Inscription n^opunique ä Malte
Par Jean Fbbeon, Carthage
Die Hoffnung, die ich bei Veröffentlichung der neupunischen Inschrift
aus Malta in ZDMG 114 (1964) S. 227 ausgesprochen hatte, es möge einem
anderen gelingen, das bisher angelesene Bruchstück zum Reden zu bringen,
hat sich erfreulicherweise rasch erfüllt: Pater J. Ferbon, Direktor des Natio-
nalmusemns in Karthago, ist bei seiner bewundernswerten Kermtnis der
neupimischen Schriftformen zu einer Lesung imd Deutrmg der wenigen
flüchtigen Zeichen gelangt, für die ihm die Forschung aufrichtig dankbar
ist. Sie wird in dem folgenden Aufsatz mitgeteilt.
Johannes Friedrich
Le professeur Johannes Friedrich vient de publier la photographic
d'une inscription neopunique conserv6e au Mus6e de La Valette et qui
n'etait connue que par la eommunication de sa decouverte dans le num6ro
1955—56 de V Annual Report of the Museum Department (p. 6)*. Elle
avait etö trouv6e le 5 mars 1956 grav6e dans le roc au-dessus de l'entröe
d'un tombeau taill6 dans la paroi rocheuse ä Hai Far. Pour mieux assurer
sa conservation, les arch6ologues avaient pris soin de la detacher de sa
place originelle. C'est ce qui expUque la forme sous laqueUe le support
se präsente k nous aujourd'hui (pl. I).
Le texte comporte une seule Ugne; mais la lecture en est rendue
diflScile par le fait de sa r6daction en Ecriture cursive, et surtout parce
qu'une lettre est endommag6e et que d'autres sont presque entiferement
efFac6es. C'est pourquoi le professeur Fbiedbich a preffere ne pas en ris-
quer meme une transcription. II nous signale que les recherches des
sömitisants bien eonnus, MM. Honeyman et Levi Della Vida, n'ont
pas encore abouti non plus.
D6s que nous avons 6t6 en possession du clich6 photographique gräce
a 1 'envoi d'un tire ä part dü k la grande amabUit^ du professeur Fbied¬
bich, nous avons k notre tour essay6 de vaincre les difficult^s de cette
Epigraphe. Nous nous permettons de proposer ici notre hypothöse re-
lativement ä sa lecture et k son interpretation. Nous dirons un mot des
possibilites de datation que nous foumissent surtout les criteres internes.
Pour concretiser notre lecture, nous avons pris soin de relever un fac¬
simile de ee que nous avons vu (pl. I). Nous reconnaissons dans la pre¬
miere lettre un zayin, trace comme en punique r6cent*. Ce signe 6tait
* J. Friedrich, Kleinigkeiten zum Phönizischen, Punischen und Numidi-
aclien, dans ZDMG Bd. 114, 1964, p. 227 et pl. I.
" Voir notre division des förmes graphiques puniques en punique archatque
(Vlleme-Veme siöcle), punique ricent (IVöme-IIeme siöcle) et niopunique
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18 Jean Febron
peut-etre pr6c6d6 d'un ou deux autres, mais qui sont trop eflfaces pour
que nous puissions suggerer ime forme graphique; d'ailleurs, comme
nous le verrons, cela ne changerait rien au sens du texte. Le second
caractere par contre appartient pleinement a l'ecriture neopunique, ct
mSme ä la plus evolu6e en principe, puisque nous I'interpretons comme
un mem, grave a la maniere d'un X dont la branche superieure droite
se termine par une boucle tres accentuee; il pourrait facilement etre
confondu avec un aleph a cause de sa taille et de l'existence de cette
longue courbe terminale; mais ce qui l'en distingue, c'est l'egalite des
branches de l'X. Le professeur Friedeich a precisement relev6 un mem
de la meme forme dans les textes neopuniques d'Hadrumete-Sousse,
comme en temoigne le tableau qu'il donne ä Ia fin de sa grammaire
phenico-punique. Le signe suivant est celui sur lequel nous avons le plus
peine, et dont la clarification importait beaucoup ä Fexplication de l'epi-
graphe. II s'agit d'un säde, forme comme Test ce caractere dans l'alphabet
n6opunique d'Afrique du Nord, posterieur ä la chute de Carthage. L^n
eelat de pierre a detruit une bonne partie du jambage inferieur de la
longue haste gauche, et le point de depart vers la droite de I'element
boucle caract^ristique est k peine sensible. Un caractere par contre se
presente tres clairement: c'est le bet qui vient ensuite; il nous ramene
aux traces du punique recent. Les trois lettres suivantes n'offrent pas de
difficultes. Le yöd se recormait bien; c'est celui avec lequel nous avons
ete familiarise par les monuments des IVerne — Herne siecles ä Carthage.
Le taw egalement. Quant au nun, il correspond au dessin de cette lettre
dans l'alpbabet que le professeur James G. F^veiee denomme »nöopuni-
que carthaginois«* et dont nos dernieres fouilles sur la colline de Byrsa
nous ont livre un specimen*. La forme suivante ne peut etre qu'un waw,
comme l'indique son jambage inclinö de la gauche vers la droite. Elle
Concorde tout-a-fait avec les graphics tardives de Carthage. Le trace
ressemble en particulier ä celui des watv releves sur les textes neopuniques de Sousse*. Ce caractere est suivi dans l'inscription par un signe evanide,
dans lequel nous avons fini par diseerner un samelc dessine comme nous
I'avons reproduit dans notre fac-simile. Une cliose importante ä noter,
c'est qu'il coincide exactement avec ceux qui se reneontrent dans deux
{dpoques numide et romaine) dans J. Ferbon, Inscription archaique trouvie
ä Carthage, dans Melanges de Carthage, 1964—65 (tome X des Cahiers de
Byrsa), p. 64.
' James G. Fevrier, Histoire de l'Ecriture, Paris, 1948, p. 220. 1
* J. Ferron et M. Pinard, Les fouilles de Byrsa (suite), dans Les Cahiers
de Byrsa, IX, 1960—61, p. 152, n» 456 et pl. LXXXI.
' Cf. le tableau donnö par J. Friedbich ä Ia fin de sa grammaire phenico- punique.
Inscription nöopunique a Malte 19
autres inscriptions maltaises, les C.I.S., 1, 122 et 122 bis, datfees du Heme
sifecle av. J. — C*. Les deux dernieres gravures visibles rendent un yöd
trfes net, semblable au premier et terminant cette serie de signes, et,
avant lui, un second taw, qui differe du precedent par son tracfe en ailes
d'oiseaux iployies et qui correspond ä celui que presentent les alphabets
tardifs.
Et ainsi la lecture du texte rfepond aux emissions suivantes :
ZMSBYTNWSTY.
Voici comment nous pensons pouvoir interpreter cette suite consonan-
tique. Le zayin initial constitue le premier mot de l'inscription. II s'agit
du pronom demonstratif du masculin singulier, »ceci«. II est vrai qu'il ne
presente pas la forme habituelle au neopunique'. Mais tout d'abord il
Importe de noter que, originellement, il etait peut-etre precede d'un
aleph, ou d'autres lettres totalement disparues. II n'y aurait, d'autre
part, rien d'etomiant ä ce que nous ayons ici la forme courte Z, 6tant
donne ce que nous a enseigne la paleographie du texte, si rapprochee
encore de I'ecriture tardive de Carthage, oü la langue egalement devait
etre restee plus traditionnelle. II ne semble pas que I'on puisse interpreter
ce vocable comme un adjectif se rapportant au mot suivant; car il se
trouverait alors normalement place apres le substantif sur lequel il
porterait. En consequence, nous traduisons par: «Ceci est .. .»*.
Le nom qui suit et que nous lisons MSB joue le role d'attribut. C'est
la premifere fois, ä notre connaissance, que MSB (Ra9. NSB) apparait
dans un texte phenicien du premier miUenaire. En hebreu, son sens fonda¬
mental est celui de lieu oil I'on place quelqu'un ou quelque chose. II se
presente sous deux formes: massdh, terme militaire ou administratif
designant le poste, la garnison, la charge, et moussdb, signifiant un monu¬
ment, ime forteresse, un retranehement*. Dans les documents ougariti-
ques msb indique le plateau {d'une balance), 1' endroit oil I'on met les chases
' Pour la datation de ces inscriptions, of. H. Donner — W. Köllig,
Kanaanäische und Aramäische Inschriften, Wiesbaden, 1962—1964 (= KAI),
n» 47.
' J. Friedbich, Phönizisch-Punische Grammatik, Rome, 1951, p. 47 § 113.
' Une tournure semblable a etö rencontree sur des steles funeraires de
Umm-el-'Awämid: R.E.S., 250; M. Dunand et R. Dueu, Dumm el-'Amed:
une ville de l'dpoque hellinistique aux ichelles de Tyr, Paris, 1962, p. 187—191:
inscriptions 5, 9—11. — Nous pensons qu'il serait plus conforme k la syntaxe de les traduire: „Ceci est la stele commemorative de X ..."
• W. Gesenius — Fr. Buhl, Handwörterbuch über das Alte Testament,
Leipzig, 1899, p. 474, s.v. M S B; F. Scerbo, Dizionario ebraico e caldaico, Florence, 1911, p. 184, 5 et 6.'
2»
20 jEAXf Ferbon
en riserve, le cellier (four le vin), la cave^". Le phenicien et le punique
emploient un mot derive de la meme racine, MSBT, pour designer un
monument funeraire^^. II ne semble pas que cette demiere signification
convienne au contexte archeologique exposfe par le rapport de fouille
signaie plus haut, puisqu'il s'agit d'une chambre sepulcrale creusee dans
le roc. Par consequent, l'interpretation de MSB par caveau nous parait
repondre pleinement k la fa9on dont se presente la s6pulture, comme a
rid6e fonciere contenue dans le terme et ä I'usage qu'en ont fait les
Cananeens. Ainsi nous avons maintenant une phrase complete: «Ceci est
le cavcau». II n'y a pas lieu de s'6tonner de I'absence de Particle; c'est
ime chose trfes frequente en punique.
Une seconde proposition debute par un verbe YTN, donner, trfes
aisfement reconnaissable. II est evident qu'une particule relative est sous-
entendue entre les deux articulations du texte. L'objet de ce don est
naturellement le caveau dont il vient d'etre question. Nous nous deman-
dons si, conformement au genie des langues sfemitiques, le W qui suit
YTN ne doit pas etre rattache ä ce verbe comme pronom suflSxe, k titre
de rappel du complement situe dans la phrase anterieure. II y a une ob¬
jection a cela. C'est que nous attendrions plutot un aleph qu'un waw
pour jouer ce role**. Cependant W existe aussi en phenicien comme pro¬
nom suffixe verbal de la troisifeme personne masculin singuher. C'est ce
que vient encore de montrer, en plus de ce que nous savions dfejä, l'in¬
scription recemment d6couverte ä Pyrgi en Etrurie*'.
Une autre possibUite encore, c'est d'attribuer ce W au nom propre
qu'appelle maintenant le sens. Rien ne nous permet de trancher entre
im patronjone WSTY ou STY. Ce qui est sür, c'est que ni I'un ni I'autre
ne semblent d'origine canan6enne. Nous y verrions volontiers la transcrip¬
tion d'un nomen remain. Et comme aucun ne parait satisfaisant pour
repondre aux quatre consonnes, nous donnons notre preference k I'hypo-
thfese du pronom suffixe et d'un patronyme STY, que nous interpretons :
«Sittius».
Les termes de l'inscription maltaise se repartiraient ainsi: Z MSB
YTNW STY, et nous la traduisons :
«Ceci est le caveau qu'a donn6 Sittius».
Pour fetablir la date ä laquelle fut grave sur la falaise rocheuse de Hal
Far ce texte commemoratif de la donation d'un lieu de sepulture, et qui
*" J. AisTLErrNER, Wörterbuch der ugaritischen Spraclie, Berlin, 1963, p. 212, s.v. nsb-m^b.
** Mark Lidzbarski, Handbuch der nordsemitischen Epigraphik, I, Text.
Weimar, 1898, p. 325, s.v. NSB.
" J. Friedbich, Plwnizisch-Pun. Or. iam laud., p. 46 § 112.
" G. Gabbini, dans Scavi nel Santuario Etrusco di Pyrgi, Rome, 1964, p. 70.
Inscription neopunique a Malte 21
coincide probablement avec celle du creusement du caveau, nous dispo-
sons de la langue, de I'onomastique et de la pal6ographie du document
que nous venons d'analyser. Le vocabulaire, la morphologic et la syntaxe
restent, autant qu'on peut en juger par une inscription si laconique, dans
la tradition linguistique de Carthage et de la Phenicie. L'onomastique
par contre est dejä romaine. L'6criture neopunique temoigne de I'utili-
sation de la cursive sur un monument ; ce qui nous amene ä une fepoque
posterieure ä la ruine de Carthage et de son Empire. Cependant eile se
presente ä nous ä un stade oü les formes graphiques du punique rfecent
ne sont pas totalement abandonnees et eile est nettement plus jeune que
la dedicace monumentale trouv6e ä Tas-Silg par la Mission arclieologique
italienne en 1963, qui a ete datfee par le professeur Garbini des Ilfeme —
ler sifecles**. Toutes ces constatations nous conduisent k situer la gravure
du texte k une fepoque voisine du debut de notre ere, soit un peu apres,
soit un peu avant.
Cette modeste inscription tumulaire nous apporte un temoignage com-
plementaire de la persistance de la civilisation phenico-punique ä Malte,
longtemps apres la conquete de l'ile par les Romains**. Elle comble cer-
taines lacunes du dossier 6pigraphique de ce carrefour important entre
les deux M6diterran6es, puisqu'il semble bien que les documents fun6rai-
res en fetaient absents et que I'ecriture cursive n'avait encore 6te signalee
que sur des poteries**. Ce temoin si rebarbatif m6rite tout de meme de
retenir I'attention.
" Cf. G. Garbini, dans Misaione archeologica italiana a Malta: Rapporto
preliminare della Campagna 1963, Rome, 1964, pl. XXVI, 1 et 2, p. 83—87.
1* Voir ä ce sujet St. Gsell, Histoire ancienne de l'Afrique du Nord, TV,
Paris, 1920, p. 488.
1« Missione archeologica italiana a Malta. .., p. 87-—104, et pl. XXVII —
XXXIII.
The Vowels of the Imperfect Preformatives
in the Old Dialects of Arabic
Abiel A. Bloch, Berkeley
A central problem in Arabic linguistics is that of the relationship
between the modern Arabic dialects and Classical Arabic. There exists
no unanimity of opinion on this question. However, an agreement should
now exist on one methodological point: The dialects are not to be
considered descendants of Classical Ai-abic but rather its contemporaries
throughout history. This implies that not only Classical Arabic which is
acknowledged to be highly conservative, but also the dialects can
reflect the older stage of development of a given linguistic feature. The
dialects, therefore, must be considered just as important for linguistic
reconstruction as is the Classical language.
In a paper entitled 'The Arabic Koine', Chables Feeoijson some
time ago made the following observation: A number of inflectional
affixes with the vowel a in Classical Arabic have in the modern dialects
reflexes of the vowel i (including zero in cases where i was reduced to
zero).* Out of a couple of such cases we have chosen to discuss here the
one with the greatest linguistic importance : The modern Arabic dialects
have in the preformatives of the imperfect of the simple form a vowel i
as against a in Classical Arabic. Thus, for instance, as against Cl. 'aktubu,
takttibu, yaktubu etc. modern Syrian Arabic has 'dklob, tdktob, ydktob etc.
(with a shwa vowel representing i in this position). In the following,
Arabic imperfect forms will be referred to as i-imperfect and o-imperfect according to the vowel of the preformatives.
Since Ferguson presupposes that Classical Arabic represents the
older stage he consequently concludes that the dialectal i-imperfect
represents a secondary development. As he points out, this i for a can not
be the result ofa general sound change or a morphologically conditioned
change because a is preserved in analogous positions in the dialects^
Ferguson considers the dialectal i-imperfect, together with othe»
features in which the dialects agree against Classical Arabic, a proof ol
his theory of a common, non-Classical origin of the dialects (which h^
calls the 'koine').
Although Ferguson's paper contains quite a number of highly valuably
observations* the argumentation is not conclusive because the idea o}
* Ch. Febguson: The Arabic Koine. Language 35, 1959 pp. 616— 63Q
(p. 621).
' In a forthcoming paper (to appear in the JAOS) the present writer
hopes to discuss some further points in Ferguson's article. ,