Les différentes campagnes de
fouille,
menées sur le site de Romain la Roche, se sont révélées enrichissantes à plus d'un titre. Quelques points importants méritent d'être rappelés :Les vestiges archéologiques, très nombreux, bénéficient d'une con-servation exceptionnelle. Tous les groupes faunistiques sont représentés par un grand nombre d'os. Ajoutons à cela, des artefacts, in s/r«, mis au
jour
dans presque toutes les couches renforcentl'intérêt
de ce site unique dans la grande moitiénord de la France.L'approche
pluridisciplinaire,
en cours, menée sur le site, en compté-ment aux recherches purement archéologiques, a pour but d'esquisser le paléoenvironnement de l'homme de Néandertal dansl'est
de la France et de mieux comprendre les fonctions de l'aven. D'ores et déjà, la faune offre une vision spectaculaire des rapports qui liaientl'Homme
au mi-lieu animal.Dans cet article, nous avons mis en évidence les différentes fonctions
de l'aven de Romain la Roche. Nous les rappelons brièvement : piège naturel, tanière pourles prédateurs et abri pour
l'Homme
préhistorique.A partir de ces situations, les principales questions sont de savoir comment et quand le matériel faunistique et lithique se sont mis en place dans l'aven. Autrement dit, quelle est la participation des prédateurs car-nivores et humains dans le résultat de cette accumulation en tant qu'en-semble archéologique, ou encore, quelle part ont-ils pris sur de nom-breux siècles pour constituer ce qui apparaît comme un véritable char-nier
1 Les avens sont, avant tout, des pièges naturels pour la faune sans
participation humaine. La population animale y est souvent bien re-présentée. L'aven de Vergranne dans le Doubs (M. Campy, 1983), les avens des Causses de Martel en Corrèze et de Granat dans le Lot (M.
Philippe C. Mourer-Chauviré et
alii,
1975) sont des exemples significa-tifs.2) Les avens peuvent être utilisés comme lieux d'approvisionnement autant par les carnivores que les groupes humains. Cela se traduit par la récupération de carcasses d'une partie des animaux piégés naturelle-ment. Cette stratégie ne semble faire aucun doute pour les prédateurs carnivores et les rapaces.
L'Homme
a pu également l'appliquer, en sur-veillant plus ou moins régulièrement les différents avens de la région.Toutefois,
il
semble douteux que cette pratique ait été systématique-ment adoptée par les chasseurs néandertaliens.3) L'Homme joue unrôle primordial dans
l'utilisation
des avens : comme piège, les chasseurs auraient poussé les animaux vers une mort certaine. Dans ce cas, ils seraient responsables de cette hécatombe.Dans l'aven de Romain la Roche, nous retrouvons ces trois cas de
fi-gures que nous pouvons combiner.
Le piègeage naturel de la faune est confirmé, pour
l'instant,
dans les couches 7 et 8 par la présence d'animaux complets avec de bonnes connexions anatomiques.L'utilisation
del'aven,
comme lieu de charognage, semble également évidente mais discrète en ce qui concernel'action
de groupes humains.En effet, l'association entre la grande quantité des vestiges fauniques et lithiques peut nous permettre de démontrer deux origines différentes :
L'Homme
de Romain la Roche est un charognard comme l'atteste la présence de nombreux ossements et de quelques outils dans une même couche (couche 7 et 8).L'Homme
de Romain la Roche est un chasseur. Lors du dépôt de la couche 5, l'aven ne fonctionne plus comme piège naturel.L'Homme
au-rait
joué un rôle moteur dans ce niveau. Les nombreux artefacts et les restes souvent carbonisés de son alimentation carnée constituent un té-moignage fort.L'aven, par ses qualités
d'abri
naturel, sa position dans le paysage, en bordure du plateau préjurassien et dominant largement la vallée del'Ognon,
a pu être un campement idéal pour les groupes humains. Apar-tir
des éléments recueillis, nous pouvons donner une imagesimplifiée
del'histoire
hypothétique du site de Romain la Roche, de saformation
àson comblement
final
(fig. 24 à 31).Les éléments de chronologie, dont nous disposons actuellement, nous sont donnés par une datation absolue
Uranium/Thorium
sur ossements et par les études en cours de la faune. Dès maintenant, toutes les datations plaident pour un âge rissien (Saalien) ou antéwUrmien (Eémien) avec un paysage de steppe froide àgraminées et peu d'arbres.D'autres datations sont prévues afin
d'affiner
cette première ap-proche.Après le passage en revue des principaux enseignements de la
fouille
du remplissage de Romain la Roche, il convient de ne pas masquer les nombreuses inconnues qui subsistent. Il
s'agit
des questions portant no-tamment surl'évaluation
et les techniquesd'obtention
des alimentscar-nés et l'analyse quantitative des ossements permettant de dénombrer les espèces présentes et leurs pourcentages relatifs. Autrement dit, quelle est la part de la population animale piégée naturellement, tuée par des carni-vores tels que le
lion
des cavernes, ou encore la part del'homme
dans ce charnier. De même, nos connaissances sur le paléoclimat et paléoenvi-ronnement sontloin
d'être complètes.Au vu de ces premiers résultats obtenus,
il
conviendra de poursuivre lafouille
avec une approchepluridisciplinaire
(morphologie, sédimento-logie, micromorphologie, paléontologie, palynologie, datationsabso-lues...)
tout en continuant l'étude taphonomique largement amorcée.148
Fig. 26 :formationde concrétionsdans la grotte fossile.
Phase3.
Fig. 27 : ouverturede l'aven : piège naturel et tanière.
Phase4.
Fig.25 : les premiers éboulements.
Phase 2.
Fig. 24 : unerivièresouterraineen formation.
Phase 1.
Fig. 28 : édificationdu remplissageet présences humaines.
Phase5.
Fig. 30 : destructionetcomblementde l'aven-abri
Phase 7.
Fig.29 : occupation humainedans l'aven-abri.
Phase 6.
Fig.31 : 1980 :découverte del'aven.
Phase 8.
A ces travaux,
il
conviendrad'intégrer
des études paléoenvironne-mentales afin devoir
les relations entre leclimat
et la place des hommes probablement prénéandertalien présents à Romain la Roche.Fzrzm'c/c Fflizpe fVb/en/àpîcy, France),
rAonraWe
.vriciz/z/ro/zze r/c.v /oM/7/c.y c/e Fo/nczin Fz Foc/te et praszV/ezzf t/e /'Associa/ionpozzp /a rawve-gfl/r/e r/es 5zYc.ï pre/zzMonz/Mes c/ pa/éozzfo/ogzgzze.ï f/zz cczzzfozz c/<? Fozzgz?-zzzozzf et c/zz Fzzy.y c/c Mo/z/Fe7zYzzr/.ANNEXE : lafailliedeRomain la Roche
Froboscidiens :
Mammur/utfp/7/nzgeniu.stype /zo/icz« : lemammouth à toison laineuse Rhinocérotidés :
Coe/or/o/ita anZiçzzzfarw anZiV/KiraZ/ïoupraramor: fonnearchaïque du rhinocérosà toison lai-neuse, àdeuxcornes età narinescloisonnées
Bovidés:
ßzzfozzprisez«: le bisondes steppes
So.yprimz'gertùu': le bœufprimitifou aurochs Equidés :
fi/iizi.vcahaZZiMgermamezu' : le cheval Cervidés:
/fa/7£(/<?rfrzra/u/ttf : lerenne Cétv/fv e/ap/zuj : lecerf
(L'étude en cours devrait permettre de confirmerla présence de deux autres espèces dont peut-êtrele mégacéros
Ursidés :
t/rsi«.spe/oez« : l'oursdes cavernes Félidés :
FW«/éy;/?fz/?/Y?c/77 .v/?F/aéY/: le lion panthèredescavernes Canidés :
Vn/pe.vvii/pes : lerenard
Carà : le loup
(L'étudeen coursdevrait permettredeconfirmerla présence du renarddesneiges Mustélidés :
Miirie/az)/ra/i.v : labelette
(L'étudeen coursdevraitconfirmerlaprésenced'autresespèces decellefamille) Lagomorphes :
Z-cpz« Zi/mV/z« : le lièvrevariable Rongeurs :
Microti« arnzi«: le campagnoldeschamps M/croZi«ogre.vZi'.i' : lecampagnol agreste Arv/co/a terrestris : lecampagnol terrestre ft'zymyssnèterranei« : lecampagnol souterrain Microti«intiZei: lecampagnol nordique Microti«grega/«: le campagnol deshauteurs Dz'croiZoziyxgizZzcZmi : le lemmingà collier CWceZiucriccfu.v: le hamster
Apoc/cmu.vsy/vtificz« : lemulot
C/cr/irionomyxg/areo/iix: lecampagnol roussâlre Insectivores :
Sorestaranenx : lamusaraigne carrelet /Veomyx/orZr'enx: la musaraigneaquatique Sorcxminute: la musaraigne pygmée 7fr//?a et/np/Kzea: la taupe
Oiseaux:
Anaxp/orvr/o'nc/îoi: le canardcolvert
//a/iaeernx aiiu'ci/ia : lepygargueà queueblanche C/rcuxcyanewx: le busardSaint-Martin
5//ter;ç/Y////m/.v: la buseféroce /k/i»7nxp. : aigle royalou impérial '?
Accipitridés ind.
La/coc/peregri/urs : le faucon pèlerin LugoptixZagopirx : lelagopèdedes saules Lflgopuxxp. : lagopède ind.
îeiraorerrix: letétraslyre Perdu;perdix : la perdrix grise
-Perdrxxp. ouAiecior/xxp. : perdrix ind.
Picopico c/ major :lasous-espècefossilede lapie bavarde
Pyrr/tocoroxgracuZuxc/ vetax: lasous-espèce fossiledu chocard alpin
Çorvuxxpl : corvidés ind. \
Con'ox corax : le grandcorbeau Reptiles:
ioccriu : le lézard (desmurailles) Poissons :
Indéterminés Gastéropodes : Indéterminés
Les études de tout ordre en cours n'ont pas fini de nous étonneret d'apporterde nouvelles es-pècesàcetteliste nonexhaustive.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
CAMPY Michel. 1982 : Le guaternatrê Pra/ic-co;?Poix. £xxai c/irono/og<r/«e er
pa/^dclima-nV/Hc. Thèsedoctoratd'Etat. Faculté desSciences deBesançon 575 p.
FALGUÈRES Christopheet PAUPEPatrick. 1996 : L'aven de Romain la Roche. Datations Uranium/Thorium. Inédit4p.
PAUPE Patrick et al. 1992 : Le rcHip/ixxngc d'nven de Romain in Rocite (25 Douôx). Premiè-rcxynf/rèxe /9SS-7990. Rapportdefouille, 214p..
PAUPEPatrick. 1995 : L'avenrie Romain /a RocLe, un xite pniéonro/ogir/ne er pré/iixroriçrre.
Arehéologia N° 312. Mai 1995, p 60 à66.
CRÉDIT ICONOGRAPHIQUE OlivierMessmer(fig9).
Jean-Marc Schirato (fig. 21,22et23).
EricVoegeli (dessin fig. 1).
Thierry Ballay (dessinfig. 3, fig.24-31).
Simon Deshusses (dessin fig.5).
PatrickPaupe(pourles autresfigures).
152
REMERCIEMENTS
Mes remerciements s'adressent en premier lieu à tous les collaborateurs qui contribuent à la publicationdusite deRomain la Roche eten particulier:
-
Alain Argant(étude descarnivores), JaquelineArgant (palynologie). Martine Faure (les bovi-dés), Claude Guérin (les rhinocérotidés), Cécile Mourer-Chauviré et Lionel Gourichon (les oiseaux)de l'UniversitéClaude Bernardde Lyon I.-
JeanMarie Cordy (les micromammifères) de l'Université deLiège.-
VeraEisenman (les ëquidés), Patrick Auguste(les cervidés)et ChristopheFalguères (datation Uranium/Thorium) du Muséum National d'Histoire Naturelle, Institut de paléontologie de Paris.-
Jean Detrey (les industries lithiques).-
Michel GuélatetPhilippe Rentzel (géologie).-
HervéRicharddu Laboratoirede Chronoécologiede Besançon.Mes remerciements égalementà LucileJeunot pourlarelecture decetarticle.
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