Depuis 1469, le duc Charles de Bourgogne exerce dans toute
l'Au-triche antérieure les droits qui
lui
ont été engagés par le duc Sigismond de Habsbourg moyennant 50 000florins.
Le landgraviat de Haute Alsa-ce et le comté de Ferrette, un demi-siècle après Catherine de Bourgogne, retombent sous la domination de la Maison de Bourgogne. La noblesse régionale, humiliée parl'expédition
des Suisses dans le Sundgau en 1468, balance entre safidélité
àl'Autriche
et son espoir devoir
le ducCharles venger les défaites subies devant les Confédérés Par leurs
fiefs
alsaciens et comtois, les Asuel ont plus quejamais partie liée avec cette puissante Maison qui joue alors un rôle d'importance européenne.Ces nobles désargentés, endettés auprès des bourgeois de Bâle, ver-raient avec
jubilation
cetteville -
et les autresvilles
d'Alsace-
rame-nées par le
fer
dans une position plus subalterne par rapport à la Maisond'Autriche
et aux autresfamilles
princières.Ils
craignent l'expansionmilitaire
continue des Suisses au détriment des seigneurs petits et grands depuis près de deux siècles.Ils
luttent pourlimiter l'influence
confédé-rée sur lesvilles
de Haute Allemagne. Haine de classe,hostilité
poli-tique, antagonismes nationaux et querelles dynastiques expliquent le
conflit
qui s'ouvre en 1474.La coalition
antibourguignonne, disparate et mouvante, comprend no-tamment Notre-Dame et laville
de Bâle, alliées aux Suisses, auxvilles d'Alsace
et au duc Sigismondd'Autriche
soutenu,jusqu'à
un certain point, par son cousinl'empereur
FrédéricIII
et par leroi
de France LouisXI.
Thiébaud et Jean-Lutold prennent parti, dès le début dela
guerre, pour le duc de Bourgogne contre les Suisses sans aucun regret, contre le ducd'Autriche
et contrel'Eglise
de Bâle à contrecœur, àl'image
des autres hobereaux de la région.Alors
que Sigismond de Habsbourg proposait à Charles de Bour-gogne delibérer
les territoires engagés en échange du remboursementdes sommes dues, les bourgeois de Brisach se révoltent contre le
bailli
« bourguignon » Pierre de Hagenbach et
ils
le mettent à mort, après un procès sommaire, en mai 1474 Toute la région bascule alors dans la guerre. Durant toutl'été,
les compagnies de Charles se battent pour contenir les Bâlois et les Alsaciens.Ces troupes sont commandées par Claude de La Palud, comte de La Roche Saint-Hippolyte, Jean et
Henri
de Neufchâtel, Etienne de Hägen-bach-
le frère dubailli
décapité-
« et trois Asuel »Il s'agit
proba-blement de Thiébaud, de son
fils
Guy et de Jean-Lutold. Ces capitaines et leurs adversaires selivrent
à une guerre de dévastation des campagnes et tous les protagonistes commettent des atrocités qui ensanglantentla
Porte de Bourgogne. Les sires deMorimont,
voisins et ennemis des Asuel, défendent les couleurs du ducd'Autriche.
Formellement, la guerre
n'est
déclarée à Charles de Bourgogne quele 29 octobre 1474, à Blamont, par laville
de Berne disant agir au nom de l'empereur, de Sigismondd'Autriche
et des divers alliés germani-ques Le 12 novembre, les Confédérés et les contingents alsaciens as-siègentHéricourt
et défont les troupes bourguignonnes, commandées par Henri de Neufchâtel, qui perdent 1600 hommes devant cette place forte. Thiébaudd'Asuel
estl'un
des capitaines de la forteresse qui, contrairement à laville,
n'est toujours pas occupée après lavictoire
al-liée Le 16 novembre, la garnison se rend non pas aux Suisses, maisaux représentants de Sigismond
d'Autriche
qui autorise les assiégés àquitter
la place avec armes et bagagesAu printemps 1475, la Montagne comtoise est en butte aux coups de mains des bandes bernoises et soleuroises qui ravagent notamment
l'ab-baye de Montbenoît etpillent
laville
de Pontarlier"h
Enavril,
le retour en forced'un
contingent du duc Charles de Bourgogne surprend lespil-lards et c'est le capitaine Thiébaud
d'Asuel
« qui saitl'allemand
» (V/er mrs'c/i /condj qui somme les agresseurs de quitter laville.
Après un vio-lent engagement, les Suisseslivrent
Pontarlier aux flammes et se retirent avec leur butin"L
En 1476 comme en 1475, les alliés ravagent toute la Haute Bourgo-gne dans des raids qui visent plus à
piller
cette régionqu'à
disperser les faibles compagnies du duc Charles dans ce secteur très secondaire du«
front
» '"A Enfévrier
1476, une troupe autrichienne basée àHéricourt
ravage « la vallée de Rougemont qui est un comté des seigneursd'A-suel »
"T
Cette région, la vallée del'Ognon,
est défendue par unpetit
contingent anglais au service de Bourgogne qui perd une trentaine d'hommes dans cet engagement. La guerre aggrave donc la situation matérielle de Thiébaud et de Jean-Lutold jusque dans leurs seigneuries comtoises.Il
est plus que probable que leurs possessions alsaciennes et jurassiennes, à commencer par le châteaud'Asuel,
sont alors saisies qui par Sigismondd'Autriche,
qui par l'évêque ou les bourgeois de Bâle àtitre
de « biens ennemis ».La tragique défaite du duc Charles devant Nancy, le 5
janvier
1477,est aussi celle des derniers Asuel, encore que les nobles de Haute Alsace qui ont choisi le camp du duc de Bourgogne rejoignent sans états d'âme celui du duc
d'Autriche
et del'Empire.
Pources seigneurs, ceconflit
n'a riend'idéologique
et le mariage del'unique
héritière de Téméraire, Ma-rie, avecMaximilien, fils
del'empereur
FrédéricIII d'Autriche,
en août1477, scelle la
réconciliation
entre les deux noblesses.Il
semble que Thiébaud décède avant 1477, année où Jean-Lutoldsol-licite
vainement du prince-évêque Jean de Venningenl'autorisation
de remettre les fiefsd'Asuel
à ses arrière-cousins les comtes Oswald et Guillaume de Tierstein Oswald de Tierstein a combattu comme capi-taine autrichien à Blamont en 1475 et dans les rangs lorrains à Nancy en 1477 Lefils
unique de Thiébaud, Guy, encorevivant
en 1475, est donc décédé entre 1475 et 1477, peut-être sur un champ de batailleAu sortir
de la guerre, Jean-Lutold est le seul descendant mâle des qua-trefils
de Jean-Bernardd'Asuel.
Avec la défaite et la solitude, d'autres calamités s'abattent sur le vieux chevalier.Les seigneuries
d'Usier
et de Rougemont, héritées de Jeanne de Rou-gemont, sont situées en Franche-Comté. En 1477, cette province d'Em-pire, convoitée par Berne, est finalement occupée par les armées de LouisXI.
Elle oppose cependant une vive résistance à un souverain dontelle ne veut à aucun
prix. La
noblesse comtoise, soudée parl'Ordre
de Saint-Georges auquel appartient Jean-Lutoldd'Asuel,
reste indéfectible-ment fidèle à Marie de Bourgogne,fille
unique du duc Charles et mariée quelques mois après la mort de son père àMaximilien d'Autriche,
héri-tier
de la couronne impériale. En 1479, avecl'appui
des Suisses et des Ferrettois, les troupes de LouisXI
donnent l'assautfinal
aux forteresses comtoises.L'artillerie
françaisevient
à bout de toutes les places fortes les mieux défendues. Pour consolider la conquête, une bonne centaine de ces châteaux féodaux-
dont celui de Rougemont-
sont alors déman-télés Malgré la bravoure des Comtois, lavictoire
royale est définiti-vement acquise en 1480.Fuyant la répression
impitoyable
des hommes de LouisXI,
plusieursféodaux de cette région trouvent refuge à Bâle en 1479 déjà. Parmi eux, le prince de Chalon, les sires de Montagu, de Vaudrey
et...
Jean-Lutoldd'Asuel,
seigneur de Rougemont etd'Usier^®. Au sortir
des guerres de Bourgogne, peut-être dansl'espoir
de se protéger des Français, alliés des Confédérés, Jean-Lutold acquiert la bourgeoisie de Bienne Cet appui est d'uneutilité
toute relative : son beau-fils, Pierre de Vergier, est pri-sonnier des hommes de LouisXI
àArbois
et le dernier Asuel doitquitter
Rougemont au printemps 1479.Arrivé
à Bâle,il
rallume une querellevieille
de 50 ans contre le sire deMorimont
à propos de Pleujouse, sans doute dansl'espoir
d'en retirer quelque argentCette démarche est bien sûr vaine et le seigneur
d'Asuel,
vaincu par tant d'adversité,doit
se résoudre à conclure un traité très défavorable.En 1479, Jean-Lutold, « dernier de sa race et de cette
famille,
n'espérant plusavoir
d'enfant à cause de son âge avancé » 1n/fzmns de fa//jf/rpe
er/ami/M,
non ^pe?-anj a/z'gna/n pro/eznpropfer
ey'n.ç ^enecfnfemj remet tous les biens «qu'il
possède en tant que vassal del'église
de Bâle ».Il
relève « ses vassaux,
officiers
et sujets » de leur serment defidélité
àson égard et les prie de n'obéir, désormais, «
qu'à
l'évêque Gaspard agissant au nom del'église
de Bâle » Bien davantage qu'une pro-messe de laisser cesfiefs
retourner au seigneur après la mort de son vas-sal mort sans descendance, cet acte est « une donation solennelle et irré-vocable, entrevifs,
à l'évêque Gaspard (ze R/ze/nJ »Après avoir dû renoncer, en 1477, à
voir
les Tierstein être investis des fiefs « bâlois » des Asuel, Jean-Lutolddoit
maintenant céder, de son vi-vant, ses possessions jurassiennes à Notre-Dame de Bâle alors mêmequ'il
a unefille
légitime, Gauthièred'Asuel.
Le prince-évêque Gaspard ze Rhein (1479-1502)profite
de la position de faiblesse de son vassal pour revenir surl'acte
de 1380, par lequel Jean-Ulrich avait obtenu de Notre-Dame de Bâle ledroit
depouvoir
conserver lesfiefs d'Asuel
enl'absence
d'héritiers
mâles en les faisantinvestir
auxfilles
de cetteli-gnée
-T
On peut supposer que le vieux capitaine bourguignon-
etan-cien prévôt de Saint-Ursanne
-
désargenté, très éprouvé par l'âge, ladéfaite et
l'exil,
en délicatesse avecl'Eglise
de Bâle dontil
est contraintde
solliciter
la protection, achète par cette donation « entrevifs
» (z'nter vivosJ ledroit
definir
sesjours
en paix àAsuel ou à Bâle.Pour Notre-Dame de Bâle, qui vient de récupérer Porrentruy et