La construction préalable des fermes nécessitera l'avance d'un capital assez considérable. Les associations ont bien perdu de leur crédit depuis l'abus qu'on en a fait ; les entreprises dans l'Algérie ne sont pas en faveur chez les capitalistes et l'on ne parviendrait ni en France, ni en Suisse, à réunir en ce moment un nombre suffisant d'actions. A des spéculateurs
il
faudrait payer des inté-rêts, des bénéfices même, sacrifices que ne pourrait sup-porter une colonie naissante, que des besoinsjournaliers
assiégeront longtemps.
Je ne pense pas
qu'il
soit possible de trouver un autre bailleur de fonds que le gouvernement.Le montant du capital^ase et l'époque du
rembourse-ment doivent être déterminés par le développement que la colonie est susceptible de prendre dans un temps donné.
Si des causes étrangères, si des malheurs inévitables n'arrêtent pas ses progrès, elle peut acquérir une popu-lation de 100,000 habitants en 25 ans, soit 4,000 âmes par an. Le premier contingent, le plus difficile à trouver,
est prêt ; les autres se réuniront sans peine à ce centre d'attraction.
Quatre mille âmes formeront environ 400 ménages ;
c'est donc 400 fermes
qu'il
faudrait construire annuelle-ment.La main-d'œuvre et les matériaux étant à des
prix
plus élevés en Afrique qu'en Europe, on ne peut évaluer à moins de 5,000 l'r. les frais de construction d'une fermeîiorc ac/ieuée, destinée au logement de dix personnes et à une exploitation rurale ; la dépense pour les 400 fermes serait donc de deux millions.
Cette somme ne seraitpas suffisante ; comme
il
s'écou-lerait
du temps entre la dépense et le remboursement, commeil
faudrait aussi des approvisionnements considé-rabies de matériaux, les constructions seraient bientôt arrêtées si l'on n'était pourvu d'un second capital, que j'estime à unmillion
au moins, pour remplacer les va-leurs passives ; c'est-à-dire,qu'il
faudrait une mise defonds équivalant au
prix
de 000 fermes (ou aux travaux d'une année et demie), pour pouvoir en bâtir 400 annuel-lement et consécutivement pendant 25 ansCe serait donc trois mî'ZZioras que
l'Etat
devrait avancer et dontil
resterait à découvert pendant 25 ans.Pour rendre cette avance moins onéreuse au trésor,
je
proposerai le mode suivant :L'Etat avancerait à la colonie, sans intérêt, une somme annuelle de
500,000/r.
répétée pendant six ans, en to-talité trois misions.Ce capital serait fixe et toujours en activité pendant
25 ans, attendu
qu'il
serait alimenté par les rem-boursements successifs des colons, pour leprix
de leurstermes.
La colonie en opérerait l'amortissement au moyen de 20 annuités de 450,000 fr. dont la première écherrait à
la
fin
de la 6*" et la dernière à lafin
de la 25* année. Le— 432 —
produit de la vente des terres aux colons, au
profit
de la colonie, comme nous le proposons plus loin, serait affectéà cet amortissement, afin de laisser intact le capital fixe
de trois millions.
Mais comment la colonie
pourra-t-elle
construire pourdeux millions par an,
s'il
nelui
est versé que 500,000 francs la première année et autant les cinq années sui-vantesLes préparatifs inséparables d'une pareille entreprise, ne permettront pas de pousser les constructions avec autant d'activité au commencement ; ce n'est guère avant la
3«
et la4'
année que leur exécution aura pris lamarche régulière qu'elle devra conserver, et alors le ca-pital avancé sera déjà de quinze cent mille francs à deux millions. D'un autre côté, le produit de la vente des terres aux colons ne sera pas appliqué à l'amortissement pendant les six premières années ;
il
restera donc dispo-nible et sera aussi employé aux constructions, de manière qu'avec ce secours le capital actif aura atteint son chiffre normal longtemps avant la sixième année.Toutefois,
il
y aurait del'erreur
à croire que ce déficit d'argent n'occasionnera pas aussi, pendant ces premières années, un déficit de population ; mais celui-ci serabientôt comblé par l'arrivée certaine d'immigrants qui n'auront besoin d'aucun concours pour s'établir ; car si dans le principe
il
sera nécessaire de se charger de toutes les constructions,il
n'en sera pas toujours ainsi ; lorsque la colonie aura acquis une certaine consistance et qu'elle renfermera des familles de la plupart des districts de la Suisse;
lorsque les mesures prises pour attirer de bons maîtres et ouvriers constructeurs auront rendu les bà-tisses plus faciles etmultiplié
les entrepreneurs, on verrades familles envoyer d'avance un de leurs membres pour faire édifier leurs fermes à leur guise ; ou se rendre elles-mêmes dans la colonie pour aider de leurs mains à ces
constructions et se loger en attendant chez des parents
ou des amis qui y seront déjà fixés ; ou enfin, s'arranger avec l'administration coloniale et
lui
fairetenir
les fonds nécessaires au fur et à mesure des dépenses.Le compte exact et trop longà rapporter
ici,
que je me suis rendu des besoins et des moyens divers d'y satis-faire, ne me laisse aucun doute sur la suffisance ducapi-tal de trois millions versé en six ans, pour entreprendre et continuer l'établissement de 4,000 âmes par an.
Outre l'hypothèque légale prise sur les fermes cons-truites, le gouvernement aura pour garantie les autres biens des colons, qui seront entre ses mains. Les fonds seront dépensés dans un pays qui
lui
appartient et pourlui
donner une valeur, et comme ils ne seront livrés que successivement,il
pourrait toujours cesser ou réduireses versements s'il s'apercevait que le but proposé n'a pas été atteint.
On pourrait diminuer le chiffre de cette avance ; mais ce serait aux dépens de l'extension et de la prospérité de la colonie, et les proportions étroites dans lesquelles elle devrait se renfermer, retiendraient dans leur patrie la plupart des personnes dont la participation serait une garantie de succès.