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Chapter 1. Introduction (en français)

2. Le chlorométhane

2.1. Les sources de chlorométhane

2.1.2. Production biotique

La production principale de chlorométhane résulte de processus biotiques chez les plantes (Hamilton, 2003; Saito et al., 2008), les champignons (Moore et al., 2005), les algues marines (Traunecker et al., 1991) ou encore les marais salants (Rhew et al., 2003) (Tableau 1.3). Les écosystèmes terrestres contribuent largement à cette production, avec plus de

50 % des émissions de chlorométhane qui en sont issues (Redeker et Kalin, 2012). Dans l’environnement, la présence d’ions chlorure est très variable et pourrait influencer les taux d’émissions de chlorométhane. Les premiers résultats d’une corrélation possible évoquée dans la littérature sont décrits ci-après ainsi que l’état des connaissances des productions du chlorométhanepar les plantes d’une part et dans les sols d’autre part. On situera également les taux d’émissions du chlorométhane par rapport aux autres Composé Organiques Volatiles (COVs) et le développement d’un bio-rapporteur pour sa quantification.

− Production par les plantes

Le mécanisme génétique de production du chlorométhane a été caractérisé en détails chez la plante modèle Arabidopsis thaliana (Rhew et al., 2003). Cette étude montre la production de chlorométhane mais aussi de bromométhane (CH3Br) et d’iodométhane (CH3I), par l’action d’une méthyltransférase S-adénosylméthionine (SAM)-dépendante nommée HOL pour « Harmless to Ozone Layer ». Le gène HOL est conservé chez les plantes, laissant penser que la production de chlorométhane par les plantes est un processus répandu (Rhew

65 et al., 2003; Nagatoshi et Nakamura, 2007). Le chlorométhane est produit par transfert du groupement méthyl du SAM à un ion chlorure (Cl-) (Figure 1.3). La SAM intervient dans de nombreuses réactions de synthèse de la lignine, un constituant de la paroi cellulaire végétale (Campbell et Sederoff, 1996). Rhew et al., 2003 a démontré que la méthyltransférase codée par le gène HOL catalyse la méthylation du chlorure, dépendamment du SAM.

Figure 1.3. Production de chlorométhane chez Arabidopsis thaliana

(Figure issue et modifiée du manuscrit de thèse de Muhammad Farhan Ul Haque, Mai 2013) De fait, différentes études ont démontré l’existence de plantes émettrices de chlorométhane. Par exemple, dans une région subtropicale, sur 187 plantes étudiées, 33 espèces appartenant à des familles différentes émettent du chlorométhane (Yokouchi et al., 2007). D’une manière similaire, l’étude des flux de chlorométhane en forêt tropicale a montré que 25 plantes sur les 117 étudiées émettent du chlorométhane (Saito et al., 2008).

Les émissions les plus importantes ont été observées chez des fougères (Osmunda banksiifolia, Cibotium balometz, Angiopteris palmiformis), et des plantes halophiles (Vitex rotundifolia, Vitex trifolia et Excoecaria agalloch) avec des taux d’émission de l’ordre de 1 µg de chlorométhane.g-1 de matière sèche. h-1. Toutefois, la capacité de production de chlorométhane dépend plus de l’espèce que de la famille à laquelle est affiliée la plante (Yokouchi et al., 2007).

− Production de chlorométhane par le sol et les matières végétales en décomposition

Les plantes en décomposition représentent la source majeure du chlorométhane

66 (Hamilton, 2003, Montzka et al., 2011). La production de chlorométhane est surtout localisée dans l’horizon « O » des sols et semble être quasi nulle dans les horizons inférieurs (Figure 1.4) (Redeker et Kalin, 2012).

Figure 1.4. Organisation schématique du sol forestier

Le sol forestier type est organisé en différents horizons; O, A, E, B, C et R. L’horizon « O » est surtout constitué de matière organique en décomposition, l’horizon « A » constitué également de matière organique et de matière minérale, l’horizon « E » est un horizon lessivé, où les nutriments solubles ne sont plus présents en raison des précipitations ou de l'irrigation. L'horizon « B » est un horizon riche en minéraux issus du lessivage des horizons

« A » et « E ». L’horizon « C » est un horizon de sous-sol, non consolidé. Enfin l’horizon R est un horizon rocheux, constitué de roche comme le granit ou encore du calcaire. Les horizons

« O » et « A » sont biologiquement actifs et sont fortement oxygénées, tandis que les autres sont plus pauvres en matière organique et ont une activité microbienne plus faible. Dans le cadre de mon projet de thèse, un travail sur le sol forestier a été effectué au niveau de l’horizon « O ». (Figure modifiée de http://www.ctahr.hawaii.edu/mauisoil/a_profile.aspx) Le sol est un environnement riche en ions chlorure, dont la biodisponibilité est essentielle à la formation du chlorométhane. Cependant, l’estimation de la concentration des ions chlorure dans les sols reste difficile car de nombreux mécanismes interviennent comme les flux entre la végétation et le sol, l’altération de la roche, ou encore la dégradation de la matière organique (Bastviken et al., 2007; Öberg, 2003). Il est admis qu’une partie des ions chlorure est considérée comme non biodisponible du fait de son adsorption ou de son absorption par la végétation ou les microorganismes (Bastviken et al., 2007). Les ions chlorure sont aussi contenus dans le bois et sont utilisés pour la synthèse de chlorométhane par les champignons les colonisant (Watling et Harper, 1998). On estime que le contenu en

67 Cl- dans le bois d’espèce de forêts tempérées varie entre 2,4 et 123 mg.kg-1 de matière sèche (Watling et Harper, 1998).

Des études sur des champignons ont démontrées que des membres de la famille des Hymenochaetaceae sont capables de réémettre sous forme de chlorométhane une partie des ions chlorure présents dans leurs substrats (Harper et Kennedy, 1986). En effet, le bois mort en décomposition est colonisé par les champignons qui, via un ensemble de péroxydases, dégradent la lignine, un constituant majeur du bois, en SAM. La SAM, par interaction avec les ions Cl- présents dans le milieu va, par l’intermédiaire d’une méthyltransférase, former du chlorométhane (Harper, 2000; Anke et Weber, 2006). Cette production a été étudiée et décrite chez le champignon Phellinus tuberculosus (White, 1982;

Wuosmaa et Hager, 1990), cependant l’exemple le plus parlant est celui de Phellinus pomaceus (Figure 1.5) capable de réémettre 90 % des ions chlorure présents dans ses substrats sous forme de chlorométhane (Harper et al., 1988). Cette production de chlorométhane se fait via transfert d’un ion Cl- sur le groupement méthyl de la SAM (Figure 1.5).

Figure 1.5. Production de chlorométhane par le champignon Phellinus pomaceus (Figure modifiée de Harper, 2000)

68 Il existe également une production de chlorométhane par les champignons associés aux systèmes racinaires des sols forestiers. Les racines représentent une source importante de COVs (Lin et al., 2007). Dans l’étude de Redeker et al., 2004, 9 isolats de champignons ectomycorhiziens, dont Cenococcum geophilum, l’une des espèces les plus répandues et communes (Trappe, 1977; Massicotte et al., 1992), ont démontré leur capacité à produire des méthanes halogénés dont le chlorométhane. Ils produisent entre 0,003 µg et 65 µg de chlorométhane par gramme de matière sèche (Redeker et al., 2004). Cependant, il reste difficile d’évaluer séparément le rôle du système racinaire, car il est étroitement lié au système microbien, lui-même influençant les flux de COVs dans les sols (Peñuelas et al., 2014). En effet, plus de 95 % des racines courtes des plantes sont colonisées par des champignons, eux-mêmes localisés à proximité des communautés bactériennes aidant les champignons de la rhizosphère « mycorrhiza helper bacteria » notamment lors des processus de développement mycorhyzien (Frey-Klett et al., 2007; Bonfante et Anca, 2009;

Rigamonte et al., 2010).

− Le chlorométhane est faiblement émis par rapport à d’autres COVs

Les plantes réémettent une partie du carbone disponible sous forme de Composés Organiques Volatiles (COVs) dont le méthanol (Bringel et Couée, 2015; Vorholt, 2012). Ces composés sont émis dans l’atmosphère ou les sols, où ils peuvent ensuite être directement assimilés par les microorganismes (Schade et Goldstein, 2001). Ainsi, la majeure partie du méthanol atmosphérique serait liée à la production par les plantes (Jacob, 2005; Galbally et Kirstine, 2002). D’autres COVs sont produits par les plantes, dont des composés aromatiques mais également des composés halogénés (Guenther et al., 2012; Forczek et al., 2015). La production par les plantes des 4 méthanes chlorés a été décrites, bien que le chlorométhane soit le plus produit avec une production estimée de 0,8 à 8 Tg.an-1 (Clerbaux et al., 2007).

Cette production reste inférieure à celle de méthanol (50-132 Tg. an-1) (Jacob, 2005; Forczek et al., 2015).

Au niveau de sols forrestiers, le chlorométhane est loin d‘être le seul COV produit (Keppler et al., 2005; Redeker et Kalin, 2012; Peñuelas et al., 2014). Le sol est un milieu hétérogène, constitué de microenvironnements complexes (Peñuelas et al., 2014) avec une diversité microbienne importante. La diversité bactérienne et des champignons est évaluée par le

69 nombre d’espèces présentes, soit respectivement de 105 et 106 espèces par gramme de sol (Peñuelas et al., 2014). De nombreux COVs sont émis par ces microorganismes (Figure 1.6).

Cette production est directement liée à la disponibilité des substrats et des conditions de croissance (Kai et al., 2010; Blom et al., 2011). Une grande partie des COVs émis provient de la dégradation microbienne de la litière végétale (matière morte végétale), de la dégradation de la matière organique (Kögel-Knabner, 2002; Peñuelas et al., 2014) ainsi que des exsudats racinaires.

Figure 1.6. Les composés organiques volatiles émis dans les sols

Ceux émis par les bactéries sont représentés en rouge, et ceux émis par les champignons sont représentés en bleu (modifiée de Peñuelas et al., 2014). L’ensemble de ces COVs est répertorié dans une base de données (http://bioinformatics.charite.de/mvoc/). La flèche rouge représente la catégorie de COVs dans laquelle se situe le chlorométhane.

De manière générale, les bactéries produisent plus d’alcènes, d’alcools, de cétones et de terpènes, tandis que les champignons produisent plus d’alcools, de benzénoïdes, d’acides et d’aldéhydes (Figure 1.6). Les composés chlorés sont moins produits, et cette production dans les sols est plus importante par les champignons que par les bactéries (Figure 1.6). Le chlorométhane produit est classé dans le groupe « chlorides » (indiqué par la flèche rouge).

− Dosage du chlorométhane à l’aide d’une souche bio-rapportrice

La quantification de la très faible production de chlorométhane par les plantes et le sol (de l’ordre du ppt) est difficile par des approches classiques de dosage GC « gas chromatography » pas assez sensible (Figure 1.7). Au laboratoire à Strasbourg, dans le but d’évaluer les émissions de chlorométhane par les plantes, Methylobacterium extorquens

70 CM4 a été transformée pour être capable d’émettre de la fluorescence, proportionnellement à la faible concentration de chlorométhane (Farhan Ul Haque et al., 2013). Cette souche bio-rapportrice est basée sur la présence d’un plasmide portant un gène yfp, codant une protèine fluorescente sous contrôle du promoteur du gène cmuA (Figure 1.7) et permet d’apporter une réponse sensible et proportionnelle à des concentrations de chlorométhane, avec un seuil de détection de 2 pM. A l’aide de ce bio-rapporteur, la production de chlorométhane chez la plante A. thaliana et chez V. rotundifolia a pu être démontrée et quantifiée avec des taux d’émission respectifs de 13 et 2 800 ng.g de matière séche-1. h-1 (Farhan Ul Haque et al., 2013).

Figure 1.7. Souche bio-rapportrice pour la détection du chlorométhane

(A) Dans la souche bio-rapportrice, un plasmide porteur du gène yfp placé sous le contrôle du promoteur du gène cmuA (codant une protéine avec un domaine méthyltransférase et un de liaison corrinoïde, esentielle à l’utilisation du chlorométhane chez M. extorquens CM4 (Studer et al., 2001, 2002)), induit en présence de chlorométhane, est présent dans M. extorquens CM4 (Farhan Ul Haque et al., 2013). Le plasmide porte un gène de résistance à la kanamycine pour maintenir la présence de ce plasmide lors de la propagation de la souche bio-rapportrice. (B) L’émission de fluorescence de la protéine Yfp est spécifique à la présence de chlorométhane. En jaune, le seuil de détection avec la souche bio-rapportrice et en noir avec le dosage GC.