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note n°28/13

G é r a r d G e r o l d

Chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique

RD Congo, analyse comparative des violences électorales (2006-2011)

(novembre 2013)

Résumé

La République Démocratique du Congo a connu deux cycles électoraux depuis la fin de la guerre civile et régionale de 1998-2002 et l’adoption, en décembre 2005, de la Constitution de la Troi- sième République. Organisées dans des environ- nements sécuritaires très différents, les élec- tions de 2006 et 2011 ont, toutes deux, été émaillées de nombreuses violences qui ont coûté la vie à plusieurs centaines de citoyens congolais et mis en cause, à des degrés divers, la crédibilité de leurs résultats. L’analyse tend à montrer que plus que leur degré d’intensité ou la gravité des dérèglements qu’elles causent aux scrutins, c’est l’efficacité et la justesse des mesures prises pour contenir ces violences ainsi que la confiance glo- bale des électeurs dans le processus électoral qui déterminent l’importance de leur impact sur les élections.

Abstract

The Democratic Republic of Congo has experi- enced two electoral cycles since the end of the 1998-2002 regional and civil war and the adop- tion of the Third Republic’s Constitution in De- cember 2005. Even though the 2006 and 2011 elections were organized in very different secu- rity contexts, they both led to numerous acts of violence, causing the death of hundreds of Con- golese and weakening the results of these elec- tions to various extents. The analysis demon- strates to show that it is the efficiency and the accuracy of the measures taken to contain those acts of violence, along with the voters’ confi- dence in the electoral process, more than the level of intensity or the gravity of the unrest that defines the importance of their impact on elections in the DRC.

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Avant-propos

En juillet 2006, la République démocratique du Congo a connu le premier scrutin présidentiel et législatif libre et transparent depuis son indé- pendance, en 1960. Plus de 25,6 millions d’élec- teurs avaient été enregistrés sur les listes électo- rales par la CEI1 dans ce pays-continent qui se relevait à peine d’une guerre civile et régionale2 ayant fait plusieurs millions de morts depuis 1998. Ces élections avaient été précédées d’une période de Transition de trois ans (2003-2006) pendant laquelle toutes les parties au conflit ont été associées au pouvoir et à la mise en place de nouvelles institutions. La Constitution de la Troisième République a été adoptée par référen- dum en décembre 2005. Le scrutin présidentiel de juillet 2006 mettait aux prises 33 candidats, dont l’actuel président Joseph Kabila, tandis que 9 500 candidats briguaient 500 postes de dépu- tés nationaux. En tout, quelque 267 partis politi- ques étaient en course. C’est la communauté in- ternationale qui a financé l’essentiel des 430 millions d’euros dépensés pour le cycle élec- toral 2005-2007.

En novembre 2011, la CENI3 avait recensé 32 millions d’électeurs et estimé le coût global des élections à 530 millions d’euros alors même que le scrutin était ramené à un seul tour à la suite de la modification constitutionnelle de jan- vier 2011. La présidentielle opposait 11 candidats dont Joseph Kabila, le président sortant, l’oppo- sant historique à Mobutu, Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe lieutenant déchu de J. Kabila et ancien président de l’Assemblée nationale. Le nombre de candidats à la députation était, quant a lui, multiplié par deux – 18 864 dans l’ensem- ble du pays, plus de 5 000 dans la seule ville de Kinshasa – compliquant d’autant l’organisation et le déroulement du vote. Depuis 2006, le nom- bre des partis politiques n’a cessé de croître pour atteindre le chiffre extravagant de 400 à la veille de l’élection.

Cette note est une contribution à une recherche plus large consacrée aux violences électorales en Afrique ainsi qu’aux nombreuses interrogations qu’elles suscitent tant à propos de la crédibilité des processus électoraux qu’elles entachent, que de la question des voies à suivre pour instaurer, sur ce continent, des régimes démocratiques du- rables.

L’objectif de cette note est dès lors triple : d’a- bord analyser en détail les principales séquences violentes des deux séries d’élections tenues en RD Congo en 2006 et 2011 (I), ensuite les com- parer et tenter de voir comment et dans quelles proportions elles ont pu influer sur les résultats et la crédibilité des scrutins (II), enfin, esquisser de premières conclusions sur les liens complexes entre violence politique et violence électorale, transition post-conflit et processus électoraux (III).

I. Les scrutins de 2006 et de 2011 : des contextes sécuritaires très dif- férents

L’analyse des violences ayant émaillé les élec- tions générales de 2006 et 2011 nécessite un exa- men préalable de l’environnement sécuritaire dans lequel ces deux séries d’élections ont eu lieu.

Des conflits armés entourant le processus électoral de 2006

Les élections de 2006 mettaient fin à cinq ans de guerre et à trois années de transition conduites sous l’autorité de la communauté in- ternationale représentée sur place par la MO- NUC (Mission de l’ONU en RD Congo) et ses 18 000 hommes de troupes, ainsi que par le CIAT4 (Comité international d’appui à la transi- tion) qui se réunissait chaque semaine pour sui- vre la mise en œuvre des accords de paix signés en 20025 et veiller, en particulier, sur l’organisa- tion des élections. A la veille du référendum constitutionnel du 15 décembre 2005 qui amorce le processus électoral, le gouvernement de tran- sition6 est bien loin d’avoir restauré son autorité et la sécurité sur l’ensemble du territoire. Les opérations de DDR (Désarmement, démobilisa- tion et réinsertion) des miliciens et des groupes rebelles ont à peine touché 50 000 combattants, c’est-à-dire moins d’un quart des effectifs initia-

1. Commission électorale indépendante présidée par l’ab- bé Malumalu.

2. L’Ouganda, le Rwanda et le Burundi soutenaient les rébellions, tandis que le Zimbabwe, la Namibie, l’Angola, le Tchad soutenaient le pouvoir de Kinshasa.

3. Commission électorale nationale indépendante prési- dée par le pasteur Ngoy Mulunda.

4. Siègent au CIAT, sous la présidence du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies, les am- bassadeurs des cinq pays disposant d’un siège permanent au Conseil de sécurité (Chine, France, Royaume Uni, Rus- sie, Etats-Unis), les ambassadeurs de Belgique, du Cana- da, d’Afrique du Sud, d’Angola, du Gabon et de Zambie ainsi que les représentants en RDC de l’Union Africaine (Commission et Présidence) et de l’Union européenne (Commission et Présidence), soit, au total, 16 personnes.

La MONUC en tenait le secrétariat.

5. Les Accords de paix signés à Sun City en avril 2002 par toutes les composantes au Dialogue inter-congolais (gouvernement, groupes armés, opposition politique et société civile) mettaient en place une période de Transi- tion qui devait installer de nouvelles institutions politi- ques et préparer l’organisation d’élections libres.

6. Le gouvernement de Transition (2003-2006) est dirigé par un président (Joseph Kabila) et quatre Vice- présidents (Bemba, Ruberwa, Zahidi Ngoma et Yerodia).

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lement ciblés ; la réforme de l’armée nationale est, quant à elle, restée embourbée dans sa phase préliminaire de recensement des effectifs par absence de volonté politique au sommet de l’Etat.

En fait, trois larges zones de l’Est du pays restent sous la domination de groupes armés : l’Ituri, les deux Kivu et le centre-est du Katanga :

· En Ituri, depuis le retrait des troupes ou- gandaises fin 2002, les groupes armés7 qui s’affrontent sur des bases ethniques8 pour le contrôle des zones aurifères et divers trafics transfrontaliers ont été tenus à l’é- cart de l’agenda national de la Transition et n’ont jamais vu un réel intérêt dans la tenue des élections. L’opération

« Artémis » de juin 2003 et le déploiement en septembre/octobre d’une brigade spé- ciale de la MONUC ont montré la détermi- nation de la communauté internationale à mettre un terme aux massacres et aux exactions. En 2005, des progrès étaient faits en matière de sécurité avec l’arresta- tion des plus importants seigneurs de guerre et le désarmement de plus de 15 000 miliciens. Toutefois, ces efforts n’é- taient pas relayés par le retour de l’armée et des autorités nationales sur la zone, lais- sant aux groupes armés un espace suffisant pour se regrouper9 et poursuivre leurs acti- vités criminelles. A la veille du scrutin de 2006, l’Ituri demeure une région toujours en proie à la violence politique, y compris à des attaques directes et létales contre les forces des Nations Unies.

· Dans les Kivu, les élections de 2006 sont perçues par le RCD-Goma10 comme la fin très probable de l’imperium qu’il exerce, avec le soutien direct ou indirect de l’ar-

mée rwandaise, sur ces deux provinces de- puis 1998. Cette perspective explique pour une large part le refus de certaines briga- des de l’ANC11, majoritairement composées de combattants rwandophones, d’intégrer la nouvelle armée nationale (FARDC12) et le déclenchement de la mutinerie de mai/

juin 2004, par les éléments les plus radi- caux regroupés derrière les officiers tutsi, Jules Mutebutsi et Laurent Nkunda. Mal- gré une déclaration solennelle de ce der- nier, le 9 septembre 2005 en faveur du processus électoral et de l’enrôlement, les combats entre les mutins et les FARDC re- prennent le 19 janvier 2006 à Bunagana13 et s’étendent les jours suivants à tout le territoire de Rutshuru. Le général Nkunda dispose, au Nord Kivu, d’environ 2 000 combattants provenant des 81ème et 83ème brigades auxquels se joignent les groupes de Mutebutsi et Rukunda, au Sud Kivu, soit un peu plus de 1 000 hommes. Pen- dant toute la période électorale, ces 3 000 hommes en armes constitueront une me- nace permanente de déstabilisation des Kivu et pèseront évidemment lourdement sur les différentes phases du processus no- tamment dans les zones où les FARDC ne sont jamais parvenues à s’imposer.

· Dans le centre-est du Katanga, des groupes de combattants Mai-Mai, autrefois armés par Laurent-Désiré Kabila et mé- contents du sort qui leur a été fait pendant la Transition, refusent également d’être démobilisés, mènent la guérilla contre les FARDC et harcèlent les populations, en- traînant le déplacement de plus de 200 000 personnes dans les territoires de Mitwaba, Ankoro, Bukama, Dubie, Pweto et Malemba-Nkulu, notamment. Les ap- pels alarmants de Monseigneur Fulgence Muteba, évêque de Kilwa, repris, le 2 février 2006, dans une déclaration solen- nelle de l’ensemble des congrégations reli- gieuses œuvrant au Katanga, décrivent une

7. Il existait plus d’une dizaine de groupes armés en Ituri dont le FRPI/FNI (pro-Lendu) de Germain Katanga et Floribert Njabu, et l’UPC (pro-Hema) de Thomas Luban- ga et Bosco Ntaganda ; tous sont aujourd’hui détenus par la CPI à La Haye.

8. La RDC comprend plus de 250 ethnies différentes dont aucune n’est réellement dominante au niveau national ; dans le district de l’Ituri les affrontements concernaient principalement deux communautés, les Lendu et les He- ma toutes deux organisées en milices (FNI et FRPI d’un côté, UPC et PUSIC de l’autre). La comparaison souvent faite avec la guerre ethnique ayant eu lieu au Rwanda en 1994 n’est pas pertinente ; Hema et Lendu sont deux minorités vivant au sein de communautés ituriennes plus larges qui ont généralement refusé de prendre part aux combats.

9. Le MRC (Mouvement Révolutionnaire du Congo) est une tentative de regroupement, au-delà des lignes de par- tage ethnique, des milices Lendu, Ngiti et Hema pour combattre la communauté internationale et l’Etat central.

Cette initiative soutenue par certains militaires ougandais visait à protéger leurs intérêts en Ituri.

10. Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), groupe rebelle créé en 1998 pour s’opposer au régime de Laurent-Désiré Kabila. Le RCD était soutenu militaire- ment par le Rwanda et dirigé par Azarias Ruberwa, Ba- nyamulenge du Sud Kivu. Le RCD-G se transforme en parti politique après la signature des Accords de paix de Sun City et A. Ruberwa deviendra vice-président de la République pendant la période de transition.

11. Armée Nationale Congolaise, branche militaire du RCD-Goma.

12. Forces Armées de la République Démocratique du Congo.

13. C’est également à Bunagana que le M23 a débuté son insurrection contre l’armée nationale en juin 2012.

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14. Forum on Early Warning and Early Response (FEWER-Africa) 2006.

Violences recensées en Ituri entre janvier et mai 200614

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situation de chaos généralisé dont sont so- lidairement responsables, les Mai-Mai de

« Gédéon15 » et les soldats oubliés de la 6ème région militaire16.

Malgré l’omniprésence de cette violence politi- que en Ituri, dans les Kivu et au Katanga, les ci- toyens de ces régions vont, paradoxalement, s’inscrire en masse sur les listes électorales. Cer- tes, le lancement, de la campagne d’enregistre- ment des électeurs, le 20 juin 2005, va ajouter des violences à motivation électorale à une situa- tion sécuritaire déjà précaire, mais sans parvenir à convaincre les Congolais de boycotter les bu- reaux d’enrôlement de la Commission électorale indépendante (CEI), comme le leur demandait le principal parti d’opposition UDPS (sigle) d’Etienne Tshisekedi.

L’absence de conflits ouverts lors du scru- tin de 2011

En 2011, le conflit s’est éloigné, l’activité des groupes armés s’est considérablement réduite et le pays connaît une situation sécuritaire bien meilleure qu’en 2006, même si toute violence politique n’a pas disparu.

· Les Kivu restent une zone très instable où les combats entre le CNDP17 du général L. Nkunda et les FARDC ont repris autour de la ville de Sake (Nord Kivu) dès la fin novembre 2007. Malgré la tenue de la Conférence des Kivu de janvier 2008 et l’accord secret conclu en mars 2009 entre le président Kabila et le général dissident, aucun problème de fond n’est réglé et les affrontements peuvent reprendre à n’im- porte quel moment, comme l’avenir, mal- heureusement, le démontrera.

· Le Bas-Congo est également secoué par des affrontements violents depuis les pro- testations du BDK18 contre les élections

entachées de corruption du gouverneur de la Province et la répression sanglante me- née en janvier 2007 et février-mars 2008, par la Police nationale, contre les membres de la secte.

En février 2011, un commando de rebelles se ré- clamant de l’Armée de Résistance Populaire (ARP) du général Faustin Munene19 mène plu- sieurs coups de main à Mbandaka (Equateur), Kikwit (Bandundu) et même à Kinshasa où il at- taque une résidence du président Kabila.

Ces incidents constituent certes une préoccupa- tion à l’approche des élections de 2011, mais ne permettent pas de qualifier la situation sécuritai- re de dangereuse ou de violente. D’ailleurs, ni la Mission d’observation de l’UE, ni la Fondation Carter ne s’y attardent dans leurs rapports d’ob- servation, mais insistent plutôt sur les « tensions liées à l’augmentation des violations des droits humains ». Il semble, en effet, que l’environne- ment sécuritaire des élections de 2011 soit sur- tout marqué par un recul dangereux des libertés et un repli démocratique symbolisés à la fois par l’assassinat de Floribert Chebeya le 2 juin 2010 et la réforme constitutionnelle controversée de janvier 201120.

Contexte sécuritaire et résilience électo- rale

Cette description de la situation sécuritaire pré- valant à la veille des deux cycles électoraux nous autorise une première conclusion sur le lien en- tre insécurité et perception par les citoyens de l’opportunité électorale. On pourrait de prime abord penser que la dégradation sécuritaire est un frein au processus électoral : ce n’est pas le cas en RD. Les élections de 2006 sont mieux

« accueillies » que celles de 2011, alors même que les violences politiques sont plus délétères.

15. Kyungu Matanga alias « Gédéon”, seigneur de guerre à l’allure de guerrier traditionnel qui a sévi dans le centre du Katanga jusqu'à sa reddition le 12 mai 2006 à la MO- NUC à Mitwaba. Jugé par un tribunal militaire, il sera condamné à la prison à vie et incarcéré à la prison de Lu- bumbashi dont il s’évadera le 7 septembre 2011 avec 967 autres prisonniers. Converti à la cause de l’Indépendance du Katanga, il a repris la guérilla contre les autorités ainsi que ses exactions contre la population en 2012.

16. La sixième région militaire couvre la province du Ka- tanga, fief du Président de la République. Pour des rai- sons politiques et de loyauté, les unités qui y étaient affec- tées quelquefois depuis l’arrivée de Kabila père au pou- voir, n’ont pas été mutées ou réaffectées. Cette présence prolongée dans les mêmes zones, généralement sans sou- tien de l’état-major, les a contraintes à vivre sur le terrain et à piller la population locale.

17. Congrès National pour la Défense du Peuple, mouve- ment politique créé par L. Nkunda en 2006.

18. Bundu dia Kongo est une secte religieuse comparable

à l’église Kimbanguiste, transformée en parti politique et dirigée par Mwanda Nsemi, lui-même élu député en 2006. Selon un rapport de Human Rights Watch, la ré- pression aurait causé la mort de 104 personnes en 2007 et plus de 200 en 2008.

19. Général originaire du Bandundu, neveu de Pierre Mu- lele, exilé en Angola sous Mobutu. Il rentre en RDC en 1997 avec L-D. Kabila. Chancelier des ordres nationaux, il tombe en disgrâce en 2009 et sa résidence de Kinshasa est attaquée à plusieurs reprises. Réfugié à Brazzaville en 2010, il fonde l’ARP et dénonce le « régime d’occupa- tion » de J. Kabila.

20. L’assassinat dans les locaux de la Police de Floribert Chebeya, président de l’ONG « la Voix des sans Voix » et porte-parole des défenseurs des droits humains pendant de longues années, a été interprété par l’opposition politi- que et une partie de la société civile comme une accentua- tion de l’autoritarisme du pouvoir annonçant une répres- sion renforcée pendant la période électorale.

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En 2006, l’élection n’est pas vécue comme la cause ou l’origine des violen- ces, mais bien comme une chance pour le pays de sortir du conflit.

En effet, en 2006, dans la majeure partie de l’Est du pays, la violence politique résultant de l’acti- vité de la rébellion et de la présence des groupes armés, est une constante depuis dix ans. Les évé- nements violents liés au démarrage de la période électorale ne marquent pas une escalade signifi- cative et ne sont pas vécus par les populations comme une aggravation de la situation. Dans ces régions sensibles, comme dans l’ensemble de la RDC, l’état d’esprit et l’attitude des gens vis-à-vis des élections restent extrêmement positifs. Pour les citoyens congolais, aller voter est une façon de mettre fin à la guerre, une manière d’obtenir enfin un document officiel d’identité et accessoi- rement, une opportunité de choisir un leader au pays.

La violence électorale n’est, pour eux, que le té- moignage supplémentaire et banal de l’existence d’une violence généralisée dans laquelle le pays vit depuis dix ans. Les élections sont un outil pour y mettre un terme. De plus, la mobilisation de la communauté internationale, son interven- tion militaire et son soutien actif au processus électoral sont interprétés comme des facteurs encourageants qui redonnent confiance et lais- sent entrevoir une sortie de crise. La violence électorale n’est qu’un épiphénomène de l’état violent du pays, elle est interprétée comme une sorte de continuation de la violence pendant une période électorale, elle n’est pas dissuasive com- me le montreront les taux élevés d’enrôlement et de participation.

Inversement, en 2011, même si le contexte général est moins violent, les élections vont être un moment de radi- calisation des discours et des compor- tements. Dans une société politique bloquée, marquée par un fort recul dé- mocratique, les élections ne sont pas le moment apaisé du choix mais bien ce- lui de l’affrontement et de la revanche.

En effet, en 2011, la situation sécuritaire est pra- tiquement celle d’une élection africaine

« normale » ; les enjeux paraissent moins essen- tiels qu’en 2006. Il ne s’agit plus de dire « non à la guerre », mais de revendiquer les dividendes de la paix, la question sociale est devenue centra- le. La perte de crédit du Président Kabila, l’en- trée en lice de l’opposant historique Tshisekedi, la moindre implication de la communauté inter- nationale dans l’organisation et le financement des élections en font une confrontation presque

banale. Pourtant, il convient de souligner que le contexte politique est, quant à lui, particulière- ment périlleux. En effet, à la différence de 2006, les acteurs politiques ne sont d’accord sur rien.

Le nouveau mode de scrutin présidentiel, la composition de la Commission électorale natio- nale indépendante (CENI), l’état du fichier élec- toral, notamment, créent des lignes de fracture que le déroulement chaotique des différentes phases de l’élection viendra creuser, instaurant des conditions propices aux affrontements et aux violences pendant la période électorale. Comme dans de nombreux pays africains où le président sortant est candidat à sa propre reconduction, on retrouve, à l’occasion de ces élections congolai- ses de 2011, les ingrédients qui produisent sou- vent à la fois violences et fraudes électorales, à savoir, d’un côté un contrôle du pouvoir sur la machine électorale et sur les institutions sécuri- taires, de l’autre une opposition divisée et sans réelle stratégie.

Analyse des violences électorales de 2006 et de 2011

Le soutien des populations au scrutin, par -delà les lourdes violences en 2006

Les élections de 2006 ont connu, au premier comme au second tour, de nombreux épisodes de violence qui n’ont épargné aucune province ou grande ville du pays. Cette violence s’est ex- primée de multiples manières, parmi lesquelles :

· Les discours haineux à l’encontre des can- didats présidentiels, surtout dans les me- dias privés : « Kabila-le-Rwandais21 »,

« Bemba-le cannibale22 » ;

· Les entraves aux libertés des candidats de battre campagne comme l’arrestation par la Police nationale et l’expulsion illégale de l’équipe de protection du candidat Kasha- la23, venue d’Afrique du Sud ;

· La mise à sac des locaux de la Haute Auto- rité des Medias à Kinshasa, le 27 juillet, par des manifestants favorables à J.-P.

Bemba ;

21. A l’instar de ce qui se passait en Côte d’Ivoire, le thème de la « congolité » a été largement utilisé par l’opposition qui visait, sans le dire, le président Kabila dont elle met- tait en doute, à la fois, sa filiation avec L.-D. Kabila et sa nationalité congolaise.

22. La majorité faisait allusion à l’opération « Effacer le tableau » menée en 2003 par les combattants de J.- P. Bemba à Mambasa (Ituri) à l’occasion de laquelle, au- raient été commis des actes de cannibalisme sur des po- pulations pygmées.

23. Candidat surprise du 1er tour, ce professeur de méde- cine formé et résidant aux Etats-Unis a subi de la part des différents services de l’Etat toutes sortes de brimades qui ont entravé sa campagne.

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· L’incendie, à Kinshasa, des chaînes de télé- vision CCTV et CKTV ainsi que de la radio Liberté appartenant à J-P. Bemba, le 18 septembre ;

· Les attaques ciblées, contre Nzanga Mobu- tu en Equateur et contre le pasteur Ngoy24 à Kinshasa les 19 et 26 octobre ;

· L’incendie partiel du siège de la Cour Su- prême de Justice le 21 novembre ;

· Les incidents violents et récurrents entre partisans de la majorité présidentielle et de l’opposition à Mweka, fief très contesté du Kasaï Occidental et à Lodja, capitale du Sankuru (Kasaï oriental).

Toutefois, ce sont les affrontements armés des 20, 21 et 22 août, en plein centre de la capitale Kinshasa, entre les Unités de sécurité du vice- président J.-P. Bemba et la Garde Républicaine chargée de la protection du président Kabila qui sont unanimement retenues par les medias et les observateurs comme symboliques des violences ayant entaché le processus électoral de 2006.

Plusieurs éléments en font, en effet, un épisode particulièrement marquant :

· Tout d’abord, le nombre d’hommes et l’im- portance du matériel engagés dans ces combats : deux bataillons d’infanterie ren- forcés, soit 1 400 combattants et une co- lonne d’appui de 6 engins blindés du côté de la Garde républicaine, un bataillon d’in- fanterie (500 hommes) équipé d’armes lourdes du côté de J.-P. Bemba ;

· Les cibles visées par ces attaques : les bu- reaux de la Primature, le Palais national et la résidence du vice-président Bemba où se trouvaient réunis les ambassadeurs du CIAT qui resteront « prisonniers » des combats entre 15h et 21h, le 21 août ;

· Les incidents se déroulent paradoxalement dans une capitale particulièrement sécuri- sée puisque y sont déployés à la fois les élé- ments de la Force de la MONUC et le mil- lier d’hommes de l’EUFOR ;

· La lourdeur du bilan de ces combats : offi- ciellement une trentaine de morts, offi- cieusement, sans doute plus du double.

La lecture du déroulement des évènements tel que retracé par la commission mixte d’enquête mise en place sous les auspices de la MONUC est très instructive pour comprendre les motivations des protagonistes et les logiques qui sont à l’œu-

vre dans ces violences, mais aussi pour expliquer pourquoi ces trois journées de grande violence ne sont pas parvenues à anéantir le processus électoral.

Le 20 août 2006, les résultats du premier tour de la présidentielle doivent être rendus publics par la CEI vers 14h0025, mais ils sont déjà connus de plusieurs candidats dont le président sortant.

Alors que la majorité des observateurs et notam- ment les grandes missions diplomatiques sur place avaient prédit à Joseph Kabila une victoire dès le premier tour, il s’avère qu’un second tour sera nécessaire. La tension dans le camp de la majorité présidentielle est à son comble, car elle craint une mobilisation de l’opposition au se- cond tour autour du slogan déjà lancé dans les medias : « TSK-Tout sauf Kabila ». Les incidents débutent vers 15h00 autour de la télévision pri- vée CCTV appartenant à J.-P. Bemba qui a cris- tallisé, au cours de la première partie de la cam- pagne, les ressentiments du camp présidentiel.

Même si la PIR (Police d’Intervention Rapide) est impliquée au tout début des incidents, les forces qui s’affrontent, sont, des deux côtés, des milices puisque les Unités de sécurité du vice- président Bemba sont le reliquat de la force mili- taire du MLC26, tandis que la Garde Républicai- ne est l’héritière directe de l’ancien GSSP (Groupe Spécial de Sécurité Présidentielle), une garde prétorienne majoritairement composée et encadrée par des Katangais. L’attente fiévreuse de résultats qui déçoivent ou enflamment, la vo- lonté de contrôler par la force les medias de l’ad- versaire, l’utilisation de milices en l’absence de forces de sécurité républicaines et impartiales sont autant de processus que l’on retrouve dans des situations de post-conflit et qui portent en eux les germes de la violence électorale.

Pour autant, le processus électoral sera sauvé. La présence dans Kinshasa de près de 2 000 hom- mes appartenant aux Nations Unies et à l’Union européenne n’a pas entamé la détermination des protagonistes à en découdre par les armes. Tou- tefois, ces forces sont parvenues à circonscrire les combats, notamment en intervenant pour porter secours aux ambassadeurs du CIAT im- mobilisés dans les sous-sols de la résidence du vice-président Bemba et en interposant très rapi- dement leurs propres blindés entre les combat- tants des deux camps.

Au lendemain de ces combats, J.-P. Bemba dont les bureaux et la résidence ont été attaqués et

25. Les résultats ne seront finalement annoncés à la RTNC que vers 23h00.

26. Mouvement de Libération du Congo, rébellion armée créée par J.-P. Bemba en 1998 avec le soutien ougandais dans le nord de la RDC.

24. Katangais d’origine, ce Pasteur de l’Eglise du Réveil était au second tour le porte-parole et le responsable au Katanga de la campagne de l’UpN (Union pour la Nation) qui regroupait les partis de l’opposition favorables à J.- P. Bemba.

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noises et les Kinois, comme le reste de la popula- tion congolaise, continuaient de voir dans ces élections le seul moyen de mettre un terme au conflit et aux exactions des « hommes en ar- mes » ; ils condamnaient clairement tout nou- veau recours à la force.

Enfin, il convient de reconnaître avec les mis- sions d’observations électorales présentes, que la CEI, fortement encadrée et quotidiennement

« briefée » par la Division électorale de la MO- NUC et par ses partenaires techniques et finan- ciers, va apporter des améliorations substantiel- les tant au déroulement technique du processus électoral qu’a sa communication en direction du grand public. Au lendemain des affrontements de Kinshasa, la direction de la CEI maintiendra le 29 octobre comme date du second tour, mal- gré l’insistance du camp présidentiel, que la lon- gueur de la période séparant les deux tours in- quiète au plus haut point28. Cette détermination et le rôle modérateur joué lors de l’établissement des résultats du second tour ont sans nul doute empêché de nouvelles violences29 et permis au processus électoral d’aller à son terme.

Ainsi, les fortes interventions de la com- munauté internationale, la détermina- tion citoyenne des habitants de Kinshasa et au-delà de l’ensemble de la population congolaise et les efforts de la CEI pour rendre le processus électoral plus trans- parent et plus rigoureux ont été les élé- ments déterminants de la tenue des élec- tions de 2006. Les très graves violences électorales qui ont marqué ce cycle élec- toral n’ont finalement jamais débouché sur un dérapage sécuritaire à grande échelle malgré un environnement et une histoire récente qui auraient pu y concourir. Quoiqu’entachés d’épisodes particulièrement violents et meurtriers, les élections de 2006 et leurs résultats furent acceptés par une large majorité de Congolais.

dont l’hélicoptère a été détruit, considère qu’on a tenté de l’assassiner et veut renoncer à participer au deuxième tour. Son refus qui entraînerait la rupture du processus électoral, déclenche une période d’intense médiation et d’actions diplo- matiques menées par les ambassadeurs des Etats -Unis et des principaux pays européens ainsi que par les plus hauts responsables des Nation Unies. La MONUC crée immédiatement une commission mixte pour examiner les événe- ments des 20-22 août et pour mettre en place des mesures permettant de réduire les risques d’affrontements dans la capitale. Un « acte d’en- gagement pour une ville-province de Kinshasa sans armes » est signé par les représentants des deux candidats du second tour, le 23 septembre.

Pendant ce temps, les ambassadeurs défilent à la résidence de J.-P. Bemba pour le convaincre d’accepter de faire campagne et de sauver le pro- cessus électoral et sa crédibilité. De New York, les responsables de la Division des Opérations de Maintien de la Paix, anxieux devant la tournure prise par les évènements après une nouvelle at- taque contre les télévisions et la radio de J.- P. Bemba, le 18 septembre, exhortent le Repré- sentant Spécial, William Swing, à intervenir pour rétablir un peu d’équilibre dans la campagne du second tour qui doit débuter le 13 octobre.

Finalement, J.-P. Bemba accepte de rester dans la course, mais n’effectuera aucun déplacement en province et ne tiendra aucun meeting, comp- tant sur le face à face télévisé avec J. Kabila pré- vu par la loi électorale pour mobiliser ses élec- teurs. Celui-ci n’aura finalement jamais lieu.

A côté de ces multiples interventions

« étrangères » qui ont indéniablement contribué à sauver un processus mis en danger par la vio- lence électorale, il convient de souligner la don- née essentielle de ces trois journées, à savoir le discernement et la retenue des habitants de Kinshasa qui se sont totalement tenus à l’écart des combats. A aucun moment les Kinois n’ont manifesté violemment leur soutien envers l’un ou l’autre des protagonistes. En dépit d’un vote très favorable à J.-P. Bemba dans la capitale27, ses habitants sont restés spectateurs des affron- tements qui se déroulaient sous leurs yeux. La forte coupure du pays entre l’est pro-Kabila et l’ouest acquis à l’opposition, n’a entraîné dans Kinshasa aucune action violente contre les habi- tants swahiliphones ou originaires des provinces de l’est, comme beaucoup d’observateurs le re- doutaient. Les débordements qui avaient eu lieu lors des meetings organisés à la veille du scrutin dans la capitale ne se sont pas répétés ; les Ki-

27. Au 1er tour, J.-P. Bemba a recueilli 49,07 % des voix, Joseph Kabila 14,73 %.

28. Joseph Kabila appellera au téléphone le Secrétaire général des Nations Unies en déplacement à Doha, le 1er septembre, pour lui demander d’intervenir afin que le second tour soit organisé dans les 15 jours, conformément à la Constitution, et non pas le 29 octobre, date fixée par la CEI après consultation de toutes les parties. M. Kofi Annan restera insensible à ces pressions.

29. Il est important toutefois de rappeler que le

« relâchement » de la CENI et une moindre implication de la communauté internationale dans les élections indi- rectes des gouverneurs et des sénateurs entraîneront des contestations parfois violentes et une répression sanglan- te de la part du pouvoir, comme au Bas Congo où Human Right Watch dénombrera 104 morts en janvier 2007, puis plus de 200 à l’occasion d’une opération de police contre le Bundu dia Kongo (BDK) en février-mars 2008.

(9)

Ces violences revêtent certaines particularités qui méritent d’être relevées.

Tout d’abord, les plus graves d’entre elles sont généralement dues aux forces de sécurité (Police nationale, Garde Républicaine, Agence Nationale de Renseignement). Human Rights Watch rapporte ainsi les événements du 26 no- vembre, dernier jour de la campagne électo- rale, à Kinshasa : « Des partisans du parti

d’opposition Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) s’étaient regroupés à l’aéroport de Kinshasa afin d’accompagner leur leader, Etienne Tshisekedi, à une mani- festation électorale. Juste en face d’eux, des partisans de Joseph Kabila, le président en exercice, attendaient également l’arrivée de leur candidat. La police a tenté de contrôler les tensions entre les deux groupes en tirant des gaz lacrymogènes sur la foule des parti- sans de l’UDPS. Lorsque le convoi présiden- tiel est arrivé avec la Garde républicaine pour escorter Kabila jusqu’en ville, quelques soldats ont tiré en l’air tandis que d’autres tiraient directement sur la foule des parti- sans de l’opposition. Au moins 12 personnes – des partisans de l’opposition ainsi que des individus qui se trouvaient sur place – ont été tuées par balles, et 41 autres personnes ont été blessées par balles au cours des vio- lences à l’aéroport

31

. Les soldats ont tiré sans discernement sur des groupes de parti- sans de l’opposition tout au long du trajet ».

Autre caractéristique de ces violences, elles ont très souvent ciblé les médias et les journalis- tes qui ont été l’objet de violences répétées tout au long du processus électoral. Avant, pendant et après le scrutin, les menaces anonymes et les agressions physiques de journalistes, les incen- dies des locaux de télévision et de radio, les ar- restations arbitraires de cameramen se sont multipliés, créant au fil des jours un climat de plus en plus tendu au sein de la profession. Les interventions tardives et disproportionnées du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Com- munication (CESAC) ont contribué à dégrader encore un peu plus cet environnement ou l’inti- midation et l’autocensure sont devenues la règle.

Kinshasa et le Kasaï oriental, deux provinces où le principal candidat de l’opposition, Etienne Tshisekedi, devait réaliser le plein de ses voix pour avoir une chance de l’emporter ont été les plus concernées par ces harcèlements visant les medias (cf. annexe 2 : liste des incidents recen- Violences et désaffection électorales en

2011

Les élections de novembre 2011 ont, elles aussi, été marquées par de nombreux incidents vio- lents, d’un degré de gravité variable, qui ont été largement rapportés par la presse, les ONG et les missions d’observation déployées dans le pays à cette occasion. Citons à titre d’exemples :

· Le 28 octobre, premier jour de la campa- gne, à Mbuji-Mayi (Kasaï oriental), une jeune fille est tuée par des tirs de la police à l’occasion d’une manifestation de l’UDPS ;

· Le 6 novembre 2011, à Goma (Nord Kivu), monsieur Fabrice Masumbuko, un musi- cien traditionnel, proche de monsieur Vital Kamerhe, candidat à l’élection présiden- tielle, a été enlevé et torturé par des mili- taires ; cet enlèvement est suivi de plu- sieurs jours de manifestations violentes ;

· Le 14 novembre, « l’Observatoire des ma- nifestations publiques » annonce dans un communiqué que « la violence électorale croissante fait peser un risque sérieux sur le déroulement des élections » ;

· Le 22 novembre, assassinat à Kinshasa de Marius Gangale, député provincial du parti MLC ;

· Au cours de la dernière semaine de novem- bre 2011, Human Right Watch recense 18 morts et plus de 100 blessés à l’occasion de manifestations ou d’incidents liés aux élec- tions ;

· L’ASADHO30, quant à elle, signale 28 cas de violences graves au Kasaï oriental et 7 au Katanga pendant la campagne électora- le ;

· Le 28 novembre, jour du vote, la BBC rap- porte que des hommes armés ont, à 3h00 du matin, attaqué huit véhicules chargés de matériel électoral à Lubumbashi (Katanga). Plus tard dans la journée, la presse fait état d’incursion d’hommes en armes dans plusieurs bureaux de vote de la ville, causant la mort de deux policiers et d’une électrice ;

· Le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits Humains et les Libertés fondamentales (BCNUDH) confirme, dans son second rapport, qu’entre le 26 novem- bre et le 25 décembre 2011, 33 personnes ont été tuées et 83 autres blessées, tandis que 265 civils étaient illégalement détenus.

30. Association Africaine des droits de l’Homme. 31. Cet épisode a fait l’objet d’un communiqué spécifique de la MOE de l’Union Européenne (cf. annexe 1).

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de « complot insurrectionnel », tandis que le porte-parole du chef de l’Etat, Lambert Mende, qualifie Etienne Tshisekedi de « danger pour la stabilité du pays ». Le pouvoir donne l’impres- sion de vouloir les élections, mais aussi celle d’ê- tre prêt à prendre le risque d’une organisation très imparfaite et contestable du scrutin. La MP est convaincue que l’organisation et les résultats de l’élection seront de toute façon contestés, mais qu’elle dispose des moyens de coercition (Police, Garde Républicaine, armée) pour faire face à la contestation34. La logique à l’œuvre n’est pas celle de préparer des élections irrépro- chables, de convaincre les électeurs et d’attendre le verdict des urnes, mais de se préparer à une confrontation. On prend à témoin les partenaires internationaux et on tente de les convaincre que l’on fait tout ce qui est possible pour aller aux élections, mais que l’opposition, incapable de s’unir et de faire campagne, refuse de jouer le jeu démocratique.

Du côté de l’UDPS, la logique n’est pas non plus « électorale ». Dans ce parti qui, depuis 1996, a sans cesse refusé de prendre les armes ou de se joindre à une quelconque rébellion, mais au sein duquel les militants sont encore appelés des « combattants », il semble que le souvenir des immenses marches populaires des années 1990 contre le pouvoir mobutiste soit toujours très vivant et que l’exemple des récentes révoltes arabes l’ait encore ravivé. Dès lors, pour l’UDPS, quel que soit le scénario préparé par le pouvoir à l’occasion de ces élections, ce sera aux masses de dire leur mot et de porter le candidat Tshisekedi au pouvoir. L’idée d’un « grand soir » continue de hanter le parti ; son affiche de campagne où l’on distingue l’effigie de Tshisekedi sur fond de foule en marche est révélatrice des sentiments qui dominent dans ses rangs. Cet état d’esprit est entretenu par les dirigeants, y compris le candi- dat Tshisekedi.

Ces analyses et surenchères verbales ont large- ment contribué à dégrader le climat entourant ces élections de 2011 et seront à l’origine des af- frontements violents qui les terniront, à Kinsha- sa, mais aussi dans plusieurs grandes villes du pays.

Malheureusement, les insuffisances et la par- tialité de la CENI qui engendreront, à chaque étape de la préparation technique et de l’exécu- tion du processus électoral, des controverses et des désaccords ne feront qu’ajouter la suspicion sés par la Mission européenne d’observation).

Enfin, le fait qu’en Equateur, au Bas-Congo, à Kinshasa, au Kasaï occidental, au Nord et au Sud Kivu et en Province orientale32, notamment, les gouverneurs de province en exercice aient été candidats à la députation nationale et quel- quefois, de surcroît, les leaders de campagne de la Majorité Présidentielle, a été à l’origine de contestations ayant souvent dégénéré en violen- ces. Le cas de l’Equateur est exemplaire, jusqu'à la caricature, d’une situation où un candidat a utilisé à des fins de campagne tous les moyens que lui procure sa fonction, créant l’exaspération de nombreux citoyens et n’hésitant pas, lui- même, à faire usage de la force en cas de protes- tations ou de « mauvais » résultats.

En définitive, c’est dans les stratégies mises en œuvre par les principaux candidats et les coali- tions politiques majeures ainsi que dans l’incurie de la CENI que l’on trouve les principaux élé- ments d’explication de ces violences électorales de 2011.

Du côté de la Majorité Présidentielle (MP), le discours des leaders est très tôt essentielle- ment dirigé vers la dénonciation du « complot de l’opposition qui veut entraver l’élection et en contester les résultats ». L’interview calamiteuse donnée par Etienne Tshisekedi, le 7 novembre, où il déclare sur RLTV : « Nos frères et sœurs qui sont au Katanga doivent savoir qu’ils cons- tituent la majorité et refuser qu’une minorité ou encore un fou ou un étranger prenne leur place.

Ils doivent se défendre et même poursuivre ceux qui les provoquent jusque dans leurs derniers retranchements. Donc vous qui êtes majoritai- res, arrêtez de vous plaindre. Je profite de cette occasion pour dire quelque chose sur les person- nes qui sont détenues en prison : je donne 48 heures pour que le pouvoir les libère. S’ils ne sont pas libérés, je demande aux populations de Kinshasa, Kananga, Mbuji Mayi et Lubumbashi de se mobiliser, ce mardi, pour attaquer les pri- sons et obtenir leur libération. Faites de même avec les militaires et les policiers, s’ils vous pro- voquent. Défendez-vous et pourchassez-les jus- que dans leurs camps pour les corriger même devant les familles33 » vient, à l’évidence, confir- mer le diagnostic du camp présidentiel.

Après ce discours du 7 novembre, la majorité durcit encore, sur les chaînes privées, ses atta- ques contre l’opposition en général, en parlant

32. Jean-Claude Baende, Simon Mbatshi, André Kimbuta, Trésor Kapuku, Julien Paluku, Marcelin Chisambo et Me- nard Autsai.

33. L’interview a été donnée en lingala - il s’agit donc d’u- ne traduction - sur la radio de l’opposition RLTV à partir de Johannesburg (RSA).

34. Une partie de la communauté internationale n’était pas loin de partager cette analyse et de s’en satisfaire, notamment la MONUSCO dont le chef semblait avoir fait le pari d’une contestation populaire limitée et d’une ré- pression prévisible d’un niveau de violence

« acceptable ».

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dre mobilisation de la population congo- laise, mais également d’une perception différente des enjeux. Alors qu’il s’agis- sait, en 2011, de confirmer la marche vers la démocratie engagée en 2006, les partis politiques ont transformé ces élections en un combat navrant entre politiciens avi- des de pouvoir et de privilèges37. L’étouf- fement rapide de toute contestation par un large déploiement des forces de l’or- dre, au lendemain de la publication des résultats, y compris dans Kinshasa où l’opposant E. Tshisekedi avait recueilli 64 % des voix, prouve que cette « gestion violente » du processus électoral par le pouvoir s’est avérée payante, mais aussi que l’opposition n’a jamais été en mesure de mobiliser en profondeur en faveur d’u- ne alternance.

Ce schéma qui diffère profondément de celui de 2006, nous ramène en fait aux situations que vivent la majorité des pays d’Afrique centrale à l’occasion de la tenue d’élections générales38.

Quelques réflexions en guise de conclusion

Il ne fait guère de doute qu’un jugement qui se fonderait d’abord sur une analyse de la gravité des violences ayant émaillé ces deux élections, parviendrait à des conclusions contraires. Les élections de 2006 ont, en effet, été beaucoup plus sanglantes que celles de 201139, de sorte qu’il parait difficile, dans le cas qui nous intéres- se, d’établir un lien de causalité direct entre ni- veau élevé de violence électorale et élections dé- fectueuses, de même qu’on ne peut pas conclure que des élections avec moins ou peu de violence soient automatiquement acceptées et crédibles.

L’absence de violence ou de contestation lors d’une élection peut, de fait, être le signe de la toute-puissance d’un camp et attester simple- ment de la résignation du camp opposé face à une violence s’exprimant à travers la démonstra- à ce climat général déjà lourd de violences po-

tentielles. Le refus de la CENI de solder, dans la concertation, le contentieux relatif à l’enregistre- ment des électeurs, la publication tardive des listes, la localisation imprécise des bureaux de vote, l’imbroglio ayant présidé à la désignation des témoins, le manque de bulletins présiden- tiels dans certains bureaux, l’absence de transpa- rence dans la procédure de publication des résul- tats, auront bien souvent raison de la patience des électeurs que tous les partis appelaient d’ail- leurs plutôt à la vigilance et à la mobilisation qu’au calme. Les tentatives de fraudes, réelles ou quelquefois présumées, ont presque toujours déclenché des réactions violentes des personnes présentes et ont généralement été suivies de re- présailles musclées des forces de l’ordre.

L’impossible construction d’une véritable oppo- sition parlementaire après le départ en exil de J.- P. Bemba, en mars 200735 et le mépris du camp présidentiel pour une opposition à laquelle on ne reconnaît aucun rôle réel dans la construction de la troisième République, ont abouti à ce que l’UDPS, puis par amalgame, l’ensemble des par- tis d’opposition, soit présentés comme un conglomérat de mouvements « subversifs et dés- tabilisateurs » qu’il convient de combattre par la force, si nécessaire.

La conception autoritaire du pouvoir af- fichée par le président Kabila dès sa prestation de serment du 6 décembre 2006, conjuguée à une détention exclusi- ve de la force publique et à un accès pri- vilégié à l’argent public et privé, ont gé- néré, au fil des années, chez les responsa- bles du camp présidentiel, un sentiment de toute-puissance. Tout semble indiquer qu’encouragé par une certaine complai- sance de la communauté internationale, le pouvoir se soit senti libre de recourir à la violence, à sa guise, à l’occasion de ces élections.

Les Institutions chargées de gérer le pro- cessus électoral ou de l’encadrer (CENI, CESAC, CSJ) n’ont à aucun moment fait preuve d’une compétence et d’une impar- tialité suffisantes pour réduire les violen- ces ou y mettre un terme, bien au contraire.

La baisse de 11,70 % de la participation entre 2006 et 201136, atteste d’une moin-

35. Les affrontements des 22 et 23 mars qui opposèrent l’armée et la Garde républicaine d’une part à la garde per- sonnelle de J.-P. Bemba faisant plus de 200 morts dans Kinshasa ont obligé J-P Bemba à se réfugier à l’Ambassa- de d’Afrique du Sud puis au Portugal.

36. La participation au premier tour de 2006 était de 70,51 %, en 2011, elle était de 58,81 %.

37. Rappelons que près de 400 partis politiques avaient été enregistrés et que 18 864 candidats étaient en compé- tition pour 500 sièges de députés à l’Assemblée nationale, soit une augmentation de 94 % par rapport à 2006.

38. La Zambie où l’opposant Michael Sata a succédé à Rupiah Banda en septembre 2011 est le seul exemple contraire dans la région.

39. A eux seuls, les affrontements armés de Kinshasa en août 2006 et mars 2007 totalisent près de 250 morts aux- quels s’ajoutent les 104 morts des incidents de janvier 2007 au Bas-Congo. Concernant 2011, HRW a comptabili- sé 18 morts au cours des journées du 26 au 28 novembre et 24 morts après la publication des résultats. Le rapport est grossièrement d’un mort en 2011 pour 5 en 2006.

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judiciaire et lutte contre l’impunité, reprise éco- nomique et amélioration de la gouvernance, ré- conciliation nationale - qui s’attaquent plus effi- cacement aux racines de la violence sociale et politique et en réduisent plus certainement la survenue ?

Ni en 2006, ni en 2011, les élections n’ont donné lieu à des affrontements intercommunau- taires de grande ampleur, malgré l’existence de terrains propices à ce type de violences, notam- ment au Katanga, en Ituri, dans les Kivu, ou mê- me à Kinshasa et ce, malgré la persistance, dans ces régions de milices ethniques toujours actives.

Doit-on y voir un effet bénéfique de l’action de la CPI41, après l’exemple kenyan ? Un sursaut pa- triotique des Congolais à l’occasion de ces consultations ? Ou la simple constatation par les responsables politiques que la composition dé- mographique de la population ne permettait pas à une ethnie seule ou à une seule région de s’im- poser par les urnes ? Même après la suppression du second tour de l’élection, force est de consta- ter que Joseph Kabila n’a pu « gagner » qu’en l’emportant dans trois importantes provinces : le Katanga, le Bandundu et la Province Orientale.

Toutefois, ce qui est vrai au niveau national, ne l’est pas au niveau régional ou local. Le critère d’appartenance ethnique reste un des paramè- tres importants du choix des électeurs congolais et tant que les élections provinciales n’ont pas été organisées, il parait prématuré de tirer des conclusions définitives sur la réalité actuelle du lien existant entre vote ethnique et violence élec- torale.

L’analyse des violences électorales de 2011 mon- tre que, dans un nombre important de cas, ce sont les tentatives de fraudes et la vigilan- ce mal canalisée de la foule qui en sont les cau- ses. L’absence de confiance dans la CENI et plus largement dans l’administration électorale, les appels répétés des partis politiques à la vigilance et l’instantanéité des informations ou des ru- meurs transmises par SMS, produisent un mé- lange particulièrement favorable au déclenche- ment de la violence et à sa propagation, notam- ment le jour du scrutin. L’interruption du service de messagerie téléphonique par SMS décidée par le pouvoir entre le 3 et le 28 décembre sur l’en- semble de la RDC pour « assurer la sécurité des personnes » n’a guère réduit la violence, mais a surtout entravé les échanges d’informations sur les résultats au sein des états-majors des partis.

Comment organiser une vigilance citoyenne res- pectueuse des libertés et de l’ordre public en pé- riode électorale ? Faut-il considérer le SMS com- me un instrument de transparence électorale ou tion de force et l’intimidation40. Ainsi, l’assassi-

nat de Floribert Chebeya, quoiqu’intervenu plus d’une année avant l’échéance électorale, devrait être incorporé dans la liste des atteintes violen- tes au processus électoral de 2011, car il conti- nuait, par son « exemplarité », à hanter les es- prits et à influencer les comportements des acteurs de l’élection.

Il convient également de s’interroger sur les ef- fets de la modification constitutionnelle, à la fois sur la diminution constatée de la violence en 2011 et sur le scepticisme de la population devant les résultats. C’est un fait qu’en suppri- mant le deuxième tour de l’élection, le pouvoir a considérablement raccourci la durée de la pério- de électorale et évité un face à face de deuxième tour, deux facteurs potentiellement générateurs de violences. Mais, ce faisant, il a aussi donné le sentiment aux électeurs de prendre part à un processus « amputé » par calcul politicien et per- mis l’élection d’un président minoritaire dans un pays toujours divisé et menacé d’implosion. Sans aller jusqu’à dire que les affrontements qui ont lieu aujourd’hui dans les Kivu auraient pu être évités si les élections de 2011 avaient été plus crédibles, il paraît naturel de questionner la per- tinence des arguments avancés pour justifier la modification constitutionnelle, notamment l’évi- tement de la violence, surtout au vu de la réalité violente du Nord Kivu, aujourd’hui. Vouloir pré- venir une violence électorale potentielle n’entraî- ne apparemment pas nécessairement une réduc- tion de la violence politique, en général.

Le rôle prépondérant joué par les « forces ar- mées » dans les violences électorales de 2006/2007 et de 2011, mérite aussi que l’on s’in- terroge sur la pertinence des politiques de réfor- me des services de sécurité menées en RDC et, plus généralement, dans les pays sortant d’un conflit. La persistance de milices en plein cœur de Kinshasa en 2007, soit quatre ans après l’ac- cord de paix de Pretoria, l’inexistence de forces de sécurité républicaines en 2011, soit après plus de dix ans de présence, en RDC, d’une imposan- te Mission onusienne, autorisent, en effet, que l’on questionne les priorités et les calendriers définis par les organismes internationaux et les partenaires étrangers qui soutiennent les proces- sus de paix et qui organisent et financent les élections. Doit-on organiser des élections en l’absence de forces de sécurité restructurées ? Est-il raisonnable de donner systématiquement la priorité à l’organisation des élections au détri- ment d’autres politiques - réforme du système

40. A l’occasion des dernières élections générales au Zim- babwe (août 2013), le chef de la mission d’observation de la SADC déclarait : « Cette élection a été libre, très libre

même. Nous n’avons pas dit qu’elle était honnête ». 41. Cour Pénale Internationale de La Haye.

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sition en 2011, Etienne Tshisekedi et Vital Ka- merhe, quoique possédant des profils et des iti- néraires politiques très différents, appartiennent à des familles politiques traditionnelles – le so- cialisme44 et le libéralisme - qui rejettent la vio- lence comme moyen d’action politique. Même si la majorité présidentielle a tenté de présenter E. Tshisekedi comme un « factieux », après son interview controversée du 7 novembre, il faut reconnaître que son parti, l’UDPS, et ses mili- tants ont bien plus souvent été les cibles des vio- lences que leurs instigateurs45. Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale, n’a pas, lui non plus, été épargné par ses anciens ca- marades de la majorité, notamment quand il a tenté de faire campagne dans leurs fiefs du Ban- dundu et du Maniema. Il est donc raisonnable de penser que le leadership de l’opposition de 2011 a, par rapport à celui de 2006, joué un rôle plu- tôt modérateur et permis d’éviter de possibles catastrophes sécuritaires. Du côté du pouvoir, on s’était, depuis longtemps, plus employé à mettre en place les outils institutionnels, administratifs et financiers de la victoire que préparé au com- bat politique. Les affiches électorales de la MP étaient en cela assez révélatrices de l’esprit im- prégnant son leadership : pas d’éléments de pro- gramme, mais une photo de J. Kabila avec un seul slogan : « Na Rais 100% sûr46 » très vite tra- duit par les militants et le public en : « Sûr à 100 % de la victoire du Chef ». La détermination à rester en place et à ne céder aucun pouce de terrain à l’opposition était totale ; l’emploi des forces de l’ordre, l’utilisation des medias publics et le contrôle de l’administration électorale étaient considérés comme des avantages « nor- maux » entre les mains de la majorité en place, en application d’une règle du jeu tacite que l’op- position se devait d’accepter, comme c’était le cas dans la plupart des pays africains de la sous- région.à

comme une menace à la tenue d’élections apai- sées ? Le problème du rôle des télécommunica- tions en période électorale devrait faire l’objet d’une plus grande attention, surtout dans les pays ou l’Etat détient le pouvoir de les interrom- pre.

Les élections de 2006 et 2011 ayant mis aux pri- ses le même président, Joseph Kabila soutenu par la même majorité et deux oppositions bien différentes, il parait intéressant de comparer le rôle qu’ont pu jouer les leaderships des deux camps dans le déclenchement ou la régulation des violences et de mesurer leur degré respectif de responsabilité dans les incidents survenus.

L’opposition de 2006 était majoritairement issue des rebellions armées ; elle ne possédait aucune tradition démocratique et s’appuyait encore sur des reliquats de milices. L’homme qui l’incarnait au second tour, J.-P. Bemba, est un chef de guer- re. En face, Joseph Kabila est un général- président, fils d’un président-rebelle assassiné ; il est entouré de généraux42, eux-mêmes issus de la rébellion. On ne pouvait guère espérer que l’affrontement électoral entre des leaders possé- dant ce type de profils restât longtemps non- violent. Les violences constatées ont le plus sou- vent été la conséquence d’un recours à la force décidé par ces hommes politiques auxquels trois années de transition n’ont pas suffi pour faire leur mue démocratique. Leur responsabilité dans les violences électorales est certes large- ment engagée, mais la communauté internatio- nale qui a défini le cadre de la transition politi- que et accepté que les anciens chefs de guerre soient candidats aux élections, en porte égale- ment sa part.

L’opposition de 2011, était, quant à elle, majori- tairement constituée de partis politiques, an- ciens (UDPS) ou nouveaux (UNC43), ne possé- dant aucun passé militaire et revendiquant une approche démocratique du combat politique.

Parmi les dix candidats opposés à J. Kabila, seul Mbusa Nyamwisi avait été le chef d’une rébel- lion. Les deux personnes qui incarnaient l’oppo-

42. Notamment : John Numbi, François Olenga, Dieu- donné Banze, Raus Chalwe.

43. Union pour la Nation Congolaise créée par Vital Ka- merhe en 2010.

44. L’UDPS est membre de l’Internationale socialiste et vient d’adhérer à l’Alliance progressiste, plateforme lan- cée par le SPD allemand.

45. Le communiqué d’Amnesty International du 19 dé- cembre 2011 (Annexe 3) est donné comme un simple exemple.

46. « Avec un Chef sûr à 100 % »

Auteur

Gérard Gerold est chercheur associé à la Fon- dation pour la recherche stratégique.

g.gerold@frstrategie.org

Les opinions exprimées ici

n’engagent que la responsabilité

de leur auteur .

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Annexe 1

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FICHE 1. Violations de la liberté d’expression DATEPlaignantAccuséOrgane qui enregistre les plaintes

Object de la plainteBase juridiqueMesureSuivi et verifica- tions (Action du procureur)LieuxAnalyste medias Commentaires 6/9/11 RLTVInconnuParquet Géné- ral de la Répu- blique Incendie Code Penal Livre II Détention du jour- naliste Enquêtes en coursKInshasa

L’AMédias de la MOEUE a eu un entretien avec Basile Opongo, res- ponsable de la RLTV qui a déclaré avoir été victime d’un piège tendu par les partisans du parti présiden- tiel PPRD. 24/10/11InconnuRoger Lumbala (RLTV) convoqué par le Parquet général de la République pour s’expliquer sur la reprise rapide de ses émissions

Parquet géné- ral de la Répu- blique Inconnu (invitation)Code de l’organi- sation et compé- tence judiciaire & Code de procédu- re pénale

Classement sans suite (selon l’avo- cat de Roger Lum- bala) L’avocat a aussi dit qu’il y avait mau- vaise rédaction de la date de l’invita- tion par le Parquet général de la Répu- blique (lundi 25 octobre 2011)

Clôture de l’af- faire KInshasa

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