Martine Rebetez, Institut fédéral de recherche WSL, site de Lausanne, CH-1015 Lausanne, rebetez@wsl.ch
Le changement climatique et ses condi- tions météorologiques extrêmes modi- fieront aussi les écosystèmes forestiers.
Comme la forêt est un écosystème de longue vie, les changements sont insi- dieux.
En Suisse, depuis une trentaine d’années, les températures augmentent au rythme de 0,57° C par décennie. Elles ont constamment augmenté à une vitesse deux fois supérieure à celle de l’hémisphère Nord. La varia-
bilité des températures diminue en hiver, mais augmente en été, ce qui signifie que les périodes extrême- ment chaudes augmentent davan- tage que ne le suggèrent les valeurs moyennes. En hiver, en revanche, les épisodes froids diminuent plus rapidement. Les précipitations ne changent pas en moyenne annuelle, mais deviennent plus extrêmes:
davantage de précipitations intenses et d’épisodes de sécheresse, ceux-ci surtout en hiver au Tessin.
Pour se rendre compte de la vitesse sans précédent du change- ment, il faut savoir qu’au sortir de la dernière période glaciaire, dans des conditions exclusivement na- turelles, les températures du globe ont augmenté de quelques degrés en plusieurs milliers d’années. Durant le dernier millénaire, seuls quelques dixièmes de degré de différence sé- paraient les périodes les plus chau- des (optimum climatique médiéval)
et les plus froides (petit âge glaciaire). Or, bien plus que les valeurs absolues des températu- res, c’est ce rythme sans précédent de la hausse des températures qui déterminera la réaction des écosystèmes.
Les écosystèmes forestiers réagissent len- tement: le décalage en altitude, qui de vrait
correspondre actuellement à près de 100 mè- tres tous les 10 ans, ne peut pas se faire instan- tanément. L’ascension de la limite de la forêt, par exemple, un phénomène que l’on attend logiquement avec l’accroissement des tempé- ratures, est encore très peu visible.
On constate déjà certains changements ponctuels. L’altitude où l’on peut trouver du gui, dans les Alpes valaisannes, a déjà aug- menté d’au moins 200 m par rapport au recen- sement effectué dans les années 1910. Le pin sylvestre, lui, disparaît progressivement des si- tes les plus chauds de la vallée du Rhône ou du
bas de la vallée de Saas. Ce genre d’évolution se fait typiquement de manière irrégulière, à la faveur de conditions météorologiques par- ticulières: suite à des étés très chauds et très secs, on constate une forte mortalité des pins sylvestres les plus exposés. Pendant ce temps, sur ces mêmes sites, les chênes, eux, n’ont pas de problème avec la chaleur ou la sécheresse, et prennent le dessus.
Certaines forêts d’épicéas ont subi les ravages du bostryche après des situations météorologiques ex- trêmes, telles que Lothar, fin 1999, et la canicule de 2003 (voir l’article de Peter Duelli). Au Tessin, l’installation d’espèces tropicales dans les forêts (voir l’article de Gian-Retho Wal- ther) constitue un exemple typique de franchissement d’un seuil déter- minant de température.
En théorie, on s’attend à un décalage général des espèces fores- tières vers des altitudes plus éle- vées. Mais la pratique s’avère plus complexe, déterminée entre autres par la compétition entre espèces et une rente de situation pour celles qui sont déjà implantées. Surtout, le changement se fait à la faveur d’épisodes extrêmes comme les canicules ou les sécheresses ou au moment du passage de seuils criti- ques. En outre, les longues années nécessaires à la croissance d’un arbre font que nos paysages ne changent pas aussi vite que le voudrait le schéma théorique de l’évolution des températures. ■
Forêt et changement climatique
On constate déjà des changements ponctuels
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Le changement climatique provoque un dépérisse- ment des pins sylvestres en Valais. Photo M. Dob- bertin, WSL
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