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Appellations d'origine contrôlée et indications gé ographiques protégé es: enjeux et perspectives en Suisse

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Ecole polytechnique fédérale de Zurich

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Président: Olaf Kübler

Appellations d'origine contrôlée et indications gé ographiques protégé es: enjeux et perspectives en Suisse

Martine DUFOUR, Institut d'économie rurale de l'EPFZ, CH-1015 Lausanne, Association suisse pour la promotion des AOC-IGP, CH-1936 Verbier Village.

E-mail: infos @ aoc-ig

~ p.ch

Tel. (+41) 0878 878 998.

Introduction

L' agriculture suisse de la fin du XXe siè- cle est marquée par des changements importants qui ont remis en cause les logiques antérieures de développement agricole. La globalisation de l'écono- mie, la saturation des marchés, la dispa- rition des soutiens des prix, la suppres- sion progressive des barrières tarifaires obligent notre agriculture à être tou- jours plus compétitive. Les agriculteurs ne doivent plus chercher à augmenter leurs volumes de production mais à mettre sur le marché des produits qui permettent une meilleure rémunération et qui satisfont des consommateurs tou- jours plus exigeants vis-à-vis des pro- duits alimentaires.

Dans ce contexte, les réflexions se multiplient sur la nécessité de donner aux produits suisses un profil clair qui les distingue d'autres produits substi- tuts, souvent meilleur marché. Le cré- neau de la qualité apparaît comme une chance pour positionner des produits qui ne sont pas concurrentiels par leur prix. La qualité ne s'exprime cependant pas seulement à travers l'aspect du pro-

duit, son goût, sa valeur nutritive ou son mode de production, mais aussi à travers l'ancrage territorial d'un produit dans une région. Ce lien avec le terroir est une qualité, car il donne au produit une forte identité, tout en rassurant le consommateur.

Bases légales suisses et européennes

pour les AOC et les IGP Repères historiques

Certains produits portent le nom de la région d' où ils sont traditionnellement issus. L'usage de cette dénomination géographique est justifié par le fait que le produit doit ses qualités aux savoir- faire et aux caractéristiques agronomi- ques propres à la région. Ces produits ont souvent un nom réputé qui risque d'être usurpé par des produits substi- tuts fabriqués hors du bassin de pro- duction traditionnelle ou par des pro- ductions standardisées qui n'ont plus aucun lien avec leur terroir.

En Suisse, le manque de bases légales a pendant longtemps empêché de pro- téger les noms géographiques tradition- nels et de les réserver à un produit bien particulier. Ni le consommateur, ni le producteur n était à l'abri des appro- priations trompeuses. Il n'y avait aucune condition cadre pour profiler des pro- duits se distinguant par leur origine ou leur mode de production (BARJOLLE et

MESPLOU, 1995).

Cette lacune a été comblée en 1996 avec la nouvelle orientation de la poli- tique agricole, qui a pris en compte le passage nécessaire d'une logique pro- ductiviste à une démarche de qualité.

La révision de la Loi sur l'agriculture a introduit une base légale (article 18 a-c) pour les produits agricoles élaborés se- lon un mode de production particulier (par exemple la production biologi- que), présentant des caractéristiques spécifiques ou se distinguant par leur origine. Cette loi a ouvert la porte à des dénominations géographiques tra- ditionnelles qui peuvent être protégées par l' Etat.

Définition des concepts AOC et IGP

Les notions d' AOC pour Appellation d'Origine Contrôlée et d' IGP pour In- dication Géographique Protégée sont définies en Suisse dans l'ordonnance du 28 mai 1997 concernant les appellations d' origine et les indications géographi- ques des produits agricoles et des pro- duits agricoles transformés (RS 910.12).

Cette ordonnance ne concerne pas les Résumé

La politique des Appellations d'Origine Contrôlée (AOC) et des Indica- tions Géographiques Protégées (IGP) a été mise en place en Suisse en 1997 sur un modèle européen. Elle permet de protéger des dénomina- tions traditionnelles liées à un terroir. Ce dispositif juridique poursuit des buts qui ne se limitent pas à la défense juridique de noms géographi- ques. Il doit permettre à des producteurs de positionner des spécialités de qualité sur des marchés où la concurrence avec des produits substi- tuts bon marché s'accroît toujours davantage. Les AOC et les IGP rem- plissent des objectifs socio-économiques et culturels.

Revue suisse Agric. 33 (4): 157-162, 2001 157

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appellations vinicoles qui sont régies par l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur la viticulture et l'importation de vin.

L' AOC est le nom d'une région dési- gnant un produit qui en est originaire.

Sa qualité est due au terroir, qui com- prend des facteurs humains et naturels.

Une AOC est entièrement fabriquée dans sa région d'origine. Pour un fro- mage AOC, par exemple, le lait provient de la zone, le fromage y est fabriqué et il y est ensuite affiné. Il ne peut être produit nulle part ailleurs.

La notion d'AOP (appellation d'origine protégée) s'emploie en Europe et équi- vaut à celle d' AOC (appellation d'ori- gine contrôlée) utilisée en France ou pour les vins suisses. Nous parlerons pour notre part d' AOC dans cet article, puisque c'est le terme qui a été adopté dans la pratique par la plupart des pro- fessionnels suisses.

L' IGP est également réservée à un pro- duit issu d'une zone délimitée, mais toutes les étapes de sa production ne prennent pas forcément place dans la région qui lui donne son nom. Les sa- voir-faire lui confèrent son identité, mais sa qualité est moins fortement liée à son terroir. La viande d'un saucisson sous IGP peut, par exemple, provenir d'un élevage situé à l'extérieur de la zone IGP.

Les AOC et les IGP appartiennent au domaine public, contrairement à une marque, qui relève du droit privé et qui appartient à son titulaire.

Un pas vers

l'Union Européenne

Comme cette base légale est destinée à harmoniser les conditions d' échange avec l'Union européenne, l ordonnance suisse est fortement inspirée du rè- glement européen (CEE) 2081/92 du 14 juillet 1992 relatif à la protection des appellations d'origine et des indi- cations géographiques des produits agricoles et des denrées alimentaires.

Un premier pas vers cette reconnais- sance réciproque a été franchi avec les accords bilatéraux entre l'Union euro- péenne et la Suisse, dans lesquels une déclaration d'intention prévoit que les parties doivent oeuvrer- à la reconnais- sance mutuelle de leur registre des ap- pellations d' origine.

L'Union européenne compte à ce jour près de 600 Appellations d'origine ou Indications géographiques protégées, avant tout des produits carnés, des fro- mages, des fruits et des légumes. La France, l'Italie et le Portugal regrou- pent à eux seuls plus de la moitié des produits enregistrés.

Objectifs et enjeux des AOC et des IGP

L'ordonnance sur les AOC et les IGP poursuit des objectifs qui ne se limitent pas à la protection juridique visant à protéger des dénominations tradition- nelles. Elle a aussi des enjeux écono- miques, sociaux et culturels qui sont loin d'étre négligeables.

Enjeux économiques pour les producteurs

Selon PORTER (1985), une firme peut accroître sa compétitivité en produisant à meilleur prix ou une adoptant une stratégie de différenciation qui lui per- met d'acquérir une caractéristique uni- que à laquelle les clients attachent de la valeur. Les filières AOC et IGP s'ap- puient sur cette différenciation par la qualité, qui va permettre à des produits de se faire une place sur le marché en dépit de coûts de production souvent Il

élevés (BARJOLLE et CHAPPUIS, 1999).

Les agriculteurs situés dans des zones périphériques peuvent s'insérer dans une économie globalisée en jouant la carte de l'identité (BARJOLLE et al., 1999).

Enjeux

pour la décentralisation

Cet objectif économique a aussi des enjeux sociaux puisque le maintien de volumes de production et la mise en valeur de produits régionaux doivent permettre de sauvegarder des emplois agricoles et ruraux, notamment dans les zones défavorisées où la concurrence de produits moins chers implique une forte pression sur la viabilité des entre- prises agricoles. La politique des AOC et des IGP participe aux buts de la poli- tique agricole suisse qui veut encourager la décentralisation en fixant des popu- lations rurales grâce à une compétitivité renforcée des exploitations agricoles.

Enjeux

pour l'environnement

La politique des AOC et des IGP peut aussi contribuer à remplir des objectifs environnementaux. En liant un produit à son territoire, en inscrivant les prati- ques loyales de fabrication dans un ca- hier- des charges contrôlé, les AOC et les IGP peuvent devenir un outil pour garantir le respect de l' environnement, maintenir des paysages cultivés et en- tretenir des zones agricoles menacées par le retour de la forêt ou les friches

(BARJOLLE et al., 1999).

Enjeux

pour le consommateur

Les AOC et les IGP permettent par ailleurs de satisfaire des consomma- teurs toujours plus exigeants et attentifs à ce qu'ils achètent. En certifiant l'ori- gine des produits et les procédés de fa- brication, les AOC et les IGP offrent des garanties importantes recherchées par les consommateurs qui veulent autre chose que des produits standardisés, sans identité et aux méthodes de pro- duction incertaines. La proximité géo- graphique ou symbolique avec les pro- duits de terroir devient un gage de sécurité (MER, 1999).

Enjeux pour le patrimoine

Les AOC et les IGP permettent de maintenir des productions traditionnelles entourées de savoir-faire souvent ances- traux et garants de saveurs riches et sub- tiles. Elles contribuent ainsi à sauvegar- der la diversité culturelle et le patrimoine gastronomique (BÉRARD et MARCHENAY,

1995; 1999) menacés de disparaître par des productions industrielles déshuma- nisées répondant aux seuls critères de rentabilité. Une appellation devient ainsi le témoin de valeurs que la société ne veut pas voir disparaître.

Comment obtenir une AOC ou une IGP?

Une démarche collective pour définir le produit

Pour obtenir une AOC ou une IGP, les acteurs concernés doivent se rassembler pour former un groupe représentatif de l'ensemble de leur filière (producteurs, fromagers et affineurs, par exemple).

Cette structure interprofessionnelle ins- crit dans un cahier des charges les ca- ractéristiques de son produit. Fabricants et producteurs doivent se mettre d'ac- cord pour consigner par écrit les élé- ments nécessaires à la fabrication d' un produit traditionnel riche de saveurs qui donnent à l'appellation sa force et son identité. Cet accord ne va pas de soi, car il contraint les acteurs à définir par écrit leur produit. C' est une gestion collective qui permet de consigner des pratiques et des savoirs qui n'ont sou- vent jamais été codifiés (FAURE, 1999).

Le lien au terroir

Le cahier des charges doit contenir l'aire de production où l'appellation est fabriquée traditionnellement et donner des éléments historiques qui prouvent que le produit a une existence de longue

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date dans cette zone. Le lien entre le produit et son terroir doit également être mis en évidence. Mandaté par l'Office fédéral de l'agriculture, l'Institut d' éco- nomie rurale de l' ETHZ a réfléchi comment définir et comprendre le lien au terroir (BARJOLLE et al., 1998).

Il ressort de cette recherche que le lien au terroir naturel (l'«effet terroir» dont on parle en viticulture et qui veut que les caractéristiques sensorielles du pro- duit soient dues au milieu physique où il est produit) est souvent difficilement démontrable pour les produits alimen- taires, même s'il est souvent revendiqué.

Dans ce domaine, l' étude menée par les Stations fédérales de Changins (RAC) et de Liebefeld (FAM) est par conséquent exemplaire puisqu'elle per- met de faire le lien entre le fromage de l' Etivaz, la provenance de son lait et la flore des alpages: certains terpènes (composés volatils odorants que l'on trouve dans diverses plantes) se retrou- vent dans les crèmes et les fromages (BOssET et al., 1999).

BARJOLLE et al. (1999) donnent plusieurs pistes qui s'appuient sur des travaux d'ethnologues, d'historiens ou de géo- graphes pour montrer le lien entre le pro- duit et son terroir en tant qu'espace de savoir-faire et de traditions localisé. Ils insistent sur l'importance des enquêtes de terrain pour comprendre pourquoi certai- nes pratiques propres à la région donnent au produit ses caractéristiques uniques.

La notion de terroir, prise dans ses di- mensions environnementales, histori- ques et culturelles, est intiment liée à la définition de l'aire de production. Elle en justifie les contours et permet d'ex- pliquer pourquoi telle zone fait ou ne fait pas partie de l'aire de production définie dans le cahier des charges.

de l'avertissement à la suspension de l'usage de la dénomination.

Chaque filière choisit elle-même son organisme de certification. La plupart des interprofessions suisses ayant de- mandé à ce jour une AOC ou une IGP ont choisi l'Organisme Intercantonal de Certification (OIC), créé entre les can- tons romands et le Tessin dans le but d'offrir aux filières AOC et IGP des contrôles performants et avantageux.

Le contrôle des dénominations incombe aux cantons dans le cadre des compé- tences que leur attribue la législation sur les denrées alimentaires. Dans la pratique, ce contrôle relève de la com- pétence des chimistes cantonaux. I1 n'y a pas de système de répression des fraudes en Suisse, même si la mise en place d'un tel système est possible, conformément à l'art. 182 de la Loi sur l'agriculture.

Les instances décisionnelles

L'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) est chargé de recevoir les de- mandes d'enregistrement, de statuer sur leur conformité aux exigences requises et définies dans l'ordonnance, de tenir le registre fédéral des AOC et des IGP et de surveiller les organismes de certi- fication.

Les dossiers sont aussi examinés par une Commission fédérale des AOC et des IGP, créée en 1998. Ils sont la plu- part du temps validés au préalable par des institutions professionnelles ou les autorités cantonales qui ont aidé les producteurs dans leur démarche.

Dans la pratique, un dossier fait plu- sieurs aller et retour entre le groupe- ment demandeur et l' OFAG qui de-

mande aux professionnels de compléter certains points de la requête. La typicite du produit est souvent mal mise en évi- dence et les méthodes de production insuffisamment expliquées. Les techno- logies modernes ne sont pas forcément rejetées, mais elles ne doivent pas alté- rer les éléments fondateurs de l'identité du produit.

Lorsque le produit et son cahier des charges sont acceptés par l'Office fédé- ral de l'agriculture, cette décision est publiée dans la Feuille d'Avis officielle.

Si aucune opposition n'est retenue, les AOC et les IGP peuvent être enregis- trées après trois mois. En cas d'opposi- tions, celles-ci sont examinées par l' OFAG, qui pourra les rejeter ou les accepter. Le recours reste en tous les cas possible.

Situation actuelle des AOC

et des IGP en Suisse

Vingt-huit produits ont déposé à ce jour une demande d' AOC ou d' IGP à l'OFAG pour des produits aussi divers que des fromages, des saucissons, des viandes séchées, des eaux-de-vie et des fruits. La majorité des produits pro- viennent de Suisse romande. La Suisse alémanique est en effet moins sensible à la démarche AOC, certainement parce qu'elle est moins fortement sous l'in- fluence de la France et de ses appella- tions réputées. Quatre produits ont été enregistrés en Suisse (l' Etivaz AOC, le Rheintaler Ribel AOC, Tête-de-Moine- fromage de Bellelay AOC et la viande des Grisons IGP); d'autres produits ont déjà été mis à l'enquête, mais ont ren- contré des oppositions (voir encadré).

La certification

Chaque produit ayant obtenu une AOC ou une IGP verra ses conditions de pro- duction contrôlées par un organisme de certification accrédité à la norme euro- péenne EN 45 011 (norme garantissant l'indépendance, la neutralité et la com- pétence des organismes certifiant des produits).

L'organisme de certification doit mener régulièrement des contrôles dans les entreprises et auprès des agriculteurs pour vérifier que les exigences liées à l'appellation sont pleinement respec- tées. Il supervise aussi les autocontro- les menés par chaque producteur, ainsi que les analyses sensorielles du pro- duit. Si un produit ou une étape de sa fabrication se révèle non conforme au cahier des charges, l'organisme peut décider de sanctions qui peuvent aller

AOC et IGP en Suisse

Produits enregistrés

a

ce jour:

• Etivaz AOC, Rheintaler Ribel AOC (semoule de maïs), Tête-de-Moine- fromage de Bellelay, viande des Grisons/Bünd nerf leisch IGP.

Produits en examen pour une demande d'AOC:

• Abricotine, Damassine, eau-de-vie de poires du Valais

• pomme Maigold, poire-à-Botzi fribourgeoise

• pain de seigle valaisan

• Boutefas

• Berner Alpkàse-Hobelkàse, Bündnerkâse-Bündner Bergkêse, Emmen- taler, formaggio d'Alpe Ticinese, Gruyère, Raclette du Valais, Sbrinz, Schwyzer, tomme vaudoise, vacherin fribourgeois, vacherin Mont-d'Or.

Produits en examen pour une demande d'IGP:

• pommes de terre du Gros-de-Vaud

• saucisse d'Ajoie, saucisson neuchâtelois/saucisse neuchâteloise, saucisson vaudois, saucisse aux choux vaudoise

• viande séchée du Valais

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:

Tableau 1. Taux de connaissance des mentions AOP, AOC et IGP en Europe.

Mentions France Europe

AOP 8,5% 6,3%

IGP 5,6% 3,60/o

AOC 65,30/o 15,60/0

Appellation d'origine protégée 16,60/o 13,50/o

Indication géographique protégée 6,30/o 7,50/o

Appellation d'origine contrôlée 88,30/o 33,60/o

Source: INRA, 1999.

Fiel. 1. Le Rheintaler Ribel AOC est une semoule de maïs blanche Fig. 4. Le Gruyère serait sur le point d'obtenir son AOC. Il est ur- typique de la vallée du Rhin, qui entre dans la composition de nom- gent de pouvoir protéger ce nom et ce produit qui font partie de breux repas traditionnels de la région. notre patrimoine culturel et gastronomique.

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Fig. 2. La viande des Grisons a été enregistrée comme IGP et non AOC, car la viande ne provient pas du canton des Grisons. Grâce à l' IGP, la dénomination «viande des Grisons»

ne peut pas être utilisée pour des imitations.

Fig. 3. Le doigté du fromager est indispen- sable pour déterminer le moment précis ou il faut sortir le fromage L' Etivaz de la cuve.

L'Etivaz, fromage a pâte dure produit ex- clusivement à l'alpage sur feu de bois dans la région du Pays-d'Enhaut, est la première AOC suisse (photo Boris Jost).

L'enregistrement du Gruyère devrait être imminent. Le dossier du Gruyère est particulièrement complexe, car ses enjeux économiques sont importants et il met en présence de très nombreux acteurs, à la fois en Suisse romande et en Suisse alémanique. Ses conditions de fabrication vont de méthodes encore très artisanales (Gruyère d' alpage) à des méthodes plus industrialisées. Le consensus au sein de la filière est diffi- cile à trouver, certaines restrictions et exigences du cahier des charges n'étant pas toujours comprises. L'enjeu du dossier du Gruyère est important, puis- qu'il faut empêcher que ce terme ne tombe dans le domaine générique et puisse être utilisé dans toute l'Europe.

Comment rendre une filière AOC ou IGP performante

De 1996 à 1999, l'Institut d' économie rurale a participé à un projet européen (FAIR CT 95-306: «PDO-PGI Products:

Market, Supply Chain and Institutions») sur les filières AOC et IGP. Cette re- cherche, menée conjointement par la France, l'Italie, la Grèce, le Royaume- Uni, les Pays-Bas et la Suisse sur 21 appellations d'origine et indications géographiques protégées, a cherché à mettre en évidence les facteurs de suc- cès pour les filières AOP et IGP.

Il ressort de cette étude que les signes AOP et IGP ne sont pas en soi détermi-

nants (BARJOLLE et al., 1999). On ne peut pas parler de labels qui font ven- dre, car ces signes sont encore très mal connus par les consommateurs euro- péens (tabl. 1). L'Union Européenne a introduit en 1998 un logo fédératif pour l' AOP et l' IGP (fier. 5 ). Ce logo, facultatif, est encore peu utilisé par les professionnels et il ne contribue pas encore à faire connaître l' AOP dans les Etats membres (DUFOUR, 1999). La mention AOC est beaucoup mieux connue en France (tabl. 1), grâce à l'antériorité du système de protection pour les appellations d'origine.

Fig. 5. Le logo AOP de la Communauté europeenne.

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Le projet européen montre que ce sont les produits eux-mêmes et la coordina- tion au sein du groupe qui sont au cen- tre des facteurs de succès ou d'échec des filières AOP-IGP. La performance de la démarche AOP-IGP est liée à la mise en place d'une stratégie claire de différenciation du produit. Une défini- tion trop large du produit ne permet pas une bonne identification de l'appella- tion et de sa qualité (BARJOLLE et MES-

PLOU, 1997). Il faut cependant respecter les particularités qui peuvent exister d'un producteur a un autre et ne pas exagérer les contraintes du cahier des charges.

Le caractère collectif de la démarche est aussi un facteur clé du succès des AOC et des IGP. Le projet ne doit pas être l' apanage d'un petit groupe. Tous les producteurs doivent se sentir con- cernés par la mise en valeur de leur Il produit et par la gestion de sa qualité.

La recherche européenne montre fina- lement que le succès des AOC et IGP reste lié a l' attractivité du marché et elle met en évidence l' importance des soutiens publics (BARJOLLE et SYLVAN- DER, 1999) pour rendre le dispositif efficace.

L'Association suisse pour la promotion des AOC-IGP

L' ordonnance sur les AOC et les IGP n'envisage pas que l'Office fédéral de l' agriculture prenne des mesures de communication pour promouvoir les notions d'appellation d'origine et d'in- dication géographique. Les AOC et les IGP doivent toutefois devenir des si- gnaux de qualité crédibles et pertinents

pour le consommateur (VALCESCHINI,

1999.) Une étude menée par la Direction générale de l' alimentation en France

(ANONYME, 1994) sur la «Perception et images des produits alimentaires por- tant les reconnaissances officielles de qualité» montre que les signes officiels de qualité attirent la confiance, mais qu'ils ne sont déterminants dans le choix des consommateurs que s'ils sont connus (DUFOUR, 1999).

Fi,g. 6. Les logos AOC et IGP de l'Associa- tion suisse pour la promotion des AOC-IGP.

Pour répondre à cette nécessité de faire connaître les signes AOC et IGP en Suisse, une Association pour la promo- tion des AOC-IGP a été créée à Berne en février 1999. Elle veut regrouper tou- tes les interprofessions qui ont fait une demande d' AOC ou d' IGP pour devenir une plate-forme d'échanges et de com- munication. Elle est propriétaire d'un logo AOC et d'un logo IGP (fig. 6), ainsi que des logos GUB et GGA pour les mentions en allemand.

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AOC et des ' T~ `s' illsCrlt ddnS . les préoccupations, actuelles de l'upi- gnon ;occtderitale,

Q U ouverture des marchés peut en- courager les régions à vouloir faire reconnaître la dimension patrimo- niale ou la spécificité de produits issus d'une culture et d'une his- toire. L' ancrage reconnu et protégé de ces produits dans leur territoire leur ouvre la porte à un accès loyal au marché et permet aux ré- gions périphériques de s'insérer dans une économie globalisée.

❑ Cette insertion ne sera pleinement possible que si les appellations suisses et européennes sont recon- nues au niveau mondial. La libé- ralisation du commerce doit s'ac- compagner de mesures qui garan- tissent des chances honnêtes aux indications géographiques (ac- cords TRIPS).

❑ La démarche de l' AOC est un ins- trument de structuration des filiè- res agricoles, car elle recentre les intérêts des acteurs autour de leur produit et les encourage à une gestion collective de leur appella- tion et de sa renommée.

❑ Les AOC et les IGP ne seront des outils concurrentiels que si elle sont des signes reconnus qui gui- dent le consommateur dans ses achats.

❑ La politique des AOC et des IGP ne sera entièrement efficace que lors- que les compétences en matière de répression des fraudes (surveil- lance de l' utilisation correcte des dénominations) seront coordon- nées.

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Summary

Protected Denomination Of Origin and Geographical Indication Legislation in Switzerland: benefits and per- spectives

The protected denomination of origin and geographical indica- tion legislation were engaged in 1997 in Switzerland after an European regulation. This legislation fosters and encourages the manufacture of value-added products in decentralised re- gions often experiencing low economic outputs and increases their competitiveness on the market. An number of sozio-eco- nomic and cultural benefits emerge from such an approchh.

Key words: protected denomination of origin, PDO, protec- ted geographical indication, PGI, supply chain, terroir, Swiss agricultural policy, code of practice, registration procedures.

Zuzammenfassung

Geschützte Ursprungsbezeichnungen und geographi- shen Angaben: Ziele und Ausichten in der Schweiz In der Schweiz wurde 1997 die Politik der geschützten Ur- sprungsbezeichnungen (GUB oder AOC) und der geschützten geographischen Angaben (GGA) aufgrund des europischen Models lanciert. Ihr Ziel besteht daraus, traditionelle geogra- phische Namen, die an ein Gebiet («Terroir») gebunden Sind, rechtlich zu schützen. Dies erlaubt den Produzenten, ihre Qualittsprodukte (Spezialitten) auf dem Markt zu positio- nieren, wo die Zahl der billigen Substitutionsprodukte stetig ansteigt. Die GUB und GGA Produkte haben auch sozio- ôkonomische und kulturelle Ziele, welche in diesem Artikel zur Sprache kommen.

Chronique

Fonctionnement

des Peuplements végétaux sous Contraintes

environnemen tales

Paris (France), 20-21 janvier 1998. P. Maillard, R. Bonhomme (ed. )

Collection Les Colloques NI' 93, INRA, Paris, 2000 ISBN 2-7380-0911-5; 568 p., 270 FF

Comprendre le fonctionnement des peuplements végétaux dans leur environnement exige de connaître aussi bien le comportement des plantes dans leur milieu de croissance que les modifications d'un environnement soumis à la pré- sence de végétaux. Cet objectif constitue la thématique d'un ouvrage qui réunit des travaux pluridisciplinaires consacrés à l'analyse des liens dans le système complexe plante-envi- ronnement. Les 27 contributions réunies dans cet ouvrage proviennent de différentes unités de recherche de l' INRA.

L'état des connaissances et les développements actuels concernant les relations cultures-environnement, ainsi que la représentation du fonctionnement des facteurs biotiques et abiotiques régulateurs sont proposés au travers de cinq cha- pitres, brièvement décrits ici.

• Une approche compartimentale du fonctionnement des couverts végétaux donne tout d'abord un aperçu des prin- cipaux mécanismes physiologiques de leur croissance:

flux carboné et flux azoté. Ainsi, l'analyse du rôle des ré- serves C et N permet de discuter des relations de compé- titions inter- ou intraspécifiques dans les peuplements d'espèces fourragères. Un bilan environnemental du fonctionnement d'une culture de colza fait état des diffé- rents modèles dynamiques nécessaires à la quantification des émissions directes et permet d'introduire les précau- tions à prendre dans ce type d'analyse.

• Le second chapitre vise la compréhension des couverts végétaux

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travers une description de leur structure dans

l'espace. Les éléments de fonctionnement sont définis au niveau de l'architecture et de l'organisation des plantes d'une part et de celles des peuplements d'autre part. Le fonctionnement d'une culture de maïs peut être simulé par un modèle en 3D de différents niveaux architectu- raux: l'organe, la plante et le peuplement. Par ce même moyen, l état d'approvisionnement en azote d'une cul- ture de blé peut être rendu.

• L' analyse des relations entre les peuplements végétaux et le sol étudie les effets des contraintes minérales sur la nu- trition et la croissance des plantes: par exemple, le fonc- tionnement d'un blé dont la nutrition azotée est insuffi- sante et la croissance d'un maïs souffrant de déficience en phosphore.

• La description des contraintes biotiques comprend un volet important consacré à la compétition pour la lumière entre plantes cultivées et mauvaises herbes ou entre plantes associées. Un article consacré aux agents patho- gènes décrit l' évolution des méthodes d'appréciation de la nuisibilité et traite de l'intérêt de la modélisation pour la compréhension de relations complexes dans le temps entre le pathogène, la plante et l'environnement abio- tique. Le fonctionnement d'un peuplement soumis

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un agent pathogène est plus particulièrement étudié sur les cultures de pois et de blé.

• Finalement, les réactions de différentes variétés de blé à leur milieu de croissance permettent d'analyser la varia- tion des comportements selon des facteurs génotypiques.

Une part importante des articles est consacrée à des activités de recherches pointues, ce qui rend le passage d'un thème à l'autre relativement ardu. Toutefois, cette approche pluridis- ciplinaire permet de rendre compte des développements méthodologiques actuels et des possibilités de représentation de systèmes aussi complexes que les peuplements végétaux et leur environnement. La modélisation de ces relations ouvre de nouvelles dimensions d'étude, en 3D et dans le temps, ainsi que de nouveaux ordres de grandeur et échelles d'appréciation. Cela sans explorer les domaines de l'infini- ment petit.

Ral)hai l Charles

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