Moins célèbre que son
rival
leportail
sud,il
a, pour quf>sait
voir,
comprendre, sentir, plus de charme dans sasobriété-— 127 —
Description. Les montants de la porte ou piédroits sont en-cadrés d'une moulure
qui
avec le linteau forme une accolade.Deux colonnes supportent les archivoltes. La base en est
attique c'est-à-dire que le gros tore ou boudin repose directement sur le soubassement ou stylobate. Le
fut,
en calcaire tendre, est élancé. Les chapiteaux qui sont imités du corinthien sont décorés,l'un
de feuilles de vigne et de raisins,l'autre
de feuilles de chêne étalées ou terminées en volutes. Ils sont recouverts d'un large abaque outailloir
qu'on retrouve de même grandeur au temple St-Jean de Poitiers (époque mérovingienne). Letailloir,
l'ensembledu tympan, l'absence de la griffe romane sur le tore de la base
indiquent
que ceportail
est antérieur auportail
sud. M. Radiguct soupçonneici
des influences de l'architecture irlando-romane.Lavoussure est, formée
d'un
archivolte simple et d'une gorge profonde ornée de grosses perles sphéroïdes ou prismatiques.Le tympan comprend
trois
sujets : au milieu une croix,d'un
côté un lys, de
l'autre,
unlion.
Le lys stylisé ne possède pas encore la pureté de forme
qu'il
obtiendra au temps de St-Louis. Par contre, le lion est d'un dessin plus ferme.A
remarquer la belle ligne qui va de la tète à la croupe. La forme générale du corps, de la gueule est bien celle dulion
; mais la tête ressembleraitplutôt
à celle del'ours.
Au
XI"
siècle, comme à l'heure actuelle, les lions étaient inconnusà notre pays. Par contre, dès le temps de Jules César,
dont
les soldats refusaient de s'aventurer dans les gorges du Doubs par crainte des bêtes sauvages")
jusqu'auXV"
siècle, oùl'on
signalela chasse aux ours, ces derniers étaient nombreux dans la contrée.
Les sculpteurs romans
—
Emile Mâle l'a prouvé — se sont direc-tement inspirés de tissus orientaux.Il
semble bien que cette même influence se manifeste ici. Toutefois, à supposer que l'ima-gier duportail
nord ait été un artisteoriginal
— et à notre connaissance nous ne voyons nullepart
de modèle à notre tym-pan — nepourrait-on
considérer, dans la tête de l'animal un effort très réel del'auteur
às'inspirer
directement de la nature '?Le
relief
s'accuse déjà. Le bête appuie ses pattes contre la circonférence, en dents de scie qui entoure lacroix.
La
croix
est latine ; les croisillons étroits sont perlés,carrés-à
leur
extrémité et fixés par de larges clous. Le centre et cha-cune des branches sont ornés d'une auréole. Des points, des-lignes simples :croix,
auréoles, dents de scie, produisentpar
leur agencement un effet d'ornementation surprenant et l'idéepé-trifiée
dans ces formes ne l'est pas moins : ce signe de contra-diction, centre de l'harmonie.One signifient ce lys, ce
lion,
cettecroix
Quelle est leur symbolisme. Un symbolen'instruit
pas, ce n'est non plusni
un rébus, ni une charade.Il
rappelle ce que l'on sait déjà. Pour laplupart
des visiteurs actuels,ils
ne parlent plus guère. Quel lan-gage tenait ce tympan au moine drapé de la robe bénédictine-ou au chanoine revêtu du blanc
surplis
quientrait
à l'église6'ne o^ire du e/o/Vre
Dans l'iconographie chrétienne, le lys est le symbole de la chasteté. Se maîtriser dans ce domaine, c'est dominer ses autres passions. Le religieux le sait, mais ne peut atteindre son
but
que par l'ascétisme c'est-à-dire la discipline, le renoncement, lesacri-— 120
—
fice. iSYnf /«môf ueste;' /»raecfacte
dit l'Ecriture ")
ceignez vos reins.Cette ascèse naît d'une vue aiguë jetée sur le monde.
Tout
passe, «panta rei» constatait le
vieil
Héraclite ettout
est vanité répétait Salomon. Böcklin a merveilleusementtraduit
cette pensée au musée de Bâle : after somni«m ôreue — la vie est un songe Bref.Et
Columbantirait
la conclusion : les plaisirs sont vains commetout
le reste et passent comme l'herbe des champs.")
Seulement si stoïciens et boudhistes, qui pensent de même,
•arrivent au sastene ef aûste/ie qu'on
pourrait
traduire en argot contemporain : pile-la et ne t'en fais pas (souffre et abstiens-toi), les chrétiens disent : travaille. A7 /«cer/iae ardentes in nzaniôas testete, continuel'Ecriture.
Allumez vos lampes. Car l'ascétisme ne saurait selégitimer
que par un déploiement plus grandd'acti-vité
autre et supérieure. Lelion
est le symbole non seulement dela
force, mais aussi del'activité,
de la vigilance, car d'après le Bestiaire et le physiologue grec « nedort-il
pas les yeux ouverts »Le beau galbe des colonnes, l'harmonie des lignes, des
pro-portions,
son tympan en léger relief, cepetit air
rustique et malgré untailloir
moderne disgracieux, la nuance suave de la patine laissée par le temps donnent à ceportail
uneoriginalité
exquise.L'Intérieur
Pénétrons dans la collégiale. Nous en goûterons le silence:
« Le
bruit
de la vie se brise aux murs du sanctuaire et devient«ne
rumeur
lointaine »").
LE PLAN.
Le plan en est simple. C'est celui d'une basilique latine de 35 mètres de longueur, sans l'abside et le clocher qui forme narthex, et divisé en 7 travées, et de 18 mètres de
largeur
comprenanttrois
nefs, sans les chapelles méridionales. Sous les•combles, l'ossature générale de l'édifice est mieux marquée ; le
transept et le chœur sont visibles.
Ce
qui
frappe dès l'entrée, c'est l'élancement aérien, la clarté del'art
ogival, unis si étroitement à la vigueur rustique du style roman ; et puis, l'on ressent péniblementl'erreur
esthé-tique de certaines adjonctions malheureuses et nécessaires : la tribunequi rétrécit
le champ de vision, les autels accotés auxpiliers
qui brisent l'élan général.9
Certaines transformations, comme l'exhaussement du transept (le chœur) ou la construction sous les voûtes ; certains « embel-lissements » comme le baldaquin, la série de lustres sont encore plus malheureux et nullement nécessaires. Par contre, on se
trouve
amplement dédommagé de ces imperfections, aprèstout
secon-daires, lorsqu'on contemple la collégiale de l'abside. L'église est//i/eWear c/e /a Co//e'y(7i/e.
dans toute sa beauté.
Et
c'est d'unplaisir
sans mélange qu'on admire la série fuyante des arcs doubleaux, des diagonales, des nervures, la variété des chapiteaux, la légèreté des colonnes engagées.— 131 —