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II vaut la peine d'etudier de pres le probleme d'autant plus que le terme d'orientalisme et d'orientalistes est encore employe couramment

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ORIENTALISME ET ETHNOCENTRISME

Par Maxime Rodinson, Paris

Le concept d'orientalisme est, de toutes parts, attaque. Au niveau des institu¬

tions memes, il en a ete pris acte officiellement en 1976 lorsque l'on voulut pre¬

parer le trentieme Congres international des Orientalistes. Ces congres internation¬

aux constituaient une institution toujours reconduite depuis le premier congres

tenu ä Paris en 1873. Mais cette fois-ci, l'Unesco ne voulut accorder la subvention indispensable qu'ä la eondition que cette reunion porte le titre nouveau de Congres

des Sciences humaines en Asie et en Afrique du Nord. C'etait la mort officielle, ä

ce niveau-lä du moins, de l'orientalisme.

Mais une decision institutionnehe n'est pas un argument rationnel. II vaut la

peine d'etudier de pres le probleme d'autant plus que le terme d'orientalisme et

d'orientalistes est encore employe couramment. Differents reproches ont ete

adresses ä «l'orientahsme». Certains sont assurement merites, d'autres peut-etre

non. Le probleme merite un examen serieux et, autant que possible, impartial.

Qu'est-ce que l'orientahsme? A toute premiere vue, on peut distinguer deux

grandes zones semantiques dans l'emploi de ce terme.

1 Les etudes sur les peuples,societes, cultures situes plus ou moins ä l'Est pour les

Europeens. Immediatement, on peut apercevoir que la delimitation des peuples

touches par cette etude et leur unite peuvent faire l'objet de discussions infinies.

Les congres internationaux d'orientalistes ont ainsi accueüli des communications ou

constitue des sections sur l'Afrique au Nord et au Sud du Sahara. De meme des bib¬

liographies comme la tres precieuse Orientalische Bibliographie publiee chaque

annee depuis 1888. De meme des institutions d'enseignement sont considerees par¬

tout comme centres d'orientalisme: l'Ecole nationale des langues orientales de Paris

qui comportait et comporte encore (sous un nom nouveau) des sections pour les

langues d'Afrique, pour les langues slaves et autres d'Europe Orientale, etc., comme

le Seminar für Orientahsche Sprachen qui comportait aussi une section africaine.

2 une ideologie ou, plus precisement, une representation ä elements constituants en grande partie ideologiques de ces peuples, societes, cultures.

II me parait certain que les etudes subissent l'influence de l'ideologie comme cela

se passe pour toute etude portee ä un niveau plus ou moins synthetique quand

meme il ne s'agirait que du choix des sujets etudies et des sujets non etudies. C'est aussi vrai pour l'orientahsme que, par exemple, pour l'hellenisme, pour les histoires nationales europeennes, etc., inflechis sans cesse au cours de leurs developpements par des influences ideologiques parfaitement evidentes et reconnues de tous.

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Done les Occidentaux ont toujours «regarde» les Orientaux (et les autres), cer¬

tains les ont etudies depuis toujours. Sur ces visions et etudes s'est toujours exerce l'influence des ideologies generales, prealables au regard ou ä l'etude. et egalement des ideologies propres ä cette perception ou ä ces etudes.

Vers 1800 se fixe une ideologie plus ou moins nouvelle liee ä ces etudes. Cette

ideologie est ä la fois europeocentrique et xenocentrique' . Elle derive en meme

temps de l'evolution occidentale des idees generales et de la situation des rapports entre l'Occident et l'Orient dans les sens divers de ce dernier terme.

D'une part, l'evolution propre de l'Occident a impose ä ce genre d'etudes deux

tendances generales.

1° Un fort courant intellectuel et emotionnel poussait ä l'enthousiasme pour le

specifique, le particulier, l'etrange, le barbare. II s'agissait, comme il est bien connu,

d'une reaction contre le classicisme avec son universalisme humaniste et son rafio-

nalisme meprisant pour les deviations ä partir de la regle de la raison universellement valable. 11 est inutUe ici de detaüler les etapes de cette conversion de la sensibilite

occidentale. Mentionnons seulement, comme points de repere, le preromantisme

anglais avec son engouement significatif, par exemple, pour la poesie pseudo-primi¬

tive d'Ossian et la tendance allemande du Sturm und Drang. L'enthousiasme qui se

marque alors pour l'Orient, pour un certain Orient au moins, ne doit pas etre separe

de la passion pour le «gothique», pour le Moyen äge et pour ses moeurs les plus

«barbares». C'est en connexion avec ce retour dans le passe qu'il faut comprendre la tendance de la litterature et des arts ä rechercher leur inspiration dans l'Orient

musulman et dans l'Inde surtout. La Chine confuceenne attirait moins, apparem¬

ment, par suite de son trop grand rationalisme, tellement souligne et admire par

I'epoque des Lumieres. C'est tres consciemment qu'on preche l'alliance de l'Orient

et du Moyen äge comme sourees d'inspiration comme le fait le baron d'Eckstein,

si infiuent sur les romantiques francais et d'autres en Europe. Dans cette ligne,

Friedrich von Schlegel, inspirateur d'Eckstein, ecrivait des 1800: «Im Orient müs¬

sen wir das höchste Romantische suchen»^ .

2° Une autre grande tendance, preparee, eile aussi, par toute l'evolution des

siecles anterieurs, est constituee par le developpement d'une systematisation et d'une specialisation croissantes dans toutes les sciences et , pour ce qui nous Interesse mainte¬

nant, dans les disciplines qui se rattacheront plus tard aux sciences humaines:

I'histoire, l'etude des litteratures, la linguistique et la philologie, I'histoire des reli¬

gions, l'anthropologie physique.

D'un autre cöte, sur le plan de la situation, il est tout aussi important que les

rapports respectifs de l'Occident chretien avec les autres continents, notamment

avec l'Orient musulman et avec l'Inde, deviennent des rapports de superiorite

ecrasante dans de muUiples domaines, sur le plan economique, politique, culturel,

etc., superiorite evoluant rapidement vers la domination.

1 J'cmprunte Ic terme «xenocentrisme» ä Ruth Hill Unseem (Current Anthropology, vol. 4.

n° 5, December 1963, 51 1) sans vouloir reprendre ä mon eompte toutes les implications qu'elle y rattache.

2 Das Athenaeum, 1800, cite par Raymond Schwab, La Renaissance Orientale, Paris 1950, 20.

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Orientalisme et Ethnocentrisme 79

La Vision des specialistes des pays oiientaux, des orientalistes est modelte par ces

trois tendances. Comme toutes les realitös intellectuelles de ce type, il faut com¬

prendre qu'elle est contradictoire et plus ou moins diversifi^e.

On l'accuse beaucoup aujourd'hui d'etre ethnocentrique. C'est tout ä fait evi¬

dent et ü est parfaitement absurde de s'en scandaliser. Que pouvait-elle etre d'autre?

Que peut etre d'autre n'importe quelle etude portant sur les autres? II est clair qu'on

apphque aux autres les concepts forges en Oeeident, qu'on dehmite les champs

d'etudes en fonction des preoccupations en vogue en Oeeident.

Le scientisme domine toute la periode meme s'il ne se fait que progressivement

plus explicite. On ne met pas en doute la superiorite des concepts occidentaux et on

en voit la demonstration dans le fameux «criterium de la pratique»: le succces de

l'Occident sur le plan des rapports de forces est la preuve de la superiority des con¬

cepts qu'il manie. La societe occidentale est jugee superieure dans toutes ses mani¬

festations. Quand apparait l'evolutionnisme darwinien, cela est simplement mis en

forme. On elabore des systemes qui montrent les lignes d'evolution conduisant

progressivement de la matiere inerte au monde vegetal, de celui-ci aux animaux,

des animaux ä l'homme. On continue la meme ligne de pensee ä l'interieur de

l'espece humaine tout natureUement. Au sommet de celle-ci tröne l'homme

europeen .

Sa superiorite parait d'une Evidence incontestable ä l'^gard des «sauvages».

Ehe est soulignde par les traits animaux ou quasi animaux que l'on croit deceler

dans les moeurs et coutumes de ceux-ci et meme souvent, notamment dans le cas

des Noirs, dans leur constitution physique. Mais les grandes civhisations orientales

posent des problemes ä part. Elles se distinguent sur le fond des «sauvages» et des

«Barbares». II faut rechercher les raisons de leur floraison ancienne, ceUes de leur

decadence aetuelle. Pourquoi done les Europeens 6taient-ils autrefois inferieurs et

sont-Us devenus superieurs? Ou bien ont-ils ete toujours, mais de facon masquee

autrefois, superieurs? Quoi qu'il en soit, ces grandes civilisations marquent encore un Stade evolutif intermediaire.

II faut faire encore des distinction dans ces grandes civilisations. Depuis Bopp,

on sait de fapon süre que le sanskrit est parent des langues europeennes, du grec

et du latin. On conclut ä la parente des peuples. On croit retrouver dans les Vedas, dans Kalidasa, dans les Oupanishads, la trace de cette superiorite masquee originelle de l'Occident.

D'un autre point de vue, le monde de l'Islam se distingue aussi sur ce fond de

grandes civilisations. Sa religion est du meme type que «la notre», on y retrouve

les problemes, les recits, les figures auxquels l'Occident chretien est habitue. II y a

done lä une parente ressentie, l'Occident entre dans la meme categorie. Par con¬

sequent on doit chercher des raisons supplementaires pour expliquer sa decadence

aetuelle, pour comprendre et justifier sa subordination. Le sentiment de parente

conduit ä un ethnocentrisme accentue. Dans cette voie, on trouve d'aiheurs tout

un arsenal de ressources ideologiques des plus aptes ä servir ä l'explication recher- chee. On peut recourir d'une part ä l'antiislamisme theologique chr^fien et, d'autre part, ä l'anfisemitisme antichretien des philosophes qui a des ancetres aussi loin tains

que Celse, Marcion et l'empereur Julien, sans parier de toute la production ju-

deophobe de 1' Antiquite classique et du Moyen äge.

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Point culminant de l'ethnocentrisme, le sommet est done occupe par la «race»

indo-europeenne (ou «aryenne» ou en AUemagne «indo-germanique») et, du point

de vue ideologique, suivant les tendances, soit par le christianisme soit par le poly-

theisme indo-europeen credite du developpement de la poesie, de la phüosophie et

des arts en Grece et dans ITnde. La classification en Indo-europeens et Semites

s'impose malgre les protestations episodiques d'un nombre non negligeable de spe¬

cialistes, et non des moindres^ , contre la confusion entre langue et peuple, parente hnguistique et parente ethnographique. On est d'accord pour placer les deux «races»

au sommet de rhumanite" . On n'en comprend que mieux des lors la necessite pro¬

fonde d'un certain antisemitisme pour confirmer la superiorite de l'Europe. On

peut, si l'on veut, se debarrasser des Indiens, associ^s embarrassants ä cette superio¬

rite, en decretant et en deplorant leur abätardissement par leurs melanges avec les

Dravidiens.

* *

*

Mais il ne faut pas oublier que, si la perspective dommante est ethnocentrique, ehe est en meme temps et contradictoirement xenocentrique.

Plusieurs facteurs vont dans ce sens. D'abord, une des tendances qui se degage

de la specialisation est — non pas toujours mais souvent — l'amour de l'objet etudie.

La täche que l'on a entreprise et qui doit remplir votre vie est paree aisement de

toutes les vertus, eile passe volontiers pour superieure ä toutes les autres. L'une des explications facües de cette superiorite, postulee pour des raisons existentielles, est que l'objet de l'etude est dote de merites qui imposent celle-ci.

Lorsqu'ü s'agit d'etres humains et de peuples, ce xönocentrisme peut etre stimuld par une reaction contre le müieu oü l'on est ne, par une orientation critique al'dgard

de la societe oü l'on vit, par l'attrait de la liberte que donne l'identificafion ä

l'etranger face aux moeurs courantes, facüement ressenties comme oppressives et

ennuyeuses, de sa propre societe. L'hostüite aux orientations culturehes ou polifi-

ques dominant dans cette societe fortifie cette orientation. Dejä Herodote etait

3 1-riedrich Max Müller (1823-1900), ä qui est dü pour une large part le sueces du terme

«Aryen» et dont le talent aida beaucoup ä diffuser les nouvelles idees, ecrivait en 1888:

«To me an ethnologist who speaks of Aryan raee, Aryan blood, Aryan eyes and hair is as great a sinner as a linguist who speaks of a dolichocephahc dictionary or a brachycephalic grammar. It is worse than a Babylonian confusion of tongues - it is downright theft» (Bio¬

graphies of Words and the Home of the Aryas, 1888,120, cite par A. C. Haddon,//isrory of Anthropology, 2nd ed., London 1934, 97).

4 Par exemple le manuel d'anthropologic de Friedrieh Müller, /4//^emei>ie Ethnographie', Wien 1879, ecrit: «Zum höchsten Grad ihrer idealen Entwicklung gelangt aber die Mensch¬

heit in der mittelländischen Rasse». Pour lui, la race mediterraneenne correspond stricte¬

ment ä un groupe de families linguistiques: le basque, les langues caucasiennes, les langues

«hamito-semitiques» et les langues «indogermaniques». Elle entre dans les langues (et races) des gens ä chevelure bouelee (lockenhaarige). Vers la meme date, on trouve, entre autres, cette conception de la superiorite des «Indo-Europeens» et «Semites» (ou «Chamito-Semi- tes») chez Lewis Henry Morgan, fidelement suivi en 1884 par Friedrich Engch,Der Ursprung der Familie, des Privateigentums und des Staats, Berlin 1953, 28.

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Orientalisme et Ethnocentrisme 81

accuse par Plutarque de preferer les valeurs des Barbares ä celles des Grecs, d'etre

philobarbaros (tpLXoßdpßapoq) . Dejä les philosophes atheniens les plus illustres,

par haine du regime democratique tel qu'U etait applique ä Athenes, debordaient

d'amour pour Sparte. Dejä Tacite critiquait les moeurs romaines de son temps en

manifestant une admiration (relative) litteraire pour les Germains. Dejä, dans la

Chine medievale, certains taoistes connaissaient un semblable melange de xenocen¬

trisme et d'attirance de type romantique pour le Barbare comme le montre le texte

bien connu de la stele de 1219 qui fait parier ainsi Gengis-Khan: «Le Ciel s'est lasse

du luxe excessif de la Chine. Moi, je demeure dans la region sauvage du nord;je re¬

viens ä la simplicite et je retourne ä la moderation. Qu'il s'agisse des vetements que je porte ou des repas que je prends, j'ai les memes guenilles et la meme nourriture que les gardiens de boeufs et les palefreniers, je traite les soldats comme mes freres.

Present ä cent batailles, j'ai toujours mis ma propre personne en avant»' .

A ces facteurs il faut ajouter les raisons propres des litterateurs et des artistes. Iis

peuvent etre seduits par l'apport que peut representer l'exotisme ä la creation.

Mais n'oublions pas que, lä encore, la Sympathie peut ne pas etre la seule reac¬

tion ä la specialisation dans l'etude d'un peuple ou d'un groupe de peuples. Celle-ci peut aussi susciter l'antipathie. Parfois, cette antipathie nait simplement de l'ennui

que peut susciter ä la longue l'objet d'etudes choisies dans l'enthousiasme de la

jeunesse et dont on ne peut se defaire. Parfois, eile surgit devant les reactions des hommes etudies, devant leur resistance ä la vision des observateurs, devant la reac¬

tion de leurs institutions, de leurs Etats, soupconneux volontiers ä l'egard desdits

observateurs. Le savant peut etre aisement exaspere par la violence (au moins ver¬

bale) protestatrice de gens, sur qui pese une culture assimUatrice, meme quand ils

sont dejä asshniles eux-memes. Ainsi l'orgueU hellenique (et les Grecs avaient leurs

ethnographes et leurs historiens des peuples «barbares») exasperait entre autres les

Orientaux qui reagissaient violemment. Le Syrien Tatien est amene parlä ä dresser

un veritable acte d'accusation contre les Grecs et la culture hellenique. De tels

actes d'accusation, eux-memes, ne pouvaient que rendre antipathiques les peuples

dont üs exprimaient les reactions. Ainsi, dans l'Orient musulman du Moyen äge,

l'orgueil arabe entrainait de semblables consequences avec le mouvement iu'^übT,

etc.

* *

*

L'hegemonie et la domination entrainent des consequences plus complexes que

ne le croient les ideologues des peuples inferiorises, humilies ou tout simplement domines.

11 est normal que I'Etat hegemonique ou dominateur cherche ä provoquer parmi

ses sujets un effort de mobilisation des connaissances acquises et de developpement

de ces connaissances. Ceux qui placent le nationalisme ä la place dominante dans

5 E. Chavannes, T'oung Pao, 1908, 300, cite par R. Grousset, L'Empire des steppes, Paris 1939,311.

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leur Hierarchie des valeurs ne peuvent s'etonner ni se scandaliser si cette impulsion

de I'Etat suscite une reponse patriotique conformiste de la part de la plupart des

specialistes. II est normal qu'ä la periode de l'imperialisme, periode oü l'ideologie

patriotique dominait dans la plupart des Etats de culture europeenne, les orienta¬

listes, entre autres, aient plus volontiers pousse leurs recherches dans certains do¬

maines qui interessaient ä ce titre leurs gouvernements, qu'ils aient repondu volon¬

tiers aux demandes des autorites en donnant des consultations, des avis. Cela est

denonce, et parfois avec quelque raison, aujourd'hui par les ideologues des peuples

hier encore colonises. Mais il faut bien voir aussi que ces consultations n'ont pas

toujours ete dans le sens souhaite par les gouvernements. Pour prendre un seul

exemple que je me trouve connaitre assez bien, ü est vrai que Louis Massignon

donnait des avis au Quai d'Orsay et sans doute ä d'autres instances gouvernemen-

tales sur la pohtique ä suivre par la France en pays musulman. Mais des amis qui

connaissent les documents m'ont depuis longtemps explique que les rapports de

Massignon etaient annotes marginalement de commentaires ironiques ou rageurs,

que ces avis aient ete bons ou mauvais suivant nos criteres actuels. Un chercheur

hoUandais m'a recemment communique une lettre de 1931 montrant que Massignon

et Snouck Hurgronje s'etaient mobUises pour mettre en garde la France contre la

politique du dahlr berbere au Maroc et qu'ils esperaient que leurs avis avaient fait

impression. Comme chaeun sait, l'opinion de ces specialistes fut neanmoins tout ä

fait negligee et on suivit officiellement la politique qu'üs avaient critiquee. Certes, souvent, les specialistes appuyaient la politique liberale de certaines instances gou- vernementales dont l'objectif final etait le maintien de la domination en evitant des

mesures provocatrices et brutales ä l'egard des domines. Mais, d'une part, c'etait

peut-etre, ä I'epoque, l'option la plus humaine qu'ü etait possible de prendre.

D'autre part, cela n'excluait pas de nobles intentions chez ceux qui se compor-

taient ainsi et des services positifs qu'üs pouvaient prendre en faveur de ceux que,

de toutes manieres, ü n'etait pas en leur pouvoir d'affranchir totalement ä cette

epoque.

D'aüleurs il y a eu toujours des exceptions. 11 y a eu des personnalites qui, au

sein des peuples dominants, ont pris vigoureusement le parti des dommes. Le mouve¬

ment anticolonialiste du XIX^ siecle et du debut du XX^ en France et en Angle¬

terre, par exemple, a ete jusqu'ici trop mal etudie. De grandes figures se detachent

aisement. Pour ne citer qu'un exemple, le poete anglais Wüfrid Scawen Blunt qui

pleurait de joie en apprenant la prise de Khartoum par les Mahdistes et qui a ecrit

sans doute le premier projet (en Orient et en Oeeident) d'une grand Etat arabe

uni.

On voit qu'il est bien trop simple de denoncer sans nuances l'asservissement

des specialistes aux projets de leurs gouvernements ou des couches dominantes

de leur societe.

* *

*

Ce qui est beaucoup plus important que de determmer la part de vrai et de

faux dans ces accusations et ces soup9ons, formules contradictoirement par les

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Orientalisme et Ethnoeentrisme 83

dominants et par les domines, par les anciens colonisateurs et les anciens colonises,

c'est de rechercher le rapport de tous les facteurs evoques ä l'objectivite de la

recherche, plus precisemment ä la valeur rationnehe universehe des resultats de

celle-ci.

La tendance generale dans les phUosophies et les reflexions dpistemologiques d'aujourd'hui est de rejeter les notions connexes d'objectivite et de verite.

On part pour cela, meme quand on n'evoque pas ces origines, d'idees plus ou

moins justes. Ainsi l'idee du conditionnement social des idees developpee par les

marxistes et les sociologues et qui s'est cristaUisee souvent dans la notion d'ideo- logie. Ainsi l'idee de la coherence des structures du savoir, de leurs valeurs arbitraires

— idee derivee evidemment de l'arbitraire du signe souligne par la linguisrique -,

developpee par Michel Foucault notamment, avec un developpement de ces stmctures

epistemiques sans rapport avec une «realitö» quelconque.

Tout cela a une grande part de verite et les analyses developpees sur ces lignes

ont souvent une valeur inestimable. Cependant, on ne peut meconnaitre que:

a une certaine realite exterieure resiste aux ideologies, des elements derives en

derniere analyse de cette realite s'integrent sous une forme ou sous une autre aux-

dites ideologies;

b n parait difficüe, en histoire des sciences, de detacher completement le savoir

theorique des savants du savoir vulgaire, spontane. Or, celui-ci est clairement \i€ ä

des ideologies qui sont, elles-memes, en connexion 6troite avec les situations poli¬

tiques, sociales, economiques, culturelles, etc.

L'histoire de la science nous montre aussi que, dans l'activite savante, meme

lorsque celle-ci est contrölee, dominee par les ideologies les plus contraignantes, les plus totalitaires, il se degage des zones d'objectivite.

J'ai essaye de le montrer dans le cas de l'attitude intehectuelle de l'Europe chre¬

tienne vis ä vis de l'Islam au Moyen äge et dans les temps modernes* . Tout bon

Chretien ne peut alors que d^tester l'Islam, denoncer ses «erreurs», contribuer ä

le combattre et, ä cet egard, les intellectuels, les savants ne peuvent pretendre faire exception. Mais, d'un autre cöte, la connaissance objective de l'Islam est necessaire

ä bien des categories de Chretiens. Ainsi, aux hommes politiques qui ont ä trai ter

des relations exterieures avec les pays musulmans, qu'elles soient conflictueUes,

belhqueuses ou pacifiques, ainsi pour les voyageurs qui doivent avoir un minimum

de connaissances sur les pays oij ils se rendent, ainsi pour les commer9ants qui entrent

en relations souvent tres etroites avec leurs homologues des pays musulmans, ainsi

meme pour les müitaires qui doivent connaitre le theatre et les conditions de leurs

Operations. II en est de meme pour les savants et les phüosophes qui, surtout au

Moyen äge, ont ä coeur d'utüiser les connaissances superieures des Musulmans.

Ainsi meme pour les ideologues, c'est-ä-dire les clercs, les intellectuels chretiens qui

6 M. Rodinson, La fascination de l'Islam, Paris 1980, 17-108, oü l'on trouvera (revise etun peu augmente) le texte francais original du resume condense et traduit par J. Schacht «The Western Image and Western Studies of Islam» in The Legacy of Islam, 2nd. ed. edited by the late J. Schacht with C. E. Bosworth, Oxford 1974, 9-62. Les autres textes du meme recueil franyais developpent quelque peu certains des points touches dans cet expose.

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veulent sincerement convaincre les Infideles, les amener ä la veritö qu'a enseign^

le Christ.

De ces exigences derive une tension, une lutte qu'on peut observer egalement

d'ailleurs dans tous les mouvements ideologiques en lutte. Au XII^ siecle, Pierre le V6n6rable, abh6 de Cluny, defend ainsi contre Saint Bernard de Clairvaux les droits

et l'utilite de la recherche fondamentale sur l'Islam, meme si cehe-ci ne peut etre

utUisee immediatement dans la lutte pratique contre les Infideles. C'est la position

qu'au XVIF siecle, par exemple, Richard Simon defendra contre Bossuet. C'est la

meme situation que nous retrouvons de nos jours quand les sociologues defendent

le developpement de leurs recherches sur des societes globales ou partielles que leurs dirigeants ont ä coeur d'exalter, que les humbles fideles et les cadres politiques ou ideologiques veulent seulement defendre, tous craignant que la lumiere des enquStes

porte atteinte ä cette defense. Les sociologues retorquent, avec conviction ou par

tactique, que la defense exige une connaissance exacte de son propre camp. II est

frappant de voir ä cet egard comment les arguments que developpait le doyen

Gabriel Le Bras, pour defendre ses recherches de sociologie rehgieuse vis ä vis de la hierarchie de l'Eglise catholique franfaise ä laquelle il appartenait avec foi, sont essentiellement les memes qu'utilisaient vis ä vis du Parti les specialites sovietiques

qui initierent, ä l'Universite de Sverdlovsk, des recherches sociologiques sur la

sociale de leur pays. Partout on retrouve cette lutte des «objectivistes» contre les

«militants» .

De meme, dans le sens de l'objectivite va l'estime qui peut se degager pour l'ad¬

versaire en vertu de valeurs communes. Souvent ainsi, les Chretiens, les Croises

meme ont exprime leur admiration pour les cavaliers turcs, pour leur grand ennemi

le sultan Saladin en prenant pour etalon les criteres de la valeur chevaleresque. Ainsi les religieux chretiens qui ont souvent donnö en exemple ä leurs ouailles la profon- deur de la piete musulmane, en essayant par lä de faire honte eaux chretiens de leur tiödeur. On trouve, par exemple, bien des tömoignages dans ce sens dans le Parzival de Wolfram d'Eschenbach.

CONCLUSION

Quehes conclusion pouvons-nous tirer de cette perspective rapide?

L'orientalisme est sur sa fin en tant que champ d'etudes fermö, ayant une

methode qui lui est propre, ayant des caracteristiques specifiques, en tant que spe¬

cialisation regionale permettant au specialiste de connaitre avec competence tout ce

qui ressortit ä sa region. Mais les ötudes sur les peuples, les langues, les cultures, les sociales de l'Orient continuent, menöes par des specialistes aussi bien Occidentaux qu'Orientaux, en collaboration autant que possible.

Dans cet effort de recherche, qui continuera tant que durera l'espece humaine

avec sa propension ä l'etude attestee depuis les plus ancieimes societes, ü importe de maintenir fermement l'attitude scientifique. Cela signifie d'abord lutter contre les efforts de contrainte ideologique dans les regimes pluralistes, ruser avec eux dans les regimes totalitaires.

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Orientalisme et Ethnoeentrisme 85

Mais il faut aussi etre en garde contre les puissantes suggestions de «l'opinion

publique» , contre les conformismes qui tie sont pas imposes formellement mais qui

sont fortement suggeres par le milieu social. II ne faut pas succomber ä l'idee que la

recherche que l'on mene, parce qu'on se sent desinteresse, mene automatiquement ä

la verite, que les etudes, parce qu'elles sont de detah, echappent au conditionne¬

ment social. II faut toujours se tenir dans une constante defiance ä l'egard de soi-

meme. Ici ce ne sont pas les pohces secretes et les Ministeres de la Propagande qui

agissent. Mais les organismes professionnels et I'esprit de corps que l'on ressent

pour y appartenir, le milieu auquel on appartient exercent une influence, une pesee

qui n'en sont pas moins formidables. Contrairement ä ce que croient beaucoup de

specialistes (ou ils agissent comme s'ils le croyaient), la pratique des etudes orienta¬

les ne se fait pas dans un monde ferme aux microbes de la vie politique, economi¬

que, sociale, culturelle. II faut accepter ce fait, le comprendre, renregistrer,retudier.

Aussi les phenomenes que presente le monde oriental ne peuvent-ils se comprendre

en vertu de leur orientalite seule. Iis sont des manifestations specifiques et parti-

culieres de phenomenes universels, il ne peuvent done se comprendre que si on les

rattache ä des problematiques plus generales. A l'inverse de ce que a ete la tendance du XIX^ siecle, il faut done desenclaver ces etudes.

II faut se garder de l'ethnocentrisme. II faut se garder de tout ce qui suggere que le pays, le groupe, la societe, la culture auxquels on appartient echappent aux lois generales de la societe, c'est-ä-dire agissent pour le bien contre le mal, pour la verite contre l'erreur de faqon pure, desinteressee, objective. II faut se garder de tout ce

qui amene ä penser que les opinions, les theses, les pratiques qui en emanent sont

automatiquement superieures, que celles des gens etudies sont inferieures, mepri-

sables, stupides. Un utile exercice dans ce sens est de se souvenir des vices des ideo¬

logies de son propre pays, de son propre müieu, dont on prendra conscience facüe¬

ment si on remonte un tout petit peu dans le temps, ce qui nous suggere inevita-

blement que notre epoque elle-meme, vraisemblablement, n'est pas indemne de

tehes deviations.

II ne faut pas oublier qu'une forme vicieuse de l'ethnocentrisme est un pseudo

xenocentrisme: l'amour, dans l'etranger, le xenos, de ce qui en fait l'inferieur, avec la conclusion qu'ü n'est pas mauvais de le maintenir dans cet etat inferieur pour son bonheur meme.

Mais ü faut se garder aussi des sujetions du xenocentrisme. 11 faut toujours avoir ä I'esprit que les autres aussi ont leur ethnocentrisme qui n'est pas forcement plus

respectable que le nötre. La Sympathie (et meme l'appui ä des revendications justi¬

fiees) ne doit pas mener ä avaliser automatiquement leurs perspectives, leurs idees, leurs theses. II est bien vrai que les anciens colonises et domines sont souvent pos-

sedes — ce qui est tout ä fait explicable sociologiquement et historiquement — par

un ethnocentrisme polemique et revendicatif, par une ideologie nationaliste anti-

europeenne qui peut eclairer sur un certain nombre de points qu'ont meconnus les

savants europeens, mais qui n'en a pas moins ses limites et ses deviations. II faut

aussi avoir une attitude critique pour cette optique. Mais il ne faut pas pour cela

etre rejete, comme beaucoup de specialistes europeo-americains, vers un mepris plus

dissimule qu'autrefois, mais non moins nefaste. Encore une fois, il faut se souvenir

des ideologies europeennes, actives dans un passe recent et qui etaient tout ä fait

(10)

eomparables. II faut trier tout ce qu'il y a de valable dans l'apport, le plus souvent extremement precieux, des specialistes originaires des societes etudiees en laissant de cöte avec calme tout ce qui, chez eux, ressorrit (quelquefois contre la volonte personnehe du savant) aux ideologies qui l'environnent.

II faut maintenir que le regard de l'exterieur a aussi son interet, un tres grand interet. Le regard de soi-meme sur soi n'est pas le meüleur. D'autre part, l'Europe

a et6, pendant plusieurs siecles, le banc d'essai de la culture technique la plus

avancee avec des consequences dans tous les domaines. Pour des raisons qui n'ont

rien ä voir avec une soi-disant superiorite raciale, c'est lä, par exemple, qu'a ete systematisee l'attitude critique envers les sourees historiques dont la necessite avait 6te apercue par les historiens de toutes les civhisarions. C'est lä qu'a eu lieu pour la

premiere fois une desacralisation aussi poussee des ethnocentrismes religieux et

linguistiques. C'est lä que, pour la premiere fois, le langage a ete etudie en dehors d'une vue purement normative, sacralisant les langues litteraires de prestige et pre- supposant qu'elles echappent ä l'evolution.

II est bien vrai que, dans les pays anciennement colonises et dommes, on se

heurte aux ideologies de lutte virulentes qui orientent, qui contraignent la pensee.

Mais, comme toutes les ideologies, elles peuvent eclairer sur certains points et aveugler sur d'autres. On peut retenir de leur critique l'idee juste que le savant «blanc» est

lui aussi conditionne par la vision que lui impose sa situation privUegiee. Mais U

faut rejeter l'idee nefaste, qui est une tentation de toutes les ideologies de lutte con¬

tre un establishment culturel: la theorie des deux sciences. On a vu, h y a quelques

decennies ä peine, fleurir cette theorie sous sa forme sociale sous les auspices de

l'ideologie stalinienne . Selon eile, les «proletaires» (ou bien plutöt ceux qui y etaient assimiles) avaient le privilege de la connaissance juste, du savoir veridique, alors que tout savant «bourgeois» ne pouvait produire que des idees et des theories fausses.

On sait les resultats catastrophiques qu'a eus l'application de cette theorie par

Lyssenko et d'autres. Elle refleurit souvent, sous une forme ethnico-nationale, sous

la plume des intellectuels des pays anciennement colonises et dependants: science

blanche et science noire, science du Tiers-monde et science imperialiste, etc. On

peut tres bien ne pas accepter de telles theorisations sans fermer les yeux devant

les traits de lumiere que peuvent jeter sur nous-memes ceux qui les formulent.

Ce qui est propose ici, ce n'est pas une ligne moyenne, un juste milieu entre

deux opposes, un choix du gris entre le blanc et le noir. C'est une prise de parti

permanente pour ou contre des theses precises avancees d'un cöte ou de l'autre,

acceptees ou rejetees avec des arguments rationnels soigneusement etudies, en

ecartant autant qu'il est possible tout ce qui est purement et simplement suggestion de l'ideologie.

C'est fort difficile, mais c'est le point d'honneur du savant de braver toutes ces difficultes. L'acte de naissance de la science occidentale, c'est le premier des apho-

rismes du corpus hippocratique que citerent souvent en traduction les savants mu¬

sulmans: «La vie est courte, l'art est long, l'occasion prompte ä s'^chapper, l'em-

pirisme est dangereux, le raisonnement est difficüe» (traduction Daremberg).

(11)

FACHGRUPPE 1: ÄGYPTOLOGIE

LEITUNG: GERHARD FECHT, BERLIN

LE CROCODILE A DENDARA

Par Francois Daumas, Montpellier

L'histoire du crocodUe et de ses representations au temple de Dendara parait fa¬

cile ä faire. Cet animal, comme nous le savions par les auteurs classiques, y est mau- dit et dötestd et ü ne figure pas parmi les nombreux bas-reliefs qui ornent les murs du sanctuire. Or, en relevant les inscriptions et les tableaux qui ddcorent la fa9ade Orientale du sanctuaire, nous avons trouve une scene qui n'a 6t6 ni publiee ni meme

signalfe. Situde au troisieme registre, eile occupe la deuxieme place ä partir du

nord. EUe represente l'empereur Tibere faisant offrande ä deux dieux, non pas

places l'un derriere l'autre comme c'est l'habitude, mais l'un en face de l'autre:

Horns toume le dos au fond du sanctuaire et son partenaire est dans le meme sens

que le roi et regarde Horas. D a une tete de crocodile, comme on peut s'en con¬

vaincre en regardant les Anubis qui ont 6t6 sculptös sur la meme paroi. L'inscription qui l'identifie ne laisse aucun doute, s'ü en subsistait un:

U^^r^?^^.fl^tf"f^"?5vSi-^JS#,

Paroles ä reciter par Sobek de Chedyt, . . . Dieu grand qui reside dans le nome

tentyrite . . . Cette traduction ne donne que les parties du texte qui sont lisibles et comprehensibles.

L'ensemble du tableau n'a pas €x€ martelö, en effet, mais comme voilöe par un

piquetage 16ger, qui supprime tout detail et enleve au rehef cette precision qui est

une des caracteristiques des productions egyptiennes. Les phrases qui identifient

Sobek ont beaucoup souffert de cet etrange traitement.

Deux autres details sont ä noter. Le dieu porte sur sa tete le disque de Re et

Ü serre la main ä Horus. Cependant le flou resultat du piquetage ne permet pas

tres bien de voir ce que fait I'autre main du dieu saurien .

Cette image a done de quoi, surprendre le visiteur de Dendara. Mais, plus etrange encore, le nom du nome est celui que I'on connait depuis une epoque tres ancienne,

a

le crocodile dont la tete est surmontee d'une plume "^5^=*^ . Pourtant, ä partir

du miheu ä peu pres de I'epoque ptolemaique ce nom avait ete remplace couramment

par sur lequel nous reviendrons.

olA®

(12)
(13)
(14)

90 F. Daumas

Pour interpreter ce tableau etrange et intriguant ä la fois, nous allons d'abord

essayer de preciser quelle etait anciennement l'ecriture du nom du VIe nome de

Haute Egypte, ce qu'elle devint ä la Basse Epoque et pourquoi elle a ete modifiee.

L'attitude des clerges ä l'egard des dieux nous semblera beaucoup plus nuancee

qu'on ne le dit generalement.

II ne fait aucun doute que, tres anciennement, le nome de Dendara s'ecrivait

dile est place sur un pavois place dans le signe designant le nome. II est bien pro¬

bable que le meme signe etait dejä employe dans l'inscription de Metjen'' pour

designer le VIe nome de Haute Egypte. A I'epoque de Sahoure, on trouve une

plume placee sur !a tete du crocodile, ce qui constitue «un autre determinatif d'un

etre ou d'un objet sacre» , comme le precisait Lacau" . Le meme signe se lit dans le temple solaire de Neouserre'' . On le retrouve plus tard dans un decret de Coptos*

oü une fächeuse destruction de l'original au-dessus du crocodile empeche de savoir

s'il etait, ou non, surmonte d'une plume. Une gravure de Moälla est extremement

interessante. Vandier, dans sa publication^, reproduit simplement un crocodile

place sur un socle. La photographic cependant laisse deviner un objet fixe sur le dos du saurien, mais eile ne permet pas d'en preciser l'identite. H. Fischer, certainement apres revision de l'original, place une fleche sur le dos du crocodile* . Cette fois, on

peut penser que dejä, juste avant la Xle dynastie, le crocodile, devenu odieux ä un

certain nombre d'Egyptiens, etait marque d'un signe vengeur. 11 semble bien qu'une

image semblable se retrouve encore sur une stele de Leiden. La reproduction qu'en

donne Boeser' , pour si bonne qu'elle soit, ne permettrait guere de determiner l'objet

qui est grave sur le dos du crocodile. Mais Spiegelberg, dont I'esprit etait sans

cesse en eveil a publie un facsimile du signe dü ä Boeser lui-meme'" . 11 ne peut

s'agir ici d'une plume, mais beaucoup plutöt d'une fleche. Nous sommes en l'an 33

de Sesostris ler. Cependant, au moment oü ce roi avait fait constmire ä Karnak

le reposoir de la barque, reedifie par Chevrier, on avait grave l'embleme du nome

Sans la moindre hesitation" , avec le crocodile et la plume divine. Ici le nom du signe 1 Sur le nom, sa leeture et sa signification, voir Henry G. Fischer, Dendera in the third Mille¬

nium, New York 1968, 3-14.

2 Ahmed Fakhry, Monuments of Snefru, 11, Part II, fig. 283, 5 et pl. XXXIX, gauche. Voir aussi Fischer,Dendera, 8 et pl. 1.

3 Fischer, Dendera, 3-8, montre qu'aucune raison serieuse ne s'oppose ä ce que ce signe designe le nome de Dendara dans les inscriptions de Mtn.

4 Sur le Systeme hieroglyphique, Le Caire 1954, 112. C'etait aussi, semble-t-il, l'idee de Sethe, Urgeschichte, 1930, § 49.

5 Kees dansZ. Ä. S., 81, 1956, 36, Abb. 1.

6 Sethe, Crit. 1,295, 18.

7 Vandier, Moc//a, Le Caire 1950, 229 et pl. XX, photo, centrale.

8 Fischer,Dendera, 13,58.

9 Boeser, Beschrijving van de Egyptische Verzameling . . . te Leiden, II, Leiden 1909, pl. II, 1.4.

10 DansÄ. T. 23, 101.

11 Fischer, Dendera, 7, fig. 2. Je dispose aussi d'une excellente photographic due ä l'amabilite de E. Graefe, que je remereie ici.

. C'est l'orthographe meme de ce nom au temps de Snefrou^ . Le croco-

J

(15)

Le Crocodile a Dendara 91

est donne: igir)^'^ . Lacau s'etonnait que ce signe soit reste Fembleme du territoire

tentyrite, «alors qu'ä I'epoque classique le crocodile etait un animal maudit dans

ce meme nome»'^ . En realite, les orthographes de Moälla et de la stele de Leiden

montrent que l'on commencait ä prendre contre le dieu iqfr)^'* , ä lire peut-etre par antiphrase l'Efficient, quelques precautions.

Nous ne pouvons faire ici une etude complete du nom du VIe nome de Haute

Egypte; cela nous entrainerait trop loin. Mais qu'en est-il ä I'epoque oü fut cons¬

truit le temple que nous voyons actuellement? Un papyrus recopie dans la crypte

ouest n° 3, la crypte des archives, nous apprend le nouveau nom du nome'* : Quant

ä ^It-di, c 'est Dendara, le siege meme d'Hathor, Dame de Dendara; c 'est le nome de

Re, lors de la premiere fois, Le crocodile, dont on se defiait des avant la Moyen

Empire, est devenu desormais tout ä fait hostile. On l'a done supprime et on a pris

le nom du temple de la naissance d'Isis I(^jt-di^^ , sans doute la butte-de-donner

(la deessej pour designer le nome. Le papyms recopie sur le mur de cette crypte

pourrait bien etre ancien, peut-etre de la XVIIIe dynastie, car il a des aspects

archaiques; mais il a pu etre interpole de quelques notions recentes, lorsqu'on l'a re¬

copie apres le regne de Neos Dionysos, entre 50 et 30 avant notre ere.

Et pourtant, sous Ptolemee IV Philopator (221-205), on avait encore reproduit

ä Edfou'^ , le vieux nom du nome tentyrite.

i Ül? o *»<=-i i-t^.^v-fe-^

: // t 'amene ''lq(r) Nitentore portant le corps divin qu 'Horus a sauve de la main de

l'Enrage (■:^d). Remarquons que le crocodile est reduit ä l'impuissance par un dard

et un couteau plantes sur son dos, comme dans les signes de Moälla et de la stele

12 Kees, suivi par l-ischer (Dendera, 1 3, n. 59), propose de lire iqr.

13 Lacau ct Chevrier, Une Chapelle de Sesostris ler a Karnak, Le Caire 1956, § 637.

14 Pour cette leeture de "Iq, voir bischer,Dendera, 13 et n. 59. Le nom L'Efficient, L'Efflcace, si cette leeture etait assuree, correspondrait alors, dans le domaine grec, ä celui d'Eumenides pour les Erynnies; il s'agirait de se concilier par un nom bienveillant des forces redoutables.

15 Cette crypte a etc publice par Dümichen des 1865: Bauurkunde der Tempelanlagen von Dendera, Leipzig (voir pl. Xlll, col. 1 -2). Elle a cte reprise par Mariette, Le Temple de Den¬

derah, t. III, 1871, pl. 77-83; voir pl. 78, eol. 1-2. Nous suivons le texte de Chassinat- Daumas, Le Temple de Dendara, t. VI, Le Caire 1965, 155,15-156, 1 et la pl. photogr.

DCLXXXII.

16 Cf. Daumas, Dendara et le Temple d'Hathor, Le Caire 1969, 11-12 pour cette interpreta¬

tion, hypothetique pour le moment. Quelques unes des orthographes donnees par Gauthier, malheureusement sans reference, D. G. 1, 124, ne sont pas favorable ä cette etymologie.

Mais il faudrait un releve complet et une classification chronologique.

17 Voir Edfou I, 339, I. Completer par de Rouge, Inscriptions et Notices recueillies ä Edfou, t. II, Paris 1880, pl. CXXXIX, nome VI. On voit tres bien le crocodile martele avec sa fleche et son couteau. Brugsch, Die. Geog., 1359, donne un signe tres voisin. Nous avon verifie sur des photographies personnelles de ces textes importants.

18 L'ensemble du signe nc fait pas de doute, mais la forme exacte du dard ou du couteau est peu süre, paree que la figure a ete martelee.

19 La forme precise de ce signe est Jx ('^f- Chans., Supplement Catalogue, 958 n.). Cependant les deux cötes superieurs du pilier ne sont pas anguleux mais arrondis.

20 Le dessin de la ville ne comporte pas de subdivisions. II devait etre complete ä la peinture.

21 Un dard est fiche dans l'arriere-train du crocodile. Ni de Rouge, ni Brugsch, in Rochemon- teix-Chassinat ne le transcrivent, bien qu'il soit fort net sur la Photographie.

(16)

de Leiden^^, de meme que Ie detemiinatif de id plus bas. II eonvient aussi de re¬

marquer que les deux signes du nome, celui qui figure sur la tete du personnage

geographique comme celui qui est dans le texte, ont 6t6 ensuite soigneusement

marteles.

Nous connaissons cependant la raison pour laquehe le saurien a ete voue ä la

destmction, par deux temoignages precieux. Le premier est celui du Papyms

Jumilhac" , relatif ä la mythologie et ä la geographie sacröe des XVIIe et XVIIIe

nomes de Haute Egypte. II date de I'epoque ptolemaique: le dieu qui est en cet en¬

droit est Sobek. C'est Seth qui s 'est transforme en crocodile apres avoir enleve l'oeil

d'Horus. Ce detail mythique est done ä l'origine d'une identification de Sobek et

de Seth. On peut comprendre pourquoi une vUle osirienne comme Dendara avait

banni Sobek et le crocodile jadis en honneur.

Du reste le papyms recopie dans la crypte des archives** precisait: Quant ä

Sobek qui est dans cette place meme, c 'est Seth et pour la plume qui est sur sa

tete, c'est Osiris. Ce papyms presente des traces tres nettes de conceptions ancien¬

nes et frise meme la contradiction. II propose une interpretation osirienne de l'em¬

bleme prhnifif du nome, ce qui aurait dü permettre de conserver cette tres vieihe

image religieuse ä laquelle on tenait fort par tradition. Et cependant une tendance

nouvelle avait prevalu, celle de remplacer l'ancien crocodile divin par le nom du

temple de la naissance d'Isis, ^It-di *. Ces hesitations en quelque sorte montrent

bien que les Egyptiens n'aimaient pas modifier leurs anciennes conceptions reli¬

gieuses et les ont conservees durant des dizaines de siecles. A quehe date le change¬

ment du nom du VIe nome a-t-il ete adopte?

Peut-etre un martelage etrange dans le mammisi de Nectanöbo serait susceptible

de nous foumir un terminus ante quem. En effet, dans ce petit temple, sur le mur

nord du sanctuaire, au registre inferieur on voit l'Enneade de Karnak s'avan^ant vers Amon pour recevoir l'annonce de la naissance du fils divin, c'est-ä-dire, du roi^* . En

scrutant l'inscription qui accompagne Harsomtous de Khadit, regravee dans un

martelage, j'ai pu hre ^ OJ'^^ ■ Audessous, il y avait deux nb, dont le dernier

surmontait . On a inscrit pardessus ces deux derniers signes une orthographe

presentations de l'Enneade ä Kamak, on voit qu'apres Hathor et avant Tjenenet et

22 Voir notes 7, 8 et 9.

23 i . Vnndiei , Le Papyrus Jumilhac, Paris (1962), XXll, 20-21, 133.

24 Dendara VI, 157, 2. Ce texte est cite par Brugsch d'apres Dümichen: «Le crocodile qui se trouve dans cet endroit, c'est Set (Typhon). La plume qui est sur sa tete c'est le dieu Osiris

|V. DUM. Dend. pl. Xlll col. 16) C'est parier ä l'egyptienne! Dictionnaire Geographique, 991.

25 Voir ici-meme n. 15.

26 Daumas, Les Mammisis de Dendara, Le Caire 1959, 15, 1. 13-14 et notes 2 et 3. Sur la pl.

XXVI B, l'Horus retabli dans du platte sur un dieu martele est bien visible.

le fief d'Harsomtous. En tenant compte des nombreuses re-

(17)

Le Croeodile a Dendara 93

lounyt, on representait Sobek^^. L'orthographe P J-^ ^=7% est consignee dansle

Dictionnaire de Beriin comme neo-egyptienne^* . Enfm l'extremite de la gueule du

crocodile se voit encore au-dessus de la tete de faucon d'Horus. De ces constatations,

on peut conclure que dans la premiere partie du IVe siecle avant notre ere les ar¬

tistes sculptaient encore Sobek sur les parois de sanctuaires importants dans l'en-

ceinte sacree de Dendara. C'est apres seulement qu'U a ete severement proscrit. II ne semble pas toutefois que ce soit avant le premier siecle avant notre ere. Le texte de

la crypte des archives que nous avons^' permettait meme d'exorciser en quelque

sorte le tres ancien signe du nome. Pourtant l'idee d'eterniser le crocodUe par une

image devait troubler certains esprits, aussi bien ä Edfou qu'ä Dendara, dont les

clerges ont toujours ete tres hes. Aussi vers cette epoque crda-t-on ä Dendara un

nom nouveau qu'on empmnta au temple de la naissance d'Isis. La chose serait tout

ä fait süre si on savait exactement quand ce demier a ete constmit pour la premiere fois. Nous avons dejä signale ce fait^" . A Edfou^' , sous Ptolömee VIII-Evergete II, il

figure tres probablement dejä pour designer le nome, alors que sous Ptolemee IV

PhUopator, dans le fameux texte geographique d'Edfou, on se servait encore de l'an¬

eienne image du crocodUe Iq(rj, unmobilise , il est vrai, par deux traits qui le fixaient

au soP^. Ce signe a dte plus tard martele. Serait-ce sous Ptolemee VIII Söter II?

27 Nous ne donnerons pas la bibliographie de tous les exemples de l'Enneade figurant ä Kar¬

nak. Ce n'est pas le lieu de le faire ici. Notre souree est un cahier de releves personnels, faits durant plusieurs sejours ä Karnak entre 1947 et 1950. La plus ancienne sequence repre¬

sentee est Celle des blocs en quartzite de la Reine dans l'ordre suivant : Sobek qui reside dans la Grande-Demeure (Ht-'lt), Hathor, Tjenenet, bloc 251, pl. 10. Lacau conjecture ä juste titre que lounyt figurait sur le bloc suivant (Une Chapelle d'Halchepsout ä Karnak . . ., Le Caire 1977, § 359). On peut completer ä coup sür ne comparant un autre bloc que Lacau ne rapelle pas dans le passage cite: Horus et Sobek sont face ä face. Derriere eux viennent Hathor, Tjenenet et lounyt (Lacau, Une Chapelle, pl. 20, blocs 299-105). Des le temps d'Amenophis III, Sobek etait suivi de Tjenenet et d'lounyt, comme on peut le voir ä Louxor dans une representation dont six divinites sont encore bien visibles (P. M., 2e ed.

1972, (88), 316; deseription dans Colin Campbell, The Miraculous Birth of King Amon¬

botep UI, Edinburgh 1912, 112. Les deux photographies qui font face ä cette page ne re¬

presentent pas ces debris de l'Enneade), releve personnel. Meme groupement ä Karnak, Vllle pylöne, massif est, Sethos ler. Devant le Sanctuaire de la Barque, cöte nord. Salle Hypostyle, mur nord, portion ouest, Ramses II. Temple-reposoir de Ramses 111, dans la pre¬

miere cour, Sanctuaire d'Amon, paroi est. Temple de Khonsou, Salle I de P. M. : Hathor et Sobek subsistent; ils etaient suivis de Tjenenet et lounyt, aujourd 'hui saccagees. Linteau de la salle oü se trouve le sanctuaire de la barque (P, M. (36), 2e ed., 235 de Theban Tem¬

ples). Temple d'Opet, ed. de Wit, pl. Ill, fig. inferieure, et Texte 107. Les figures sont un peu perturbees ä cause de la place oceupee par l'Enneade, mais elles sont sures. Le crocodile figure done dans un temple osirien sous Ptolemee VIIl-Evergete II, peu de temps avant la fin du second siecle avant notre ere. Cl. Traunecker nous a signale dans le meme temple deux exemples de Sobek du Fayoum.

28 Wb. IV, 95. Mais on la trouve aussi dans l'Enneade du temple de Ramses III, sanctuaire, copie personnelle.

29 Voir plus haut, n. 24.

30 Voir ici, n. 16.

31 Chassinat, A'd/OM IV, 264, 13.

32 Voir ici meme, n. 17.

(18)

A peu pres autour de l'an 15 de notre ere, Strabon nous renseigne sur l'attitude des Tentyrites envers les crocodiles^^ :«. . . la ville de Tentyra. Lä, au rebours de ce qui se passe chez d'autres Egyptiens, le crocodile est meprise et tenu pour meriter le plus de haine parmi les betes sauvages. En effet, les autres Egyptiens, bien qu'ils

connaissent la malfaisance de l'animal et combien il est meurtrier pour l'espece

humaine, le venerent cependant et se tiennent eloignes de lui. Les Tentyrites, eux,

le pourchassent de toutes fafons et le detmisent. A ce que rapportent quelques

auteurs, comme les Psylles de Cyrenaique ont avec les repüles une antipathie na-

turehe reciproque, les Tentyrites, eux, en eprouvent ä l'egard des crocodiles,

au point de ne rien redouter de leur part mais meme de plonger et de traverser

le fleuve ä la nage, alors qu'aucun autre n'en aurait l'audace. Lorsque des crocodiles furent envoyes ä Rome pour y etre exposes, c'etaient des Tentyrites qui les accom-

pagnaient. 11 y avait une piscine munie d'une plate-forme sur un de ses cötes, de

faqon ä former un endroit ensoleille pour ces betes lorsqu'elles sortaient de l'eau.

C'etaient des Tentyrites qui tantot les tiraient avec un filet hors de l'eau vers

l'endroit ensoleille pour les faire voir aux spectateurs, et descendant en meme

temps dans l'eau, tantot les tiraient de nouveau vers la piscine» .

Audire d'Elien''" , les habitants d'Edfou haissaient les crocodiles, les pourchas-

saient et les mangeaient. Et ils donnaient pour raison que Typhon avait pris la

forme du crocodile, ce qui correspond tout ä fait au texte egyptien du Papyms

Jumilhac^* . Herodote confirme ces details, mais pour d'autrea villes d'Egypte'* ,

et n'allegue, comme ä son habitude, aucune raison religieuse. Plutarque'^ ajoute

son temoignage ä ceux que nous venons de citer. 11 rapelle que les habitants d'Edfou font des massacres rituels de crocodiles et doivent en manger.

On aurait pu croire qu'ä Dendara, apres le debut de I'epoque romaine, le cro¬

codile a completement dispam. Le nome a un nom nouveau, de bon aloi, et le

Sobek du mammisi de Nectanebo a ete soigneusement transforme ou detmit.

Cependant, chose etrange, on le retrouve au moins deux fois; d'abord ä l'exterieur

du sanctuaire, H' du plan Chassinat. II s'agit du ler tableau du ler registre de la

fafade ouest. Auguste sort du palais, precede des enseignes. Sous la derniere d'entre

elles, celle du nome tentyrite represente par l'hieroglyphe , on a ecrit le

texte suivant: '^^^ l''^ ^ 1 '1*^ ■^^"^ phrase, dans le tableau tout

ä fait sunilaire qui se trouve dans la Salle Hypostyle, cöte gauche ouest, ler tableau

d'entrecolonnement est ecrit: ^\ J\\' '^««'oü . Ce dernier exemple

33 Strabon, Geographica, XVII, C 814-815, cliap. 44 ;ed Meineke, Teubner, 1877, t. III, 1136.

Ld. Didot, 1853, Müller et Dübner,691 -92.

34 Ellen, Dc Natura animalium, X, 21, ed. Hercher, Didot, 174-75.

35 Cite n. 23.

36 Herodote, II, 69.

37 De hide, chap. 50; ed. J. Gwyn Griffith, Plutarch De hide, 1970, Commentaire, 489-493.

38 Inedit, releve personnel.

39 Mariette, Denderah, I, pl. 9, revu sur l'original.

(19)

Le Crocodile a Dendara 95

date de Neron, le premier d'Auguste. Sous Auguste encore, on a done donne au

nome son ancien nom de ^Iq(rj. II est vrai que notre transcription ne tient pas

compte d'une mutilation curieuse. En deux coups de ciseau tres sees, on a martele

la tete du crocodile de sorte que nous ne savons pas si c'est une plume qu'on avait

sculpte sur sa tete ou un dard. Le martelage est si discret et si net ä la fois qu'on peut se demander s'il n'a pas ete fait en meme temps que la scupture.

On le retrouve encore sur la facade exterieure est dans le tableau que nous avons

decrit en commencant. Nous y revenons en terminant pour remarquer que cette re¬

presentation gravee sous Tibere possede au moins un trait archaique. Comme dans

l'une des Enneades de la chapelle d'Halchepsout, les deux dieux, Homs et Sobek,

sont places face ä face"" . Cette curieuse attitude exprime sürement des rapports

particuliers entre ces deux divinites. Mais nous ne saurions, dans l'etat actuel de

nos connaissances preciser lesquels.

D'autres crocodiles, ä Philae en particulier"' , ont subi un martelage semblable

qui n'a pas ete applique seulement ä Dendara et ä Edfou, dont les rapports furent

constants. Juvenal nous a raconte dans sa satire XV un combat entre les Ombites

(habitants de I'actuel Kom Belal, I'Ombos de Seth) et les Tentyrites. La rixe se

serait terminee par une scene de cannibalisme invraisemblable. Sans doute I'amph-

fication oratoire a joue un röle dans la redaction de ce fait divers; mais le fond de

l'histoire peut s'expliquer par des haines feroces provoquees par l'attitude des di¬

verses loealites egyptiennes ä l'egard des animaux sacres. Ce que nous dit Hero¬

dote"^ permet de se faire une idee de la diversite des opinions egyptiennes sur le terrible crocodUe.

Les fluctuations du clerge de Dendara ä son egard ne sont pas moins interessan¬

tes. Sans aucun doute, quand les fa9ades exterieures ouest et est du sanctuaire ont

ete decorees, le crocodile etait maudit. Ceux qui ont organise le programme sculptu¬

ral, n'en ont pas moins represente ä droite du cöte est, le dieu du Fayoum, Sobek

de Chedyt dans un grand tableau et ä gauche dans une inscription, le vieux nom du

dieu ^Iqirj sous sa forme de crocodile. Da lä ä imaginer que le meme sculpteur a

grave le dieu et l'a aussitot martele, il n'y a qu'un pas. Du cöte est, il en est de

meme. Le Sobek aurait ete martele aussitot apres avoir ete sculpte. Ainsi Osiris de¬

meurait bien le dieu le mieux vu et le mieux honore ä Dendara. Et la ville ne cessait

d'autre part de montrer qu'elle n'oubliait pas tout ä fait les vieux dieux qu'elle

avait eus aux temps anciens. Ces marques discretes d'une fidelite peu explicite et

inoffensive permettaient peut-etre de ne pas rejeter ces forces encore redoutables dans le camp des irreconciliables, qui pouvaient devenir dangereux.

Jusqu'ä ce que l'on fournisse une explication meilleure des curieuses constata¬

tions que nous avons faites sur le traitement du crocodile ä Dendara, l'explication que nous venons de donner nous parait acceptable.

40 Lacau, Une Chapelle . . . , a commente ee fait, 374, § 660; voir pl. 20, en haut, ä droite.

41 Renseignement fourni de vive voix par le Prof. Winter.

42 Herodote,//f'sr. II, 69, cite n. 36.

(20)

WEITERE VORTRÄGE

W. Barta, Geretsried: Zur Trennung von Thronbesteigung und Krönung; erschienen

in Studien zur altägyptischen Kultur 8 (1981), 33-53.

J. Brinks, Tübingen: Mastaba und Pyramidentempel. Ein struktureher Vergleich; er¬

schienen in Göttinger Miszellen 39 (1980), 45-60.

M. Eaton-Krauss, Berlin: Eine rundplastische Darstehung Achenatens als Kind;

erscheint in Zeitschrift für Ägyptische Sprache und Altertumskunde.

G. Fecht, Berlin: Traditionellere sprachwissenschaftliche Methoden; erscheint in

Studien zur Altägyptischen Kultur.

M. Gilula, Jerusalem: Recent Contributions to the Study of Ancient Egyptian Syn¬

tax; geht ein in eine mittelägyptische Grammatik, die der Autor vorbereitet.

M. Görg, Bamberg: Chaoslehren in Ägypten und Israel; erschienen in Zeitschrift für

Alttestamentliche Wissenschaft 92 (1980), 431-3, und in Biblische Notizen

14(1981), 18-19.

E. Graefe, Freiburg i.Br.: Zur Deutung der Bilder auf dem vergoldeten Schrein

(Fund Nr. 108) des Königs Tutanchamun; geht ein in: M. Eaton-Krauss-E.

Graefe, The lAttle Golden Shrine from the Tomb of Tutankhamun (Handlist

N° 108).

R. Gundlach, Darmstadt: Der Erste Katarakt als Grenze im Neuen Reich: Zur

Funktion der historischen Stelen zwischen Assuan und El-SheUal; erscheint

in einer Fachzeitschrift.

R. Krauss, Berlin: Der archäologische Befund im thebanisehen Königsgrab Nr 62.

J. Mälek, Oxford: Entering the Computer Age with the Topographical Bibhography.

J. Quaegebeur, Whsele: Bemerkungen zum Titel Phritob; erscheint in einer Fest¬

schrift.

W. Schenkel, Tübingen: Thesen zum ägyptischen Sprachunterricht; erschienen in

Göttinger Miszellen 40 (1980), 81-97.

W. Schenkel, Tübingen: Struktur und Funktion. Zur Analyse ägyptischer Architek¬

tur; erschienen in Göttinger Miszellen 39 (1980), 89-103.

(21)

FACHGRUPPE 2: ALTER ORIENT

LEITUNG: HANS JÖRG NISSEN, BERLIN

RITUAL, GESCHICHTE UND MYTHOS

Von J . van Dijk, Rom

Eine der schwierigsten Aufgaben der literarkritischen, geschichtlichen und re¬

ligionsgeschichtlichen Exegese der uns überlieferten sumerischen und akkadischen

Texte scheint mir zu sein, die Bezugnahme von mythischen und dann auch epischen

Stoffen auf aktueUe Ereignisse zu erkennen, kurz gesagt, Geschichte vom Mythos,

Mythos von Geschichte zu trennen.

Das Problem ist keineswegs neu: die sehr alte Meinung, daß die Götter von Helden

abstammten, wird bekanntlich Euhemerismus genannt; wenn es um die Verknüpfung

von mythischen und epischen Stoffen mit aktuellen Ereignissen geht, spricht man

von Historisierung. Wir haben nicht so sehr Schwierigkeiten, die Tatsache dieser

Verknüpfung festzustellen, sondern diese Verknüpfung konkret zu benennen und

schließlich den Beweis zu füliren, in welchen historischen Kontext eine Dichtung

oder eine theologische Überiieferung zu plazieren ist.

Ein Beispiel könnte das klar machen: das sogenannte Erra-Epos, von dem jetzt

der weitaus größte Teil bekannt ist, hat eine nicht zu verkennende historische An-

bindung, und zwar eine als Gottesstrafe ausgegebene Zerstörung der Stadt Babylon.

Allerdings sind sich die Gelehrten nicht darüber einig, auf welche Zerstörung die

Dichtung anspielt. Am ehesten wird man annehmen wollen, daß hier auf die Plünde¬

rung der Stadt und die Ermordung der Bevölkerung durch Sutruk-Nahhunte im

Jahre 1160 angespielt wird, da die Erwähnung der Elamer für eine Datierung an das

Ende der Kassitenzeit spricht. Andererseits wird die Annahme durch die Erwähnung

der Sutäer zusammen mit den Elamem in Frage gesteUt. Es erscheint möglich, daß

die Dichtung mehreren geschichtiichen Situationen gedient hat, was, wie wir noch

sehen werden, keineswegs ungewöhnhch wäre.

Der Autor dieser Dichtung, Kabti-häni-Marduk hat mit Sicherheit ein Beispiel

vor Augen gehabt; so hat er sicher den Ninurta-Hieroslogos, der mit der Dichtung

lugal-e ud me-läm-bi nir-gäl anfängt, und von dem weiterhin noch die Rede sein

wird, gekannt. Das geht nicht nur aus der Stihsierung der praesentatio argumenti

hervor, sondern vor allem auch aus einer direkten Anspielung auf die Ninurta-Dich-

tung. Ich beziehe mich dabei auf den Text KAR 169 Rs. 1, 30-34, wo der Gott

Isum spricht, der im Erra-Epos eine dem Sarur in lugal-e ähnliche RoUe spielt:

,,Wehc meinen Landsleuten, gegen die sieh Erra erzürnt hat . . .

die er wie der Held Nergal (I.: Ninurta) am Tage der Schlacht gegen den Asakku |zu ermorden beabsichtigt?] ;

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