Cuvier
a enfin sonoutil
pour hiérarchiser dans le temps tous les fossilesqu'il
a étudiés et pour prouver la disparition des espèces, idée en-core très suspecte aux yeux des théologiens où une création divine (les animaux) ne peut pas disparaître en raison de sa perfection liée à son Créateur.Avant Cuvier, pourtant, certains avaient envisagé cette chronologie animale: Robert Hooke, à
la fin
duXVII
siècle, affirmait très clairementses convictions quant à
l'extinction
des espèces:Ponr
ie moment, nom?co/î.vir/erero/î.y comme rée/ie et vraie ceife .vappo.vitio/!,
gw'i/
y a ew àJes èpcr/nes posse'es Ju 7777?77Je J/verses espèces Je CT-e77fu7-es 7777/ S7?77f
e«J'èreme«f peT-Jnes, 77e77 J'e«7re e//es 77e sn/*v/v7777f e?7 Ö77C7777 e77Jro7ÏJe /0 ferre.
Mais
la
question del'extinction
des espèces devait rester, malgrétout,
sans
solution
clairejusqu'àla fin
du XVÉP siècle et jusqu'à Cuvier. Unedes grandes difficultés rencontrées par les naturalistes de cette époque, y compris Buffon, était de distinguer clairement ces grands quadrupèdes (le grandanimal dont on avait trouvé les restes enAmérique du Nord), peut-être disparus, de grands mammifères encore existants, comme l'éléphant ou l'hippopotame.
En
fait
c'est cette mauvaise connaissance des grands vertébrés actuels, par rapport aux fossiles découverts, qui empêchait de développer des idées claires et précises surl'histoire
de notre planète.Cuvier
comprend bien que seul le travail d'analyseminutieux
et exhaustif sur les fossiles et les organismes actuels peut amener lasolution.
Pour parvenir à des conclusions sans équivoque,
il
faut doncdistin-guer clairement les espèces, qu'elles soient fossiles ou actuelles. Georges
Cuvier
commence d'ailleurs par ces éléphants fossiles qui avaient tantintrigué
Buffon et bien d'autres naturalistes duXVIII
siècle.Cuvier
an-nonce une idée forte-
nombre de fossiles appartiennent très vraisembla-blement à des espèces aujourd'hui disparues-
et deux axes de recherches:1. Démontrer que ces espèces fossiles sont bien éteintes, et
n'ont
plus aucun représentant actuel.2.
Fournir
des explications plausibles à ces disparitions totales.Démontrer que des multitudes d'espèces animales ont disparu au cours du temps est une réussite considérable, et nombre de contemporains de
Cuvier
ont compris sa portée. En 1812,il publie
la première édition du Discours sur les Révolutions de la surface du globe qui deviendra son plus célèbre ouvrage.Cuvier
cherche des causes extérieures à la disparition des espècesqu'il
parvient à reconstituer. Dans son mémoire de 1796 sur les éléphants fos-siles,il
fait déjà appel à «quelque catastrophe» ayant détruit un monde antérieur au nôtre,il
développe cette idée en mettant sur le compte de ces fameuses révolutions du globel'extinction
des espèces. Le terme«révo-lutions
du globe» connut un succès certain, aupoint
que les éditions ul-térieures du Discours, à partir dela
troisième, publiée en 1825, s'intitu-lent D/sccmt-srar
/es revobJ/ews Je /0 swr/aee Jn g/o/>e, ef sut- /esc/77777-ge7?7e«fs 777-7'e//es 077fpT-oJn/fsJ7777S /e règ77e 077/7710/.
Cuvier
propose clairement que cesrévolutions,
qui ont affecté la sur-face du globe, ont été des événements d'une rare violence.Il
consacre nombre de pages à montrer que le monde animal actuel est d'ores et déjà bien connu, et qu'// y a pen J'espéraTice Je Jeeonvr/r Je 77onve//es espèces Je y7Y/77Js 777777JrnpèJes. Ceci est, bien sûr, un amalgame entresa prodigieuse connaissance... et
l'orgueil
humain qui pense tout connaître et tout savoir!Et pourtant, dès 1819,
Alfred
Duvaucel, son propre beau-fils découvre, dansla
péninsule malaise, letapir
asiatique, jusque-là insoupçonné dela
zoologie occidentale.Cuvier
essaie d'ailleurs de se tirer d'affaire en souli-gnant que /a découverte de cette espèce, aussi neuve gue surprenante, a ète/a/te
font récenznzentpar
deux de mes è/èves,MM.
Diaz'd et Dmva m-ce/.Alfred
va hélasmourir
au cours de cette expédition, en 1824.Après la mort de Cuvier, bien évidemment, les découvertes conti-nuent. De nombreux grands animaux intègrent au
fur
et à mesure le bes-tiaire de la connaissance humaine: le gélada en 1835,l'hippopotame
nain en 1849, le cerf de Schomburgk en 1863, disparu depuis, le cerf du Père Daviden 1866, le grand panda en 1870, le zèbre de Grévy en 1882, parEmile
Oustalet (1844-1904), né à Montbéliard, professeur auMu-séum
d'Histoire
naturelle de Paris et directeur du Jardin des Plantes,l'okapi
en 1901, le varan de Komodo en 1912, le kouprey en 1937 etenfin le Saola, ou Pseudoryx en 1990, bovidé jusque-là inconnu, trouvé
dans des forêts du Vietnam.
Et pour définitivement démontrer que
l'Homme
ne sait que peu de choses et que beaucoup encore reste à découvrir: en 2002, c'est une troi-sième espèce du plus gros (et donc du plusvisible!)
animal terrestre qui est découverte;il
s'agit de l'éléphant des forêts, certes connu auparavant mais considéré comme un éléphant d'Afrique et qui s'avère être une espè-ce à part entière démontrée pardes analysesd'ADN.
Cuvier
envisage donc unehistoire
assez cohérente du monde animal, constituée d'une succession de faunes séparées pardes catastrophes dévas-tatrices, et qui progresse, depuis l'époquelointaine
oùil n'existait
appa-remment pas d'animaux terrestres, jusqu'au monde actuel dominé parl'Homme.
En
fait,
dès 1830,Cuvier
pose les bases d'unehistoire
du monde ani-mal qui, dans ses très grandes lignes, a gardé une certainevalidité:
Ce r/ni est certain,c'est
gue nous sommes maintenant an moins anmi/ien
d'âne <yMa?rième SMCcessio/î J'a/n'maMX terrestres, et gw'après/'âge
desz'epti/es, après ce/ni des pa/aeof/ze'riunzs, après ce/ni des mammonfùs, des znasfodontes et des mégafftériMms, est venu /'âge on /'espèce /îMmai-ne, aidée de gne/gwes animaux doznesfigues, doznine ef/éconde paisiWe-nient/a terre.
Cuvier découpe les temps anciens en quatre périodes: la plus ancienne est l'âge des Pepti/es, avec les fossiles du Mosasazw-e et du Pteroc/acty/e, qui aujourd'hui correspondà l'ère secondaire
(-
245 à-
65millions
d'an-nées). La suivante est
l'âge
des Pa/éof/ïères; elle comprend tous les fos-siles de la faune du gypse de Montmartre: Anop/of/zerium, Pa/eof/zerium et Saz'igzze entre autres; aujourd'hui, cela correspond au Paléogène, c'est-à-dire aux deux tiers du Cénozoïque(-
65 à-
23,5millions
d'années).Les quatre époques de Cuvier: l'Age des Reptiles (en haut, à gauche);l'Age des Paléothères (enhaut, àdroite); l'Agedes Mastodontes (en bas,àgauche) et l'Agedes Hommes (enbas,à droite).GravuresdeRiou,tiréesdel'ouvragedeLouis FiguierL« Terre avßnf/e Z)e/wge(1864).
Ensuite,
Cuvier
propose l'âge des Mastodontes où se côtoient le mam-mouth et lemegatherium et bien sûr le mastodonte: c'est l'équivalent du Néogène et du Pléistocène(-
23,5 à-
0,01millions
d'années), partiesu-périeure du Cénozoïque, mis à part l'Holocène que
Cuvier
appellel'âge
des //ommes associés aux animaux domestiques (les demiers dix
mille
ans).
Certains auteurs ont voulu croire que
Cuvier
envisageait des anéantis-sements complets, à l'échelle mondiale, de faunes entières. Cepoint
de vue est adopté par certains géologues catastrophistes duXIX"
siècle, quiamplifient
et exagèrent les conceptions de Cuvier. D'autre part, et encore aujourd'hui, circule l'idée queCuvier
est créationniste: après avoir exter-miné des Mondes,il
en créerait de nouveaux parla volonté
duSaint-es-prit. Cuvier
est très tôt taxé de créationnistereligieux
etl'histoire
l'en-terre une seconde fois. Pourtant, dans son ouvrage Discours sur les
révo-lutions
de la surface du globe,Cuvier
indique de façon très claire sa lo-gique: Am reste, /orsgueje
soutiens gue /es bancs p/erreux contiennent /es os de p/usieurs genres, et/es coucbes meub/es ceuxdep/Msieurs espèces<7m; //'ex/yiez/t/7/7/y,
je
77epre?e/î<i.v/jc/.v 7777'// azY/a//// 7777e creafi'0/7 zzoz/ve/-/e 7777777"j/roT/z/zre /ey espèce.? ex/yfazzfey,7e 7/7.y yezz/e/zze/zf z/z/'e//ey zz'ex/y-raze/ztpay T/azzy /eyzzzêzzzey Zz'ez/x, efz/z/'e/Zey ozzf7/7/ y ve/zzr ÉPai7/ei/ry.Cuvier
propose donc d'expliquer le renouvellement d'une faune après une catastrophe parl'immigration,
dans la région dévastée, d'animaux venus d'une autre partie du globe non affectée par le cataclysme. Cepen-dant, si les mécanismesqu'il
envisage ne font appel qu'à desphéno-mènes violents et soudains,
ils
n'en demeurent pas moins naturels: refu-sant les créations successives,il n'introduit
pas d'élément surnaturel dans le phénomèned'extinction
et de remplacement des faunes. Pour Cu-vier, le déluge n'est qu'un événement parmi d'autres et datant de 5 à 6000 ans.Cuvier
fait largement allusion au Déluge biblique, donnant ainsil'un
des arguments fréquemment invoqués pour
le
décrire comme géologuebibliste.
L'idée, selon laquelle le déluge expliquait l'existence des fos-siles et leurdistribution,
connut un succès certain pendant plusieurs siècles, même si très tôt certains penseurss'y
opposèrent comme Léo-narddeVinci
par exemple. Enfait, Cuvier
parle de plusieurs événements dans le temps et dont le demier déluge 77c j>ez/f re/z/o/zter Zzeaz/coz/j/077-7/e/à 7/e c/7777 à y/x zzz/Z/e az/y.
Son propos, en discutant du déluge, est de montrer que la dernière des
révolutions du globe a laissé des traces dans les traditions des peuples an-tiques.
Il
nelui
attribue aucune valeur particulière liée à une possibleinspiration
divine, mais le place sur le même plan que les récits simi-laires des Chaldéens, des Egyptiens, des Phéniciens ou des Grecs. Lefait
que des textes chinois, issus d'une
civilisation
bien différente de celles du pourtour méditerranéen, évoquent aussi un déluge ayant eu lieuil
y a quelquesmilliers
d'annéeslui
paraît important pour démontrer l'étendue considérable dela
dernièrerévolution
du globe.Bien
loin
de suggérer une intervention surnaturelle,Cuvier
veut aucontraire