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Etudes avestiques par C. de Harlez. >)
I.
Avant d'entrer en matiere, qu'il me soit permis de präsenter
rapidement une remarque , pour revendiquer mon bien. II n'est
pas rare que l'un ou l'autre Eraniste donne ä ses lecteurs comme
entiferement neuve une explication que j'avais foumie depuis long¬
temps. Je ne citerai aucun nom, disirant eviter tout ce qui
pourrait avoir un caractfere personnel. Je me bornerai ä signaler
quelques unes des interpretations auxquelles je fais allusion. Ce
sont entr'autres celles de: parolceoid'a, ijäus' drafshd, teref, rao¬
canem, hvSrig , hPiti, aspend-yavtno , süirvm, maid'yozaremayo,
les yairyd ratoo-saisons — Uk'shyat nemo, vereziddÜra et beau¬
coup d'autres encore. Mais il nous suffit d'avoir Signale ce point
et, cela dit, passons ä, notre sujet.
Je me propose dans ce travail de presenter quelques obser¬
vations Sur des expressions, des mots isolis, de l'avesta , sur des
croyances ou des conceptions avestiques.
1) Hamestagän.
Le livre d'Ardä i Viräf, contient en son chapitre VI. le pas¬
sage suivant: „J'arrivai ä un certain lieu et je vis des ämes qui
„restaient toujours dans le meme etat. Et je demandai ä (j!r6sh le
„Saint, le victorieux et au Yazata Atar (le feu): quelles sont ces
„ämes et pourquoi restent-elles ici ?° Qrosh et Ätar me repondirent.
„On appelle ce lieu le Hamistakän et ces ämes y restent jusqu'ä
„(la prise) du corps futur. Ce sont Celles des hommes dont les
„bonnes oeuvres et les peches sont egaux. — „Dis aux crfeatures :
„Ne laissez pas en arrifere une bonne oeuvre facile, par convoitise
,ou par mfechancete. Car tout homme dont les bonnes oeuvres
l) Cet article etait ecrit avant que j'eusse connaissance du dernier livre de M. Geldner
41*
4 5
628 de Harlez, itudes avestiques.
,d6passeront les fautes de 3 sroshacaranas ira en paradis ; celui dont
,les pechis seront plus nombreux ira en enfer, et celui dont les
„uns et les autres seront egaux resterent dans ce lieu darret.
„Leur punition est le cbaud et le froid qui proviennent de la rota-
„tion de l'atmospbfere ; il n'y en a point d'autre."
II rösulte de ce texte qu'ä l'epoque ou l'Ardä i Viräf nämak
a ete ecrit, c'est ä dire 5 ou 6 sifecles aprfes le commencement
de notre fere, les Mazdeens croyaient que la retribution des ämes
aprfes la mort pouvait se faire de trois maniferes differentes , que
les actes poses en cette vie pouvaient avoir trois sortes de conse¬
quences : le bonheur eternel dans le sfejour de lumifere, les supplices
dans les tenfebres sans fin et xme situation intermediaire , sans
grande joie ni peine violente, mais passagfere, dans un lieu cree
expressement ä cette fin; situation que designe avee prfecision le
nom de ce lieu intermediaire hamestaJcdn , lieu d' arret (de ham
et sta).
Aux temps avestiques la croyance aux chätiments de l'enfer
et aux recompenses du paradis existait sans aucun doute ; mais en
etait-il de meme de celle au troisifeme denouement du drame de
la vie? Les mazdeens de cette epoque croyaient-ils ä cette pon-
deration egale des merites et des fautes et ä la retribution parti¬
culifere que leur assignent les livres pehlvis?
Mr. Bartholomae ä defendu, le premier, la probabilite de la
reponse affirmative (Voy. Zeitschrift DMG. B. XXXV. T. 55. 157 ff'.)
mais s'est tenu dans une sage reserve.
Si l'on s'en tenait ä la glose qui suit la traduction du vers 3
de la strophe I du Gathä 5 (Yayna XXXIII) ou serait tente d'ad¬
mettre I'affirmative. Mais un examen attentif de la question
convaincra aisement qu'il n'en est rien et que I'Avesta ne contient
rien qui ait trait de prfes ou de loin ä l'hamestakän de la Perse
sassanide.
Remarquons le d'abord , il n'est pas etonnant que le glossa-
teur ait cm voir dans xm membre de phrase des gäthäs une
allusion ä une croyance qui regnait de son temps alors qu'elle
etait inconnue aux auteurs de ces cbants sacres. Ces glossateurs
n'avaient pas une instruction süffisante pour discerner ce qui
appartenait aux temps anciens de ce ([ui avait une origine plus
recente. Au Gätha III, 1 a (Yayna XXX) les memes commentateurs
expliquent les mots td valc'shya „haec dicam" par: Apistdh va
zand, comme si le zand existait dejä lorsque les Gathas furent
composfes. Leur assertion n'a donc ici aucune valeur. Ce qu'elle
vaut relativement au point en question nous sera mieux encore
demontre par le commentaire qui suit la version du Vendidad
VII, 136. En ce passage Ahura Mazda dit incidemment qu'il
elfevera le juste jusqu'au lieu de l'immortalite. A la traduction
exacte du texte , les redacteurs du zand ajoutent tout un petit
traite de casuistique relative ä la retribution finale, ä la suppu-
de Harlez, itudes avestiques. 629
tation des mörites et des peches , ä l'effacement des fautes par
les bonnes oeuvres, etc. Iis appuient leurs explications sur les
dire des thiologiens mazdeens. Relativement au mode de la retri¬
bution ils citent trois doctrines: la premifere dit que, si le fidfele
vivant qui a commis des fautes, vient ä mourir, ä la rfesurrection
on lui donnera une recompense pour ses merites ou on lui fera
subir un chatiment pour ses peches. Zivandak ahruvu avash
vanas pavan bard yekavimünit akhari yemitünitic aitttn yehevü-
nit: pavan tano i pasin kerfak räi mizd yeliebund avask vanäs
räi patfräs vahdünyen. — Le second s'exprime plus brifevement :
,il ira k la joie ou au tourment' : pavan sipos ayüv pavan tang
vazlünU. Vient enfin une troisifeme explication ou il est dit que
si les fautes dfepassent les mferites de trois sraosho-caraväm
l'äme ira en enfer. En cas de proportion contraire eile ira au ciel.
Mais si les pfeches et les mferites sont egaux , elle ira au hames-
takän. On le voit ce ne sont point des textes avestiques, mais
les opinions individuelles de casuistes ses contemporains, que le
compilateur des gloses invoque; encore donne-t-il plusieurs expli¬
cations dont une seule suppose l'existence du hamestaJcdn, et
celle-ci n'est que la reproduction exacte des termes de l'Ardä i
Viräf nämak.
Ce n'fetait donc pas meme alors universellement admis parmi
les Mazdeens. On le devinerait du reste , en voyant la manifere
solenneile et l'insistance avec lesquelles l'auteur de l'Ardä V. N.
l'annonce. C'est comme s'il craignait de ne pas etre cru. Notons
en outre que le dernier casuiste voulant citer un texte avestique,
il ne trouve que le mot hämyäsaiti de notre gätha. II est ainsi
certain qu'il n'y avait rien d'autre dans les parties maintenant per-
dues de l'avesta. Or le mot, comme on va le voir, ne peut
avoir aucun rappoii, avec I'etat du hamestakän.
II est donc en soi-meme plus que douteux, que cette con¬
ception ait ete connue des auteurs de I'Avesta. Ce doute de¬
viendra certitude de la negative , si nous consnltons les textes.
Le sort de l'äme aprfes la mort est dfecrit trfes longuement et trfes
precisement en deux endroits du livre, au Vend. XlX et au Yesht
XXII. Or dans l'un comme dans l'autre de ces deux chapitres,
il n'est parlfe que de deux sejours dans l'autre monde, des lumiferes
et des tfenfebres feternelles, du bonheur et du malbeur final. Les
gäthäs ne sont pas moins explicites. En plusieurs endroits il est
fait annonce du sort qui attend le juste et le pecheur dans le
monde ä venir et partout, meme dans notre gätha, il n'est question
que de paradis et d'enfer, du garotman ou de la demeure de la
druje , de deux genres de retribution. C'est ce que du reste,
Mr. Bartholomae a parfaitement compris et reconnu lui-meme
dans l'article ou il a traitfe cette question. C'est pourquoi nous
n'entrons dans aucun dfetail. Nous pourrions ajouter une autre
considferation non moins importante. Le hamestakän n'est pas
630 de Harlez, itudes avestiques.
une denomination vague, indefinie, c'est un lieu precisement deter¬
mine, forme et constitue exprfes pour un but d'une importance
capitale et dont la connaissance est pour l'homme du plus haut
intirfet. Or ce lieu n'a pas de nom dans I'Avesta; jamais il n'y
est fait la plus legfere allusion pas meme dans le vers des gäthäs
qui donne lieu ä la glose oü il est mentionne. Comment expliquer
un pareil silence sur un point de croyance si important pour
le fidfele?
En prfesence de ces faits incontestables peut-on interpreter
un texte obscur dans un sens directement opposfe aux temoignages
les plus certains , les plus concordants de toutes les parties de
l'avesta? Cela ne me parait pas possible.
II me semble d'ailleurs bien difficile de donner au vers en
question le sens qu'il faut necessairement lui attribuer pour y
voir une allusion au hamestakän. La strophe commence en annon-
(fant la retribution future qui aura lieu et pour le mfechant et
pour le bon dregvalahcd hyatcd ashaono: puis vient le membre
de phrase (V. 3) yhhy&cd hhnydsaitce mif ahyä yäcä hoi erezvä.
— Pour trouver dans cela une mention de I'fequipollence des
fautes et des vertus il faut traduire hämyäs (hemyäsaitae) par
,etre fegal, etre de meme nombre; de meme poids, de meme va¬
leur'. Gela ne me parait pas admissible. Yds signifie , aller vers'
hain yds peut signifier „rencontrer, s'appliquer ä'; tout au plus
,se rencontrer", mais pas „etre fegal, se contrebalancer'. Le terme
correspondant de la version , ham matan a prfeciseraent le meme
sens et ne justifie nuUement la glose. II faut de plus prendre
erezvä comme signifiant „merites, bonnes oeuvres, etc.', ce qu'on
ne peut admettre d'avantage.
II est bien plus naturel et bien plus sür d'interpreter ce
vers comme une explication des deux precfedents et des mots
dregvatae et ashaonce. On ne peut non plus perdre de vue la
preposition d qui est dans la 2ine partie de la phrase yä cä Iwi
ä erezvä et qui joue nfecessairement ici le röle d'un verbe comme
dans une foule d'endroits des gäthäs. On aurait ainsi ce sens :
et quae apud illum (sunt) recta. C'est-a-dire pour le vers entier:
„et celui pour qui se rencontrent, les mensonges ainsi que Ies
rectitudes qui sont chez lui.' C'est lä une traduction qui ne marche
certainemcnt pas bien et qu'on ne peut gufere admettre. Remar¬
quons que l'on ne peut prendre mit'ä et erezvä pour deux duels;
le yä cä qui intervient auprfes du second rend cette supposition
impossible. En tout cas, quand meme le sens serait celui que je
donne ici en dernier lieu, l'auteur de cette strophe distinguerait
l'homme pervers, dregvat, le juste, ashavan et celui a fait du bien
ou du mal, mais pas celni dont les mferites et les fautes s'fequi-
parent. II n'y aurait donc lä aucune allusion au Hamestakän et
ä la cause qui y fait condamner l'äme. En outre pour arriver ä
cette traduction il faut changer mit'ahyd en mit'ä cä. Cette
de Harlez, itudes avestiques. 631
correction il est vrai, est trfes moderfee; toutefois l'autoritfe con¬
stante des manuscrits s'y oppose et de plus pour la faire il faut
dfetruire le parallfelismfe des expressions yahyä cä mit'ahyä et
yä cä erezvä qui forment semble-t-il une apposition recherchfee;
il faut aussi introduire un 3™« cä dans le vers.
Nous concluerons donc que l'autorite de la glose pehlvie est
absolument nulle , qu'elle se rapporte ä une croyance ou plutöt
ä une dfecision casuistique dont les termes mfemes (insferfes ä la
glose du Vend. VII) indiquent l'origine postavestique. L'avesta
ne connait ni la supputation ou pondferation des fautes , ni le
sroshacarana estime comme poids ou valeur, ni aucun de ces
tarifs de la conscience. L'avesta ne contient pas la moindre allu¬
sion au Hamistakän. Le texte des gäthäs oü les glossateurs ont
cru voir quelque cbose de ce genre ne peut s'y rapporter. Donc
la croyance au Hamistakän, ä cette sorte de purgatoire destinfe ä
ceux dont les fautes et les mferites se contrebalancent, n'etait pas
encore connue au temps de l'avesta et n'est entree dans la thfeo-
logie parse qu'aux premiers sifecles de notre ire.
2) Draono et hväthrem.
Ces deux mots sont encore objets de controverse. La tradition
fait du premier „l'offrande liturgique', du second , eclat, splendeur,
brillance , bonheur'. Ces deux sens me paraissent encore les
meilleurs ; non point parceque la tradition les donne (personne
ne raisonne ainsi , quoique puisse dire M. Luquiens ; ce mode de
polfemique est dfeplorable), mais parceque, seuls, ils donnent par-
tout une traduction acceptable. — Draono ne vient ni de dru
courir, couler , ni de dru etre ferme , fort, vigoureux ; impossible de faire venir delä jl'oflErande' ; c'est le correspondant dn sanserif dravinas ,bien, don, prfesent'. Draono est „l'oflfrande' en gfenferal,
d'abord, puis I'offrande spfeciale du pain (Comp, les pains de pro¬
position chez les Juifs) et a le double sens de hostia (cbez les
chretiens). Ce pain n'est pas encore (comme .je I'ai dit dans mon
Introduction p. CLXXVIII) le petit pain daroun grand comme un
dollar (M. Luquiens en affirmant le contraire se trompe et critique
ä tort). Le sens d'oflfirande, offrande liturgique, convient seul au
Vend. V, 79 (pour un draona le Ratus remet le ^/s des peches),
au Yt. XIX, 7 (celui qui monte une montagne doit offrir un draona)
(non un petit pain comme un dollar); au Y. XI, 16 oü Haoma
rfeclame son oflfi'ande; au Vend. XIII oü le chien est dit fetre comme
le prfetre Kaaudraona ,ä dons maigres' (ou selon le terme vul¬
gaire ,au petit pain"). A Y. XXXIH, 8 oü il est demandfe les
biens d'Ameretat et les dons d'Haurvatät, draond est encore „don,
offrande" et ne peut avoir rien de commim avec drvatdt, vigueur.
D est fetonnant qu'un esprit serieux comme M. Luquiens
puisse admettre une progression semblable „etre fort, ferme,
vigoureux" d'oü rester en place, fetre fetabli, itre mis ä part.
4 5 ★
632 de Harlez, etudes avestiques.
offrande — et qu'il trouve ,1a stabilite de la sante »plus poetique
que ,les dons d'Haurvatät' (genie de l'incolumite).
M. Geldner prend draono dans le sens de propriete, possession
qui ne convient presque nulle part. Cp. les textes p. 631, fin.
HPäthra. Les demiers interprfetes en font un compose de Au
aihra (bonne respiration, bien etre, aise) ou de hoa athra marcbe
par soi-meme (M. Luquiens) cela donne reellement un sens plus
colore ä certains passages mais introdüit dans d'autres un sens
impossible. C'est pourquoi je ne puis accepter cette explication
Ainsi les montagnes qui touchent le ciel ou sur lesquelles appa¬
rait l'aurore , ne sont pas certainemcnt donees d'vm fort bien-etre
ou d'une marche par soi trfes forte, ou bien de l'un ou l'autre,
Selon la rectitude; mais elles sont trfes brillantes ash ou asha-
hväthrdo. On ne demande pas non plus pour une familie la
splendeur, la gloire (hvarenaftb) bien ä l'aise ou marcbant par soi,
mais une gloire feclatante. Ahura Mazda et les genies Celestes se
caractferisent par la lumifere et non par l'aise .et surtout pas
par ,1a marcbe par soi'. — Meme au Y. XXXI, 7 qui fait le grand
argument de M. Luquiens il est pour le moins aussi bien de tra¬
duire : „celui qui a forme les feclats lumieux pour les astres ou
pour qu'ils se rfepandent par les astres' que „celui qui a forme
les bien-etre ou les marches par soi' pour les astres ; former pour
un autre la marche par soi-meme, cela est un pen contradictoire.
Aussi pour arranger ces mots ensemble, M. L. est obligfe de
constmire la phrase d'une manifere impossible; mantä hväthrä
roithwen raocSbis' „c'est qui a arrangfe pour les astres qu'ils soient
vetus (clothed) de mouvement par eux-memes'. rithw = fetre
vetu, c'est fort; car le mot signifie repandre, se rfepandre; et vetu
de mouvement! puis mantä roithtoen formateur qu'ils soient vetus!
— Mais, dit M. Luquiens, le Dieu ne pent donner la lumifere
aux astres puisqu'ils sont anaghra sans commencement, hvadh&ta
ayant leur loi en eux. II oublie que si cela est vrai dans I'Avesta
prop, dit, il n'en est rien dans les gäthäs ; lä Ahura M. a crfefe les
raocäo Voy. XLIII, 7. Les explications de draono et de qäthrem
restent donc les memes, malgrfe des efforts qui pour embellir
I'Avesta, le dfenaturent.
L'opinion la plus sure est que h^äthra a deux origines et
deux sens diffferents comme la traduction pehlevie les lui assigne.
Les montagnes pounihi'äthra, principalement celle que les premiers
feux du jour illuminent, ne sont pas certainement pleines d'aise ou
de bien-etre ; les hväthras qui se repandent par les astres (raocfebis'
röithwen Y. XXXI, 7) ne sont pas davantages les bien-fetre, bon-
heurs etc. — H^äthra au pluriel ne pent se rapporter qu'aux
rayons luminenx.
Par contre hi'äthrefiih opposfe ä duzhäthrem est le bonheur,
la bonne marche.
L'idee d'feclat, de lumifere convient mieux quand il s'agit du
4 S *
de Harlez, etudes avestiques. 633
Garönmäna, des Yazatas etc. On ne doit point oublier, du reste,
que les idees de lumifere , d'eclat et semblables sont aussi dans
les Vfedas employfees pour dfesigner le bonbeur, la prospferite (V. p.
ex. 185. 3, 389. 19. Cp. Kaegi der Rig-Veda p. 62 fin.).
Varefhs va.
Ce mot, d'apparence extraordinaire a fete une vraie crux inter¬
pretum. II se rencontre 7 fois au Vendidäd 2; 4 fois d'abord
dans le texte le plus ancien , dans trois phrases diffferentes dont
nous nous occuperons en premier lieu. Les voici: 1. Ahura
Mazda ordonne ä Yima de construire un vara, d'y bätir maisons,
portiques etc., puis d'y porter les germes des hommes, des bestiaux,
des arbres , et de tons les genres de fruits de la terre , de les y
placer par couples (pour la reproduction) d'une manifere permanente
(ajyamnem) aussi longtemps qu'il y aura des hommes varefshva
(§§. 71 et 115).
2. Ahura Mazda dit encore ä Yima: de dfeposer les germes
des hommes et des femmes ä certaines places du Vara et de les
aiwi tee varefshva avec l'instrument d'or; littferalement „super illos
varefshva sufrä aureä' (§. 127).
Qu'est que ce Varefshva et que faut-il en faire? Longtemps
on s'est contentfe de le prendre pour une forme irrfegulifere de
locatif pluriel de Vara; forme vraiment extraordinaire, il faut en
convenir. Geldner a tranchfe la difficulte en transformant le texte
de trois maniferes selon la phrase. Partant de cette idfee que
varefshva est au §. 91 une faute de copiste pour Varee shava
„fais entrer dans le vara" il a corrigd en consfequence 79 et 127
et y a change Varefshva en Varm shüta au premier, et Varce
shavat au second.
Rien de plus simple que ce systfeme ou ce procede et si tous
les interprfetes se le croyaient permis je ne pense pas qu'il resterait
beaucoup de difficultes dans I'Avesta. Certainement le texte ainsi
mfetamorphosfe est trfes simple et se comprend sans difficulte aucune.
Mais quelque brillante que soit cette mfethode , elle est cer¬
tainement des moins süres , et dans le cas prfesent , elle soulfeve
de telles objections qu'il est impossible de la suivre.
Voici les principales de ces objections.
1. Ces corrections n'ont aucun fondement reel ; il n'est pas un
mot du texte , pas une Variante , pas un mot des traductions, des
gloses etc. qui les justifient ni de prfes ni de loin. C'est bien
imagine, I'exegfete semble avoir ingfenieusement corrigfe un travail
mal execute, voilä tout ce qu'on peut en dire. Nous disons
„semble", nous verrons plus loin qu'il n'en est x-ien.
2. Non seulement ces corrections manquent de toutes bases,
mais il y a des raisons certaines de croire qu'elles ne sont pas
conformes ä la rfealitfe. II serait tout ä fait inconcevable qu'une
faute aussi grossifere, aussi bizarre existät dfejä au temps oü la
634 de Harlez, Hildes avestiques.
version pehlvie a fete faite, et cela dans les quatre passages sans
exeption. Or les auteurs de cette version n'ont certes rien lu
qui approchät de Varce shava. La version ne contient aucun
verbe dans aucun des quatres paragrapbes. Varefshva y est
bien considferfe comme un seul mot et comme un mot au pluriel,
il y est pris non comme une forme mais pour un dferive de
Vara et rendu par Varmdnishnän demeures du Vara, ou habitant
le Vara". Cette version porte aux deux phrases principales et difffe¬
rentes (§. 79): jfais les couples d'une manifere perpetuelle aussi
longtemps que ces hommes sont habitants du Vara (ou dans les
habitations)" azash vädünyen dokdn anafstshn hamä men zak amat
valmanshän gabrään valmänishnän hömand. §.91 aiwitce varefshva
est rendu par mehim valmanschän varmänischndn räi „super,
illos, propter vari incolas ou habitationes" et ici la version ajoute
vädünyen ,fac" qu'i n'a aucun rapport avec shava, mais supplfee ä
I'absence du verbe qui devrait accompagner aiwi.
Les auteurs pehlevis auraient-ils crfefe ce mot varmänishn
uniquement pour cette coquille, qui a engendrfe, dit-on varefshva?
3. Ceci est peu de chose encore , si nous passons au texte
secondaire. Nous trouverons bien plus fort. Aux §§. 130 et 136,
que Pischel regarde encore comme appartenant au texte primitif
(et avec raison certainement quant au second) nous lisons: „Quelles
sont les lumiferes qui luisent (§. 130) et „ces hommes vivent de
la plus belle vie (§. 136) aUahshva Varefshva dans ces varas.
Que l'on remarque bien ces deux mots a^td^hva varefshva, nous
avons ici le pronom dfemonstratif ajoutfe et mis au nombre , au
cas et au genre de Varefshva. II n'y a donc pas de doute possible.
Nous avons devant nous , non pas un copiste , mais un fecrivain
qui connait trfes bien l'avestique, probablement meme un des
premiers auteurs de l'avesta, et il considfere si bien une forme en
schva dferivfee de vara comme fetant la vraie IcQon qu'il l'aflfirme
et la grave pour ainsi dire dans son manuscrit en lui adjoignant
a^tahshva.
Enfin I'auteur des derniferes lignes du Fargard II, lequel, bien
que moins ancien que celui des autres parties, ecrit encore l'avesti¬
que trfes - correctement et meme avec les toumures idiotiques,
reprend encore cette forme de ses devanciers et rfepfete d&td&shva varefshva.
Evidemment ici il n'y a ni shüta ni shava ni rien de sem¬
blable qui ait pu se fondre avec vara. Et ces fautes, s'il y en
a sont antferieures ä la version pehlevie qui traduit valmanshän
varmänishndn „dans ces habitations du vara".
4. La correction en elle-meme laisse beaucoup ä dfesirer.
Varae shava ne signifie pas „fais entrer" mais „entre dans le Vara",
ce qui n'a pas de sens en ce passage. Shu ne signifie que
s'avancer, aller en avant etc. — Fra shava „avance, fetends toi" vi
shava „fends-toi, dit Yima ä la terre. zam aiwi shuvat, ü alla
de Harlez, Hudes avestiques. 635
contre la terre, la pressa pour l'entrouvir (ou aiimshavat-suft,
per(;a). Shu pas plus que ses formes coUaterales (V. P. shiyu,
N. P. schudan) n'a le sens causatif. Pour le lui donner il faut
le derive ordinaire schävaya. Voyez Visp. IV, 7. 13; Y XXVH;
Yt. VIII, 9; X 36.
Le sens de Varce shata (§. 79) bien que plus exact n'est pas
plus satisfaisant. Cela signifie en eflfet: „ces couples subsisteront
ainsi, les fruits se perpfetueront aussi longtemps que existeront
ces bommes, entrfes dans le vara". Or il ne s'agit pas seulement
de ces premiers Importes dans le Vara, mais aussi de leur des¬
cendance, puisque cbaque couple produit un nouveau couple tous
les quarante ans. Varce shüta est donc inexact.
6. Les fautes que cette correction suppose sont tout k fait
inexplicables'. Le mot Vara est employö vingt fois dans le chapitre
et toujours correctement. Comment se fait-il que dans ces seuls
passages il se soit introdruit une faute aussi extraordinaire? Vu
surtout qu'entre ces passages le mot Vara est plusieurs fois correcte¬
ment employe (§§. 93, 194 etc.). Comment en outre trois mots
differents sont-ils venus ainsi se fondre dans une mfime faute?
C'est lä une bevue sans autre exemple, comment surtout Varae
shüta, est-il devenu varefshva. Si encore Varce shava se trouvait
dans le premier paragraphe oü cette faute se rencontre, on pour¬
rait compendre que l'on en eüt etendu l'emploi aux §. suivants,
mais au contraire c'est varce shüta qui commence.
Supposons le copiste ä l'oeuvre. II ecrit le Fargard II assez
correctement et emploie partout le mot varem d'une manifere exacte.
Arrivfe ä §. 79 il fecrit encore nfecessairement vara: shüta, mais
voilä qu'ä §. 91 il se trompe et transforme varce shava en varefshva,
qu'il prend pour je ne sais quoi, car la langue ne lui foumit rien
d' analogue, et notons qu'il sagit d'un copiste qui fecrit au com¬
mencement de l'fere chrfetienne, ä une fepoque oü les lecteurs de
l'avesta comprenaient encore bien la langue de ce Uvre et l'fecri-
vaient meme (car c'fetait avant la version peblevie). Puis ayant
ime fois inventfe cette belle forme varefshva pour varce shctoa, en
dfepit du sens qui lui met sa mfeprise claire sous les yeux, il
remonte ä §. 79 et se dit: j'ai fecrit shüta qui a un sens clair
et correcte , et le manuscrit que j'avais sous le yeux le porte
egalement, mais cela ne fait rien, puisque j'ai fecrit une fois va¬
refshva je m'en vais le mettre partout ä la place de varce shüta
et varce shavat.
On dira peut-fetre que la corraption de Varae shüta n'est pas
de la meme main que celle de Varae shava, soit! En tout cas
celui qui a transportfe la coquille au §. 79, fecrivait aussi ä une
fepoque oü tous les docteurs mazdfeens comprenaient l'avesta; tous
donc l'ont laissfe faire sans rien dire, sans s'apercevoir du change¬
ment survenu dans leurs manuscrits, et qu'on ne dis e pas que cela
s'est fait sans qu'ils le sachent, ä un moment de troubles, car
636 de Harlez, etudes avestiques.
oes mimes docteurs, trfes nombreux comme on le sait, ont crfee
exprfes le mot varmänishn, pour rendre ce varefshva, et ils avaient
trfes-bien etudife ce mot puis qu'ils y avaient justement dfecouvert
im locatif pluriel, qu'ils rendent avec grand jugement selon la
phrase par yen valmanshän varmänishndn (in illis V.) et Val v. r.
(in, ad illos). Des docteurs qui raisonnent si judicieusement
n'iraient certainement pas prendre varefshva pour Varce shüta.
6. Nous ne sommes pas au hout : si varce shüta est la vraie
IcQon comment expliquer les §§. 131, 136 et 138. Le copiste
avait dit-on, devant lui aetahmi varce, rien d'autre. II comprenait
trfes-bien les mots puis qu'il y avait vu le locatif A'a^shh et de
vara. Qu'on veuille bien nous dire pourquoi il aurait fetfe recher¬
cher le mot varefshva aux §§. 79, 15. Certes ce n'a pas fetfe un
pur basard ou simple sottise, car ce copiste en savait assez pour
analyser varefshva, y reconnaitre la forme d'un locatif pluriel et
faire accorder aetahmi avec ce mot intrns , implantfe lä sans
aucun motif
C'est donc avec intention et intelligence que le copiste a
substitue l'Unform, l'Unding Varefshva au mot si simple et si
correct varce.
En voilä assez d'impossibilitfes , je pense, et l'on se demande
comment l'auteur de cette correction n'a pas saisi tout cela d'un
coup d'oeil.
Mais si Varce shava, Varm shüta, Varoe shavat ne sont
pas les bonnes leQons, faut-il conserver Varefshva malgrfe sa forme
insolite et reellement inadmissible ? On pourrait admettre une forme
Varp ( Vahrp) semblable ä kehrp et dferivfee de Var^} comme
kehrp de karp. Ce serait l'explication la plus simple. Mais cette
forme est peu probable, il y a d'ailleurs un moyen bien meilleur
de corriger le texte vraisemblablement fautif, et cela sans lui faire
violence, non plus qu'ä celui de la version.
C'est tout simplement de changer, comme nous l'avons fait
depuis longtemps Varefshva en Vara^shva, Vara^hva serait ä
Vara ce que Varenafeshu (Yesht V, 33) est ä Varena , une forme
plurielle indijuant les locaux partieuliers d'un endroit dont le
singulier designe la totalitfe. C'est precisement ce que veut indi¬
quer la version pehlevie. On aurait ainsi au §. 79 (= 115)
,Tout cela subsistera aussi longtemps qu'il y anra des ces hommes
dans les locaux du Vara".
Au §. 91: „porte tout cela dans le vara, depose ces germes
dans les locaux indiques avec ton sufra d'or" et au §. 127: „Yima
dfeposa les germes dans les locaux etc."
Tout cela est parfaitement en ordre, a un trfes bon sens et
est obtenu par une correction des plus simples et des plus natu¬
relles, Vara^hva p. Varefshva.
On objectera peut-etre qu'il manqne ainsi un verbe aux
§. 91 et 127; mais il n'y a lä aucune difficulte; c'est un usage
de Harlez, Hudes avestiques. 637
constant de l'avesta, quand un mfeme verbe se rfepfete avec diffferents
prfefixes de ne l'exprimer qu'une fois. L'on a ainsi plus haut fra
shava puis vi seul, pour vi shava (fra shava vica nemanhä).
Nous aurons de meme au §. 91. upa bara et aiwi (hara), upa
baral, et aiwi (barat).
Mais n'y aurait-il aucun moyen d'introduire un verbe dans
cette phrase et de plus d'expliquer cette introduction singulifere
d'un /'? moyen naturel bien entendu? Si, l'explication pouvait se
faire sans grand effort, ce serait d'admettre pour §§. 91, 127 un
verbe varep , de meme origine que le verp , verf germanique ').
La 2""' personne du sing, imper. donnerait Kare/iÄiJa Jette" (dans
le vara) et cette fonne aurait absorbfe les autres Varaishva et
varefshata.
11 y a donc 3 maniferes de traiter ces textes: 1. laisser partout
varefshva comme locatif pluriel de varep, ce qui est le moins
probable. 2. corriger partout en vara^shva ce qui est simple et
satisfaisant et que j'adopterais. 3. corriger partout vara^shva
mais ä §§. 91 et 127 lire varefshva (imp. m. 2. p. sg.) et varef¬
shata (aor. 3. p. sg.). — Cbacun pourra choisir ä son grfe. Je donne
tout ceci pour ce qu'il vaut. La multiplicite des moyens de
correction prouve dfejä le peu de sdretfe de chacun. On verra
toutefois que quand on veut se mettre ä faire des conjectures, il
est facile d'imager des explications meme naturelles et satisfaisantes
sous tous rapport. Cela montrera en outre que la restitution la
plus brillante n'est et ne sera toujours qu'une conjecture. Pour
la curiositfe du fait ajoutons en une quatrifeme qui satisfera peut-
etre ceux qui dfesirent donner ä shu le sens causatif. La voici,
elle a du moins pour elle l'avantage d'etre simple et naturelle :
Le texte portait partout vara&shu. Mais au §. 91 il avait en
outre shva. Vara^hu shva (aiwi ca te varatshu shva). Vara^hu
shva s'est altfere par erreur de copiste en vard^hva puis en
varefshva.
Hamaspat'mafed'a-AspostaoyfehiS.
Les Gahanbärs ou fetes annueUes, partageant I'annee avestique
en six parties portent les noms de 1. MaidJyözaremaya. 2. Mai-
cUyosliema. 3. Paüis'hahya. 4. Ay äf rema. 5. Maidhyäirya et 6. Ha-
maspafma^dJa. La signification des noms de 1, 3 et 5 est connue
depuis longtemps. Maid'yozaremaya est ,ce qui aiTive au milieu
du printemps ou du temps de la verdure' , Paitis'hahya est le
temps des fepis, Maid'ydirya ce qui tombe au milieu de l'annfee.
Both ä dfemontrfe que Maidhyoshema est le milieu de I'fetfe. Je
crois avoir fegalement prouvfe que Aydt'rema est le temps, non de
la rentree des troupeaux, mais de l'union des animaux, de la
1) Cp. Qinxm \ lith. verpti, saiisc. oarp; cf. varpa, varpas.
638 de Harlez, 4titdes avestiques.
fecondation des femelles; d'ayä aller vers; aydt'rema, rapproche¬
ment, Aibigayä qui donne la vie, varshniharsta aux males lachis.
Quant au 6. Hamaspat'mai^a, il est clair comme le D. Roth
I'a supposi, que la premifere partie est formfe du partic. prfes. de
ham d su, favoriser, dfevelopper, Uamasuat devient hamaspat..
Reste ma&S!a ä expliquer.
Roth y voit le Vedique, mtdha, qu'il prend dans le sens de
sfeve et qu'il transporte au sens figurfe pour en faire ,1a vie , la
force chez rhomme". Le Hamaspathmed'a favoriserait le dfeve¬
loppement des forces du cultivateur par le repos de l'hiver, repos
du reste trfes occupfe comme l'illustre Maitre le reconnait lui-meme.
J'ai dfejä fait observer que cette mfetaphore est peu naturelle, que
l'avesta n'a point de ces figures alambiqufees ; que cette dfesignation
de l'hiver comme dfeveloppant les forces du corps humain ne Test
pas d'avantage. J'ajouterai que cette expression , dfeveloppant la
sfeve de la vie par le repos", n'est gufere supposable, il y a trop
d'opposition entre cet attribut actif (hamasvat) et le moyen tout
nfegatif (le repos) qui servirait ä produire l'effet.
II est bien plus naturel de prendre m'&dha et md&JJa dans
le sens de sacrifice. Le Hamaspat'ma^d^a, je Tai dfemontrfe, ne
dfesignait originairement que les 6. jours complfementaires de l'annfee,
jours consacrfes au souvenir des morts et au culte des Fravashis
qui venaient voir sur la terre si on leur faisait des offrandes et
des sacrifices. Le nom de Hamaspat' maäd! a , indique cette cir¬
constance. C'est le temps, le moment oü les sacrifices se mul-
tiplient.
Si dans Hamaspat!maJkd!a , aspal. est le participe present de
d su, devons-nous transfferer cette explication ä aspostaoyihi, que
nous trouvons au Yesht V §. 76. Ce mot signifie-t-il, non pas
,plus gros qu'un cheval , mais grossissant plus forte' ? C'est le
Docteur Roth qui est I'auteur de cette seconde explication. II
felfeve contre la premifere les objections suivantes: 1. l'expression
,plus forte qu'un cheval' est de mauvais goüt, 2. (ceci n'est qu'une
ironic, probablement) eUe suppose la connaissance du cheval-vapeur.
11 est vrai que cette comparaison ne nous semble pas des plus
heureuses, mais notre goüt n'a rien ä faire ici ; il s'agit de savoir
si elle est dans le goüt des auteurs de I'avestfi,; c'est 14 tout.
Or dans l'avesta nous voyons par ex. une vache qui verse des
larmes et Ifeve ses bras au ciel et bien d'autres choses qui offen-
sent plus encore notre goüt. Les pofesies sanscrites n'en ont pas
moins que ceUes de la Perse. L'lliade nous montre un hferos
traitant en plein conseil des monarques, le roi des rois, d'ivrogne
aux yeux de chien , Ajax luttant vaillamment compare k un ane,
la reine des Dieux quahfiee de ,aux yeux de bceufs' etc. etc. On
ne peut donc s'arreter ä cela. Le second argument n'est qu'une
plaisanterie. Quand on dit plus fort qu'un cheval ,cela veut dire
plus gros, plus large", le cheval vapeur n'a rien k faire ici.
de Harlez, itudes avestiques. 639
Toutefois l'autorite du Dr. Roth nous ferait admettre son
explication si eile ne nous semblait philologiquement impossible.
Toutes les corrections que l'on fait k la strophe 7. pour etablir
le 2* sens sont tout i fait inutiles et injustifiees. Cette strophe
est parfaitement en rfegle comme on va le voir. Mais avant cela
nous devons nous rappeler ^que l'hymne entier est consaere a Ardvi
süra qui comme Haoma, Atar et bien d'autres encore est ä la
fois gfenie et felfement.
Ardvisüra est gfenie des eaux et en meme temps l'eau cfeleste,
eau immense qui se fait entendre au loin , qui a mille canaux
longs comme la route qu'un bon cavalier fait en quarante jours,
dont les ecoulements se rfepandent sur toute la terre. Prfes de
chaque canal s'elfeve un palais bien construit ä 100 fenetres, dix
mille poutres , mille colonnes. Cbaque maison i. cent places , sur
cbaque tapis est un coussin. Ardvisüra s'y precipite en flots, bauts
comme cent dos humains. Du haut du Hukairya, eile coule longue
comme mille dos humains.
7. Aat frashusat Zarat'us'tra Ardvi süra anahita
Haca dat'ushat Mazdäo (Mazdaoiiho)
Srira vä anhen bäzuä
Aurusha aspöstaoyfehis (lire : staoyao ou staoyaönho)
Pra srira zaosha, spafetita Aurvaiti bäzustaoyfebi
Avat mananhä mainimna.
,Que tes bras soient beaux, dores, plus gros que (le corps d')
un cheval. Viens-en-favorisant, 6 belle, blanchissante, rapide, avec
des bras (toujours) plus larges ; pensant ainsi dans ton esprit".
Rien de plus simple et de plus naturel que ce langage pour un
poiite avestique. Les bras d'Ardvi süra sont ces canaux, ces flots
dont le pofete demandait plus haut l'fecoulement abondant'), il
veut ici que ces flots soient larges , purs , blanchissant d'ecume.
La comparaison avec un cheval n'est pas seulement dans le goüt
avestique (Voyez le mythe de Tistrya et d'Apaosha) mais eile est
familifere ä tons les chantres aryaques. Dans les Vfedas l'feclair
ou le rayon de lumifere est une queue de cheval. Indra, Agni
et d'autres Dieux encore sont appeles chevaux.
Toutes les mythologies fetablissent un rapport direet entre
l'eau et le cheval; plusieurs, telles que la mythologie grecque, le
font naitre de l'eau, de la mer; c'est Poseidon qui est son cre¬
ateur. II n'y a donc pas ä pretendre faire regner ni notre goüt,
ni nos idfees modernes, et quant au rythme de la strophe, il est trfes
rfegulier, il n'y a rien ä en retrancher ou ä y ajouter. Le vers
a ses huits syllabes en lisant aspo. A ces considferations nfegatives.
1) Nous disons encore aujourd'liui : uu bras d'eau, un bras de mer.
640 de Harlez, Hudes avestiques.
je dois ajouter des objections positives qui ne permettent pas de
prendre aspö pour participe prfesent de ä su. 1'^ Su est en avesti¬
que un verbe transitif ; il signifie „favoriser, developper, accroitre"
et non ,se grossir, se developper, zunebmen „Voyez süidydi.
Y. XLIU, 2 et XLVIII, 3. ,Zunebmend' se dit suyamna, au
passif, ou au moyen ; de svi. Tous les dferives de su ont un sens
analogue. Voyez span, id., Saoka, le genie qui favorise, sevi
favorisant, dfeveloppant, faisant croitre. sevis'ta superlatif de sevi;
spenta mfeme sens; spSnis'ta id. spSn le dfeveloppement. 2'^ Aspo
staoyhhi serait un composfe tout ä, fait insolite. staoyehi est le
comparatif de stui gros, fepais (comp. Stdva^'tä, staora, et scr.
sthüla). Le sens de ce mot serait donc „grossissant plus grosse";
ce serait 14 une expression assez singulifere.
En outre les autres composes avestiques dont le premier
terme est un participe prfesent actif, ont pour second terme un
substantif qui est sujet ou complfement. Ex. Uk'shyalurvara
plante croissante ou qui fait croitre les plantes, hvanMcak'ra
au cbar retentissant , baratzaot'ra qui apporte des zaot'ras etc.
Asuvostaoyhhi serait seul de son espfece. Encore meme du reste
„grossissant plus large" ne parait pas une expression bien choisie ni de bon gotit.
Tout ce que nous disons ici des bras d'Ardvi süra, s'applique
parfaitement aux sources d'eaux K'aö apäm dont il est question
au Yesbt VIII, 5 et 42. L'auteur demande l'fecoulement de sources
coulant ä flots larges comme le corps d'un cheval; certes ce n'est
pas dejä si mal pour l'ecoulement d'une source. D'ailleurs ä cet
endroit le metre ne permet pas de lire asuvo, car le vers a huit
syllabes en lisant aspö.
Kat'a K'ao aspö staoyfehis apäm tacäonti
Ce vers nous apprendra en outre comment le ffeminin aspo-
staoy^hi s'est glissfe furtivement dans la strophe 7 du yesht V. oü
il qualifie bazvä qui est du masculin; il y a lä transfert abusif.
Disons le en terminant ce point: il m'est bien indifferent que l'on
adopte l'une ou l'autre des deux explications; mais ce qu'il ne
Test pas, c'est que l'on soit injuste envers les partisans d'une
opinion differente de la sienne. L'explication par asuvat ne vaut
certainement pas mieux que l'autre; ce sont des considferations phi¬
lologiques sferieuses qui empfechent de l'adopter.
Hü. Baocao. Nominatif Singulier
des noms en aiit.
Raocäo comme le dit le D. Pischel (Ztschr. DMG. Bd. XXXVL 1)
ne peut etre que le nominatif pluriel de raocaüh (röcas); le sin¬
gulier est (raocab) raocö. Raocäo est au complet raocäos , c'est
le pendant d'un Sanscrit rocähsi (moins i final et la nasalisation).
Au Vendidad II, dans paiti raocäo, ce demier mot est donc l'ac¬
cusatif du pluriel.
de Harlez, itudes avestiques. 641
Les noms en ard devraient avoir au nominatif ants. ts s'est
fondu en s; de 14 la forme pleine est ans, äs. Nous l'avons de¬
vant ca, par ex. dans vyäsca (Yt. XIII, 35). äs s'amincit encore
en ä (Ex. ha) on en as (Ex. stava^s Y. XLIX, 4) d'oü en ö et
meme en a. Comme le dit Pischel, ce nominatif est en do dans
les noms termines en mani ou vant qui font en Sanscrit män ou vän.
On a ainsi astvdo, vidväo, yätumäo, bänv/niäo comme on
aurait en Sanscrit, asthivdn, vidvän, yätwinän, bhänumdn. La se¬
conde partie de la voix äo est un Nachklang de s (ou de n) disparu.
Pischel aurait pu ajouter que cet allongement de la finale subsiste,
quand meme v tombe dans le suffixe ou la finale svant devenu
nuhantj, nhanf. en avestique. Par ex. aoshanhäo de aoshah-vard;
vivanhäo de vivaJi-vaht.
Une cbose m'a etonne ici, et qu'il me permette de le dire,
c'est que Pischel ait pu dire que dans mon Manuel je donne les
formes äo et 6 comme equivalentes (gleichwerthig).
II n'en est rien comme cbacun peut s'en assurer en lisant la
premifere colonne de la page 45 (1. edition; p. 56, 2. edition). On
y verra que je n'y ai trace qu'un tableau des formes; que j'ai
'nis la forme pleine dans le paradigme et que dans la note j'ai
mdique toutes celles qui sont employees sans faire aucune distinction
d'emploi mais sans les confondre ni les dfeclarer gleichwerthig.
Pischel oublie d'ailleurs les formes t'rizafdo, berezdo.
Le meme paragraphe qui contient j/aiti vaocao a aussi hü
& adwancfin. Pischel enseigne aprfes Törpel, qu'il faut lire partout
hürö, le metre exigeant que ce mot ait deux syllabes. Geldner
ht Huvd. Que la vraie forme soit hüro c'est ce que prouve
non pas le vedique svaras mais l'avestiqüe meme huro qui se
trouve en plusieurs endroits (Voyez Yag. I, 45, III, 59; Yesht
Xin, 5 etc.). Mais comment expliquer cette chute constante et
universelle de la syllabe ro ? Hü n'est pas un mot du moyen
persan, introdüit dans l'avesta par erreur. Je ne vois que deux
moyens: la forme hvefig des Gäthäs nous fait connaitre une forme
huän collaterale ä hvar; comme Kashvdn ä Karshvar etc. Cette
forme employfee invariablement comme hvare (Yt. VI, 1) s'fecrivait
hün en lettres pehlevies qui formferent le premier mode d'fecriture
de l'avesta, mais le n pehlevi ressemblant ä l'n final des mots
pehlevis fut neglige comme celui-ci, il resta hü. Ou bien hüro
s'fecrivait avec x) (a) et trois fois la forme de u; i), n et r pouvant
s'fecrire de meme. Le r ne se distingua plus et dispanit aussi.
Toutefois cette chute de rö est difficile ä motiver.
Sad'ayasca.
Dans les §§. 129 et ss. du Fargard II le metre est tellement
troublfe que Geldner les tient pour irreductibles et pour oeuvre
d'un Ueberarbeiter. Pischel remarque avec raison qu'il est difficile
Bd. XXXVI. 42
642 de Harlez, Stüdes avestiques.
d'admettre que le Fargard terminait au §§. 131 et cherche ä retablir
le metre dans la suite, en elaguant d'abord la glose du §§ 131
puis differents autres mots. II n'est pas difficile de constater que
les §§. 134 et 136 different considerablement , sous le rapport
mfetrique, des cinq precedents; dans les deux derniers le metre
est ä peine altere. Pour les autres ils sont trop meles de gloses
et d'interpolations pour qu'on ose affirmer quoique ce soit en ce
qui les concerne. On ne peut donc en rien retrancher sous pretexte
de rhythme. Le §. 132 est ainsi con(;u hakeret. zi irik'tahce
sactayasca, vaknaitoi stdrasca, mdosca, hvareca.
Pour avoir deux membres de 8 syllabes, Pischel retranche zl
ca et vdenaitce. Par la suppression de ca il est oblige de changer
sacPayas en sad!ayo. II admet du reste l'explication que Geldner
a donne i. ce mot et qui en fait un adjectif en i (said'i) au no¬
minatif pluriel lequel remplacerait un verbe et signifierait „apparais-
sant". Le sens serait : En meme temps que leur coucher (on leur
lever) sont apparaissants les astres, la lune et le soleil.
Examinons maintenant tout cela ä la lumiere de la critique
scientifique. Comment se justifient ces suppressions ? sur la sup¬
position d'une forme rythmee primitive. Et sur quoi repose cette
supposition? Sur rien.
N'est il pas bien dangereux de traiter ainsi un texte ? Et si
on I'editait de la sorte ne s'exposerait-on pas ä mutiler l'ori¬
ginal? Oui sans doute. Cela n'est donc plus qu'un jeu d'esprit,
car je ne pense pas que personne voudrait faire de l'avesta une
edition d'apres cette methode.
Quant au mot Sad'ayas(ca) peut-on le prendre pour un ad¬
jectif? un adjectif de formation primitive, en i, ayant la valeur
active d'un vrai participe present et non d'un qualificatif ce serait
un fait rare ! Et puis saidi ne peut signifier „apparaissant".
Sad s'est „s'avancer, arriver et s'en aller „mais ce mot ne peut
avoir aucun rapport avec l'apparition des astres, et ne peut rem-
placer un terme designant la vue, le lever des astres, leur pre¬
mifere lueur.
Said'i est bien le radical de Sadayas{ca,} mais ce n'est pas
un adjectif; c'est un substantif et ce substantif est fevidemment au
gfenitif, comme irik'taha ou irisfa-hw. Ce qui le prouve c'est le
sens du mot d'abord, un adjectif said'i ne peut faire la fonction
d'un participe pi-fesent. C'est en outre, le ca qui est ajoute ; qu'il
soit de premifere ou de seconde main, il prouve que sad'ayas est
le pendant de irik'taha;; c'est aussi le genre de ce mot qui devrait
etre au neutre. Du reste les auteurs de la version le savaient
encore car ils ont rendu saidi par raf tih, de rap aller. La legon
sad'ayo a ceci encore contre elle, (ju'elle rend l'addition du ca in¬
explicable. Or une faute de ce genre, commise avec une ob¬
servation exacte des lois de la langue, ne peut etre le fait d'une
distraction ou de l'ignorance d'un copiste. Le sens est: „En mfeme
de Harlez, etudes avestiques. 643
temps de leur lever et de leur coucher", ou bien „une seule fois
de leur lever et de toute leur marche apparaissent les astres, la
lune et le soleil". C'est ä dire qu'ils ne se sont leves qu'une
seule fois pour le Vara, qu'ils luisent toujours, ou que leur lever
et leur coucher se touchent sans intervalle. En retranchant vaenaito'
et en faisant de sod'ayd, par impossible un adjectif, on n'a plus
que : „En meme temps de leur coueber (ou de leur lever) les astres,
la lune et le soleil (sont) avangants (sad! ayö)". Si l'on yeut
retrancher quelque cbose ce doit etre sad'ayS qui peut n'etre
qu'une doublure de irik'taJue. On aura alors: Une seule fois de
leur emission de lumifere sont vus les astres, la lune et le soleil.
Mais vahuvüxe. ne peut etre une glose de sadayö avec lequel il
n'a aucun rapport de sens, pas plus que videntur, illucescunt avec
progrediuntur.
On aura ainsi les deux vers.
Hakergt irik'tahae vafenaita;
Starasca, mabsca, huarca.
Mais il est bien plus probable que se passage comme tout ce
qui concerne les lumiferes , est un ajoutfe prosaYque. En tout cas
sad ayas {ca) ne peut fetre qu'un nom au gfenitif. (Cp. Tdshayaaca,
vayasca etc.)
(phi. iraftih.) — Mais une autre explication est encore possible.
Si Ton prend en considferation, comme on doit le faire, le
vers suivant portant que pour les habitants un an semble n'fetre
qu'un jour, on devra interprfeter notre distique dans ce sens que
les astres dont le long cours marque I'annee paraissent tous ensemble.
En ce cas la logon sadaya (instmmental) serait la meilleure et
le sens serait: ,Par une production simultee Qiakaret sadaya)
de I'femission de leur lumifere trik'taluje, les astres se montrent aux
habitants du Vara" et l'on pourrait avoir en membres rhythmfes,
en retranchant deux ca:
HakerSt irik'tahae sad'aya vafenaitae stärö, mäo, bvarca.
On voit combien les textes sont complaisants et par consfe-
quent, combien toutes ces explications sont conjecturales.
Peshötanu.
Dans sa metrique de l'avesta M. Geldner expliqnait peslio
comme signifiant qui penfetre dans avec violence, qui brise, tue,
peshögära fetait „Hausbrecher" et peshötanu „Mörder". Aujourdhui
il a complfetement change d'avis. Certes nous ne lui en ferons pas
un reproche ; au contraire, rien de plus sage que de savoir revenir
sur ses pas. Si je rappelle ce fait c'est uniquement pour montrer
qu'il ne faut point le prendre sur un ton trop haut quand on
trouve quelque chose que l'on n'approuve point. II faut lire le
42*
4 (
644 de Harlez, Hude» avestique».
texte mfeme de M. Geldner pour se faire une idee de sa manifere
de faire.
Peshötanu est, d'apres la dernifere interpretation de M. Geldner,
celui dont le corps est ecarte, la personne ecartee, celui qui est
excommunife. Pour etablir cette explication il faut prouver 1" que
le mot peshötanu peut avoir ce sens, 2" qu'on trouve dans l'avesta
des indices certains de l'excommunication dont serait frappfe le
pesbo-tanus. M. Geldner cbercbe a accomplir sa premifere tacbe
en änalysant tons les sens de la racine pe)- pour arriver ä celui
de „cbasser, expulser". Ici comme dans ce qui suit nous passe-
rons sous silence une foule d'inexactitudes de dfetails et d'impos¬
sibilitfes, elles importent peu ä la question. Pereto (peshö) pent
certainement signifier „expulsfe".
Quant au second point M. Geldner rappelle les prescriptions
et sentences de l'afrigän I, 7 4 12 ou il est rfeellement question
d'une Sorte d'excommunication, puis la coutume des pretres gaulois
d'interdire le sacrifice 4 certains coupables, peine la plRs grave
chez ces peuples , enfin le paravrj indou. II resulte de cela 1»
que peshötanu pourrait signifier „au corps expulse", 2" qu'il y avait
peut-etre chez les Mazdfeens une sorte d'excommunication dont
l'afrigän I. trace les rfegles. Mais c'est tout. Pour aller plus loin,
il faudrait pouvoir montrer dans l'avesta un rapport quelconque
entre le pesliötanus (ou peretotanus) et l'excommunife. Or cela
serait impossible et M. Geldner ne l'essaie point. — Pour prouver
que ce n'est point 14 le vrai sens, montrons d'abord les intei-prfe-
tations auxquelles son auteur est force de recourir pour la soutenir.
a) Les boeufs sains et bien faits que le fidfele promet ä (^aoka
au Vend. XXII. {aperetotannnäm) sont des boeufs „qui n'ont point
fete chasses du troupeau"; pour inconduite probablement! Une des
qualites essentielles des animaux ofterts en sacrifice etait I'absence de difformitfe et de maladie, ils devaient etre sains et sans dfefauts.
Voilä ce que l'avesta veut dire.
b) Aeshma le genie de la violence est qualifie d',excommunife"
au lieu de „criminel". Un deva excommunife c'est assez nouveau.
c) Le voleur peshörura devient celui dont la demeure (gära
= garman) est peretn c'est 4 dire expulsfee. Mais püt-on meme
traduire „chasse de sa demeure' encore faudrait-il montrer un indice
de l'existence de cette peine. Peshem Sdrcin sera la demeure
expulsfee !
d) Pour expliquer dahma que l'on trouve opposfe a peshötanu
(tanuperetha) au Vendidad XII, 1 M. Geldner recourt 4 l'inter¬
pretation suivante: dahma dferive de la meme racine que dahyu
pays, contree ; c'est celui qui par une ceremonie d'initiation est
entrfe dans la communautfe religieuse et civile des Mazdeens. Adahmu
serait donc celui qui n'y est pas entrfe. Or au Yesht X, 138 le
saerificateur mazdfeen qui ne suit pas exactement les rfegles du
rituel, les rubriques, est qualifie de ana.ihavan qui n'observe pas
4 S
do Harlez, itudet avestiques. 645
les rites, atanumat'ra qui n'obfeit pas en tout k la loi et entre
ces deux fepithfetes se trouve adahma qui ne peut en consfe¬
quence avoir un sens bien dilferent. Ailleurs il est parlfe de la
prifere de bfenfediction {dfriti dahma) Tame de la loutre est qualififee
de dahma (Vend. XIII, 173). Au Yesbt X, 16 il est dit que
Mitbra donne la victoire ä ceux qui sacrifient, qui offrent des
zaotras saintement, dahma; evidemment ce n'est pas excommunU.
II en est ainsi presque partout oü il est employe. Et d'ailleurs
qui pourrait admettre cette dferivation de dah avec un pareil sens?
Si encore c'fetait dahyuma celui qui fait partie d'une dahyu, ce
serait concevable; pour daJima cela n'est pas possible.
Et si I'on pouvait meme faire abstraction de toutes ces diffi¬
cultes et objections, on n'en serait pas plus avance; il resterait ä
prouver que la condition du peshotanus avait quelque rapport avec
une excommunication gfenerale et c'est ce que M. Geldner n'a pas
meme essayfe de faire.
En eflfet les textes ne portent pas un mot qu'on puisse in¬
voquer en pi-euve; bien plus, tout y est opposfe. Citons quel¬
ques faits.
a) On est peretotanus pour une faute legfere ne mferitant
qu'une expiation de degrfe infferieur (50 coups. Voy. Vend. V, 51
et 83). Evidemment l'excommunication, si elle avait lieu, devait
etre reservfee pour les grandes fautes. On Test fegalement pour
avoir donnfe une soupe brülante k un cbien; cela ne comporte
pas non plus l'excommunication, le rejet du sein de la commu¬
naute religieuse et civile.
b) Au Vend. V, 14 il est dit que si les matiferes mortes
portfees par des oiseaux des mouches etc. pouvaient souiller ceux
qui les toucbent, le monde corporel tout entier serait 2>Bshdtanus.
Congoit-on toutes les crfeatures visibles excommunifees, les animaux
et les pierres meme ?
c) .^u Vend. XVI, 44 il est explique que les unashavans
sont ceux qui n'obfeissent pas k la loi et que les tanuperethas
(.X-" peretotanuo) sont les anashavans. II ne s'agit nullement d'une excommunication.
d) Le Vend. Ill, — nous peint I'fetat d'un mazdeen vraiment
excommunife, rejetfe du sein des fidfeles, enfermfe au loin dans une
fetroite enceinte, condamne ä y perir et pour celui-lä le texte n'a
point la qualification de peshutanus.
e) Enfin les sentences de l'afrigän fondement unique de la
thfese de l'excommunication n'ont pas du tout la portee qui lern¬
est attribuee. Leur gravite , leur nature , la futilite de la cause
qui les provoquent, tout prouve qu'elles ne sont pas serieuses.
Ainsi pour avoir manqufe de faire I'offrande prescrite aux ffetes des
Gahäfibärs on serait condamnfe ä etre d'abord exclu du culte, puis
le foyer serait interdit, puis on serait chassfe des lieux oü Ton peut
ßtre protfegfe contre les voieurs, puis banni de la memoire des
646 de Harlez, etudes avestiques.
hommes (selon M. Geldner), enfin frappe de mort civile. Tout
cela ressemble aux sentences prononcees par le Fargard XIV oü
nous voyons le meutrier d'une loutre condamne ä recevoir 2000
coups, ä offrir 10,000 charges de bois, ä former 10,000 baregmas,
ä tuer 90,000 reptiles et insectes, ä boucher 10,000 trous etc. etc.
Quoiqu'il en soit, du reste de cette question secondaire, il est im¬
possible d'admettre que le peskotanus soit un excommunie, banni
et errant. Rien ne l'indique et tout prouve le contraire.
Quel est donc le sens de peretd-tanu? Ce pent etre: „Qui
a comble la mesure de ses fautes, litt, dont le corps est plein
d'iniquite", ou mieux „dont le corps est peri moralement, perverti" ').
Ce sens est indique 1" par l'apposition de pereto i\ K'shaena
depferis (au Vendidad XXII, 12), avec gradation ascendante. 2" par
l'apposition du mot entier ä K'raozdal-wvan: „dont l'äme est
endurcie et le corps corrompu". Avec ce sens tout est en ordre.
Le Corps est evidemment oppose ä tarne avec intention.
Ce sens que j'ai donne le premier ä pereto a donc, dans
l'avesta, le point d'appui que reclamait M. Geldner et qui manque
ä son explication.
Mais ne l'eut il pas meme, il serait plus antorise que celui
de „demeure" donne par M. Geldner ä rdra et beaucoup d'autres
encore.
Oh si nous voulions user de represailles. Mais je ne m'oecupe
que de la seience. Peshotanus reste donc probablement celui dont
les peches ont corrompu le corps en meme temps que l'äme en
etait pervertie.
1) Per a ici quoique chose du seus donne a per dans le latin per-ire, per-dere per-versus. Le sens premier est, traverser, aller au-dela, passer.
De Ik & „pörir, se pervertir", il n'y a qu'uu pas.
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Aus einem Briefe von Dr. Goldziher
oa Prof. Fleischer.
Budapest, 1. Juh 1881.
Die in Lane's Manners and Customs beschriebene und bild¬
licb dargestellte Döse- ceremonie, welche nicht, wie man gewöhn¬
lich glaubt, nur in Kairo ausgeübt wurde, sondern auch in Syrien
noch jetzt ausgeübt wird (vgl. J. Burton, The Inner Life of Syria
Bd. I p. 140), ist, wie Sie bereits erfahren haben werden, in Kairo,
wo sie am Mölid en-nebi-Tage auch die Touristen belustigte, ab¬
geschafft worden. Ich habe viel daran gesetzt, den Text des Fetwa
zu erlangen, welches dieser aufsehenerregenden „performation* nach
jahrhundertelangem Bestände den Garaus machte; es ist mir aber
nicht gelungen , dieses theologische Document zu erhalten. Hin¬
gegen schreibt mir ein arabiscber Preund , der den muhamme¬
danischen Gelebrtenkreisen angehört, unter dem 11. Rebi' H 1298
(= 11. März 1881) in einem längeren gelehrten Briefe folgendes,
was als interessanter Beitrag zur Kenntniss dieser für Aegypten
nunmebr der mubammedanischen Archaeologie angehörenden Cere¬
monie nicbt unwichtig ist. Ich theile Urnen die bezügliche Stelle
seines Briefes wörthch mit:
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1) Nämlich des iro vorigen Jahre installirten Grossmeisters der Derwisch¬
orden, des sogen. Scheich al-Bekri, den unsere europäischen Zeitungen zu einem
„Oberzauberer" machten.
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