonnons ses indignations vengeresses, ses haines brûlantes, et jusqu'à ses invectives farouches contreCe Guillaume, aujourd'hui iidèle à son mandat, Qui fait, après Omar, goûter Torcpiemada
aux villes et provinces de France. Ses
hatten
«es sont de lapoésie improvisée ; elles ont l'élan et la flamme, mais on me
dispensera de les analyser, car
leur
valeurlittéraire
est mince, décidément. Ivohler n'a pas le tempérament d'un sonneur de clairon ;la
flûte mélodieuse et discrète deszl/pe-mes lui
convient mieux.Si
Xavier
Ivohler, poète, est condamné à un oubli plus ou moins rapide,l'historien
est assuré,lui,
dovivre
dans l'avenir. J'accordequ'il n'ait
songé qu'à sa petitepatrie
etqu'il n'ait
guère écrit que pourelle;
leJura
conservera pieusementla
mémoire del'un
de ses plus nobles enfants.-— / /
—
Et
l'essentiel, ce n'est pas d'être aimé de beaucoup ; c'est d'être bien aimé.* * •
Je suis
arrivé
au terme de cette longue, trop longue étude sur nos poètes jurassiens. Quandje
cherche à ras-sembler mes impressions,je
nie sens un peu perplexe. Non point, que l'on m'entende bien, nonpoint
que j'éprouveune déception en t'ace de l'œuvre accomplie par ceux de nos écrivains qu'a tentés l'ascension du Parnasse.Ils
ne sont pas légion lestout
petits pays, qui, dans les conditions par-ticulières où leJura
s'est trouvé, auraient fourni, en un demi-siècle, unecontributionplus opulanteautrésorlittéraire
de
leur
langue nationale. Mais si l'on néglige, pour un ins-tant, les honnêtes amateurs, les paisibles dilettantes du vers, si l'on ne s'arrête qu'aux poètes marqués dudivin
signe, on ne saurait se défendre d'un sentiment do tristesse.Us n'ont pu,
ni
les uns,ni
les autres, donner touteleur
me-sure. Ebauches et fragments,ils
ne sont presque pas allés au delà. La destinée noleur fut
pas clémente ; la bonne étoile qui se leva surleur
berceau se lassa troptôt
debriller
pour eux. Les dieux aiment-ils vraiment ceux qui meurent jeunes Us ont trop aimé nos poètes, alors. Nul, parmi les mieux doués, n'a dépassé la cinquantaine. Or nous ne som-mes pas précoces, nous autres gens de province.
La
matu-rité
commencetard
pour nous. Si, dans les serres chaudes des capitales, dans la fiévreuse atmosphère d'un Paris, un lycéen peut, en sortant de la classe de philosophie, se lancer dans les lettres et parfoisy
réussir,la plupart
d'entre nous n'achèventleur
croissance intellectuelle qu'après leur temps d'Université.La
formation de notre caractère est moins la-borieuso que celle de notre esprit, et, en ce point, nous de-vançons peut-être ceux qui, à d'autres égards, sont moins lents que nous. Mais, enlittérature,
les qualités morales neremplacent pas le
talent
et,je l'ai dit,
nous ne sommes pas pressés, nousautresRomands, d'acquérirla
pleinepossessionde notre
individualité. Il
y a, sans doute, des exceptions à la règle:Frédéric
Monneron,Alice
deOhambricr, PaulGautier, et encore, chez ce dernier, le débutant setrahit-il
constam-ment. Songez que Gautier est mort à
vingt-six
ans,Krieg
à—
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trontc-cinq, Tièche à quarante, Bessern à quarante-sept, Cueuiu à quarante-neuf! Rappelez-vous que tous, sauf Gautier,
furent
chargés d'une tâche assez lourde pour qu'elleprît
la très grande moitié deleur vie!
Ne perdez pas de vue ceci, c'est que presque tousignorèrent l'inappréciable stimulant d'un milieulittéraire
et ne purent se développer que dans l'isolement de leurs silencieuses retraites, où leslivres
eux-mêmesn'arrivaient
guèreEt
enfin, constatez que les recueils deKrieg,
Cuenin, Gautier sont des œuvres pos-thumes et que Paul Besson attend un éditeur encore,tant
nos poètes avaient peu de
foi
en eux-mêmes et dans la syni-pathie du public.Comment la poésie jurassienne, peu favorisée par les
cir-constances, soustraite notamment aux salutaires et
vivifi-antes influences du dedans et du dehors, n'aurait-elle pas été incapable d'un
libre
et riche épanouissement? C'est unefleur qui n'a pas eu assez de soleil.