Les enjeux sanitaires soulevés par l'ambroisie
Dr Philip Taramarcaz, Service d’Allergologie et Immunologie, Hôpital Universitaire de Genève
Genève, le 26 juin 2006
La présence de plantes d’ambroisie a augmenté depuis 10 ans en Suisse,
principalement dans les cantons frontaliers avec fort trafic pendulaire. Depuis 2001 le taux de pollen est également à la hausse et les premiers cas d’allergie à l’ambroisie ont été détectés à Genève en 2002.
En Suisse très peu de personne réagissent actuellement à l’ambroisie, en effet seulement 5 cas d’allergie à l’ambroisie ont été reportés en 2004 à Genève; les chiffres pour 2005 sont encore attendus. Cette situation peut évoluer très rapidement et nous sommes probablement au début d’une épidémie d’allergie qui pourrait devenir équivalente à celles qui touche nos voisins français et italiens, où 6 à 12 % de la population de la région Lyonnaise et de la vallée du Po sont allergiques à l’ambroisie.
Le diagnostic de l’allergie à l’ambroisie est habituellement relativement simple à poser dans les régions où la plante est présente, ainsi que dans les zones où le vent est capable de transporter ces pollens. Cette allergie survient classiquement en août et septembre voir en octobre, après la période classique du rhume des foins, qui prédomine aux mois de mai et juin. Le diagnostic devrait être confirmé par un test cutané positif ou par un test sanguin spécifique. Les symptômes les plus courants sont la rhino-conjonctivite ou rhume des foins qui se manifeste par des yeux rouge et gonflés, des larmoiement, des démangeaisons des yeux et du nez, des éternuement et des écoulements nasaux. L’asthme peut être parfois très sévère et se manifeste par une difficulté respiratoire, des sifflements et une toux. Les atteintes de la peau sont plus rares et prennent la forme d’un eczéma de contact ou d’une urticaire qui se manifestent par des boutons, des démangeaisons et des rougeurs.
Les symptômes sont d’autant plus prononcés que le taux de pollen dans l’air est élevé. Des taux très faible de pollen peuvent déjà induire des symptômes chez les gens sensibles (5-10 particules de pollen/mètre cube). Le taux de pollen peut être contrôlé quotidiennement sur le bulletin pollinique prévisionnel durant la fin de l’été.
Le traitement de l’allergie à l’ambroisie repose principalement sur les traitements médicamenteux anti-allergiques et sur la désensibilisation. L’éviction des allergènes est difficile car les pollens sont aéroportés. La pratique du sport en extérieur est déconseillée les jours ou les pollens atteignent des taux élevés.
Les coûts engendrés par des mesures de prévention, à ce stade précoce de
l’envahissement de l’ambroisie, sont largement inférieurs à ceux engendrés par le traitement d’une fraction significative de la population suisse ayant développé une rhinite et un asthme allergique aux pollens d’ambroisie (par exemple les coûts estimés pour traiter 100'000 patients allergiques atteignent 1'000’000 Francs suisses par année). Les zones faiblement colonisées peuvent, en l’espace de seulement quelques années, se transformer en zones fortement colonisées. Fort de l’expérience de nos voisins européens et canadiens, nous devons poursuivre et intensifier la stratégie de lutte concertée contre l’ambroisie, afin de prévenir une plus forte colonisation du territoire genevois et helvétique par cette plante nuisible.
Dr Philip Taramarcaz
Chef de Clinique, Unité d’Allergologie, HUG, 24 rue Micheli-du-Crest ,1211 Genève 14
