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La dernière Journée mondiale de l’alimentation, le 16 octobre 2008, a été l’occasion de rappeler l’étendue de la famine dans le monde: près d’un milliard d’habitants de cette terre souffrent de malnutrition. Bien sûr, les causes de ces carences sont multiples et complexes: elles ne se limitent pas uniquement à des problèmes de production, même si cet aspect demeure évidemment fonda- mental. A cet égard, les fluctuations subites et importantes subies par les cours des matières premières agricoles ces derniers mois témoi- gnent de l’instabilité et de la fragilité de la pro- duction et de l’approvisionnement alimentaires à l’échelle de la planète. Cette fragilité a d’ail- leurs amené nombre d’acteurs et d’observateurs à reconsidérer le rôle et l’importance de l’agri- culture, de la production agricole et de la re- cherche agronomique. Dans cette situation, un autre chiffre global donne à réfléchir: à l’échelle mondiale, les pertes potentielles infligées aux cultures par leurs différents ennemis – agents pathogènes, insectes et mauvaises herbes – dé- passent le plus souvent 50%, pour parfois même atteindre 80% dans certaines productions (Oerke, 2006). Heureusement, la protection des cultures appliquée aujourd’hui permet, dans la plupart des cas, de réduire ces pertes de moitié, voire plus. Ces chiffres globaux varient bien sûr très fortement selon les régions. Ainsi, en Europe de l’Ouest, la protection des cultures permet d’évi- ter plus de 70% des pertes potentielles, en bonne partie grâce à l’application de produits phyto- sanitaires. Ces outils, certes efficaces, ne sont cependant pas exempts de défauts, comme en témoignent la contamination des eaux souter- raines et de surface, les risques de résidus dans les denrées alimentaires, le développement de résistances chez les ennemis des cultures, ou en- core la banalisation de la flore et de la faune des milieux cultivés... Plus que jamais, l’utilisation raisonnée, ciblée et parcimonieuse des produits
de traitement des plantes cultivées combinée à la recherche active d’alternatives demeure donc nécessaire.
En Suisse également, la protection des végétaux est un élément central de la production agricole et de la recherche agronomique. De fait, au- jourd’hui comme hier, une part importante des ressources d’Agroscope Changins-Wädenswil (ACW) est attribuée, directement ou indirecte- ment, à cette tâche, que ce soit par la connais- sance de la biologie des ennemis des cultures, le développement d’outils de diagnostic et de pré- vention, la création et la sélection de variétés résistantes, la surveillance des organismes de quarantaine, l’assainissement et la certification du matériel végétal, l’évaluation de l’efficacité et des impacts environnementaux des produits de traitement ou la mise au point de stratégies et de méthodes de lutte alternatives. Ces travaux, par nature interdisciplinaires, sont menés à la fron- tière, à vrai dire assez floue, entre recherche fondamentale et recherche appliquée. C’est pourquoi il est important pour nos scientifiques d’être à jour dans le développement des der- nières connaissances, et donc de participer acti- vement aux réseaux scientifiques nationaux et internationaux. Parallèlement, in fine, nos acti- vités et le résultat de nos recherches se justifient et s’évaluent par les impacts concrets qu’ils exercent sur notre agriculture et sur la santé des plantes qu’elle produit.
Nicolas Delabays
E-mail: nicolas.delabays@acw.admin.ch
Référence
Oerke E.-C., 2006. Centenary Review: Crop losses to pests.Journal of Agricultural Science144, 31-44.
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Revue suisse Agric.40(6): 243, 2008