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Mauvaises herbes résistantes aux herbicides en Suisse: passé, présent... futur?

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Agroscope RAC Changins Station fédérale

de recherches agronomiques Directeur: André Stäubli www.racchangins.ch

Mauvaises herbes résistantes aux herbicides en Suisse: passé, présent... futur?

N. DELABAYS, G. MERMILLOD et C. BOHREN, Agroscope RAC Changins, case postale 254, CH-1260 Nyon 1 E-mail: nicolas.delabays@rac.admin.ch

Tél. (+41) 22 36 34 444.

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Résumé

Au niveau mondial, les cas d’adventices devenues résistantes aux herbicides ne cessent de croître. La Suisse n’est pas épargnée par ce phénomène, même si sa situation reste enviable comparée à celle de certains pays voisins. Cet article retrace l’historique du développement des résistances aux herbicides en Suisse, pour l’instant limitées aux triazines et aux urées substituées. Il discute les risques présentés par les sulfonylurées et expose un bref état de la situation mondiale concernant les résistances au glyphosate. Les règles de prudence à appliquer pour limiter le développement des résistances aux herbicides en général sont également rappelées.

Plusieurs espèces du genre Amaranthus ont développé en Suisse des populations résistantes aux triazines et cela, dès le début des années 80.

Le galinsoga hérissé (Galinsoga ciliata) est la dernière espèce en date pour laquelle une résistance aux triazines a été répertoriée et décrite en Suisse.

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Introduction

Par définition, une plante est considé- rée comme résistante à un herbicide lorsqu’elle est devenue capable de sur- vivre à un traitement qui, normalement, devrait lui être fatal. Il faut également qu’elle soit apte à transmettre, à tout ou partie de sa descendance, cette capacité nouvelle à surmonter l’effet de l’herbi- cide. Concrètement, pour un agriculteur, il y a résistance lorsque, dans son champ, une mauvaise herbe habituellement bien contrôlée par un traitement herbicide parvient, à partir d’un moment donné, à survivre à ce dernier et à envahir la culture. Au niveau mondial, le nombre d’espèces d’adventices ayant développé des biotypes résistants à un ou plu- sieurs herbicides ne cesse de croître.

Aujourd’hui, HEAP(2004) comptabilise 171 espèces qui ont fait l’objet d’une description précise.

L’agriculture suisse n’est pas épargnée par ce phénomène. Ainsi, dans notre pays, on recense actuellement 16 es- pèces ayant développé des résistances aux herbicides (tabl. 1); encore ne s’agit-il là que des cas «officiels», c’est-à-dire qui ont fait l’objet d’une description précise, validée à l’aide d’un protocole expérimental détaillé.

Cette situation, bien que nettement moins grave que celle que connaissent certaines régions de pays voisins, exige néanmoins une vigilance soutenue de la part de notre agriculture. Dans ce contexte, il nous a paru utile de briève- ment rappeler l’historique du dévelop-

pement des résistances aux herbicides en Suisse et les enseignements que l’on peut en tirer. Parallèlement, dans un souci de prévention, nous présentons quelles sont les perspectives possibles avec quelques herbicides parmi les plus utilisés aujourd’hui. Enfin, nous rappe- lons les règles à appliquer pour limiter l’apparition et la diffusion de ces résis- tances.

Résistances aux triazines

Pour la Suisse, la première description d’une mauvaise herbe résistante à un herbicide dans la littérature date de 1977 (GRESSEL et al., 1982); il s’agissait en l’occurrence d’une population de ché- nopode blanc (Chenopodium album), repérée à l’intérieur d’une parcelle de maïs dans le canton d’Argovie (fig. 1).

Par la suite, plus d’une dizaine d’es- pèces présentant une résistance similaire aux triazines ont été rapportées, jus- qu’au galinsoga hérissé (Galinsoga ci- liata) découvert en 1991, décrit par MAYOR et MERMILLOD (1992). Sans doute en existe-t-il d’autres, mais qui n’ont pas été répertoriées systématique- ment. Le mécanisme de cette résistance est aujourd’hui relativement bien connu:

celle-ci résulte presque toujours d’une mutation dans le génome chloroplas- tique, mutation qui modifie la composi- tion en acides aminés (une sérine est remplacée par une glycine) de la pro- téine-cible de l’herbicide, la protéine 32kD. Cette protéine, intégrée à la membrane thylacoïdale des chloroplas- tes, participe au transfert d’électrons qui accompagne le processus de la photo- synthèse. Les herbicides de la famille des triazines se fixent normalement sur cette protéine, perturbant ainsi la pho- tosynthèse. En changeant de composi- tion, la protéine modifie sa configura- tion et l’herbicide ne peut plus s’y fixer: un peu à la manière d’un change- ment de serrure. L’herbicide n’interfère Fig. 1. Le chenopode blanc (Chenopodium album) est la première espèce végétale qui a dé- veloppé un biotype résistant à un herbicide en Suisse, en l’occurrence à l’atrazine. Il a été découvert en 1977 en Argovie, dans une parcelle de maïs.

Tableau 1. Chronologie de l’apparition d’espèces résistantes aux herbicides en Suisse.

Année Espèce Herbicide

1977 Chenopodium album Triazines

1982 Amaranthus blitum Triazines

1982 Amaranthus cruentus Triazines

1982 Amaranthus retroflexus Triazines

1982 Chenopodium polyspermum Triazines

1982 Conyza canadensis Triazines

1982 Senecio vulgaris Triazines

1983 Solanum nigrum Triazines

1986 Chenopodium ficifolium Triazines

1986 Amaranthus buchonii Triazines

1986 Poa annua Triazines

1986 Stellaria media Triazines

1988 Amaranthus lividus Triazines

1988 Erigeron canadensis Linuron

1989 Senecio vulgaris Linuron

1991 Galinsoaga ciliata Triazines

1996 Apera spica-venti Isoproturon

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donc plus avec la photosynthèse et perd toute efficacité: la plante est devenue résistante, elle ne réagit plus à l’herbi- cide, même appliqué à de très hautes concentrations (jusqu’à plus de 100 fois la dose normale). Monogénique (c’est- à-dire résultant de la mutation d’un seul gène, en l’occurrence celui qui code pour la protéine 32kD), une telle résistance est donc totale et très visible lors du traitement. Issue d’une mutation au niveau du génome chloroplastique, elle est transmise presque exclusivement par voie maternelle (en règle générale, il n’y a pratiquement pas de chloro- plastes dans les grains de pollen).

Aujourd’hui, dans la pratique, les résis- tances aux triazines sont bien maîtri- sées par les agriculteurs. Il existe en effet d’autres herbicides qui permettent de compléter le spectre d’action. Ainsi, par exemple, si l’on en croit les don- nées rassemblées dans le cadre du ré- seau PI de Suisse romande, plus de 90% des parcelles de maïs sont encore traitées à l’atrazine.

Résistances

aux urées substituées

Outre les deux cas de dicotylédones ré- sistantes au linuron rapportés dans la littérature (BEURET, 1988 et 1989): un conyze (Conyza canadensis) et un sé- neçon (Senecio vulgaris), le principal problème rencontré avec les urées sub- stituées concerne les jouets-du-vent (Apera spica-venti) devenus résistants à l’isoproturon (IPU). Le premier cas d’A. spica-venti résistant à l’IPU a été détecté en 1996 sur le domaine de Changins (MAYOR et MERMILLOD, 1996). Bien que l’IPU, à l’instar de l’ensemble des urées substituées, agis- se sur le même site que les triazines (ce sont également des inhibiteurs de la photosynthèse), le mécanisme de la ré- sistance est dans ce cas d’une tout autre nature. Lors de l’application, l’herbicide inhibe effectivement la photosynthèse.

Contrairement à la situation rencontrée lors d’une résistance aux triazines, l’iso- proturon se fixe donc bien sur sa cible;

d’ailleurs, la plante traitée réagit visi- blement au traitement. Cependant, chez le biotype devenu résistant, la photo- synthèse se rétablit progressivement; la plante récupère et finalement survit. On estime aujourd’hui que, dans ces plan- tes, une «détoxification» de l’herbicide est opérée: la plante le métabolise et fi- nalement le neutralise (DURST, 1991).

En règle générale, ce type de résistance, appelée métabolique, ne porte que sur quelques fois la dose normale (cinq à dix fois environ).

Constatant la multiplication des témoi- gnages relatifs à la perte d’efficacité de l’IPU contre des jouets-du-vent, nous avons développé un biotest permettant de confirmer rapidement les cas sus- pects. Celui-ci est réalisé directement sur une feuille prélevée sur la plante suspectée de résistance (fig. 2) et utilise une analyse de la dynamique d’induc- tion de la fluorescence, un critère ren- seignant sur le fonctionnement, correct ou inhibé, de la photosynthèse (DELA-

BAYS et MERMILLOD, 1999). Aujour- d’hui, rien que pour la Suisse romande, la résistance à l’IPU de plus d’une quinzaine de populations d’A. spica- venti a pu être confirmée grâce à ce biotest. Parallèlement, ce dernier nous a permis d’étudier en détail la géné- tique de cette résistance et de préciser sa transmission d’une génération à l’autre. Longtemps, les résistances de type métabolique ont été considérées comme ayant une origine polygénique;

c’est-à-dire qu’on pensait qu’elles ré- sultaient des effets conjugués de plu- sieurs gènes qui s’accumulaient pro- gressivement dans les plantes jusqu’à les rendre résistantes. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons croisé des plantes sensibles avec des plantes résis- tantes et observé, grâce à notre biotest, la transmission de la résistance dans les descendances. A notre grande surprise, une transmission typiquement mendé- lienne a été observée: les descendances étaient composées soit totalement de plantes résistantes, soit d’une propor- tion moitié-moitié de plantes totalement

résistantes ou complètement sensibles.

Aucune répartition régulière de résis- tances intermédiaires n’a été observée, ce qui aurait dû être le cas si nous étions en présence d’un déterminisme polygénique de la résistance. Il apparaît donc que nous nous trouvons en face d’une résistance monogénique domi- nante, transmissible aussi bien par voie maternelle que par le pollen.

Actuellement, comme pour les résis- tances aux triazines, il existe des alter- natives pour la lutte chimique contre les jouets-du-vent résistants à l’IPU dans les céréales. Le problème peut donc encore être géré dans la pratique.

Parmi les herbicides de substitution, on utilise de plus en plus les sulfonylurées ou des matières actives qui leur sont apparentées.

Situation

avec les sulfonylurées

A ce jour, aucun cas de mauvaise herbe résistante à une sulfonylurée n’a été of- ficiellement confirmé en Suisse. Reste que l’utilisation de cette famille d’her- bicides est en constante augmentation et qu’il est notoire qu’elle est apte à sé- lectionner des biotypes résistants (TRA-

NELet WRIGTH, 2002). La vigilance est donc de mise.

Les sulfonylurées sont des herbicides qui inhibent l’acétolactate synthétase (ALS), une enzyme impliquée dans la synthèse de trois acides aminés impor- tants: l’isoleucine, la valine et la leu- Fig. 2. Le biotest développé à la RAC, qui vise à vérifier l’existence d’une résistance à l’iso- proturon (IPU), s’applique sur des feuilles directement prélevées sur les plantes suspectes.

Il nous permet de confirmer rapidement les cas qui nous sont soumis et, surtout, il a rendu possible une étude détaillée de la génétique de la résistance à l’IPU chez le jouet-du-vent (Apera spica-venti).

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cine. Il s’agit d’une voie métabolique spécifique des végétaux, ce qui ex- plique la très faible toxicité de cette classe de molécules vis-à-vis des ani- maux et de l’homme. De plus, ces her- bicides sont utilisés à des dosages ex- trêmement réduits, souvent de quelques dizaines de grammes à l’hectare seule- ment; cela contribue à leur conférer un profil très favorable à l’environnement.

Depuis leur introduction dans les cé- réales il y a une vingtaine d’années, l’utilisation de ces herbicides s’est ré- gulièrement étendue en Suisse, avec des produits aujourd’hui homologués dans le maïs, la pomme de terre, le soja et même, depuis peu, dans la vigne (Chikara). Or, l’expérience d’autres pays montre que le développement de résistances peut être relativement rapide avec cette classe d’herbicides: aux Etats- Unis, il a suffi de quelques années d’utili- sation intensive et répétée pour qu’appa- raissent des biotypes résistants (TRANEL et WRIGTH, 2002). Au niveau mondial, dès 1998, les sulfonylurées ont détrôné les triazines pour ce qui concerne le nombre d’espèces devenues résistantes (HAEP, 2004). Dans la majorité des cas, ces résistances découlent d’une mutation du gène codant pour l’enzyme ALS:

comme dans le cas des résistances aux triazines, à la suite de la mutation, l’herbicide ne peut plus se fixer sur sa cible et perd son pouvoir inhibiteur. Le gène muté appartient au génome nu- cléaire et est donc transmissible autant par voie maternelle que par le pollen.

Qu’en est-il du glyphosate?

Le glyphosate, commercialisé depuis plus de vingt-cinq ans, est aujourd’hui l’herbicide le plus vendu au monde. En Suisse aussi, son utilisation est extrê- mement importante: on l’estime à envi- ron 150 tonnes par année, soit plus de 10% de la quantité totale des pesticides commercialisés dans notre pays. Il s’agit d’un herbicide (presque) total, c’est-à-dire qu’il présente un très large spectre d’efficacité. Il agit en inhibant la biosynthèse des acides aminés aroma- tiques: phénylalanine, tyrosine et trypto- phane. Jusqu’à récemment, on a estimé peu probable le développement de mau- vaises herbes résistantes à cet herbicide (BRADSHAWet al., 1997): n’avait-il pas été abondamment utilisé pendant plus d’une vingtaine d’années, sans qu’au- cun cas de résistance ne soit rapporté?

Pourtant, en 1996, un ray-grass (Lo- lium rigidum) résistant a été détecté en Australie (PRATLAYet al., 1999). D’au- tres biotypes de L. rigidum résistants au glyphosate ont par la suite été iden- tifiés dans ce même pays, de même

qu’en Californie (SIMARMATA et al., 2003), puis en Afrique du Sud. Une autre espèce de ray-grass, Lolium mul- tiflorum, a également développé des biotypes résistants au glyphosate au Chili et au Brésil (HEAP, 2004). Enfin, une autre graminée résistante, Eleusine indica, a été découverte en Malaisie (TRANet al., 1999). En ce qui concerne les dicotylédones, le cas d’une conyze (Conyza canadensis) résistante au gly- phosate a été rapporté en 2001, dans une parcelle de l’Etat du Delaware (Etats-Unis) cultivée avec du soja transgénique «RoundupReady» pendant trois ans (VANGESSEL, 2001). De nom- breux autres biotypes ont été réperto- riés depuis, dans différents Etats (HEAP, 2004). Parallèlement, une conyze (Co- nyza bonariensis) et un plantain (Plan- tago lanceolata) apparemment résis- tants ont été déclarés récemment en Afrique du Sud (HEAP, 2004).

Des études effectuées au niveau molé- culaire ont montré que la séquence d’acides aminés de l’EPSP synthétase, l’enzyme qui constitue la cible du gly- phosate, est modifiée chez le biotype d’Eleusine indica résistant et que l’affi- nité de l’enzyme avec l’herbicide est cinq fois moindre que dans les plantes sensibles (DILLet al., 2001). Par contre, aucune mutation n’a encore été détec- tée chez les biotypes résistants de Lo- lium rigidum, ce qui suggère un autre mécanisme de résistance chez cette es- pèce (SIMARMATAet al., 2003). On peut préciser ici qu’en Australie, les popula- tions de ray-grass, notamment Lolium rigidum, ont développé de nombreuses

résistances aux herbicides ces dernières années; il est vrai que certaines par- celles subissent un nombre considérable de traitements herbicides.

Le système de production agricole est évidemment très différent en Suisse, et il faut bien préciser ici qu’aucun cas de résistance au glyphosate n’a été détecté dans notre pays. Cependant, compte tenu de l’importance qu’a prise cet her- bicide, une certaine prudence et la vigi- lance sont certainement justifiées.

Globalement, quelle stratégie peut-on re- commander pour limiter les risques d’ap- parition de résistances aux herbicides?

Comment prévenir le développement des résistances?

En considérant uniquement le désher- bage chimique, la principale règle à ap- pliquer pour limiter le développement de résistances consiste à alterner, dans une parcelle, les herbicides utilisés pour la lutte contre les mauvaises herbes. A cet égard, il est évident qu’une rotation diversifiée des cultures permet d’élargir la palette des herbicides utilisables dans une parcelle. Cependant, il faut avoir conscience que la flore qui s’exprime au niveau d’un champ est souvent en bonne partie liée à la culture en place;

ainsi, certaines espèces se développe- ront principalement, voire exclusive- ment, dans l’une ou l’autre culture.

C’est pourquoi il est conseillé, même à l’intérieur d’une rotation équilibrée, d’alterner les matières actives utilisées

Tableau 2. Aspects économiques de l’application d’une stratégie de prévention vis- à-vis du développement de populations d’adventices résistantes aux herbicides.

Demain:

Etablissement de populations d’adventices résistantes

Coût du désherbage élevé en permanence

Demain:

Développement des résistances maîtrisé

Coût du désherbage stabilisé

Aujourd’hui:

Applications systématiques des herbicides les moins onéreux (p. ex. atrazine, IPU, glyphosate)

Faible alternance des matières actives utilisées

Aujourd’hui:

Choix des herbicides tenant compte de la prévention des résistances: applications alternées de produits plus chers (brevets)

Alternance diversifiée des matières actives utilisées

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dans une culture donnée. Bien évidem- ment, c’est souvent le prix qui détermine le choix d’un traitement herbicide; mais il peut être utile de comparer le coût in- duit par l’utilisation alternée d’un her- bicide plus cher avec celui que génére- rait une population adventice devenue résistante à l’herbicide le meilleur mar- ché: même au niveau purement finan- cier, prévenir vaut souvent mieux que guérir... (tabl. 2).

Des questions récurrentes dans les dis- cussions relatives aux risques de dévelop- pement de plantes résistantes aux herbi- cides concernent l’influence éventuelle du dosage. Par exemple, des sous-dosa- ges fréquents peuvent-ils faciliter le dé- veloppement de biotypes résistants, ou est-ce que ce sont au contraire plutôt des surdosages qui les favoriseront, en ac- centuant la pression de sélection? Il n’y a pas de réponse simple et univoque à de telles questions. Cela pourra dépendre de l’espèce, de sa biologie et de son mode de reproduction notamment, ainsi bien sûr que du type de résistance et surtout de son déterminisme génétique. Schéma- tiquement, une résistance polygénique, constituée de l’accumulation dans la plante de facteurs qui s’additionnent pro- gressivement, sera favorisée par des sous- dosages systématiques. En effet, dans ce cas de figure, les plantes portant l’un ou l’autre des gènes diminuant, même très légèrement, l’efficacité de l’herbicide au- ront plus de chance de survivre (prati- quement, un traitement normal n’est ja- mais efficace à 100%) et de participer à la constitution de la génération suivante.

Dans cette dernière, les individus addi- tionnant les «petits» facteurs de résis- tance de leurs deux parents augmenteront leur propre capacité à survivre à l’herbi- cide et pourront se recroiser avec d’au- tres plantes également favorisées. Après quelques générations à ce régime, des plantes capables de supporter plusieurs fois une dose normale peuvent être sélec- tionnées, par accumulation progressive de ces «petits» facteurs génétiques qui additionnent leurs effets respectifs.

La situation est différente avec les ré- sistances monogéniques. Dans ces cas, même un très fort dosage (correspon- dant à plusieurs fois la dose normale) s’avère insuffisant pour éliminer ces plantes qui apparaissent spontanément à la suite d’une mutation unique. Un simple surdosage ne fait donc que limi- ter le nombre de plantes sensibles qui survivent éventuellement à un traite- ment normal (on l’a dit, dans un champ, un traitement normal n’est jamais effi- cace à 100%). Les plantes résistantes portant la mutation, même extrêmement peu nombreuses au départ, sont ainsi les seules à participer à la génération

suivante. Progressivement, de par la pression de sélection exercée par l’her- bicide surdosé, la résistance se diffuse à l’ensemble de la population.

Cette description est certes très sché- matique, mais elle illustre bien la diffi- culté de vouloir gérer les résistances à l’aide des dosages. En théorie, dans une situation d’incertitude quant à la génétique des résistances susceptibles de se développer dans une parcelle, abritant en plus de nombreuses espèces différentes, c’est une alternance de sous- dosages et de surdosages qu’il convien- drait d’appliquer pour limiter au mieux les risques de développement de résis- tance (GARDNERet al., 1998).

Pratiquement, on constate que la majo- rité des résistances observées dans notre pays sont de nature monogénique, soit des résistances susceptibles d’être favo- risées plutôt par des surdosages. C’est également le cas pour les sulfonylu- rées, la classe d’herbicides qui présente les risques les plus élevés de dévelop- per, ces prochaines années, des biotypes résistants. D’ailleurs, l’expérience mon- tre que ce sont les espèces les plus sen- sibles à ces herbicides – soit, au niveau d’une parcelle, celles qui sont en situa- tion de «surdosage» – qui ont développé le plus rapidement des populations ré- sistantes (SAARI et al., 1994). Concrè- tement, on peut dire aujourd’hui que la crainte de favoriser l’apparition de ré- sistances par l’application de dosages modérés n’est guère fondée. Ces dosa- ges modérés sont donc judicieux lors- que les conditions de traitement sont favorables: faible infestation, stade op- timal des adventices, bonnes conditions climatiques et de sol, etc.

Conclusions et discussion générale

Très souvent, l’utilisation irraisonnée d’un biocide induit une adaptation de l’organisme visé. Les adventices des cultures ne dérogent pas à cette règle, qui ont développé nombre de résis- tances aux herbicides utilisés pour les combattre. La Suisse n’est pas épar- gnée par ce phénomène, mais il est im- portant de relever qu’elle bénéficie d’une situation encore favorable si on la compare à celles que connaissent certains de nos voisins. A titre d’exem- ple, on peut citer les populations de vulpins à résistances multiples qui se sont développées outre-Jura. Globale- ment, il apparaît donc que le système de production agricole suisse est plutôt équilibré. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce constat positif: nos par- celles cultivées restent d’une taille rela-

tivement réduite; en règle générale, une bonne rotation, diversifiée, des cultures est encore appliquée; notre paysage agricole est ponctué de zones non trai- tées, en augmentation d’ailleurs, qui réduisent d’autant la pression de sélec- tion exercée par les pesticides, herbi- cides compris; enfin, la palette de pro- duits à la disposition de nos agriculteurs est encore relativement large. Cela dit, la vigilance reste de mise. Aujourd’hui, en ce qui concerne le développement des résistances aux herbicides, il est légitime de nourrir quelques craintes face au rétrécissement prévisible de la gamme d’herbicides à disposition des produc- teurs. Les contraintes environnemen- tales ont justifié une remise en cause de certains produits, trop souvent retrou- vés dans notre environnement, dans l’eau notamment pour ce qui concerne les herbicides. A l’échelle européenne, une nouvelle législation se met en place qui vise à éliminer les molécules problématiques pour l’environnement et considérées comme «non essen- tielles» pour la gestion d’une culture.

Cette notion de produit «non essentiel»

est de prime abord assez simple à défi- nir: n’est pas «essentiel» un produit qui peut être remplacé par un autre, dispo- nible. Cependant, dans la perspective de la gestion des résistances, qui se base justement, et principalement, sur l’alternance de matières actives, on comprendra les limites d’une telle défi- nition; à moyen terme, se retrouver avec une seule famille d’herbicides dans une culture serait la pire des situations.

Pour sauver un maximum de molécules intéressantes pour l’agriculture, une uti- lisation prudente et parcimonieuse des produits aujourd’hui à disposition est donc plus que jamais nécessaire.

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Zusammenfassung

Herbizid-resistente Unkräuter in der Schweiz: Vergangen- heit, Gegenwart... Zukunft?

Die Anzahl herbizidresistenter Unkräuter steigt weltweit.

Auch der Schweiz wird dieses Phänomen nicht erspart, doch die Situation ist im Vergleich zu Nachbarländern nach wie vor als komfortabel zu beurteilen. Im vorliegenden Artikel wird die Geschichte der Entwicklung der Herbizidresistenz in der Schweiz beleuchtet. Gegenwärtig sind in unserem Land nur die Triazine und die Harnstoff-Derivate betroffen. Wir be- leuchten die Risiken der Resistenzbildung gegenüber Sulfo- nylharnstoffen und skizzieren die Situation um Glyphosate mit weltweit entstehenden Resistenzen. Im weiteren möchten wir die Regeln in Erinnerung rufen, welche die Entwicklung von Resistenzeigenschaften bei Unkräutern begrenzen können.

Summary

Herbicide resistant weeds in Switzerland: past, present...

future?

The number of herbicide resistant weeds is worldwide rising.

In Switzerland too, resistant biotypes have been reported. In this paper, we present the chronolology of the development of herbicide resistances in our country, up to now limited to triazines and ureas. We also discuss the risks of resistance development associated to the use of sulfonylureas and present a brief overview of the situation worldwide regarding resistances to glyphosate. At last, we recall the rules to apply in order to limit the development of herbicide resistances.

Key words: herbicide resistance, resistance management, Switzerland.

Chronique

Analyse chimique des sols:

méthodes choisies

Clément MATHIEU et Françoise PELTAIN, Editions TEC &

DOC, Paris 2003, 386 pages, ISBN 2-7430-0620-X, 65 € L’analyse chimique du sol est pratiquée depuis de nom- breuses années avec des instruments sans cesse plus précis et performants, qui exigent des opérateurs un bagage technique accru et dont le mode de fonctionnement devient de moins en moins accessible au simple utilisateur du résultat. Les au- teurs de cet ouvrage ont volontairement choisi de présenter les analyses en privilégiant la description des manipulations sur le banc de laboratoire et la référence aux expériences pra- tiques accumulées durant leurs parcours professionnels.

Après un chapitre consacré au prélèvement d’échantillons représentatifs et correspondant aux objectifs des analyses prévues, les principales méthodes utilisées en pédologie et science de la nutrition des plantes sont présentées.

Chaque chapitre débute par un rappel des bases scientifiques et pratiques établissant le bien-fondé de l’analyse. Les auteurs poursuivent avec une description sommaire des méthodes disponibles et enfin avec la présentation détaillée des modes opératoires conseillés, incluant de nombreuses remarques utiles à la réalisation pratique des analyses.

Cet intéressant ouvrage s’adresse à ceux qui désirent réaliser eux-mêmes ou faire exécuter des analyses chimiques, et sur- tout comprendre les mécanismes chimiques à l’œuvre dans chaque réaction. Les modes opératoires sont décrits avec beau- coup de précision et les méthodes présentées ont presque toutes pour caractéristique de ne pas requérir un équipement trop dispendieux.

J.-A. Neyroud

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