Directeur Fabrique Localité Nombre d'employés (1978)
Henri Beuchat Henri Beuchat SA Glovelier 55
Jean etRogerBoillat Metac SA Fahy 40
Jämes Claude CréatecSA Vendlincourt
RogerGigon Mabo SA Develier
Marcel Lusa Lusa SA Courfaivre 70
AndréMarquis 7 Develier
Raymond Prêtât Raymond Prêtât SA Porrentruy ooo
MauriceVoisard FontenaisSA Fontenais 70
Les grandes entreprises ne sont représentées que par quelques rares industriels. En effet, parmi les 36 plus grandes entreprises jurassiennes de 1978**, on en dénombre seulement deux dont les dirigeants ont soute-nu la création d'un canton du Jura: la fabrique de couronnes Pibor SA, à Glovelier, dirigée par Pierre Bourquard (chiffre d'affaires de 300000 francs en 1978 et 270 employés), ainsi que la fabrique de pignons Hélios SA, à Bévilard, appartenant à la
famille
Charpilloz(chiffre
d'affaires in-connu et 400 employés). Enfin,il
faut souligner la présence parmi lessignataires de cet appel de Philippe Hölzer, directeur chez Bechler, à Moutier, mais à titre individuel.
Les
difficultés
que le Rassemblement jurassien rencontre auprès du monde économique s'expliquent en grande partie par la crainte des in-dustriels devoir
se mettre en placel'Etat
social revendiqué par nombre de séparatistes, et donc l'adoption d'une fiscalité élevée et peu favorableà leur encontre. Un fabricant de boîtes de montres partage ces soucis et en
fait
part à Roger Guenat, fabricant d'horlogerie des Breuleux, chargé derecueillir
le soutien de ses collègues industriels pour le plébiscite du 23juin:
Mozzsz'ezzz;
Cozzzzzze convenu,
je
vozzs z-ettzzzzvzec/-/o/ztt /e/bzvzzzz/a/z-e zzzgzzé.Ce ttezTzz'er, signe
par
fo»s /es z'nr/nsfr/e/s r/zz Jzzzyz, rrazzz/zzzï/z'sera zz/zepaz'/z'e z/e /'op/zz/rzzz pzz/z/z'z/zze. 7bzzfe/bzs, À zzzozz rzvz's c'esZ* /e
gozzvezvze-zzzezzr pz'ow'sozre e/zzz e/evrazY s'ezzgager et /zzwrzettz-e <yzze zzz /es ttrz-vaz7/ezzrs zzz /es z'zzc/zzsZr/e/s zzepa/ez-ozztpas /j/zzs z/'zzzzpôYy r/ezzzs z//z cazz/rzzz
z/zz /zzzyz çzze e/tzzzs /'azzzrzezz cczzzrozz z/e ßezvze. Moz'-zzzêzzze
j'ava/s
cetteczYz/zzZe, et /'ayazzf e.rpz'/zzzee èz c/es pez-sozzzza/zïe's separattstes,
j'az
ezz /apz-ezzve z/zze
je
zz'eYezz's pas /e sezz/ c/czzzs cet eYa? z/'es/zzaY, cczr zY/czzzi /z/ezz avozzez- zpze /es pz-zzzcz'pazzx pzzztzs z/zYz'geazzZv sozzZ assez à gazzc/ze. Lacreattozz z/'zzzzpazVz /zTzeVa/ z'zzz/epezzttazzZ a z/e/'à cre'e' zzzze foz/f azz/re aîzzzzz-sp/zère, zzza/s à zzzozz av/s ce/a zze sz//fttpas.
Dès /ors, zzzzepz/Mcattozz c/azzs /apz-esse azz bzzzz zzzzzzzzezzrzze zzzazzz/zzera
pas c/'ezz/ever /es vorvc/e c/rotte /ze'szYazttes.
Vezzz7/ez agréer, Mozzsz'ezzz; zzzes sa/zzttzttozzs r//sZ/zzgzze'es. Vive /e /zzra.-^
Le souci de
voir
un nouvel Etat jurassien adopter une fiscalité défavo-rable est donc bien présent parmi les industriels.Au
point que Marcel Aubry, directeur de la fabrique de montresAubry
Frères SA, au Noir-mont, ancien membre fondateur du Mouvement séparatiste jurassien, s'avère peu favorable au nouveau canton: en 1978, il crée à titrepréven-tif
une société dans le canton de Fribourg «dans le but de préparerl'ave-nir
et de prendre certaines précautions au sujet d'éventuels problèmes politiques ou fiscaux.»-^ En cas d'adoption d'une politique défavorable aux industriels,il
pourrait y délocaliser son entreprise.Les craintes de Marcel
Aubry
ne se réaliseront toutefois pas. Très peu engagés dans la Question jurassienne jusque-là, les dirigeants des grandes entreprises jurassiennes interviennent beaucoup plus activement dans la politique cantonale dès la mise en place des premières institu-tions. Ils comptent plusieurs représentants à l'Assemblée constituante (Antoine Artho, Jacques Saucy, Jean-Bernard Vauclair, etc.) et s'organi-sent en une Chambre de commerce et d'industrie du Jura (CCIJ), afin de défendre les intérêts patronaux dans le nouveau canton et delimiter
ledéveloppement de
l'Etat
social revendiqué par une partie des militants séparatistes".Conclusion
Parvenu au terme de cet exposé, une double conclusion s'impose.
Premièrement, ainsi que le montre le
profil
des industriels engagés aussi bien dans le mouvement séparatiste que dans l'antiséparatiste, le facteur économique n'est pas suffisant pour expliquer la positionpolitique
des divers entrepreneurs. De toute évidence, d'autres facteurs (politiques,re-ligieux,
culturels, etc.) interviennent également. Cependant, on peut sou-ligner une tendance àvoir
certains petits fabricants rejoindre les rangs séparatistes dansl'espoir
d'assister à la création d'un Etat dont la poli-tique économique se révélerait favorable. Deuxièmement, la quasi-ab-sence du grand patronat dans les rangs séparatistes est tout àfait
remar-quable. Elle traduit surtout la crainte d'une politique fiscale défavorable et préfigure la politique lobbyiste que le patronat mènera dès l'entrée en souveraineté au travers de la CCIJ afin delimiter
les développements de l'interventionnisme public et de la croissance de l'administration canto-nalejurassienne^.Au-delà de l'exemple des industriels abordé
ici
et intéressant pour lui-même, cette contribution plaide en faveur d'une histoire sociale de la Question jurassienne. Contrairement à ce que pourrait le faire croire une bibliographie déjà très vaste, tout n'a pas été dit sur le sujet. Une analyse sociologique des mouvements impliqués dans leconflit,
l'étude de leur financement, ainsi qu'une plus grande attention portée envers les divers groupes sociaux et leur position face à la Question jurassienne apporte-raient sans doute des explications éclairantes sur les fondements del'Etat
jurassien.Eze/re-Kves Don^e (iVezzc/zâte/),
^resident
dz/ CE//, est responsaWe r/zzCEM/JE
(5flzz7f-/M2zer) et assistant à /'CMverszYe deiVezzc/zâfe/.NOTES
'Christophe Koller, «De /n /imeô /rî machine» /.Tiirfurfria/isat/onet/'£>arnu paysde /'/tor-/ogerie. Co/itri/ti/tto/i À /'bis/oire économigue ersocia/e d'une région suisse, Courrendlin, CJE, 2003, pp.392ss.
^Christophe, Koller,op.cit..pp. 400-401.
'
C'est notamment le cas de fabriques situées à Corgémont, Cortébert, Delémont, Moutier, Sonceboz,TramelanetVilleret.lVouve//ehistoiredu dura, Porrentruy, SJE. 1984,p.251.••ASJE. 1931, pp. 470-471.
® Société générale de l'horlogerie suisse SA, AS/dAG. d/istorigue pit/t/tëà /'occasion e/eson vt/tgr-citiçwtèmea/tniverintre, 1931-1956.Bienne.ASUAG, 1956, pp. 133-136.
®Bernard Prongué,ADL/. 1925-1975, Moutier,ADIJ. 1975, p.89.
'
Bernard Prongué,op.cit.. p. 90.®«Chronique jurassienne»,inAcres-SdL, diversesannées.
® C'est-à-dire un système de production éclaté dans l'espace et reposant sur de multiples petites entreprises.
Daniel Charpilloz (1892-1955): après des études au Technicum de Bienne (1915), il devient chef de fabrication dans l'entreprise de son père Alfred Charpilloz (1919-1940) puis rachète la société MallerayWatch (1941). Il est le cofondateurdu trustdes pignons (1929)et de l'Association suisse pour l'outillage et les instruments de précision (1946). Dicr/orara/re histo-riguede/a Suisse, www.dhs.ch(site consultéenoctobre 2004).
" Marcel Bréchet, Les années de braise. //istoire du Äftssemfc/emettrJurassien de 7947 à 7975. Delémont, Imprimeriejurassienne SA. 1996, pp. 16-18et381.
'- Marcel Bréchet, op.cit.,p. 381.
"
Mémoiresd'Ici,fonds RogerGuenat, documents divers.MarcelBréchet, op.cit..p. 66.
"
Marcel Bréchet, op.cit.,p. 67.Déc/araiion deprincipe sur 7a Cons/iru/ion er sur /es/ignés d/recrricesde /apo/ih'guede /'£tarJurassien,Delémont, RJ. 1954,30p. Labrochure publiéeen 1948 etintitulée L'aspect éco-nomique etfinancierde la Question jurassienne vise essentiellementàrassurer la population sur laviabilité d'unfuturEtatjurassienetnon àproposerunepolitique économiquenouvelle.
"
Déc/araiion...,op. cit..pp. 18-19."
«Manifeste», reproduitdans la brochure £éiedudura bernois, 1982, Tramelan,pp. 9-12."
Voir par exemple l'Appe/ ntcv citoyens et citoyennes du Groupement des industrie/s du dura-Sudparu peu avant les votations du 16 mars 1975, dans lequel se mêlent aussi bien les dirigeantsde grandes entreprises industriellesque les patrons depetites entreprises horlogères et mécaniques.Le durassien,N°109,octobre 1963.
François Schaller,Développement re'gionn/ et pô/es de croissance, s.!., s.d. [1975], 15 p. Il expose déjà en mai 1969 cette théorie à l'assemblée cantonale de l'Union du commerce et de l'industrie.
--Lettre deFrançoisSchalleràl'auteur,26 août 2004.
Le durassien,N°178,juin-juillet 1970.
Ledurassien dénonce à plusieurs reprises les alliances contre nature entre conservateurset socialistes, comme lorsdes électionsmunicipalesdePorrentruy de 1972quipermettentdemettre finàplusd'unsiècled'hégémonieradicale.
** Article du journal antiséparatiste ajoulot La Vouivre, repris dans Le durassien, N°214, février 1974.
Ibidem.
Mémoiresd'Ici, fondsRogerGuenat, QuesU'oujavantun P/eWsc/fe, Bureau de l'ACBFH, non daté.
Il s'agit d'Alain Charpilloz, dirigeant de la fabrique Hélios, Bévilard, et neveu de Daniel Cliarpilloz, d'André Francillon,ancien présidentcentral,et de Jean von Allmen.de Saignelégier, directeur d'une entreprisechaux-de-fonnière.Marcel Bréchet, op.cit.,pp. 382-383.
Le L/Lre, 29mai 1974.
Ibidem.
"
LaSutj.seZior/ogère, 1974,p. 501.LaSu/Jje/ior/ogère, 1974,p. 502.
"
Voir laliste des signatairesdel'appeldes industrielsdansLeiuraLibredu 19juin 1974.Selon la liste publiée par Joseph Hanhartdans iura rota/, Moutier, Editions de la Prévôté, 1978, 159p. Leclassementestétabliselonlechiffred'affaireset le nombre d'employés.
"
Mémoiresd'Ici,fondsRogerGuenat, lettreàRogerGuenat, 30mai 1974.Centrejurassien d'archives et de recherches économiques (CEJARE), fonds Aubry Frères SA,procès-verbaux du conseil d'administration,4juillet 1978.
"
Sur l'intervention croissante du lobby patronal dans le système politique jurassien, voirla thèse deJean-Claude Rennwald, la rrauj/orniarion rte /aJlruclure e/upouvoir r/anj te rnitonr/u 7970-799/. D//separar/sme À /7/ïrégra//o/ia«syÄe
/?o//7/V/»e Mûre, Courrendlin, CJE, 1994,712p."
Voir par exemple le Bui/etui r/'/u/ormuf/ou rte /a C/ia/nèrerte comuie/rc et r/'ùir/turrter/uiura, publiéàpartirde 1980.