• Keine Ergebnisse gefunden

Depuis quelques décennies sont apparus des observations et commentaires érudits dispersés dans les études historiographiques et philologiques sur le ju-daïsme médiéval de la péninsule ibérique, rédigés partout, qui coïncident sur la proposition d’une compréhension plus nuancée de cette réalité. Ces approches scientifiques constatent une réalité plus riche et diversifiée pour ce judaïsme et ils ébranlent les fondements de l’image homogène qu’on avait1. L’abus qu’on a fait de la dénomination traditionnelle « Sepharad » / « sefardi » a consacré précisément cette prétendue uniformité du judaïsme péninsulaire2.

La découverte ici et là d’un passé différent a encouragé plusieurs chercheurs à recueillir, d’abord, les conclusions que nous avons mentionnées, et puis, en agis-sant évidemment à contre-courant, à les étendre avec de nouvelles données qui ne sont pas un résultat indirecte d’autres projets de recherche, mais qui constituent en elles-mêmes un objet valide de recherche3. Cette approche contemporaine à la réalité juive a provoqué la suspicion et l’opposition, tant elle remet en cause les

1 J. Riera ; E. Feliu, Disputa de Barcelona de 1263 entre mestre Mossé de Girona i fra Pau Cristià, Barcelone : Columna, 1985, pp. x–xii ; J. Riera, « Esculls en la història dels jueus », Afers : fulls de recerca i pensa-ment, 53/54 (2006), 137–160 ; D. Catalán, « Removiendo los cimientos de la Historia de España en su perspectiva medieval », Cuadernos de Historia del Derecho, vol. extraordinaire (2004), 81–82 ; B. D.

Cooperman, « Ethnicity and Institution Building among Jews in Early Modern Rome », AJS Review, 30 (2006), pp. 124–125 note 22 ; R. Chazan, Reassessing Jewish Life in Medieval Europe, Cambridge : University Press, 2010, pp. 14–15. Y. H. Yerushalmi, « Exile and Expulsion in Jewish History », en B. R.

Gampel (ed.), Crisis and Creativity in the Sephardic World : 1391–1648, New York : Columbia University Press, 1997, p. 13 ; Y. T. Assis, « Sepharad : A Definition in the Context of a Cultural Encounter », A. Doron (ed.), Encuentros and Desencuentros : Spanish Jewish Cultural Interaction Throughout History, Tel Aviv : University Publishing Projects, 2000, p. 31, 35 ; S. Schwarzfuchs, « La Catalogne et l’invention de Sepharad », in Actes del I Congrés per a l'Estudi dels Jueus en Territori de Llengua Catalana. Barcelona-Girona, del 15 al 17 d'octubre de 2001, Barcelone : Publicacions de la Universitat de Barcelona, 2004, p. 187.

2 J. Álvarez, « The Formation of Spanish Identity and Its Adaptation to the Age of Nations », History and Memory, 14 (2002), 13–36 ; E. Feliu, « Quatre notes esparses sobre el judaisme medieval », Tamid, 2 (1998–1999), p. 83.

3 E. Feliu, « Quatre notes », pp. 81–87 ; E. Feliu, « La trama i l’ordit de la història dels jueus a la Catalunya medieval », in Actes del I Congrés per a l’Estudi dels Jueus en Territori de Llengua Catalana.

Barcelona-Girona, del 15 al 17 d’octubre de 2001, Barcelone : Publicacions de la Universitat de Barcelona, 2004, pp. 14–22 ; E. Feliu, « Algunes puntualitzacions sobre diversos aspectes de la història dels jueus a

150 JoSEP XAvIER MUNTANé I SANTIvERI

hypothèses retenues par la majorité. Néanmoins, grâce aux réactions auxquelles elle doit faire face, cette vue alternative progresse dans la synthèse et avance dans un sujet qui ouvre de nouvelles voies de recherche4.

Pour ceux qui ne connaissent pas le contexte dans lequel cette proposition est faite, et c’est l’une des coordonnées dont nous n’avons parlé ci-dessus, il faut dire que la normalisation progressive, non encore achevée, du fait national catalan dans une grande partie du domaine culturel et scientifique de Catalogne, qui a eu lieu depuis le rétablissement de la liberté et de la démocratie dans l’état espagnol (1978), a conduit à remettre en question ouvertement et sans préjudices quelques idées et concepts pour évaluer leur adéquation ou non aux données historiques telles qu’elles nous sont parvenues et aujourd’hui nous les pouvons interpréter, et demander leur remplacement en cas d’inexactitude.

Contrairement à d’autres communautés scientifiques, en Catalogne, il n’y a pas beaucoup d’historiens qui revendiquent, en l’étudiant et l’aidant à se ré-pandre, le passé des juifs catalans. C’est précisément pour cela que nous trouvons pertinent et nécessaire aujourd’hui de nous poser la question qui donne le titre de notre exposée : que veut dire « juifs de Catalogne » ? Entre autres raisons, parce que la plupart des voix qui ont été entendues jusqu’à présent ont fini d’ajouter sur une part des expulsés de 1492 un double exil, plus pervers si c’est possible, celui de la négation de leur identité.

1. Identités culturelles diverses pour les juifs de la péninsule ibérique

Est-ce qu’on peut proposer une identité propre pour les juifs dans la Catalogne médiévale ? Qu’est-ce qu’ils avaient de spécial par rapport aux autres juifs des royaumes voisins ? L’interprétation traditionnelle défend seulement l’identité séfarade / espagnole, en proposant des caractéristiques communes aux juifs de communautés séparées par des frontières politiques, religieuses, culturelles et linguistiques. C’est un type d’identité, la séfarade, basée principalement sur une interprétation et une pratique religieuses qui s’appliquent de façon presque égale à un nombre de communautés très élevé, et qui c’est définitivement réglée dans les grandes compilations halakhiques du xvie siècle5. vu de loin et si on le compare avec d’autres réalisations du judaïsme médiéval, c’est vrai qu’on peut peindre des

la Catalunya medieval », Catalan Historical Review, 2 (2009), pp. 177–178 (version anglaise au même volume, pp. 51–52).

4 C. del valle, « ¿Fue Cataluña Sepharad ? », Iberia Judaica, 3 (2011), p. 211.

5 Notamment dans le Bet Iosef et le Shulhan Arukh de Iosef Caro (1488–1575), J. Riera, « La conflictivitat de l’alimentació dels jueus medievals (segles xii-xv) », en Alimentació i societat a la Catalunya medieval, Barcelone : CSIC, 1988, pp. 296–297. Notre analyse part du point de vue du côté juif, c’est ainsi que l’accent est mis sur l’aspect religieux. Par contre, si le départ s’est fait du côté espagnol, on parlerait surtout de la langue : le judezmo ou espagnol. En fait ce fut cet aspect, c’est-à-dire que les sefardis ont conservé

151

OÙ CESSENT LES MOTS : JUIFS DE CATALOGNE ?

espaces entières de la carte avec un même couleur6. vu de près, peut-on maintenir ce chromatisme ? En d’autres termes, est-ce que la religion pouvait être influencée par la diversité culturelle des territoires où ces communautés étaient enracinées ? À qui croit qu’être juif est le seul élément qui vraiment définit et identifie la réalisation historique de ce collectif de personnes, la réponse à la question est clairement négative : le juif médiéval qui par hasard de la diaspora était né ou était allé résider en Castille, Aragon ou Catalogne… ne se sentait pas spécialement touché par cela, parce que sa foi le liait à une communauté non territoriale qui le dissociait de cet espace particulier7.

La vision traditionnelle aime combiner le double stéréotype du juif apatride et l’amour de Sion8. De la double combinaison des deux vivrait l’image du juif médié-vale : l’espoir messianique de la restauration future de Sion, traitée abondamment dans la littérature médiévale et rappelée durant le cycle liturgique annuel, constitue-rait la force vitale qui lui permettconstitue-rait de transcender, même de se passer de tout autre

la langue de leurs ancêtres, ce qui vraiment étonna les voyageurs espagnols du xixe siècle qui « décou-vrirent » l’existence de ces juifs.

6 La division traditionnelle sefardi/ashkenazi combine l'identité religieuse des communautés juives mé-diévales, de nature unique, et leur diversité culturelle. Personnellement, je pense que la diversité culturelle était beaucoup plus diversifiée que celle transmise par cette image de type dual. Je pense aussi que même la double identité religieuse n'était pas si simple.

7 Il est vrai cependant que les juifs médiévaux s’identifient tout d’abord comme membres de la diaspora, grâce à laquelle ils perpétuent les liens avec l’ancienne réalité nationale d’Israël, A. D. Smith, « National Identities : Modern and Medieval ? », in S. Forde ; L. Johnson ; A. v. Murray (ed.), Concepts of National Identity in the Middle Ages, Leeds : University of Leeds, 1995, pp. 30–31 ; Y. H. Yerushalmi, « Exile », p. 11 ; E. Feliu, « Sobre la lletra que Hasday Cresques adreçà a la comunitat jueva d’Avinyó parlant dels avalots de 1391 », Tamid, 5 (2004–2005), p. 174 note 6.

8 S. Grayzel, The Church and the Jews in the xiiith Century. A Study of Their Relations during the Years 1198–1254, Based on the Papal Letters and the Conciliar Decrees of the Period, New York : Hermon Press, 1966, doc. 24 (Innocent iii, 1208) ; R. Chazan, Reassessing, p. 86. Dans quelle mesure, cependant, la mémoire de Sion annula le désir inné en chaque homme de participer dans les structures politiques et sociales des lieux de résidence ? Lorsque la situation le permet, les juifs de l’Europe médiévale vivent et interagissent avec le reste de la population, en font partie, B. Blumenkranz, Juifs et chrétiens dans le monde occidental, 430–1096, Paris ; La Haye : Mouton & Co, 1960, pp. 373–391. Même pendant les siècles les plus difficiles du bas Moyen Age, on trouve des membres des communautés juives qui participent à la gouvernance et aux structures administratives du royaume, embauchés en tant que médecins municipaux, participant à la fiscalité municipale, ayant des relations sexuelles avec des chrétiens… (D. Romano, Judíos al servicio de Pedro el Grande de Aragón (1276–1285), Barcelone : Universitat de Barcelona, 1983 ; A. Toaff, Love, Work, and Death. Jewish Life in Medieval Umbria, oxford ; Portland, oregon : The Littman Library of Jewish Civilization, 2010, pp. 5–13 ; J. X. Muntané, « Metges jueus contractats pel govern municipal de Tàrrega durant els segles xiv i xv », Urtx, 26 (2012), 136–147.) Personnellement, je trouve qu’il est difficile d’imaginer que les juifs eussent pu vivre pendant des générations dans un territoire spécifique, totalement indifférents aux divers facteurs qui le constituaient. Comme si la ville, les connaissances, les coutumes, la langue, le paysage et le climat… ne les eussent affectés du tout, J. X. Muntané, « El patrimoni dels conversos als llibres de fiscalitat municipal de Cervera i Tàrrega durant el primer terç del segle XvI », Miscel·lània Cerverina, 19 (2009), pp. 231–232.

152 JoSEP XAvIER MUNTANé I SANTIvERI

accomplissement patriotique qui ne se trouverait pas à ce niveau. À quoi bon un juif catalan ou aragonais ou castillan, si Sion est à l’autre côté de la Méditerranée ?

Paradoxalement cette vision simpliste est accompagnée, dans le cas des juifs de la péninsule ibérique, d’un autre élément à l’acceptation duquel a contribué une certaine tradition historique, en montrant comme normale ce qui n’est rien sinon qu’une contradictio in terminis : la question de l’identité espagnole des juifs expulsés en 1492. De tous les juifs expulsés, en plus. Une identité qui se manifeste dans une nostalgie incorruptible pour le pays perdu, alimentée par le zèle avec lequel on aurait maintenu la langue, les coutumes, la liturgie, le folklore… Mais, est-ce qu’elle a pu coexister avec l’amour de Sion ?9

Ainsi, malgré toutes les réserves qu’on se pose quand il s’agit d’envisager un enracinement historique de ce peuple en dehors de l’imaginaire géographique, politique et théologique qui représente Sion, on parle tranquillement de juifs sefardis / espagnols. Et on est en mesure d’énumérer et expliquer non seulement les caractéristiques qui les identifient en tant que juifs, mais aussi de les affecter à un lieu et une histoire qui n’a rien à voir avec Sion : Sepharad / Espagne.

Relativisée donc, la nature apatride qu’on attribua au juif médiéval, mainte-nant il faut s’interroger sur la pertinence de la désignation sefardi / espagnol pour les expulsés de 1492, notamment quand lorsque le lieu d’origine et la tradition de certains d’entre eux nous savons que ce terme est trompeur10.

1.1. Témoins de cette diversité après 1492 : les juifs catalans exilés

Contraints par l’édit d’expulsion selon lequel ou ils se faisaient chrétiens ou ils de-vaient s’en aller, les juifs de Catalogne qui en 1492 n’apostasièrent pas, revendirent à bas prix leurs possessions11 et partirent vers un autre pays. Il existe divers études sur les groupes d’exilés de Catalogne qui s’installèrent à Alger, à Rome et dans des villes de l’empire ottoman comme Thessalonique, Edirne, Istanbul et Safed. De chacun

9 Y. Kaplan, « El vínculo prohibido : las relaciones de la “nación sefardí” occidental con Iberia en el siglo xvii », A. Doron (ed.), Encuentros and Desencuentros : Spanish Jewish Cultural Interaction Throughout History, Tel Aviv : University Publishing Projects, 2000, pp. 39–41.

10 E. Feliu, « La trama i l’ordit », p. 21. Bien que présente dans les documents relatifs aux exilés, il faut noter que la place qu’occupe « sefardita »/« hispanus » par rapport aux autres noms de nation d’origine ibérique est secondaire, même pour les juifs expulsés de Castille. En effet, dans les documents relatifs aux expulsés de ce royaume qui allèrent au Portugal, le nom de nation avec lequel on les désigne est judeus castelhanos, F. Soyer, « Le royaume du Portugal et l’expulsion des juifs d’Espagne en 1492 », en M. F.

Lopes ; J. Hinojosa, Minorias étnico-religiosas na Península Ibérica (Período Medieval e Moderno), Lisboa : Ed. Colibri ; Universidad de Alicante, 2008, pp. 335–338 ; de même, pour les juifs castillans émigrés au Maroc, A. I. Laredo, « Las taqanot de los expulsados de Castilla en Marruecos y su régimen matrimonial y sucesoral », Sepharad, 8 (1948), p. 252.

11 J. X. Muntané, « Les cases que solien ésser dels juheus. Una aproximació al call de Tàrrega a través dels llibres d’estimes », Urtx, 19 (2006), pp. 122–123.

153

OÙ CESSENT LES MOTS : JUIFS DE CATALOGNE ?

de ces sites nous avons des documents qui prouvent l’existence d’une identité cata-lane et le désir de le maintenir et préserver en face des identités des autres exilés.

Dans le cas d’Alger, F. Touati-Wachsstock12 recueille, entre autres témoins, un responsum d’Abraham ibn Taboua (xvie siècle, Alger) gardé dans le corps de res-ponsa de son ancêtre, le rabbi majorquin Simeon ben Zemah Duran (1361–1444), qui émigra à Alger à la suite des émeutes de 1391. Ibn Taboua répond à la question que les savants de Fès lui avaient posé concernant la validité légale d’une coutume des juifs exilés de Catalogne qui était contraire à la halakha et à la doctrine juridique de Maïmonide, Alfassi, Asher de Tolède et son fils, Jacob ben Asher, bon et disant : Sachez que nous sommes des exilés de Catalogne et que nous suivons […] l’usage que nos pères avaient en Catalogne. Et vous savez que les rabbins de Catalogne sur l’en-seignement desquels sont fondés tous les usages des communautés sont Nahmanide, rabbi Salomon ben Adret, rabbi Aaron ha Lévi de Na Clara, rabbenu Nissim ainsi que d’autres éminents rabbins à chaque géneration. Et ce, même si leurs décisions ne se sont pas toujours répandues et n’ont pas été publiés. C’est pourquoi il est inconvenant de mettre en doute les usages de ces communautés même si on ne trouve pas de mention explicite de la chose dans les livres, car ces usages proviennent de ces grands.

Comme note F. Touati-Wachsstock, les juifs catalans installés à Alger avaient des coutumes qui les unissaient en tant que groupe et les distinguaient des autres groupes culturels, grâce auxquels se maintenaient vivants, au sien de cette com-munauté, les enseignements des grands rabbins catalans du passé, sur lesquels se fondait la coutume. Praxis et mémoire en tant que source d’identité collective13.

Grâce à un autre responsum, dans ce cas du rabbin provençal Isaac ben Emanuel de Lattes (actif à Rome entre 1530 et 1540)14, nous savons que les

12 F. Touati-Wachsstock, « Halacha en Catalogne : un élément constituant de l’identité judéo-cata-lane », Actes del II Congrés per a l'Estudi dels Jueus en Territori de Llengua Catalana. Barcelona-Cervera, del 25 al 27 d'octubre de 2004, Barcelone : Institut Europeu de la Mediterrània, 2005, pp. 172–173.

13 Idem, p. 173. Rien n’est dit, cependant, de la langue utilisée par ces exilés de Catalogne. À la fin de ce siècle, si nous tenons compte des mots du voyager castillan Antonio de Sosa (1583) qu’aurait édités Diego de Haedo (1612), abbé de Frómista, avec le titre Topographía e historia general de Argel, parmi ceux qui dans la ville tunisienne parlaient espagnol, français et italien « aparte que hay muchos turcos y moros que han estado captivos en España, Italia y Francia, y, por otra parte, una multitud infinita de renegados de aquellas y otras provincias », il y avait aussi « gran copia de judíos que han estado acá, que hablan español, italiano y francés muy lindamente ». Aucun mot sur le catalan. Antonio de Sosa explique que le nombre de parlants de castillan (et aussi de français et italien) avait augmenté grâce à l'arrivée des musulmans et des turcs qui avaient été esclaves dans ces pays, et grâce également à l'intégration dans la société algérienne de la deuxième génération de convertis, nés là : « todos los hijos de renegados y renegadas, que en la teta deprendieron el hablar natural cristianesco de sus padres y madres, le hablan tan bien como si en España o Italia fueran nacidos », M. De Epalza, A. Slama-Gafsi, El español hablado en Túnez por los moriscos (siglos XVII-XVIII), valence : Universitat de valència, 2010, p. 103.

14 A. Toaff, « The Jewish Communities of Catalonia, Aragon and Castille in 16th-Century Rome », in A. Toaff ; S. Schwarzfuchs (ed.), The Mediterranean and the Jews. Banking, Finance and International

154 JoSEP XAvIER MUNTANé I SANTIvERI

expulsés catalans, castillans et aragonais qui s’installèrent à Rome et qui au début se réunirent dans une seule synagogue, probablement en réponse à l’hos-tilité avec laquelle ils furent reçus par leurs coreligionnaires romains15, après quelques années le faisaient dans des synagogues particulières ou nationales à fin de préserver leurs propres coutumes :16 une scola catalana pour les juifs

Trade, pp. 250–251 notes 4 et 5 ; A. Toaff, « Le comunità di Aragona e Catalogna in Italia e a Roma in particolare », in Actes del Simposi Internacional sobre Cultura Sefardita, Barcelone : Facultat de Filologia, Secció d’Hebreu i Arameu, 1993, p. 32 ; A. David (ed), A Hebrew Chronicle from Prague, c. 1615, Tuscaloosa, Alabama : The University of Alabama Press, 1993, pp. 33–34 note 31.

15 De cette communauté initiale, presque d’émergence, nous n’avons références soit en italien (« tutta la co-munità deglli spagnioli ebrei habitanti in Roma », doc. de 1496) ou qu’en latin (« communitatis hebreorum hispanorum in Urbe commorantium », doc. de 1506), A. Esposito, « Le “comunità” ebraiche di Roma pri-ma del Sacco (1527) : problemi di identificazione », Henoch, 12 (1990), pp. 176–177. L’hostilité de la commu-nauté réceptrice, étudiée suffisamment pour le cas de Rome (B. D. Cooperman, « Ethnicity », pp. 122–124, 141–142), a son parallèle dans les tensions qui eurent lieu parmi les communautés juives du nord d’Afrique avec l’arrivée d’immigrés procédant de la péninsule ibérique, à la fin du xve siècle M. Abitbol, « Juifs ma-ghrébins et commerce transsaharien au Moyen-Âge », en M. Abitbol (éd.), Communautés juives des marges sahariennes du Maghreb, Jérusalem : Yad Izhak Ben-Zvi ; Hebrew University, 1982, pp. 243–244. Dans le cens de Rome de 1527 figurent 318 noms de chefs de famille juifs, suivis du mot « hebreus » ou « hebrea ».

Du ceux-ci, seulement un vient qualifié comme « hispanus » (nm. 7627). Ce nom de nation se retrouve dans trois cas en plus dont nous soupçonnons (par nom, métier et localisation à Rome) que, malgré l’absence du qualificatif « hebreus », ils étaient des juifs (nm. 6481, 7662 et 7794). De même, pour « Isac catalanus sutor » (nm. 7664), E. Lee (ed.), Descriptio Urbis, The Roman Census of 1527, Rome : Bulzoni editore, 1985.

16 Cette est la raison donnée par Isaac de Lattes :ויחובא גהנמ ירחא הטונ היה דחא לכ יכ םהל עריו דחי םיללפתהב תויסנכ יתב הברה ושעו החפשממ החפשמ דירפהל םבל לא ונתיו, et ainsi vient signalé dans A. Milano, « I “Capitoli”

di Daniel da Pisa e la comunità di Roma », La Rassegna Mensile di Israel, 7/8 (1935), p. 325, bien qu’au préambule des accords on se réfère seulement et de manière générique, à désordres : « ad infiniti desor-dini e per eradicare le cattive piante dell’Uominj peccatori e malvaggi », idem, doc. 2 p. 334. Dans un testament de 1501 on destine des montants d'argent pour les différentes synagogues « degli spagnoli » de Rome, A. Toaff, « The Jewish Comunities », pp. 251–252 ; un document notarial de 1505 énumère les représentants des trois synagogues, A. Esposito, « Le “comunità” ebraiche », p. 177 ; dans un autre testament, de 1507, s’établit une cession pour l’huile des lampes des « tribus scolis yspanorum », A. Toaff,

« The Jewish Communities », p. 252. L’usage du nom « degli spagnoli » ou « yspanorum » pour se référer génériquement à l’ensemble de ces synagogues particulières (doc. de 1501 et 1507, et aussi dans ceux de 1496 i 1506, indiqués préalablement)est très intéressant. Si on fait attention au fait que les synagogues étaient nationales (le document de 1505 parle du « factor Catalanorum », un autre de 1517 indique les procurateurs « comunitatis hebreorum Cathalanorum » et un, de 1519, s’adresse aux « universis judeis

« The Jewish Communities », p. 252. L’usage du nom « degli spagnoli » ou « yspanorum » pour se référer génériquement à l’ensemble de ces synagogues particulières (doc. de 1501 et 1507, et aussi dans ceux de 1496 i 1506, indiqués préalablement)est très intéressant. Si on fait attention au fait que les synagogues étaient nationales (le document de 1505 parle du « factor Catalanorum », un autre de 1517 indique les procurateurs « comunitatis hebreorum Cathalanorum » et un, de 1519, s’adresse aux « universis judeis