En
hiver
1999/2000, la présence demillions
de Pinsons du Nord à Vaulruz (FR) a permis la découverte d'une nouvelle espèce de champi-gnons.Monsieur
René Dougoud, mycologue de Fribourg, a décrit cet ascomycète inféodé aux déjections des pinsons. Cette nouvelle espèce, appartenant au genre P.se//dom£>ro/;/»7« (Boudier), a été baptisée dufait
de son
lien
avec le guano, P. Vercq/h'ngd/a (de .s7erc/./.v//ente
et/rin-g///a
pinson).Informé
de la présenced'un dortoir
àVillars, M.
Dougoud s'est em-pressé de prendre contact afin devenir
prospecter dans notre région.Ainsi,
le 4 mai, sous une pluie battante, accompagné parM
et M.Nar-din qui
filmaient,
parM.
P. Hardegger, contrôleur des champignons, et par moi-même, une «battue» aux micro-ascomycètes s'est déroulée sous les sapins del'ancien
dortoir.45
L'enrichissement en engrais avait provoqué une
prolifération d'un
grand nombre d'espèces coprophiles; plusieurs ont pu être déterminées et prélevées.Enfin,
de petites pézizes de 8 mm, couleur café aulait
et bordéesd'un
liséré violacé, ont été découvertes.Il
s'agissait del'objet
de la convoitise de M. Dougoud et les analyses de laboratoire ont pu le confirmer: Eveur/omèrop/u'/û .stercq/fmgzV/a poussait bien dans la
forêt
de
Villars,
mais posait aussi des questions aux spécialistes.Les spores sont-elles apportées par les pinsons depuis leurs lointains horizons nordiques? Si oui, comment? accrochées à leur plumage ou transportées dans leur tube digestif? Ou alors le mycélium de ce cham-pignon est-il répandu partout dans les sols de hêtraies et attend-il un ap-port de guano pour enfin
fructifier?
Est-ce spécifiquement le guano de pinsons, comme pourrait le suggé-rer le nom sfercq/h'ngzV/a, ou alors
n'importe
quel apport d'engrais qui peut stimuler le champignon? Espéronsqu'un
chercheur s'attelle à la re-cherche des réponses que réclament toutes ces questions.Incidences sur la forêt d'accueil
Au
mois de mai, alors que la forêt sentait encore lepoulailler,
une vi-site dudortoir
a permis de faire plusieurs constatations concernantl'in-cidence de la présence d'une couche épaisse de guano.
Le développement important de nombreuses espèces de pézizes sur les pives et les aiguilles tombées au sol, comparé aux zones voisines, montrait sans nul doute, que l'enrichissement en engrais avait favorisé le développement et la variété des champignons.
Ce qui était frappant dans le sous-bois,
c'était
le tapis de mousses complètement bruni et roussi. L'acide urique semblait avoir complète-ment brûlé les bryophytes, mais aussi les ronces qui peinaient à re-prendre leurcroissance.Sous les petits sapins, des tapis
d'aiguilles
vertes fraîchementtorn-bées tapissaient le sol et les souches. Les aiguilles tombées étaient celles de
l'an
dernier, car les plus anciennes avaient résisté. Les arbres avaient l'aspect que les conifères présentaient au plusfort
de lamort
des forêts, cependant, les bourgeons de l'année s'épanouissaient avec uneluxurian-ce remarquable, d'autant plus frappante
qu'ils
s'ouvraient àl'extrémité d'un
rameau dénudé.Un suivi ces prochaines années nous dira si les tonnes d'engrais dé-versées sur les 10 hectares du
dortoir
ont stimulé la croissance des arbres. L'étude des cernes annuels devrait être parlante à ce sujet.D'autre part, plusieurs auteurs signalent que le passage des pinsons, malgré
l'important
prélèvement de graines de hêtres, stimule plutôt le 46Rseuf/omèrap/ii/oâïerco/rmgiV/a. (Photo: RenéDougoud)
Arrivéesmassives parun beau soirdejanvier. (Photo:Alain Georgy)
47
renouvellement de ces arbres, car les faînes, qui habituellementpérissent piégées entre les
feuilles
mortes, tombentjusqu'au
terreau favorable quand lalitière
est remuée par les pinsons.Au
printemps, les germina-tions sont plus nombreuses que lors des années sans visiteurs.Epilogue
Après
avoir
observé durant trois mois la vie des Pinsons du Nord, les ornithologues et les habitants du lieu se retrouvèrent comme orphelins quand le dernier oiseau eut quitté la région. Cependant, les souvenirs et les rencontres qui ont enrichi cethiver
2001-2002lui
ont donné une aura indélébile et enchanteresse. Dans la perspective de laisser une trace de l'événement,il
nous a semblé important de tenter le recueil-
ô combienlacunaire
-
des observations marquantes ou insolites, pour la plupart inédites et parfois àpeine croyables.Puisse la présente
contribution
aux Actes de la SJEraviver
les émo-tions de tous ceuxqui
ont eu la chance de partager des heures exaltantes aumilieu d'un
tel prodige (selon les termes du chroniqueur jésuite de1645).
Remerciements
Que soient
ici
chaleureusement remerciées les personnes qui ont con-tribué à l'enrichissement de cet article, enparticulier MM.
Peter Anker, Jean-Claude Bouvier etMichel
Juillard. Ma reconnaissance va aussi à toutes celles qui ontfourni
leurs observations personnelles ainsi qu'aux responsables des éditions de la Société jurassienned'Emulation, MM.
Claude Rebetez et Pierre Reusser, qui ont encouragé la rédaction de cet-te
contribution
à la connaissance des Pinsons du Nord, et permis ainsi de marquer l'événement de cethiver
2001/2002.Jose/z/z C/za/veraf (Porrezz/rzzy), pro/essewr de èzo/ogze czzz Lycée cflntozzfl/ et cozzservfl/ezzr dzz Mz/.vée j'zzrassze/z des scz'e/îces zzatzzre/Zes h Pozrezitrzzy.
48
Photo de la plaque située à Fontcnais et représentant le Mémo-rial ensouvenir du dortoir établi pardes millions dePinsons du Nord aucoursdel'hiver2001-2002.
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