Diarrhées et maladie de l'oe dème chez le porcelet:

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Station fédérale de recherches en production animale de Posieux

Directrice: Danielle Gagnaux http://www.admin.ch/sar/rap

Diarrhées et maladie de l'oe dème chez le porcelet:

mieux vaut prévenir que guérir

A. GUTZWILLER et M. JOST, Station fédérale de r-echerches en production animale (RAP), CH-1725 Posieux E-mail: andreas.g

~utzwiller@rap.admin.ch Tél. (+41) 26/40 77 111.

Résumé

Dans un essai comprenant 160 porcelets fraîchement sevrés d'un troupeau où la maladie de l'oedème ap- paraissait fréquemment, l'efficacité d'un aliment diété- tique pour la prévention de cette maladie a été testée.

Les 80 porcelets du groupe avec diète reçurent un aliment standard pendant la première semaine, plus en tout 2,5 1 de lait de vache par porcelet pendant les trois premiers jours après le sevrage pour pallier le changement abrupt d'alimentation. Pendant la 2e et la 3e semaine (période critique), ils reçurent un aliment diététique qui contenait des quantités élevées de pulpes de betteraves, de marc de pommes et de ca- roube. Pendant la 4e et la 5e semaine, ils reçurent de nouveau l'aliment standard. Les 80 animaux témoins reçurent l'aliment standard pendant les cinq semai- nes de l'essai. Tous les aliments à l'exception du lait furent distribués à volonté. L'accroissement des por- celets du groupe avec diète a été de 27% supérieur pendant la première semaine (p < 0,01), 41% infé- rieur pendant la 2e et la 3e semaine (p < 0,01) et 11 % inférieur (p = 0,03) sur toute la période expérimentale a l'accroissement des animaux témoins. L'indice de consommation sur toute la période expérimentale n'était pas significativement différent entre les deux groupes. Alors que la mortalité due à la maladie de l'oedème s'élevait a 16 animaux sur 80 (20%) dans le groupe témoin, elle était de 8 sur 80 animaux (10%) dans le groupe avec diète (p = 0,05). En conclusion, le régime diététique a fortement diminué le taux de mortalité très élevé sans trop freiner la croissance des animaux.

Fig. 1. Porcelet souffrant de la maladie de l'oedème, avec des pro- blèmes d'équilibre et d'œdème au niveau des paupières. La toxine produite par E. Coli provoque des lésions des parois des vaisseaux sanguins. Il y a accumulation de liquides dans les tissus, entre autres sous la peau et dans le cerveau. L'accumulation de liquides dans le cerveau provoque une augmentation de la pression a l'intérieur du crâne, suivie de troubles nerveux.

Introduction

«Les changements d'alimentation do - 1 ,ent, en prin( -il)e, s'effectuer lentement», telle est la règle généralement admise dans l'alimentation animale. Ce prin- cipe ne s'applique pas lors du sevrage puisque les porcelets a l'allaitement boivent encore beaucoup de lait à l' âge de 4 a 6 semaines. Au cours de la pre- mière semaine qui suit la séparation d'avec la mère, les porcelets consom- ment peu d'aliments solides. Durant cette «période de jeûne», la couche su-

périeure de la muqueuse de l'intestin grêle s'atrophie, laquelle joue un rôle important dans la digestion et l'absorp- tion des nutriments. A partir de la deuxième semaine après le sevrage, alors que les porcelets compensent leur déficit en énergie et en éléments nutri- tifs par une augmentation de la con- sommation, des troubles digestifs sur- viennent, entre autres en raison de l'atrophie de la muqueuse de l'intestin grêle qui absorbe alors mal les nutri- ments consommés en plus grande quan- tité. Ces nutriments non digérés dans

l'intestin grêle, qui ne recèle que peu de germes chez un animal sain, servent de source nutritive aux bactéries intes- tinales, qui peuvent ainsi proliférer.

Lorsque les Eschei-ichia col i se multi- plient excessivement dans l'intestin grêle, le porcelet souffre de diarrhée colibacillaire ou de la maladie de l'oedème. Mais même des bactéries qui n'engendrent pas de maladies peuvent également faire du tort à l'animal lors- qu'elles sont présentes en grandes quantités dans l'intestin grêle: pour couvrir leurs besoins en protéines, elles

Revue suisse Agric. 31 (2): 67-70, 1999 67

Tableau 1. Stratégie alimentaire.

Groupe diète 80 porcelets (poids au sevrage 11 kg)

Groupe témoin 80 porcelets (poids au sevrage 11 kg)

1 re semaine: aliment témoin à volonté;

en plus les 3 premiers jours: au total 2,5 1 de lait

de vache par porcelet Durant 5 semaines,

2e, 3e semaine: aliment diététique à volonté aliment témoin à volonté 4e, 5e semaine: aliment témoin à volonté

Tableau 2. Composition et teneurs des aliments expérimentaux.

Aliment diététiques Aliment témoin

Composition (% de la matière fraîche = MF)

Orge 18,5 37

Mais 5 10

Blé 10 20

Flocons d'avoine 5 10

Tourteau d'extraction de colza 2,5 5

Protéines de pommes de terre 2 4

Farine de poisson 70/72 1,5 3

Levure (Torula) 1 2

Pulpes de betteraves 20 5

Marc de pommes 15 —

Caroube 15 —

Résidus d'extraction de café 2 —

Ecorce de chêne 1 —

Prémixb 1,75 3,5

Teneurs (par kg MF)

Matière azotée (g) 118 166

Graisse (g) 26 30

Cellulose brute (g) 101 36

NDFc (g) 260 190

ADFc (g) 159 63

Lignine (g) 53 17

Calcium (g) 7 10

Phosphore (g) 3,5 5,5

Pouvoir tampon (mol) 0,30 0,35

Energie digestible porc (EDP) (Mi) 10,7 13,4

a L'aliment diététique était composé pour moitié des composants de l'aliment témoin y compris le prémix et pour moitié d'un mélange de pulpes de betteraves, de marc de pommes, de caroube, de résidus d'extraction de café et d'écorce de chêne.

bLe prémix contient des acides aminés, des éléments minéraux majeurs, des oligo-éléments et des vitamines ainsi que des agents liants.

cNDF correspond à la somme de toutes les substances des parois cellulaires végétales (cellulose, hémicellulose et lignine); ADF correspond à la somme de la cellulose et de la lignine.

dégradent, entre autres, les enzymes digestives issues du pancréas et de la muqueuse intestinale, ce qui réduit d'autant la digestion des nutriments.

Objectif principal:

empêcher la prolifération des bactéries

L'administration d'antibiotiques sous forme de stimulateurs de performance antimicrobiens ou de médicaments vé- térinaires après le sevrage représente le moyen le plus simple pour réduire le nombre de bactéries dans l'intestin grêle. En raison du risque existant de sélectionner des bactéries résistantes par l'emploi massif d'antibiotiques, on cherche des alternatives en prenant des mesures préventives efficaces.

Stimulation des mécanismes de défense naturels

Le suc gastrique acide détruit la plupart des germes, de telle sorte qu'après le passage des aliments de l'estomac dans l'intestin grêle, il ne reste normalement que peu de germes. L'estomac des por- celets sevrés produit moins d'acide gastrique que celui des animaux plus âgés. Une acidification suffisante du contenu stomacal n'est atteinte que lorsque l'estomac n'est pas surchargé par les aliments et que les aliments se laissent facilement acidifier, ce qui si- gnifie qu'ils présentent un faible pou- voir tampon. L'adjonction dans l'ali- ment d'acides organiques ou de leurs sels contribue à la réduction du nombre de germes dans l'estomac. Des rations riches en fibres brutes réduisent la den- sité des germes dans l'intestin grêle parce que les fibres brutes stimulent le transport continu de l'aliment en direc- tion du gros intestin et, de cette façon, chassent, si l'on peut dire, les germes hors de l'intestin grêle. Certains com- posants naturels des végétaux ainsi que des acides organiques ajoutés à l'ali- ment peuvent, de plus, empêcher direc- tement la prolifération des germes dans l'intestin grêle.

E. coli: adhérence

à la muqueuse intestinale

Des bactéries de l'espèce Escherichia Coli (E. coli, bactéries colibacillaires) peuvent proliférer en grand nombre dans l'intestin grêle lorsqu'elles ont la possibilité de se fixer à des zones d'ad- hérence (= récepteurs) qui se trouvent sur la muqueuse intestinale. Dans la

population porcine, il existe des indivi- dus dont l' intestin grêle ne comporte pas de récepteurs pour certains types d'E. coli possédant l'organe d'adhé- rence F 18 (VÔGEL1, 1998). Depuis peu, il est possible d'effectuer, en Suisse, des analyses sanguines permettant d'identi- fier les porcs qui ne possèdent pas ces récepteurs. On peut ainsi sélectionner des animaux résistants à E. coli F 18, le principal agent pathogène de la mala- die de l'œdème en Suisse. Malgré ces progrès réalisés dans la prévention de la maladie de l'œdème, d'autres mesures préventives pour lutter contre cette ma- ladie et les diarrhées colibacillaires ne seront pas de trop à l'avenir: d'un côté, des animaux résistants à E. coli F 18 peuvent étre sensibles à E. Coli F 4 (= K88), le principal agent pathogène de la diarrhée colibacillaire. D'un autre côté, il est illusoire de penser que, dans un proche avenir, toute la population

porcine sera composée d'animaux ré- sistants à E. Coli F 18, parce qu'en sélectionnant pour cette résistance, on risque de favoriser l'apparition du dé- faut de la viande PSE.

Efficacité

d'un aliment diététique

Comme l'ont montré des analyses san- guines, de nombreux porcs élevés à la Station fédérale de Posieux (RAP) pré- sentaient une sensibilité héréditaire à l'agent pathogène E. coli F 18, se tra- duisant par une mortalité élevée due à la maladie de l'œdème chez des porce- lets sevrés. La plupart des cas sont ap- parus environ deux semaines après le sevrage. Cette situation a fourni l'occa- sion de faire un essai d'alimentation au cours duquel nous avons testé une stra- tégie alimentaire de prévention contre

Tableau 3. Consommation, croissance et indice de consommation.

Groupe diète Groupe témoin p

Poids au sevrage (kg) 11 11

Consommation (g par jour)

1 re semaine 316a (72) 333 (90)

2e et 3e semaine 522 (121) 501 (142)

4e et 5e semaine 1000 (176) 1015 (282)

Gain journalier (g)

1 re semaine 223 (97) 176 (104) < 0,01

2e et 3e semaine 173 (95) 295 (167) < 0,01

4e et 5e semaine 568 (144) 567 (199) 0,97

5 semaines 340 (83) 381 (136) 0,03

Indice de consommation (MJ/kg de gain)

3 premières semaines 29,5 (6,1) 25,4 (6,6) 0,08

4e et 5e semaine 2411 (1,9) 25,0 (7,3) 0,65

5 semaines 25,3 (1,2) 24,3 (4,8) 0,40

Evaluation statistique avec l'analyse de variance pour un modèle expérimental avec blocs. Chiffres entre parenthè- ses = écart-type des valeurs individuelles. p = probabilité d'erreur.

aConsommation d'aliment solide, le lait consommé (au total 2,5 1 par porcelet) n'est pas indiqué.

la maladie de l'œdème. D'un côté, nous avons étudié si la distribution de lait de vache (aliment appétent et facile- ment digestible pour les porcelets fraî- chement sevrés) au cours des premiers jours après le sevrage avait pour effet d'augmenter l'ingestion de nutriments et par conséquent de diminuer l'effet négatif du sevrage sur la fonction de la muqueuse intestinale. De plus, nous avons étudié si la distribution ultérieure d'un aliment diététique riche en fibres brutes au cours de la période critique de l'apparition de la maladie de l'œdème pouvait réduire la fréquence de la ma- ladie sans empêcher la croissance de façon trop importante.

160 porcelets de la race Grand Porc Blanc, répartis dans des blocs d'après des critères de poids vif, de descendan- ce et de sexe, étaient répartis en deux traitements «diète» et «témoin». Les animaux étaient gardés en groupes de quatre à six animaux. Chaque jour, un peu de paille leur était distribué. L'ali- mentation des 80 animaux soumis au régime diététique et des 80 animaux té- moins ainsi que la composition et les teneurs des aliments utilisés figurent dans les tableaux 1 et 2. En plus des pulpes de betteraves et du marc de pommes, l'aliment diététique contenait des composants riches en tanins, comme le caroube, le résidu d'extrac- tion de café et l'écorce de chêne, qui peuvent inhiber la prolifération des germes dans l'intestin (le caroube et 1'écorce de chêne entraient souvent au-

trefois dans la composition des médica- ments vétérinaires contre les diarrhées).

La distribution de lait stimule la croissance

Les porcelets soumis au régime de diète ont bu le lait de vache frais donné deux fois par jour dans les minutes sui- vant la distribution. Il n'y a pas eu de diarrhée provoquée par la consomma- tion de lait. Cette alimentation supplé- mentaire au cours des trois premiers jours après le sevrage a provoqué, du- rant la première semaine, une prise de poids de 27% supérieure chez ces por- celets par rapport aux animaux témoins (tabl. 3)1 . L'apport de lait dans l'alimen- tation ne s'est sans doute pas seulement répercuté positivement sur la croissance mais aussi sur la muqueuse intestinale qui peut se dégrader rapidement lors- 'Au cours de la première semaine après le sevrage, la croissance des porcelets qui ont reçu du lait était inférieure de 22% et celle des porcelets témoins de 38% par rapport à la période précédant le sevrage (gains jour- naliers entre la fin de la 4e semaine et le se- vrage: 285 ± 98 g).

que l'apport en nutriments est insuffi- sant (ZIJLSTRA et al., 1996; PLUSKE et al., 1996).

Le régime diététique réduit la croissance et la mortalité

Durant la période de diète (au cours de la deuxième et de la troisième semaine après le sevrage), les porcelets des deux groupes ont consommé des quantités équivalentes de nourriture (tabl. 3). En raison de la teneur élevée en cellulose brute de l'aliment diététique, les porce- lets de ce groupe ont consommé moins de nutriments, de telle sorte qu'au cours de ces deux semaines, ils ont pris 40%

de poids en moins. Durant les deux se- maines après la période de diète, la consommation et la croissance étaient pratiquement identiques dans les deux groupes. Calculée sur toute la période d'élevage qui a duré cinq semaines, la croissance des porcelets du groupe avec diète était inférieure d'environ 11% à celle des animaux témoins. L'indice de consommation plus élevé de 4% dans le groupe avec diète n'est pas statisti- quement significatif.

Au cours des cinq semaines de l'essai, 16 des 80 porcelets du groupe témoin (= 20%) sont morts suite à la maladie de l'œdème alors que 8 sur 80 porce- lets (= 10%) ont péri dans le groupe avec diète. La figure 2 montre que dans

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semaine expérimentale

Fig. 2. Mortalité due à la maladie de l'œdème. La plupart des décès dans le groupe témoin sont survenus durant la troisième semaine après le sevrage. Dans le groupe diète, plusieurs animaux ont péri après le passage de l'aliment diététique à l'aliment témoin à la fin de la troisième semaine.

le groupe témoin, la mortalité était la plus élevée au cours de la troisième se- maine. Dans le groupe avec diète par contre, six des huit animaux malades périrent après le changement de l'ali- ment diététique à l'aliment convention- nel, soit à la fin de la troisième semaine.

Une période de diète plus longue aurait probablement diminué encore davan- tage la mortalité, mais elle aurait égale- ment eu un effet négatif plus marqué sur l'accroissement. La stratégie ali- mentaire avec un apport de lait durant les premiers jours après le sevrage et avec un aliment diététique durant la deuxième et la troisième semaine a en- traîné une réduction de la mortalité de

50% (P = 0,05). Il est possible que l'effet protecteur du régime de diète aurait été plus marqué si les animaux témoins n'avaient pas été dans la même étable, dans des boxes voisins: comme les animaux témoins excrétaient sans doute plus de germes E. coli, la pres- sion infectieuse était probablement plus forte pour les animaux du groupe avec diète que s'ils avaient été placés dans une étable séparée. La mortalité élevée dans les deux groupes montre que les animaux présentaient une sensi- bilité génétique élevée à la maladie de l'œdème. De plus, dans cet essai, on a traité exclusivement les animaux ma- lades, ce qui signifie qu'aucun antibio- tique n'a été distribué à titre préventif aux animaux menacés mais en bonne santé.

Conclusions

❑ Par l'adjonction de lait à la ration im- médiatement après le sevrage, puis du remplacement de l'aliment con- ventionnel par un aliment riche en fibres pendant la période critique, on a pu réduire les pertes dues à la maladie de l'œdème sans trop frei- ner la croissance des animaux.

❑ La part du lait de vache et des com- posants riches en tanins dans la ré- duction de la mortalité est à déter- miner.

❑ Même si l'effet positif du régime de diète n'est dû qu'à une réduction de la consommation des nutriments, la distribution à volonté d'un aliment riche en cellulose brute présente des avantages par rapport à une alimen- tation restrictive, avec un aliment conventionnel pour porcelets. Alors qu'avec une alimentation restrictive, l'aliment est consommé précipitam- ment avec le risque que les animaux faibles soient repoussés par les plus forts, l'aliment diététique riche en

cellulose brute est à la libre disposi- tion de tous les animaux tout au long de la journée.

❑ I1 est bien connu que les porcelets se- vrés tôt consomment très peu d'ali- ments solides durant les premiers jours ou semaines qui suivent et que la distribution de grandes quantités de lait dans ces conditions augmente massivement la croissance (PLUSKE et al., 1996; ZIJLSTRA et al. 1996).

L'effet marqué qu'a eu la faible dis- tribution de lait à des porcelets de poids relativement élevé est surpre- nant. Dans une étude ultérieure, il conviendra d'analyser dans quelle mesure l'effet observé est spécifi- que au lait, comme on l'a déjà re- marqué lors de la distribution d'un aliment pour porcelets d'élevage contenant de la poudre de lait

(GUTZWILLER et JOST, 1994), ou si la stimulation de la consommation de

liquide après le sevrage se manifeste favorablement sur la consommation et sur la croissance.

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