une place considérable, mais
il
n'a rien de laprétention
boursoufléeni
de l'élégance pédantesque de l'école desSt-Lambert,
Delille
et autresrimeurs
aussi peu inspirés que bien oubliés. Le poème date de 1831. Nous sommes en pleine période d'effervescence romantique. Les ilfécfî-fations ont paru et laissé dans toute la France une inalté-rable admiration.Victor
Hugo s'est posé enrival
deLa-martine
dans ses (Mes et ses Orientales et sesPenises cZL-iutomue. Le correct et majestueux Alfred de
Vigny chante Musset folâtre, à l'extrême gauche du romantisme, entre Z)<m Paee: et la fameuse PaWatïe à
ia Lîtne.
Notre poète, lors de son
premier
séjour à Paris, s'est trouvé dans la société de presque tous les coryphées de la nouvelle école.Il
est resté national, maisil
est devenuromantique, non
point
par système, mais parcequ'il
en-trevoyait dans les tendances de la poésie, représentée par Hugo etLamartine, une forme plus naturelle, plusvivante
de
l'Art
que dans les vieux clichés classiques. Larime
est soignée, le vers harmonieux,
l'inversion
rare. Cen'est
pas encore la perfection parnassienne
d'un
Banville ou d'un Lecomte de Lisle. Maisil
y a progrès très-sérieux sur les pastiches à la BaourLormian
en vogue dans la Suisse romande. Ainsil'on
neferait
plus guèrerimer
« austère » avec « mère » et
l'on n'écrirait
plus des vers comme ceux-ci :Ce lac jw'en vain je veux cAasser de mes faMeaux, Ou
J'aime du ver! matin l'humide et frais sourire.
Ou bien
Tous souvenirs de gloire et d'un tfye p/us doux'.
Ce sont des ressouvenances classiques dont Olivier n'avait pas su se dépouiller entièrement. Ces légers dé-fauts de versification sont largement compensés par de très-beaux alexandrins :
Là, Morges se cachait près de ses grands roseaux Que le vent fait gémir et trembler dans les eaux ;
De son donjon royal dominanf les villages,
Wulflens m'apparaissait comme un tombeau des âges Où l'étranger, qui monte au sommet du vieux fort, Sent partout la fraîcheur du souffle de la mort.
— 407 —
Puis la Côte riante et ses blanches maisons Ceintes de pampres verts dans les belles saisons, Je la voyais, plus bas, sous les brumes mobiles ;
Devinant les hameaux groupés autour des villes,
Je cherchais à saisir s'il ne m'en viendrait pas
Des romances d'amour et des chants de soldats.
Ne croirait-on pas
lire
duiîrizetcc
vaudois Et ces vers délicieux nerappellent-ils
pas le chantre des plages bre-tonnes et des antiques châteauxd'Armorique?
0 rochers d'Azeindaz, val qui touche les nues, Où la lune à minuit descend sur le glacier; Chalets de Taveyanne ; 0 forêts bien connues Que rougissait la fraise aux parois du sentier; Fraîches lies d'Ormont, en des lacs de verdure, Où l'érable, le soir, frissonne au long murmure Qui vient des Diablerets sur la cascade obscure;
Neiges, ponts du chamois qu'il ne fait pas plier
Voici
du Brizeux maintenant et dumeilleur.
Quel'on
fasse la comparaison. Elle n'est pas au désavantage de Juste
Olivier
:Toujours tu brilleras parmi mes rêveries, Paroisse verdoyante aux collines fleuries.
0 terre dont les pieds plongent dans le Léta Et qui reçut, d'un saint, ce doux nom, Lô-Théa ; Tout enfant, je t'aimais pour ce beau nom sonore, Aujourd'hui, Lo-Théa, je t'aime plus encore
Pour les riantes fleurs d'innocence et d'amour Qu'en passant sous tes bois, j'ai pu cueillir un jour
Changez les noms propres, vous vous demanderez quels vers sont de
l'auteur
deilf«ne,
quelles strophes sontd'Olivier. Il
y auraitlieu,
sij'en
avais leloisir,
de faire un rapprochement très-intéressant entre ces deux natures de poètes intimes et subtils.Ce poème du Canfrm rfe FiracZ reste, malgré quelques menus défauts,
l'une
des plus charmantes pagesd'Olivier.
Il
ycourt
un souffle patriotique, àla
fois attendri etpuis-sant. L'enfantdu pays et le poète chantentàl'unisson
leur patrie
et leurs amours.Il
meplaît
derattacher
à ce poème, un des premiers morceaux publiés par JusteOlivier
:.L'avenir.
Cette pièce de vers est dédiée aux étudiants de Lausanne. Sonbut
est
tout
dans sontitre.
J'y relèverais sans doute quelques obscurités et pas mal de longueurs, surtout dans lamoi-tié qu'il
a écrite en 1831. Lafin
qui a été composée en 1845 est bien moins sujette à des critiques de forme.C'est un appel fiévreux à la jeunesse, une évocation passionnée de toutes les forces vives du pays
pour
régé-nérer le présent etentrer
dansl'avenir
sans défaillancesni
regrets.Jeunes Vaudois; que vous dirai-je encore C'est bien assez, si vous m'avez compris. —
Quand vous voyez ce que le temps dévore ; Quand le présent lui-même a ses débris ; Ne craignez rien C'est une œuvre sublime Qui s'accomplit, sous d'invisibles pas.
Vers le passé ne vous retournez pas ;
De l'avenir déjà brille la cîme. —
Ainsi nos monts ont leurs pieds dans la nuit
Que leur sommet, tout seul, s'enflamme et luit.
Je ne souscris
point
àtous ces vers. L'idée en estgrande et presque toujours heureusement exprimée. C'est beau-coup.Parmi les C/tawfe îtafiowawte de Juste Olivier,
il
en estd'admirables.
Tout
le monde sait cela, cartout
le monde les a chantés.Ils
sont, pour laplupart,
classiques en Suisse. Quin'a entonné dans sajeunesse, leCri
tZe t/tterreDans nos cités, dans nos villages, Un cri de guerre est descendu.
L'écho des monts et des rivages A ce signal a répondu.
— 409 —
Au bruit du vent, tremblent nos toits rustiques ; La foudre luit et gronde autour de nous.
Ne craignez rien, petites Républiques La liberté veille sur vous.
Ce sont là des accents patriotiques sincères qui
vont
ou cœur et l'enflamment. Et
s'il
y a quelque chose en Suisse pour bienentretenir
nos sentiments d'indépen-dance,je
ne connais rien de plus efficace que ces chants nationaux appris sur les bancs de l'école et qui vousres-tent,
durant toute la vie,, là, dans lapoitrine,
commeune image vivante de la patrie.L'ZJmon composée pour le
Tir
fédéral de 4828 neren-ferme pas de moins beaux vers. Je n'en
dirai
pas autant du C/timf de Mais voici l'iZeteéù'e, notreIfarsed-Zaise à nous, mais une
il/arsei^aise
de concorde, de con-fiance et d'amour, si sereine et si touchante queje
nesais
rien
de plus inspiré dans aucune langue : Il est amis une terre sacrée,Où tous ses fils veulent au moins mourir.
Du haut des monts dont elle est entourée Lequel de nous la vit sans s'attendrir
Cimes qu'argente une neigedurcie,
Rocs, dans les airs, dressés comme des tours, Vallons fleuris, Ilelvétie Helvétie
C'est toi, c'est toi que nous aimons toujours La liberté, depuis les anciens âges,
-Jusques à ceux où flottent nos destins, Aime à poser ses pieds nus et sauvages Sur les gazons qu'ombragent tes sapins.
Là, sa voix forte éclate et s'associe Avec la foudre et ses roulements sourds.
A cette voix, Helvétie Ilelvétie
Nous répondrons, nous qui t'aimons toujours.
Nous qui t'aimions, nous qui de cime en cime, Etions si fiers de ton rude sentier,
Si nous pleurons, nous penchant sur l'abîme Que tu le plais parfois à défier ;
-Si nous rions dans ta nue épaissie,
Comme l'on rit quand on crie au secours, Tu le sais bien, Helvélie Helvélie!
Nous qui t'aimons, nous t'aimerons toujours.
Je ne puis assez insister sur la beauté de ces stances.
Elles sont comme
l'idéal
des chants nationaux et les Suisses lesrediront
longtemps.Quelque regret que
j'en
aie,il
faut me borner kciter
: le Tïetta; Da/tarpe, Jeitne Sefoéfie, lesDerniers
com-6a£fanis, pour saluer les Chansons /te^yéfigttesqu'Olivier
a composées
pour
la Société de bienfaisance de Paris.Elles sont au nombre de
trois,
également dignes de toutes nos louanges. J'hésite entre la première et la seconde.Voici deux strophes de
l'une
et del'autre.
J'aimeraistout
donner, mais l'espace et le temps me manquent :Quand nous étions jeunes sur la montagne Quel horizon s'étalait à nos yeux
Et, dans les airs, quels châteaux en Espagne Rêves d'azur ou même d'un peu mieux.
D'azur ou d'or, de fumée ou de flamme, Sont-ils tombés au souffle des autans
Restons du moins jeunes de cœur et d'âme, Soyons amis comme on l'est à vingt ans.
Ecoutez la dernière strophe de la seconde de ces chansons :
Mais voyez-vous, battu des vents contraires,
Cet homme errant, sans travail et sans pain
Ses yeux aussi, car c'est un de nos frères, Rêvent aux lacs, aux grands bois de sapin.
Ah tendons-lui notre main fraternelle Aidé, guidé, qu'il renaisse à l'espoir
Pays des monts, qu'à nos cœurs il rappelle,
Dans l'œil d'un frère,
il
est doux de te voir.Est-il
besoin d'ajouter des éloges à ces citations?Béranger a-t-il rien
fait
de plus beau, de plus parfait— 411 —
J'en
arrive
aux chansons politiquesd'Olivier.
Onn'i-gnore pas ce que valent et ce que durent des productions
de cette sorte. Elles naissent et
meurent
avec les événe-ments et les hommes qui les ont suscitées,surtout
lors-qu'elles ont pour objet des faits locaux dontl'histoire
ne s'occuperapoint
et que personne ne recueille. Los Vau-dois ont del'esprit,
mêlé de sel attiquo et debrio
gau-lois.Ils
ne possèdent sans doute pas la vivacité, l'à-propos du Parisien. Maisils
ne sontrien
moins que dépourvusde ce «
petit
coin moqueur » dontOlivier
nous parle dans une de ses lettres.Notre poète, mieux que
tout
autre, maniait ettournait
l'épigramme, chansonnant, de façonpreste,
chosesridi-cules et petits grands hommes. Désirez-vous quelques extraits de ces biuettes humoristiques Lisez :
Quand on aimait, sans phrase aucune, On le disait bien tendrement ;
On n'allait pas faire à la lune Maint triste et mauvais compliment.
On aurait su fort mal décrire Son cœur, dire au long ce qu'il a ; Mais on ne pleurait pas pour rire.
Hélas qu'y faire enfin, voilà Oui, c'est fini tout dégénère.
Notre vieux monde est tout gâté ;
Il entre dans la nouvelle ère Où l'on s'ennuie en liberté.
Dès qu'on fit les rois en fabrique, Celui d'Yvetot s'en alla.
Il n'est resté que sa bourrique.
Hélas qu'y faire?... enfin, voilà
Ceci est
tiré
du .Bon wewa; ternes ftefcétî'qtte. Voulez-vous quelque chose de plus agressif? Le .Bonconsent«-£e«r vous satisfera :
Je ne suis pas de ceux qui ne respirent Qu'orage, trouble et révolution.
De lutte en lutte, ainsi nos maux empirent.
J'aime la paix, je hais l'ambition.
Pourquoi ce bruit qui toujours me réveille Mon lit est fait Dans un songe flatteur, J'y dors si bien sur l'une et l'autre oreille.
Conservez-moi je suis conservateur.
Tel qui descend le matin, dans la rue
Ne sait où prendre hélas son pain du soir.
La faim le presse, il cherche, il s'évertue ;
Presque toujours il finit par l'avoir.
Oh l'appétit est un bon chien de chasse Moi, je n'ai plus celui d'un sénateur ;
Pourtant je dîne et prends ma demi-tasse.
» Conservez-moi je suis conservateur.
Ce sont, en somme, boutades très-gaies et point me-chantes empreintes d'une bonhomie railleuse mais d'une finesse souvent remarquable. Avez-vous remarqué ce du second couplet et cette excellente réflexion bourgeoise :
Oh l'appétit est un bon chien de chasse
A
-Bas,A
mon amiLWer,
ce malheureux qui n'arien
Que de l'esprit et du courage,