Détermination de la digestibilité des nutriments de 2 variétés de maïs ensilées à différents stades
Yves Arrigo
Station de recherche Agroscope Liebefeld-Posieux ALP, CH-1725 Posieux Contact : Yves.Arrigo@alp.admin.ch
L’estimation de la digestibilité de la matière organique (dMO) du maïs est fragile du fait du manque de liaisons étroites avec la composition chimique (Daccord et al., 1996 ; Herter et al., 1996). Ne disposant pas de suffisamment de références expérimentales lors de la révision du Livre Vert (ALP, 2009), les équations françaises ont été éditées pour la prédiction de la dMO du maïs.
Actuellement, on se contente de la valeur énergétique standard, malgré les influences de la variété, du stade végétatif ou de celles du milieu. La vérification du modèle appliqué aux variétés actuelles cultivées sous nos conditions climatiques est pertinente, des travaux en cours font l’objet de comparaisons avec les valeurs déterminées in vivo. Les premiers résultats sont présentés dans ce travail.
Fourrages, animaux, et méthodes
Deux variétés de maïs, Amadeo de type amidon et LG32.52 de type digestibilité, ont été semé le 7 mai 2008, à une densité de 105'000 grains/ha sur une parcelle occupée précédemment par une prairie temporaire. Les récoltes ont été réalisées à 3 stades différents de maturité, soit au stade laiteux le 20 août (103 jours après semis), au stade pâteux-mou le 23 septembre (136 jours) et au stade pâteux-dur le 14 octobre (157 jours).
Pour les essais de digestibilité, le maïs a été haché à 5mm au champ, selon l’usage habituel pour l’ensilage. Au stade laiteux, la récolte a fait l’objet de deux types de conserve, l’une en vert par congélation en sachets plastiques de 5 kg, et l’autre ensilée sans agent de conservation, dans des cuves de 700 litres, fermées par un film plastique recouvert de sable. Les autres récoltes ont été uniquement ensilées. Le maïs au stade pâteux-dur n’a pas pu être récolté comme prévu. Seul un traitement d’Amadeo provenant d’une parcelle voisine a été ensilé (autre date de semis et autres antécédents de culture).
L’essai de digestibilité a été réalisé avec des béliers castrés adultes de race à viande à tête brune, répartis dans les traitements (n : 4) en fonction de leur âge (7,1 ± 0,8 ans) et de leur poids (81,1 ± 9,3 kg). La procédure expérimentale s’est déroulée avec une période d’adaptation en groupe d’une
semaine, puis de deux semaines en stalles individuelles, suivies de deux périodes de mesures de 4 jours.
Les fourrages et les fèces sont analysés selon les protocoles accrédités d’ALP. La dMO in vitro est déterminée selon la méthode de Tilley et Terry (1963).
Résultats et discussion
La composition chimique différencie davantage les variétés au stade pâteux-mou qu’au stade laiteux. L’amidon est le nutriment qui distingue le plus les deux variétés (>40%), ce qui atteste bien le type « amidon » d’Amadeo. L’ensilage de LG32.52 au stade laiteux révèle des teneurs plus faibles qu’Amadeo en constituants pariétaux (-16% pour CB et -17% ADF -12% pour NDF). Au stade pâteux-mou, ces écarts se comblent (-3% CB et ADF, +2% pour NDF). A ce stade, les teneurs de LG32.52 étaient supérieures en MA (+12%), Ca (+26%), P (+24%) et Mg (+32%). Pour les autres nutriments, les teneurs des deux variétés étaient similaires (tab.1).
Tableau 1. Composition chimique après conservation
stades laiteux pâteux-mou pâteux-dur
variétés Amadeo congelé
LG32.52 congelé
Amadeo ensilé
LG32.52 ensilé
Amadeo ensilé
LG32.52 ensilé
Amadeo ensilé MS, g
g/kg MS MO MA CB ADF NDF Ca P Mg K EB, MJ
219
958 80 250 276 489
2,0 2,3 0,9 14,4 17,3
224
955 82 275 303 520
2,4 2,6 1,0 15,0 17,5
214
955 77 290 338 564 2,0 2,6 1,0 14,6 18,0
226
960 81 251 289 502 2,1 2,5 1,0 13,4 18,2
285
961 76 233 258 437
1,6 1,9 0,8 13,1 17,9
303
958 86 225 250 448 2,1 2,6 1,2 12,8 18,0
436
961 78 234 272 461 1,7 2,4 0,9 13,7 17,9 MO, matière organique ; MA, matière azotée ; CB, cellulose brute ; ADF, lignocellulose ; NDF, parois ; Ca, calcium; P, phosphore, Mg, magnésium; K, potasse; EB, énergie brute
L’évolution des teneurs en constituants pariétaux en fonction du stade (de laiteux à pâteux-mou, 33 jours) est plus démonstrative chez Amadeo, (CB -25% ; ADF et NDF -30%), ces réductions sont contrecarrées par une augmentation de la teneur en amidon (+65%) et en graisse (+51%). Chez LG32.52, les réductions sont plus faibles (CB -11% ; ADF -15% et NDF -12%), l’amidon augmente de 66% et la graisse de 26%.
La digestibilité apparente des nutriments in vivo et les prédictions de la dMO calculées avec les équations du LV 2009 (ALP, 2009), 1999 (RAP, 1999) et déterminées in vitro sont données au tableau 2.
Tableau 2. Digestibilité des nutriments en % déterminée in vivo et estimée
stades laiteux pâteux-mou pâteux-
dur
variétés Amadeo congelé
LG 32.52 congelé
Amadeo ensilé
LG 32.52 ensilé
Amadeo ensilé
LG 32,52 ensilé
Amadeo
ensilé S8 P1 stade
P2 form.
P3 var.
dMO dMA dNDF
valeurs calculées dMO LV09
dMO LV99
dMOTT
dMO taLV
dMO taI N
dMA LV
71,0 52,9 63,5
69,4 69,8 69,5 71 71 56,3
71,0 56,0 64,7
68,0 68,0 69,5 71 71 56,9
64,1 42,3 59,2
66,8 71,5 70,5 71 71 55,7
71,1 52,5 63,0
69,4 72,0 70,8 71 71 56,4
71,9 47,1 62,8
70,3 72,6 71,4 72 72 55,4
73,3 55,9 63,9
71,4 72,9 77,3 72 72 57,8
77,9 57,1 73,5
70,3 72,5 75,3 73 73 55,9
1,4 2,5 2,2
<0,01 0,26
<0,01 0,10 0,03 0,21
0,09
<0,01 0,03
dMO : digestibilité de la matière organique, dMA : digestibilité de la matière azotée ; dNDF : digestibilité des parois ; dMOLV09 : dMO par équation LV09 ; dMOLV99 : dMO par équation LV99 ; dMOtaLV : dMO des tables du LV ; dMOtaIN : dMO des tables INRA ; dMALV : dMA par équation LV. ; S8 : erreur standard de la moyenne ; P : seuil de signification ; P1 entre les stades ; P2 entre les formes congelées et ensilées ; P3 entre les variétés.
L’ensilage Amadeo au stade laiteux obtient les digestibilités apparentes les plus faibles. On constate que la MO et la MA du maïs conservé par congélation sont plus digestibles (p<0,01) que celles du maïs ensilé, Amadeo se différencie mais pas LG32.52 (p>0,05). La comparaison entre les deux variétés confirme le type « digestibilité » de LG32.52 qui domine Amadeo. Il y a des différences entre variétés (p<0,05) au stade laiteux sous forme ensilée pour la dMO et la dMA. L’effet du stade montre une augmentation de dMO, dMA et dNDF (p<0,01 chez Amadeo) avec l’avancement de maturité.
Les dMO calculées avec l’équation 2009 (ALP, 2009) sont légèrement sous-estimées de façon systématique par rapport aux valeurs déterminées in vivo (-2,3 à -9,7%). Les dMO obtenues avec les équations 1999 (RAP, 1999) sont parfois moindres mais aussi excessives selon la variété ou le stade (+11,5% pour ensilage Amadeo laiteux).
Les dMO issues des tables du LV et de l’INRA donnent des valeurs proches des valeurs in vivo pour les stades laiteux et pâteux-mou.
L’incidence des écarts d’estimation de la dMO sur les valeurs énergétiques varie de 0 à 0,8 MJ, soit de 0 à 10%, les plus grandes différences se retrouvent aux stades laiteux et pâteux-dur. La
détermination in vitro de la dMO offre dans 5 cas sur 7, les valeurs les plus proches des valeurs in vivo. Cependant, pour les deux autres cas, les valeurs obtiennent des écarts deux fois plus élevés que ceux des estimations par LV09 (ALP, 2009) (Amadeo pâteux-dur et LG32.52 pâteux-mou).
Conclusions
L’estimation de la valeur nutritive du maïs plante entière (PE) reste difficile, car les variétés avec leurs particularités répondent différemment aux modèles de prédiction. La difficulté réside dans le fait que la valeur nutritive de la PE est la somme des valeurs nutritives d’organes dont les proportions évoluent différemment en fonction de l’âge, de la variété et du milieu.
Une valeur prédite reste une valeur approximative et doit être utilisée en connaissance de cause.
Notre défi est de rendre la prédiction pas forcément plus précise, mais plus sûre. En effet, ces résultats étant issus d’une seule année, ils devront être confirmés par les prochains essais.
Bibliographie:
ALP (2009): Apports alimentaires recommandés et tables de la valeur nutritive pour les ruminants http://www.agroscope.admin.ch/praxis/00215/00801/01587/index.html?lang=fr
Daccord, R., Arrigo, Y., Vogel, R. (1996) : Valeur nutritive de l’ensilage de maïs. Revue Suisse Agric. 17-21.
Herter, U., Arnold, A., Schubiger, F., Menzi, M. (1996) Verdaulichkeit, das wichtigste Qualitätsmerkmal bei Silomais. Agrarforschung, 535-538.
RAP 1999: Apports alimentaires recommandés et tables de la valeur nutritive pour les ruminants.
Centrale d’enseignement agricole, Zollikofen, Switzerland.
Tilley J., Terry, R., (1963) : A two stage technique for the in vitro digestion of forage crops. J. of Brit. Grassland Soc., 18, 104-111.