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Les gorges de Moutier et de Court

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Academic year: 2022

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(1)Les gorges de Moutier et de Court. Autor(en):. Pierrehumbert, Philippe. Objekttyp:. Article. Zeitschrift:. Actes de la Société jurassienne d'émulation. Band (Jahr): 46 (1942). PDF erstellt am:. 29.01.2022. Persistenter Link: http://doi.org/10.5169/seals-555384. Nutzungsbedingungen Die ETH-Bibliothek ist Anbieterin der digitalisierten Zeitschriften. Sie besitzt keine Urheberrechte an den Inhalten der Zeitschriften. Die Rechte liegen in der Regel bei den Herausgebern. Die auf der Plattform e-periodica veröffentlichten Dokumente stehen für nicht-kommerzielle Zwecke in Lehre und Forschung sowie für die private Nutzung frei zur Verfügung. Einzelne Dateien oder Ausdrucke aus diesem Angebot können zusammen mit diesen Nutzungsbedingungen und den korrekten Herkunftsbezeichnungen weitergegeben werden. Das Veröffentlichen von Bildern in Print- und Online-Publikationen ist nur mit vorheriger Genehmigung der Rechteinhaber erlaubt. Die systematische Speicherung von Teilen des elektronischen Angebots auf anderen Servern bedarf ebenfalls des schriftlichen Einverständnisses der Rechteinhaber. Haftungsausschluss Alle Angaben erfolgen ohne Gewähr für Vollständigkeit oder Richtigkeit. Es wird keine Haftung übernommen für Schäden durch die Verwendung von Informationen aus diesem Online-Angebot oder durch das Fehlen von Informationen. Dies gilt auch für Inhalte Dritter, die über dieses Angebot zugänglich sind.. Ein Dienst der ETH-Bibliothek ETH Zürich, Rämistrasse 101, 8092 Zürich, Schweiz, www.library.ethz.ch http://www.e-periodica.ch.

(2) LES GORGES DE MOUTIER ET DE COURT par M. le Pasteur PH. PIERREHUMBERT. AVAWT-PHOPOS. L'auteur de cette étude a été incité par /a Section prévôtoise de l'Emulation à rédiger ces f/ueZc/ues pages sur Zes « Gorges de Montier et de Court ». ZZ a répondu avec pZaisir à cet appeZ. Après trente-trois ans de ministère à Montier, ce n'est pas sans émotion,. qu'il quitte. Za. riante contrée de Moutier-GrandoaZ et. ses gorges. céZèZrres.. Ces gorges, que de /ois l'auteur. a parcourues : à vélo, à moto, en auto, en voiture à deux cZiecaux, une /ois en cZiar à Z?œu/s, Zes. côté d'tih Zrraoe paysan, comme /adis Zes rois ?nérouingiens /moyen de Zocomotion pZein de douceur et qui permet d'ufiZes contempla-. à. fions). Afais cette étude des Gorges n'est pas seulement le clianf du depa/Z ; c'est Ze produit de recZierc/ies qui suivirent Z'éfoouZe?Jîent de J937..

(3) I. Eboulements dans les Gorges de Court. 1°. L'EBOULEMENT DU 27 MARS 1937. Cet éboulement donna à nos Gorges une renommée presque mondiale. De tous les coins de l'horizon accoururent cles visiteurs empressés. Un dimanche, on en dénombra vingt mille. La police était sur les dents, les photographes aussi. Des automobiles, des motos, des vélos en grand nombre ; quelques humbles piétons qui avaient toutes les peines du monde à conserver le bien le plus précieux de l'homme ici-bas : la vie. Les journaux consacraient des pages à « cet éboulement magnifique ». Que s'était-il passé Voici quelques renseignements précieux : les dois à des souvenirs personnels et surtout à l'amabilité de M. je A. Peter, ingénieur en chef à Delémont, qui a bien voulu me communiquer son beau rapport sur Le glissement de terrain dans les Gorges de Montier-Court, paru en 1938 dans la revue La route et la circulation routière. C'est à ce rapport si documenté et si exact que j'emprunte des renseignements et des clichés. Les premiers indices d'un mouvement de terrain furent constatés dans la matinée du 27 mars 1937 par le mécanicien d'un train descendant de Court à Moutier : la forte secousse ressentie au passage de la locomotive indiquait que la voie s'était déplacée. Un deuxième indice apparut le 28 mars : ce fut la rupture de la conduite forcée de 80 centimètres de diamètre posée dans la route. La circulation ferroviaire put cependant être maintenue jusqu'au 31 mars. Mais, dès ce jour-là, il fallut suspendre la circulation des trains et procéder au transbordement des voyageurs. C'était là d'ailleurs quelque chose de fort pittoresque qui enchantait les jeunes et... les autres. Les événements allaient d'ailleurs se précipiter : dès le 2 avril, la circulation routière était aussi arrêtée. La superficie du terrain intéressé était de 10 ha ; la masse en mouvement de deux millions de mètres cubes environ, d'après les estimations de M. le géologue D"" Buxdorf. Il se forma deux lobes à la partie inférieure du glissement. Le Zobe amont, avançant sur un front de 80 mètres en direction ouest,.

(4) —. 97. —. vers la Birse, entraîna avec lui la voie ferrée et la route ; cette dernière en même temps fut soulevée. Le lit de la Birse fut envahi et la rivière refoulée vers la gauche. Son niveau s'éleva de 6 mètres environ, provoquant la formation d'un petit lac en amont de cette partie du front de l'éboulement.. Commencement de t'édon/emenf. Lac /or/né par /'éôoa/emenf.

(5) —. 98. —. Le lobe aoaZ évolua différemment ; son mouvement était plutôt superficiel. Il déborda les têtes rocheuses de l'Argovien et recouet la route. Puis il s'engagea dans le lit de la Birse, élevant un barrage de neuf mètres de hauteur, derrière lequel naquit un deuxième lac.. vrit la voie. Les photographes et les journaux ont reproduit, il y a cinq ans, les différents aspects de cette catastrophe qui interrompit le trafic ferroviaire et routier entre Court et Moutier.. L'ejccavafewr an Iravaf/. Quant aux causes du glissement, elles résidaient dans les précipitations abondantes des mois de janvier, février et mars, qui atteignirent le triple de la quantité habituelle. D'autre part la température fut, en janvier et février, de deux à quatre degrés supérieure à la moyenne. Il s'ensuivit que le sol s'imprégna d'eau d'une façon anormale. La partie supérieure de la zone en question était marécageuse et, dans cette région, l'eau des pluies persistantes put pénétrer plus profondément que dans les conditions atmosphériques ordinaires. Ces terrains, alourdis et rendus plastiques, exercèrent une pression sur les matériaux de la partie inférieure, lesquels se mirent en mouvement. Le glissement n'intéressa que la partie superficielle de la grande masse d'éboulis qui occupe le versant oriental.

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(7) — des gorges. D'après le. tout. à. 100. —. D' Buxdorf, c'était un glissement d'éboulis. fait typique.. Il y. a de nömZ?ret<ses sources dans la. région de l'éboulement, mais leur débit est variable. Elles subissent rapidement l'influence de la pluie et de la sécheresse, comme du reste toutes les sources d'éboulis. Leur alimentation s'effectue non pas de l'intérieur de la chaîne de Graitery, mais l'eau vient du terrain d'éboulis. Le débit total de toutes les sources qui sourdent sur le glissement variait entre 133 litres-seconde (11 sept. 1937) et 0,1 litreseconde (30 octobre 1937). La plus importante d'entre elles, qui se trouve en bordure supérieure de la niche provoquée par le lobe aval, a un débit variant entre 4—1800 litres-minute. On sait avec quel zèle et quelle science nos ingénieurs et nos autorités luttèrent pour réparer la voie ferrée et la route elle-même. Et si nous ne pouvons pas souscrire à la pancarte affichée par un inconnu dans nos gorges le dimanche 4 avril 1937 : « Le génie humain vaincra les forces de la nature », nous pouvons cependant rendre hommage au dévouement, au travail et à la science des spécialistes et de leurs collaborateurs dans cette lutte contre un fléau qui coupait en deux notre Jura. La voie ferrée fut consolidée, la route rétablie par les soins du Gouvernement bernois — toujours plein d'amabilité pour notre Jura — et la conduite d'eau, qui fournit l'électricité à Moutier, remise à neuf. La route suit maintenant un autre itinéraire ; elle a passé de droite à gauche — au moins pour la partie la plus menacée de son parcours. Elle a repris le tracé de la route faite en 1752 par l'évêque de Bâle Joseph-Guillaume Rinck de Baldenstein. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes (si l'on ose maintenir cette expression à l'heure actuelle) en attendant la suite... La suite Oui, la suite, car dans les gorges de Court, les catastrophes et les éboulements se succèdent à un rythme assez régulier. Le passé est là pour nous en convaincre, et c'est de lui que nous voudrions parler. L'histoire est toujours utile à consulter : elle éclaire le présent et l'avenir. L'éboulement de 1937, si prodigieux qu'il fut, n'est pas un cas isolé. Les siècles d'avant l'histoire ont enregistré des bouleversements et des soulèvement gigantesques : nous n'en parlons pas... et pour cause. Sans vouloir remonter au Déluge (ce qui est un peu lointain) mais seulement au XVIII' siècle, nous pouvons signaler plusieurs éboulements plus ou moins considérables : celui du mois de mai 1770, celui de mars 1844 et d'autres encore..

(8) — 2°. 101. —. L'ÉBOULEMENT DE 1770. Voici la lettre d'un bourgeois de Court — sans doute le maire adressée à la Chancellerie de l'Evêque de Bâle, Simon-Nicolas — de Montjoie. « 1770 mai 24. A la noble Seigneurie. faisait actuellement de nouveaux éboulements aux Roches de Court au lieu dit sous Za Baume, j'y courras cl'abord et je trouvai la terre qui était encore en mouvement. La rivière a été gonflée jusqu'à une distance d'environ cent toises plus avant contre Court, mais sans qu'il en résulte encore et même avant bien du temps aucune inondation nuisible à la chaussée (la route de l'évêque Rinck de Baldenstein de 1752), la superficie de l'eau étant encore plus de trois toises plus basse que le rez de chaussée. Ainsi que loin qu'elle soit interrompue, il faut encore des éboulements considérables pour produire cet effet. Etant de retour à la maison, je reçus les ordres dont vous m'honorés et je fus fâché que l'on vous ay conseillé de prendre la route de Bellelay pour retourner à la maison. Je verrai en descendant s'il sera arrivé quelque chose de nouveau, car pour des précautions à prendre maintenant, je n'en prévois point. Votre très humble et très obéissant serviteur. ». Ayant appris par des paysans qu'il. se. Au reçu de cette missive, l'évêque de Bâle adressa une lettre au Bandelier Moschard de Moutier, ordonnant aux bourgeois de ce lieu d'enlever les arbres renversés pour que les eaux de la rivière ne compromettent pas la sécurité de la nouvelle route (celle de 1752) de l'autre côté de la rivière. L'évêque, d'une façon très judicieuse, attribue cet éboulement au fait que la Communauté de Moutier a trop coupé d'arbres dans les gorges de Court pour les usines de Courrendlin et qu'on a permis aux bûcherons de « creuser les troncs et les racines des arbres pour en tirer de la poix noire où il est résulté, dit l'évêque, que les eaux des pluyes et neiges fondues s'étant ramassées dans les trous, ne trouvant point d'écoulement, ont filtré dans la terre et fentes des Rochers sur des bancs de marne jusqu'à ce que l'éboulément a été nécessité de se manifester par le dépérissement des racines qui tenaient la masse comme enchaînée. » On voit que l'évêque de Montjoie — ou ses conseillers — avait une idée très nette des choses et que son prédécesseur, l'évêque Rinck de Baldenstein, avait eu raison de construire la route sur la rive gauche de la rivière, où les terrains et les rochers sont plus solides..

(9) — 3°. 102. —. L'ÉBOULEMENT de 1844. En mars 1844 un éboulement fort grave recouvrit en partie la nouvelle route. La nouvelle route, direz-vous, que signifie ce mot Un fait important s'était passé : le gouvernement bernois avait déclassé la route de l'évêque Rinck de Baldenstein de 1752 et construit à grands frais, de 1832 à 1834, une voie nouvelle dans les gorges de Court sur l'autre rive de la Birse. Lès ingénieurs bernois considéraient que le côté du Graitery était plus accessible que le versant du Mont Girod. L'entretien devait être moins onéreux, les risques d'accident moins grands. Or en 1844, dix ans seulement après l'achèvement des travaux, un terrible éboulement obstruait complètement la nouvelle route. De 1844 à 1937, c'est-à-dire pendant un siècle, cette route fut sans cesse menacée : que de glissements de terrain, que de réparations. La vieille route de l'évêque Rinck de Baldenstein était construite d'une façon plus logique et — si l'on ose dire —- du bon côté de la rivière. Admettons que des déboisements inconsidérés furent nuisible aux gorges de Court ; mais la catastrophe de 1937 aurait pu être évitée si la route de l'évêque avait subsisté..

(10) II Les voies de communication dans les Gorges de Court En voilà assez sur les éboulements ; il est temps d'arriver à quelque chose de plus stable : les voies de communication et la contexture des gorges de Court. Les uoies de communicaiion tout d'abord. Entre le Grandval — vallée de Moutier — et l'Orval — vallée de Tavannes — il y a... les gorges de Court. Comment ces gorges ont-elles aidé ou nui aux relations du Jura Nord avec le Jura Sud Question intéressante et importante aussi. 1°. AVANT LA ROUTE DE L'ÉVÊQUE RINCK DE BALDENSTEIN. Notre Jura ne possédait pas ces grandes artères romaines qui sillonnaient l'Helvétie. Par contre un certain nombre de « chemins muletiers » mettaient en relation les unes avec les autres les différentes régions de notre pays. L'un de ces chemins nous intéresse tout particulièrement : celui qui traversait le Jura et la Prévôté de Moutier-Grandval. Il quittait à Boujean la grande voie romaine et pénétrait dans le Jura par Reuchenette, Sonceboz, Pierre-Pertuis et Tavannes. A Tavannes, la route bifurquait : un embranchement s'en allait la Tanne à Mandeure et entrait dans les Gaules ; l'autre Ionpar geait la vallée de la Birse pour rejoindre à Bâle la route nationale de Rhénanie.. La question est de savoir si route cantonale actuelle.. ce chemin suivait le tracé de la. Nous avons — sur le conseil de M. le D'' Mouttet, conseiller d'Etat — consulté à ce sujet le « Dictionnaire historique de la Suisse » et les savants ouvrages de Stähelin : « Die Schweiz in römischer Zeit » et de Reinhardt : « Helvetien unter der Römern » et nous sommes arrivé à la conclusion suivante : le chemin de Tavannes à Bâle suivait à peu près la route actuelle jusqu'à Malleray ; de là, il montait à Champoz et redescendait à Moutier par le PetitChampoz. On retrouve d'ailleurs des traces de voie ancienne au Petit-Champoz ; j'ai eu l'occasion de le constater moi-même il y a.

(11) —. 104. —. une trentaine d'années : aujourd'hui ces pierres disparaissent sous une couche de terre toujours plus épaisse. Il est à remarquer qu'en 1937 et 1938, pendant que la route des gorges était presque entièrement fermée à la circulation des véhicules à moteur, on avait retrouvé la route de Bellelay et celle de Champoz. Et les gorges de Court Etaient-elles complètement abandonnées On sait que les anciens avaient horreur des gorges et que les « beautés de la nature » parlaient peu à leur cœur. Les gorges de Court devaient leur apparaître particulièrement sauvages et dangereuses. Les visiteurs parlent « de rochers sauvages et de terribles abymes ». Les gorges de Court, avant la route de 1752, n'étaient pourtant pas dépourvues de tout moyen de passage : des sentes et des pistes permettaient aux chasseurs, aux chevriers et aux bûcherons de longer la cluse et de profiter de la faune et des végétaux (herbes et arbres). C'est ce qui explique l'existence d'un pâturage aux Moutons dans le centre de la gorge. Ces pistes et sentiers n'étaient certes pas des « chemins muletiers » comme ceux de nos Alpes. C'était quelque chose de plus modeste et de plus primitif. Et cependant les bourgeois de Court qui allaient à Moutier porter leurs dîmes descendaient directement par les gorges en invoquant la protection de Dieu et celle de saint Germain.. 2°. LA ROUTE DE L'ÉVÊQUE RINCK DE BALDENSTEIN EN 1752. Disons d'abord un mot de l'évêque à qui l'on doit la route de Courrendlin à Court en passant par Moutier. Elle remplaça le « chemin muletier » — comme on dit dans nos Alpes — qui existait entre Moutier et Courrendlin et la piste qui longeait la Birse entre Moutier et Court. Joseph-Guillaume Rinck de Baldenstein vécut de 1704 à 1762. D'abord chancelier de l'évêque de Bâle, puis conseiller aulique, il fut prince-évêque de 1744 à 1762. Grâce à une administration sage et à un gouvernement paternel, il fit oublier le règne agité de son prédécesseur, Jacques-Sigismond de Reinach. Il fit exécuter de nombreux travaux d'utilité publique —• en particulier des routes — et établir un cadastre. Il réorganisa les forges de Bellefontaine et construisit de nombreux édifices à Porrentruy. En 1758, il signa avec le roi de France une capitulation militaire autorisant son puissant voisin à lever un régiment de soldats dans l'Evêché de Bâle..

(12) —. 105. —. C'est cet évêque qui, en 1752, lit construire entre Courrencllin et Court la belle route carrossable qui nous intéresse. Pour rappeler la fondation de cette voie fort utile — puisqu'elle supprimait le détour par Champoz ou Bellelay — et pour rappeler aussi son propre souvenir (c'est toujours prudent), l'évêque fit graver, à l'entrée des gorges de Court, l'inscription suivante en latin.. L'ancienne z'nscr/pi/on. c/e. /'LVégne /?inc/r. c/e. Nous donnons ici le texte et sa traduction. ßa/c/ensie/n 7752 :. IOSEPHUS GUILLIELMUS EX RINGKIIS DE BALDENSTEIN BASILIENSUM EPISCOPUS PRINCEPS VI AM VETERIBUS CL AUS AM RUPIBUS ET CLAUSTRIS MONTIUM RUPTIS BIRSA PONTIBUS STRATA OPERE ROMANIS DIGNO. APERUIT AN. MDCCLII. Joseph-Guillaume Rinck de Baldenstein, prince-évêque de Bâle, a ouvert en l'année 1752 cette route bordée d'antiques rochers, les barrières des monts ayant été brisées et la Birse traversée par des ponts ; ouvrage digne des Romains. » «.

(13) —. 106. —. On voit que l'évêque Joseph-Guillaume ne sous-estimait pas son œuvre et qu'il évoquait à son sujet les travaux des Romains ; ceci avec quelque raison. Le bon peuple, qui ne sait pas le latin et confond volontiers les siècles, ne retint de cette inscription que le mot « ROMANIS ». En souvenir de ces grands constructeurs de routes que furent les Romains, on appela le chemin non pas la route de Joseph-Guillaume, mais « le chemin des Romains », nom qui lui est resté jusqu'en 1937, date de la dernière catastrophe géologique. Disons sans tarder que cette route fut bien faite et bien entretenue, et qu'elle rendit de grands services en assurant des relations plus étroites et plus suivies entre le Jura Nord et le Jura Sud, entre le Jura catholique et le Jura protestant. Rappelons ici qu'en 1938, pendant les travaux de réparation de la route obstruée, le rocher qui rappelait l'entreprise de 1752 roula dans la Birse, entraînant trois ouvriers et... l'inscription de l'évêque Josephus Guillielmus ex Ringkiis de Baldenstein. Nos autorités, répondant au vœu de la Société d'Emulation, l'ont fait rétablir par le bon sculpteur Kaiser de Delémont. :. 3°. LA ROUTE DE 1832 - 34. La route de l'évêque Rinclc de Baldenstein, surtout dans son trajet de Moutier à Court, n'était pas du goût de Leurs Excellences. de Berne et de leurs ingénieurs. Le profil en long de cette route était assez- irrégulier, avec des déclivités allant jusqu'au 10 et 11 "/o, ce qui rendait la circulation difficile, surtout en hiver. Aussi, dès 1831, les autorités bernoises envisagèrent le transfert de la route de la rive gauche sur la rive droite de la Birse, où il était plus aisé, vu la configuration du terrain, d'obtenir un tracé plus régulier avec des pentes moins fortes. En outre les frais d'entretien de la chaussée et des ouvrages d'art devaient être moins onéreux. Cependant les autorités communales de Moutier n'étaient pas d'avis que ce projet fût heureux, comme en témoigne la lettre suivante qu'elles adressèrent au préfet du district de Moutier : '. «. Moutier, le. 1®''. septembre 1832.. A Monsieur Moschard, préfet du district de Moutier. Monsieur le Préfet M. le Lieutenant de Préfet ayant communiqué au Conseil communal la lettre que vous lui avez adressée le 24 août, relative au bout de route des Roches de Court, entre les deux ponts projetés,.

(14) —. 107. —. L'azzczezzzze z>zscr//j//o/z z/azzs /es. zf après. zz/z. Gorges. z/e Czzzzr/. z/essz'zz z/e ßz'rzzzazz/z. Pozz/ z/e /'£Vêz/zze /?z7zc/z z/e ßa/z/ezzs/e/zz.

(15) —. 108. —. d'après le plan de M. Müller, aux fins de savoir si la commune se chargerait de son entretien au cas que la route fût transférée sur la rive droite de la Birse, il a, dans sa séance du 31 août dernier, pris la détermination suivante : Le Conseil ne peut nullement se charger de l'entretien du bout de-route sur la rive droite de la Birse, étant convaincu par la connaissance des lieux que cet entretien serait beaucoup plus onéreux que celui sur la rive gauche dont la Commune avait consenti à se charger. La rapidité du terrain à plusieurs endroits marneux, avec nombre de sources d'eaux ne laisse aucun doute que si on établissait la route en cet endroit, les éboulements seraient encore plus fréquents... Agréez, M. le Préfet, etc. Vos très humbles serviteurs. signé signé. : :. :. Do. Gobât, Chs. Gobât.. ». Les autorités bernoises ne retinrent pas le point de vue exprimé par les autorités de Moutier ; elles se basèrent uniquement sur le rapport de l'ingénieur Watt, très favorable à l'établissement d'une nouvelle route sur la rive droite de la Birse. Cette voie fut faite et les éboulements se succédèrent à des intervalles réguliers. Les plus célèbres sont celui de mars 1844 et celui de mars 1937 (décidément le mois de mars est dangereux 4». LA VOIE FERRÉE. La section Court-Moutier fut achevée en 1877, après quatre années de travaux, et la ligne Court-Delémont en 1878. Une assemblée imposante de délégués des communes se tint à Delémont pour régler les affaires des chemins de fer jurassiens et inaugurer la ligne Court-Delémont : c'était le 17 février 1878. On entendit un fort beau discours d'Abram Boivin, bourgeois de Moutier, et on dégusta avec intérêt les vins de La Neuveville. La construction de la voie ferrée dans les gorges de Court et de Moutier avait d'ailleurs nécessité de gros efforts, des travaux difficiles et des sommes d'argent importantes. Cette ligne fut toujours « l'enfant de douleur » des compagnies ferroviaires. Dans un appel aux communes actionnaires, rédigé en 1877, nous lisons ces mots : « Des cas de force majeure (lisez : les éboulements), qui se sont produits dans le courant de l'année 1876, notamment sur les.

(16) —. 109. —. sections hérissées de difficultés apparentes et surtout non apparentes de Court à Moutier et de Glovelier à Porrentruy, ont à peu près absorbé les économies réalisées sur d'autres sections. » L'appel se terminait, comme il convient, par une demande de fonds aux « communes actionnaires ». Pendant la construction de la voie ferrée des gorges de Court, le ministère pastoral d'Abram Pettavel de Neuchâtel auprès des ouvriers de l'entreprise jette une note pittoresque. Abram Pettavel, qui avait deux frères au service de l'Eglise dans le canton de Neuchâtel, pratiquait lui-même un ministère itinérant. Il était fort original (on sait ce que ce nom signifie pour notre peuple) et polyglotte à souhait : il parlait l'italien, l'allemand et le français... Hôte, à la cure de Moutier, du pasteur Henri Gagnebin, il passait ses journées dans les gorges, enseignant l'Evangile aux ouvriers parmi lesquels il devint très populaire. Plusieurs d'entre eux, pour faire plaisir à Abram — comme on l'appelait familièrement — avaient renoncé aux jurements grossiers. Ils disaient gentiment « charrette » au lieu d'un mot plus énergique et « nom d'une pipe » au lieu de blasphémer le nom de Dieu. 5". LA ROUTE ACTUELLE. La construction de la nouvelle route, commencée au début d'avril 1938, fut terminée à fin novembre de la même année. Quant au revêtement de la chaussée, son exécution fut différée jusqu'en 1939. Durant ces travaux, on eut à déplorer la mort accidentelle de deux ouvriers ; un troisième fut grièvement blessé. L'accident fut provoqué par l'éboulement d'un bloc de rocher détaché d'une paroi haute de quinze mètres. L'entreprise achevée, le temps des épreuves n'était pas encore révolu. Le 5 mai 1939, à 8 heures du matin, un nouvel éboulement se produisit, mais cette fois sur la rive gauche de la Birse, à un endroit signalé par les géologues comme dangereux. La nouvelle route fut recouverte par une masse d'éboulis de cinq mille mètres cubes. Mais le mouvement des terrains fut promptement maîtrisé et, depuis lors, la route qui suit le tracé de la voie de l'évêque Rinck de Baldenstein a tenu bon. Ces travaux entraînèrent une dépense de 471,000 francs, soit 383 francs le. mètre courant. Un canal bétonné, recouvert de dalles mobiles de 20 centimètres d'épaisseur et de 40 centimètres de largeur, fut construit sur une longueur de 316 mètres. Il contient la nouvelle conduite en fer forgé de 800 millimètres. Le coût de ces transformations, entièrement à la charge de la commune de Moutier, fut de 262,000 francs ; à ce montant il y a lieu d'ajouter un déficit de 200,000 francs pour perte d'énergie électrique..

(17) —. 110. —. La ligne de chemin de fer fut rétablie sur son ancien parcours, mais — crainte de nouveaux glissements — il fallut élever une série de barrages et une digue longitudinale en bois et en pierre. Ces derniers travaux furent exécutés de 1940 à 1941 pour une somme de 125,000 francs. Jusqu'à présent, ce genre de protection s'est avéré très efficace. On remarque cependant par endroits, dans la traversée du lobe inférieur, que les masses frontales du glissement exercent une certaine pression qui ne constitue toutefois pas un danger. Du reste, les ouvrages dont il est question plus haut peuvent se réparer très facilement et sans grands frais. Le programme des travaux entrepris pour assurer les communications ferroviaires et routières de nos gorges se termina ainsi par la correction de la Birse. Actuellement la situation paraît tout à fait stable.. La catastrophe d'avril 1937 a eu des conséquences locales pour les C. F. F., pour le canton et pour la commune de Moutier, puisqu'elle a causé une dépense totale de 1,660,000 francs. « Une collaboration étroite ne cessa d'exister entre les organes des administrations intéressées, ce qui permit de résoudre — si l'on peut parler ainsi — le plus avantageusement possible, tant au point de vue technique qu'au point de vue économique, le problème devant lequel nous nous trouvâmes placés brutalement en avril 1937. » Ainsi s'exprime M. Peter, ingénieur en chef à Delémont, dans sa belle étude sur les Trauaux exécutés dans Zes gorges de Court à ta suite du gZissemenf de terrain de 1.937, parue dans la revue Strasse und VerZceZir. Nous le remercions de nous avoir communiqué ces pages intéressantes et les beaux clichés qui les accompagnent. Il faut bien reconnaître que les différents ouvrages qu'il a fallu exécuter — route asphaltée, murs bétonnés, conduites — ont compromis le charme des gorges de Court et supprimé la partie la plus pittoresque du chemin des Romains. Remercions nos autorités d'avoir rétabli la vieille inscription de l'évêque Rinck de Baldenstein. Une douzaine de mètre plus bas, on a gravé le texte suivant :. CETTE ROUTE A ÉTÉ CONSTRUITE EN 1938/39 SUR L'ANCIEN CHEMIN DU PRINCE-ÉVÊQUE DE BALE JOSEPH-GUILLAUME RINCK DE BALDENSTEIN A LA SUITE DU GLISSEMENT DE TERRAIN SURVENU AU MILIEU DES GORGES EN MARS/AVRIL 1937.

(18) III Géologie, flore et faune des Gorges de Court Donnons maintenant quelques renseignements géographiques et géologiques puisés à bonne source, c'est-à-dire dans le savant « Dictionnaire géographique de la Suisse ». L'altitude des gorges de Court est de 584 à 665 mètres. Le défilé grandiose s'étend sur trois kilomètres ; il est orienté du S.-O. au N.-E., entre le Mont-Girod à l'Ouest et le Graitery à l'Est. Les gorges de Court forment une cluse typique dans une voussure jurassique simple et admirablement constituée. Cluse signifie une coupure transversale dans les rides parallèles des chaînes de montagnes. Celle-ci est célèbre parmi les géologues et les botanistes. La paroi occidentale qui termine brusquement le Mont-Girod (1033 m.) présente de magnifiques voûtes dans les étages alternativement calcaires et marneux du Jurassique supérieur, ce qui produit des rampes rocheuses s'abaissant aux deux extrémités, c'est-àdire à l'entrée et à la sortie des gorges, où elles s'enfoncent dans le sol en couches verticales. La paroi orientale, beaucoup moins abrupte que l'autre, s'élève obliquement très haut jusqu'aux paliers séquaniens et aux pâturages du Graitery (1183 m.) Elle est peu solide : témoin l'éboulément de 1937 et, si l'on remonte plus haut, ceux de 1844 et de 1770. Citons, à propos des gorges de Court, quelques lieux-dits dont les noms nous aideront à comprendre la topographie de la région. La Birse est un nom celtique irlandais qui signifie : rivière ; ruisseau. Les noms de rivières et de montagnes sont bir ou pir en général celtiques. Le Graitery vient de gratte terrain à végétation pauvre et clairsemée (les Grattes, dans le canton de Neuchâtel, et Grattavau, près d'Aubonne). La Jean-Mat/rey, à l'entrée inférieure des gorges, rappelle un citoyen des temps passés qui a fait les premiers défrichements du Graitery. Les Eualins, également à l'entrée des gorges, près de la Verrerie de Moutier, portent un nom — assez connu dans le Jura — qui indique un lieu où l'on dévale du bois, c'est-à-dire où l'on fait glisser les arbres couchés dans la vallée..

(19) —. 112. —. zMonl-Gi'rotl est un nom propre précédé d'un nom commun. On sait que les Girod sont bourgeois de Pontenet et de Champoz. Du côté de Mont-Girod, nous avons la Bame, à 858 mètres d'altitude. C'est la forme jurassienne de Balme ou Baume qui se caverne dans une retrouve ailleurs. Ce mot vient du celte : balm paroi de rochers. Disons un mot aussi de la /lore des gorges de Court ; elle a une renommée bien méritée chez les botanistes. Le professeur Charles Knapp, de l'Université de Neuchâtel, écrit dans le « Dictionnaire géographique de la Suisse » : « Sur les rochers des gorges de Court, où les courants abaissent constamment la température, croissent quelques plantes alpines comme la Primula auricula en forme plus touffue que dans les Alpes. Le Pinns nnciniaia couronne, en groupes isolés, de ses sombres rameaux, les rochers nus jusqu'à mi-hauteur du Graitery. » La flore de nos gorges a été étudiée con amore par Auguste Charpier (1855-1918) de Bévilard, un Jurassien modeste, mais fort instruit et qui fait honneur à son village natal. Les « Actes » de la Société d'Emulation ont publié l'année de sa mort, en 1918, son étude fort documentée sur La Flore de la Cluse de Court. Son motto était cette parole d'Eugène Rambert :. Aimer les /leurs, c'est aimer l'innocence ; aimer les /leurs de son pays, c'est aimer ce que Dieu lui a donné de plus gracieux et de plus pur. Auguste Charpier, comme Charles Knapp, attribue aussi à l'âpreté du climat local, entretenue par des courants froids, la persistance de la végétation alpine. Citons surtout les fleurs aimées de tous et que malheureusement le vandalisme de promeneurs sans conscience tend à faire disparaître : La gentiane acauîe, admirable petite coupe, aux tons merveilleusement bleus. La primeuère des rochers et la belle auricule sont particulièrement recherchées et souvent brutalement déracinées. Seules, celles qui croissent sur les rochers inaccessibles conservent l'existence. L'androsace lactée, que l'on trouve souvent au Stockhorn comme sur les hauts sommets jurassiens du Hasenmatt, du Weissenstein et du Chasserai, fait l'ornement des gorges de Court. La hnplèure renoncule, qui forme de grandes colonies sur la Wandfluh (Jura soleurois), est signalée aussi par Auguste Charpier. L'athamanfhe de Crète également, qui a des feuilles velues et blanchâtres ou glabres et luisantes. C'est, de toutes nos ombellifères, celle dont le feuillage est le plus délicatement découpé..

(20) —. 113. —. L'ZréracZêe ou patte d'ours de montagne existe dans les endroits. humides. Signalons, parmi les plantes moins rares, la saponaire, la rose pi?npreneZZe, l'eitp/iraise de jnonfagne (dénommée vulgairement « casse-lunettes » parce que ses infusions guérissent les maux d'yeux) et l'aoaZette des sa/des. Parmi les arbres et arbustes, le plus rare est le pin de monfagne fpinws unciniafa), puis vient le bois geniiZ des AZpes (daphné alpina), petit arbuste qui s'orne en mai-juin de fleurs blanches auxquelles succèdent des baies orangées. Ce petit daphné voisine avec les deux cotonniers, sortes de néfliers sauvages à fleurs rosées donf les fruits rouges, ouverts par le haut, laissent saillir leurs pépins. Leur feuillage s'anime en automne d'une teinte rouge glauque particulière. Citons encore l'aune bZanc, le sauZe cotonneux, l'érabZe à /Zeurs d'obier, le genêt poiZu. Nous en aurons dit assez pour faire comprendre la richesse de la flore des gorges de Court. Nous exprimons ici le vœu ardent que cette parure magnifique soit respectée des promeneurs. Notre cœur se serre quand nous voyons, le dimanche soir, des visiteurs revenir d'excursion les mains pleines de fleurs de nos gorges. C'est piller un trésor qui finira par s'épuiser. Autre chose est de cueillir quelques fleurs avec amour. Nous serons beaucoup plus bref sur la /aune, qui est de peu d'importance : les animaux sauvages ont disparu. De temps à autre un aigZe ou un épercier, dont la retraite se cache dans les hauts rochers, fait entendre son cri. Quant à la faune domestique —- que rappelle un lieu-dit : « Le pâturage aux moutons » —- elle se réduit à quelques cZièurcs. Sur les pentes couvertes d'herbe, les moutons et les chèvres trouvaient jadis une abondante et savoureuse nourriture. Dans sa musette de cuir, le chevrier emportait un morceau de pain noir et du fromage maigre. Les fraises, les mûres, les framboises lui offraient ces vitamines si appréciées aujourd'hui. Il se désaltérait au torrent de la montagne. C'est dans le « pâturage aux moutons » que l'on a découvert une source qui produit 70 litresminute. C'était plus qu'il n'en fallait au maître du troupeau La gêoZogie de notre pays doit beaucoup aux gorges de Court : le dernier éboulement a fait surgir de terre des petites coquilles bleues qui ont des millénaires d'existence et dont nous avons eu la bonne fortune de recueillir quelques exemplaires. On sait que le savant géologue Gressly vit souvent accourir à lui des bergers qui prétendaient avoir trouvé dans la cluse dont nous nous occupons des pépites d'or ; hélas tout ce qui brille n'est pas or Rappelons qu'une ancienne institutrice de Moutier a laissé une belle collection de pétrifications tirées du même site..

(21) IV. Les Gorges de Moutier. Quittons les Gorges de Court, où nous nous sommes quelque peu attardés, traversons la belle vallée de Grandval (Grandis Vallis). Saluons au passage le c/iûfeau et le femple de Moutier construits sur la « colline historique » qui vit l'ancienne abbaye, la collégiale, le château des baillis, qui entendit les discussions passionnées des Prévôtois réunis en Landsgemeincle dans la Courtine, « rière l'Eglise », et qui entendit aussi en 1486 les délégations de Berne et celle de la Prévôté conclure un Traité de combourgeoisie. Et puis, engageons-nous dans les gorges de Moutier, car nous ne faisons pas l'histoire de Moutier, mais de ses célèbres gorges. Elles valent la peine d'être visitées et admirées, car elles sont parmi les plus belles et les plus pittoresques de notre Suisse et des milliers de visiteurs viennent chaque année les contempler. Les Prévôtois savent-ils assez reconnaître et admirer ce trésor de la Nature Est-il nécessaire de faire des lieues pour qu'un paysage soit digne d'admiration L'altitude des gorges de Moutier est de 527 mètres à l'entrée sud et de 449 mètres à leur sortie nord, vers Courrendlin. C'est donc une descente de 80 mètres. Tandis que les gorges de Court n'ont que trois kilomètres de longueur, celles de Moutier ont 6 km. 500. En quittant Moutier, la Birse coule directement vers le Nord, coupant obliquement deux chaînes de montagnes parallèles la Montagne de Moutier et le Raimeux au Sud ; la chaîne de Vellerat au Nord. :. 1°. DESCRIPTION DES GORGES DE MOUTIER a) Première cluse. Au nord de la station C. F. F. de Moutier s'ouvre la première cluse. Sur la hauteur, à gauche en descendant, un belvédère attire les regards : la Société d'embellissement de Moutier, toujours bien inspirée, y a fait placer un élégant pavillon ; c'est le lieu-dit les Golafs passage étroit ; du latin gukz, de là goule et gueule). A droite, ce sont les Rochers rouges, admirables points de vue du Raimeux..

(22) L'en/rée des Gorges. c/e. Mo h//er.

(23) —. 116. —. A l'entrée des gorges, il n'y a place que pour la rivière et la route ; aussi la voie ferrée est-elle protégée par des travaux d'art et un tunnel en maçonnerie. Cette entrée des gorges, jadis fort pittoresque, a souvent tenté le pinceau des peintres. Les bancs de caZcaire, ployés et soulevés, se dressent des deux côtés de la rivière en position verticale ; ces bancs durs forment d'immenses contreforts que séparent des cheminées étroites, creusées dans les couches délitables. Les rochers à gauche de la route — toujours en descendant —laissent échapper des filets d'eau, ce qui leur a valu le nom de Roches pZeiirewses. Il y a là un phénomène hydrographique intéressant qui mériterait d'être étudié. Un vieillard nous affirmait qu'il n'avait jamais vu les Roches pleureuses cesser de pleurer, même pendant la grande sécheresse de 1893 : en cette terrible année, de tous les villages voisins on y venait chercher de l'eau pure. Il faut croire à un chagrin bien grand... ou à des sources bien profondes. De la paroi opposée, côté Raimeux, descendent des torrents qui, en temps de pluie persistante, sont de toute beauté. Us furent particulièrement puissants le 13 juin 1938. La voie ferrée a, hélas fait disparaître la célèbre Cape ai/x 7?ronsses que les anciens peintres ont si souvent représentée. A droite en descendant, voici, avant la scierie, le CernewxGorgé, petit pâturage ravissant. Gorgé est le nom d'une ancienne famille bourgeoise de Moutier et Cerneux vient du vieux français enceinte, terrain clos, du latin circmus. cerne La scierie de Roches, dans un site très pittoresque, apparaît dans toutes les anciennes gravures. Elle est aujourd'hui encore en. pleine activité.. h) Le dé/iZé du ponf de Penne. A un kilomètre des Roches pleureuses, on trouve à droite la Combe du Pont et le Petit Rabnetfx, à gauche la Côte Picard et la BeZZe/ace. Le défilé est étroit et la voie ferrée doit traverser en cinq tunnels les gigantesques feuillets verticaux et les bancs calcaires redressés qui descendent du sommet de la montagne. C'est là qu'aboutit la Combe du Pont qui sépare le « Grand » du « Petit Raimeux ». C'est un pli en forme d'U, formé par les couches du jurassique supérieur. C'est là qu'est situé le Pont de Penne qui, depuis fort longtemps, réunit les deux rives de la Birse. Penne est le nom populaire de la longue poutre horizontale qui soutient les chevrons d'un toit. Ce pont, situé à un endroit très resserré des gorges, était jadis construit en poutres puissantes. Il pouvait, en temps de guerre, être.

(24) —. 117. —. démoli ou incendié en quelques heures, mesure qui fut appliquée à plusieurs reprises au cours des siècles. La grotte des Suédois domine le pont de Penne, nous en donnerons plus loin une description.. Varappe à /'aréfe du /?a/meax. L'arête du Raimetcr commence au pont de Penne ; elle est célèbre dans le monde des varappeurs et des alpinistes, qui viennent prendre des leçons qui se terminent parfois, hélas par des catastrophes. Signalons le torrent du Schnapou, qui sort d'une poche souterraine du Petit Raimeux quand les pluies sont abondantes. Ce nom.

(25) —. 118. —. faire claquer sa langue, aspirer vient de l'allemand : schnappen saccades. Cette étymologie convient parfaiteou respirer l'air par célèbre ment au Schnapou, qui est sans doute un syphon souterrain. c) Le uaZZon de Koc/ie.s'. Le Raimeux, érodé par la Birse, s'ouvre en un petit vallon du plus riant aspect. Là est situé le village de Roches qui se divise en trois : Roches du has : 494 m. d'altitude ; Roches du milieu (où est l'école) ; Hautes-Roches. Ce dernier hameau, situé à 737 mètres, serait une admirable station climatérique, grâce à sa situation abritée et ensoleillée. Ici, les champs cultivés contrastent singulièrement avec les sombres profondeurs des gorges, où le soleil ne pénètre que rarement. La vue, qui est de toute beauté, rappelle certains paysages alpestres. Ce vallon est —• en termes de géologie ensemble des couches de la partie — un cirque liasique (lias inférieure du'terrain jurassique) ; il se continue sur la rive gauche dans le cirque de l'Aster, au bord oriental de la Montagne de Moutier : on trouve même un affleurement de gypse keupérien à l'ouest de Roches.. d) Le dé/iZé de. Za. Garde ou. Za. Roche Sainf-lean. Un long défilé va du vallon de Roches à celui de Choindez, coupé par la clusette de la Verrerie de Roches, qui fait suite au vallon de Rebeuvelier. Entre le Veoey (de vivarium vivier), belle ferme située à gauche en descendant et la Verrerie de Roches, les rochers se rapprochent et forment un couloir. A cet endroit se trouvait Za Garde qui était sans doute autrefois un corps de garde. Ce fut, depuis la Réformation du 16"'° siècle, la frontière entre le Jura protestant (sur les Roches) et le Jura catholique (sous les Roches). Aujourd'hui le nom de la Garde est inusité ; on appelle ce défilé : la Roche Saint-Jean. e) Le uaZZonde Choindez ou du Martinet. Les célèbres Usines de Choindez (de l'allemand Schwende endroit défriché par le feu), ont pris la place de l'ancien Martinet, la vieille forge des évêques de Bâle. La Verrerie de Roches a éteint ses feux et les hauts-fourneaux ont disparu ; seule la fonderie Louis de Roll, de réputation mondiale, subsiste et jouit d'une grande prospérité, Le vallon de Choindez est dominé à droite par la Forêt du Bamhois (mise à ban)..

(26) —. 119. —. Encore un défilé avec le MouZin des Roc/ms, et le voyageur, ému de toutes les magnificences entrevues, arrive dans la large vallée de Delémont par la porte de Courrendlin. Les anciens (à moins d'être poètes) saluaient avec plaisir le ciel bleu et, dans le lointain, le château du prince-évêque et le célèbre Vorbourg. Nous, modernes, nous regrettons les grands rochers, la rivière et les cascades.. 2" SI LES ROCHERS DE NOS GORGES POUVAIENT PARLER. UN PEU D'HISTOIRE Les gorges de Court ne sont entrées dans l'histoire que lorsque l'évêque de Bâle a établi sa fameuse « route des Romains » de 1752. Auparavant elles n'étaient parcourues que par des bergers, des bûcherons, des « creuseurs de troncs », des pêcheurs et quelques rares disciples de saint Hubert. Il en fut tout autrement des gorges de Moutier : depuis les temps les plus reculés, elles appartiennent à l'histoire : elles ont vu des hommes de toute origine ; elles ont hébergé des populations variées. Ah si les rochers pouvaient parler Et ceci se comprend : les gorges de Moutier sont deux fois plus longues que celles de Court ; elles sont coupées de vallons et surtout elles furent, dès les origines, un lieu de passage fréquenté. On pouvait éviter les gorges de Court en passant par Champoz ; il fallait par contre, coûte que coûte, longer les gorges de Moutier. Pas question, en effet, d'ascalader le Raimeux, ni à droite ni à gauche. a) Auant. Ze. cûmh'amsme. D'après le D'' Henri Joliat, le savant archéologue jurassien, avant les Romains, « le Jura bernois n'était pas un pays désert, mais parcouru et occupé par l'homme en des établissements stables quoique peu nombreux » (Actes de l'Emulation, 1937). Des chasseurs paZéoZiQuels furent ses premiers habitants les de Moutier n'ont pas conservé t/ûc/ues sans doute. Mais gorges de souvenirs de ces temps lointains. Si les rives de la Birse, de Delémont à Laufon, ont des cavernes préhistoriques, on n'en trouve pas dans les gorges de Moutier qui étaient sans doute trop sauvages, d'un accès trop difficile. Mais peut-être que l'avenir nous réservera des surprises... Aux chasseurs paléolithiques succédèrent les pêcheurs néoZifhiques qui fondèrent, au bord de nos lacs, ces palafittes si intéressantés. Enfin vinrent les CeZtes, race guerrière, qui, grâce à leurs armes de bronze et de fer, remplirent d'effroi les paisibles habitants de notre pays..

(27) 120. —. —. Quand les HeZuètes, qui étaient une branche des Celtes, entreprirent leur expédition vers le sud-ouest de la Gaule, en 58 avant Jésus-Christ, les Rauraques, au nombre de 23,000, se joignirent à eux. Battus avec leurs alliés à Bibracte, ils rentrèrent dans leùr pays. Nos gorges les virent passer, à l'aller comme au retour, et puis, un jour, les rochers de Raimeux entendirent le son aigu des trompettes romaines. Devant les légionnaires fuyaient, épouvantés, les chasseurs, les laboureurs, les bergers... Et ce fut la grande pa.r romana.. b) Les premiers chrétiens Puis un jour on vit s'avancer dans nos gorges une troupe étrange : pas d'épées, pas de lances ; mais des croix, des bêches, des pioches : les symboles de la foi et du travail. Vêtus de bure, chaussés de sandales, portant une corde pour ceinture, ces voyageurs venaient des lointaines contrées de l'Irlande pour prêcher l'Evangile de Jésus-Christ. C'étaient les premiers missionnaires chrétiens : Germain, Randoald, Fridoald et leurs compagnons, cortège pacifique de vaillants travailleurs et d'apôtres ; ils venaient apprendre aux habitants du Jura à adorer le vrai Dieu et à cultiver le beau pays qu'il leur avait donné. Avec quelle émotion la troupe des missionnaires pénétra dans les gorges de Moutier Arrivés à Moutier-Grandval (monasterium grandis vallis), ils fondèrent le premier ermitage chrétien de notre Jura. Ce fut pour notre contrée l'aurore d'une vie cle travail, de bien-être, d'amour et de foi. Saint Germain aimait particulièrement nos belles gorges où la Légende (qui est la petite histoire) a conservé le souvenir de trois pierres devant lesquelles l'apôtre allait prier. Elles ont, hélas, disparu toutes les trois. Nos ancêtres les ont vues encore : c'étaient d'épaisses dalles de calcaire brut, longues de 3 à 4 mètres et larges de 2 à 3 mètres. La surface visible montrait des cavités en forme de godets dont le travail régulier et la disposition symétrique suggéraient l'idée d'une cause intelligente. Il s'agissait probablement de pierres à éctieZ/es. Les années passèrent... Un jour, un convoi funèbre s'engagea dans les gorges : des moines de Moutier-Grandval portaient au Couvent les cadavres de saint Germain et de son ami Randoald, assassinés par des soldats pillards dans la plaine de la Communance, près de Courrendlin. C'était le 21 février 675. On les enterra dans la basilique de Moutier depuis lors les pèlerins affluèrent au tombeau des martyrs. Que de pittoresques Cortèges traversèrent la cluse de Moutier de 675 à la Réformation Que de fidèles désirèrent reposer près des martyrs On a retrouvé récemment un sarcophage marqué d'une croix de Malte : il est déposé dans le vestibule du temple protestant de Moutier. :.

(28) —. 121. —. c) Le Moyen Age Si les rochers pouvaient parler des soldats d'autrefois. Us décriraient l'armée du. Us. raconteraient le passage. bouillant évêque de Bâle, Jean de. Vienne, allant châtier la ville de Bienne en 1367. Sur son cheval de. Poni de Penne ei Grade des Suédois bataille, l'évêque — plus homme de guerre que d'Eglise -— avait fort grand air. Il devait être moins fier quand il revint, avec les débris de ses troupes, quelques jours plus tard..

(29) —. 122. —. Ils parleraient des troupes d'Enguerrand de Coucy, ces fameux GugZër, qui traversèrent notre pays, en 1375, en pillant les villages de la Prévôté. Ils rappelleraient l'invasion des J?npénau.r qui, en 1499, vinrent punir les Prévôtois de s'être alliés à Berne en 1486 : la collégiale de Mouter fut brûlée et trente-quatre villages pillés et incendiés. De ces temps tragiques un souvenir intéressant est resté : la grotte des Suédois (comme on l'appelle) au-dessus du Pont de Penne.. Le D'' Paul Roches, ancien professeur à Bâle, Jurassien authentique et alpiniste convaincu, a fait de sa visite à cette grotte le. récit suivant : « Accompagné de trois amis du Club alpin, section Prévôtoise, j'avais réussi à me faire descendre à la corde dans la fameuse grotte des Suédois, au-dessus du Pont de Penne. A part quelques banales inscriptions (initiales de visiteurs comme moi) je n'ai rien trouvé dans la grotte que l'échafaudage qu'on voit d'en bas et un tas de pierres portées là et non tombées de la voûte. Il aurait fallu avoir les outils nécessaires pour sonder ce tas de débris... où je n'aurais probablement rien trouvé. Mes camarades m'ont fait remonter à la corde comme j'étais descendu. Deux photos ont été prises, et c'est là le résultat bien maigre de l'expédition. » Cette grotte fut de tout temps un lieu de défense. A cet endroit des gorges, on pouvait facilement fermer le passage : le pont de Penne (poutres) était brûlé, les Prévôtois faisaient pleuvoir des pierres sur les ennemis, comme les Suisses au Morgarten. Ce défilé est si bien la clef des gorges que jusqu'à nos jours, les autorités ont pris soin de le fortifier..

(30) V. Les voyageurs et les peintres des temps modernes Dans un dernier chapitre (que nous sommes obligés d'abréger), nous nous proposons de parler des peintres et des oot/ageurs qui ont traversé et admiré nos gorges et en ont laissé une description. Quand je dis : nos gorges, j'entends celles de Court et de Moutier, unies dans une même admiration. D'ailleurs la plupart de ces récits datent des temps postérieurs à la route de l'évêque Rinck de Baldenstein. 1°. LES PEINTRES ET LES DESSINATEURS DE NOS GORGES. Ce chapitre aurait dû être écrit par le spécialiste à la vaste érudition, par l'homme qui possède la plus belle collection d'estampes de notre Jura : j'ai nommé M. le professeur Gustave Amweg, l'auteur de la BibZiograp/iie du Jura bernois, ce monument magnifique de science et d'érudition bénédictine. Je ne donne, ici, qu'un pâle résumé de ce sujet. Pierre Birmann a consacré aux gorges de Moutier et de Court de nombreuses planches de son Voyage pittoresque de BasZe à Bienne par les uaZZons de Mottiers-GranduaZ. Basle : P. Birmann, peintre. Impr. J. Decker. 1802. Les planches sont accompagnées d'un texte dû au doyen Bridel qui fut pasteur français à Bâle et. plus tard. à. Montreux.. Lettres sur Za Suisse, accompagnées de vues dessinées d'après nature et lithographiées : 2"" Partie : Ancien Evêché de Bâle. Paris. G. Engelmann. 1824. Ce magnifique ouvrage, que j'ai consulté à la Bibliothèque nationale, comprend cinq parties dont l'une traite de notre pays ; nos gorges ont, pour leur part, sept gravures. Citons encore ZurZanben et Laborde : Tableaux iopograp/iiZa ques, pittoresques, p/iysiques, ?7ioraux, politiques, littéraires de Suisse. Paris. Clousier 1780. (On y trouve plusieurs vues des R. RocZiette et ViZZeneuoe. :. gorges.) Nous nous arrêterons un peu plus longtemps aux voyageurs qui ont parcouru les gorges et en ont décrit les beautés, les habi-.

(31) —. 124. —. tations et les industries — espérant pouvoir reprendre un jour ce sujet si intéressant et encore peu connu. Dans l'ordre chronologique, voici d'abord un texte du célèbre imprimeur de Bâle, T/mmas Platter (1499-1582), tiré des Aventures d'un Suisse d'aatte/ois. Avant de posséder son imprimerie, il avait été successivement berger... et serviteur du médecin de l'évêque de Bâle, le célèbre Epiphanius. C'était en 1531, la peste régnant à Porrentruy, où était la cour épiscopale, Epiphanius, en soignant des malades, avait contracté la terrible maladie. On pensa bien faire en envoyant à Moutier le docteur pestiféré avec son domestique. Le récit de Thomas Platter — l/n Suisse d'autre/ois — est une page singulièrement vivante de l'histoire du passé. Le docteur Epiphanius s'engagea seul dans les gorges sur un cheval loué à Delémont. Déjà fort malade et couvert de pustules, il tombe, chemin faisant, dans une mare et finit par arriver, mais dans quel état, à Moutier, au « Cheval-Blanc », l'auberge du villäge. Platter ne tarda pas à rejoindre son maître. L'état du docteur le préoccupait ; aussi ne note-t-il dans ses Mémoires que l'aspect terrifiant des gorges de Moutier qui lui rappellent la Via Mala. L'hôtelier du «Cheval-Blanc» ayant appris que la peste régnait à Porrentruy, l'arrivée de ces deux étrangers — dont l'un était très malade — l'inquiéta fort. Il entra dans une violente colère et, avec des jurements significatifs, il ordonna à Platter de déguerpir — et cela très rapidement — avec son maître, sinon qu'il allait les « précipiter du haut de l'escalier ». Les deux voyageurs purent cependant passer la nuit dans l'unique chambre à coucher de l'auberge. Et cela grâce à l'intervention d'un prédicant (pasteur protestant), qui était venu pour présider le culte du lendemain. La Réforme venait d'avoir été acceptée, le 13 mars 1531, mais Moutier n'avait pas encore un pasteur à demeure. Le médecin de l'évêque de Bâle, Epiphanius, fut « consolé » pendant cette nuit tragique par le pasteur qui allait, le lendemain, édifier les paroissiens. On peut revivre par la pensée cette scène : ces trois hommes réunis dans la salle du «Cheval-Blanc» et dont l'un est un pestiféré. Le lendemain, il fallut obéir au terrible aubergiste le docteur Epiphanius fut transporté, avec beaucoup de peine, dans la maison d'une brave femme qui n'avait pas la crainte de la contagion au même point que l'hôtelier. C'est là que trépassa, assisté d'un prédicant protestant, le docteur Epiphanius. On l'enterra à Moutier, près de Chalières, dans le cimetière « des bossus », c'est-à-dire des :. pestiférés. Le lendemain, chargé de la bague du docteur, de son manteau et de son « livre de médecine », Platter repartit pour Delémont et.

(32) — Bâle.. 125. —. Il. remarqua que les gorges sont particulièrement sinistres quand la mort visite les hommes. Après Thomas Platter, citons le grand Gœthe (1749-1832). Le 12 septembre 1779, Gœthe partit pour la Suisse avec son protecteur et ami, le duc Charles-Auguste de Weimar, et de Wedel, le grand-maître des eaux et forêts du duché.. Lue des Gorges de Afouder Estampe ancienne du s/êc/e dernier, grrauée par A/erc/er d'après un dessin de Périgrnon, peintre du Pot. Ils traversèrent les villes de Francfort, Strasbourg et Bâle, puis le Jura par la route du prince-évêque Rinck de Baldenstein. Les trois illustres voyageurs arrivèrent de Delémont à Moutier le 3 octobre 1779, un dimanche soir, et passèrent la nuit à l'auberge du « Cheval-Blanc », la seule qui existât alors à Moutier (et qui existe aujourd'hui encore sur le même emplacement). La lettre de Gœthe, publiée plus tard dans ses Lettres sur Zu Suisse, est datée de Moutier, le 3 octobre 1779. Nous donnons cidessous quelques brèves citations de sa description de nos gorges, qui montrent l'émotion qui saisit le grand poète..

(33) —. 126. —. En nous rendant à Bienne, nous remontâmes à cheval la belle vallée de la Birse et nous arrivâmes enfin à l'étroit défilé qui conduit ici. Par le versant d'une haute et large chaîne de montagnes, la Birse, petite rivière, s'est frayé jadis une issue. La nécessité peut avoir ensuite imposé sa loi, car les Romains avaient déjà élargi le chemin, qui est maintenant très commode. L'eau qui tombe des rochers en mugissant suit le bord de la route, et presque partout elle remplit avec celle-ci tout le fond de la vallée enfermée des deux côtés par des montagnes. A l'arrière-plan, des sommités élèvent graduellement vers les cieux leurs cîmes, que des nuages nous cachent aujourd'hui. Tantôt une série de parois s'élèvent à pic, tantôt de puissantes masses de rocher dirigent obliquement leurs assises sur la rivière et la route ; de larges rocs se superposent les uns aux autres et sont dominés par des crêtes dentelées. De grandes crevasses fendent la montagne, et des rochers détachés à droite et à gauche forment des murs perpendiculaires à la vallée. Plusieurs rocs se sont éboulés, d'autres se soutiennent encore sur une base incertaine et menacent de tomber à leur tour. Tantôt arrondies, tantôt pointues, tantôt couvertes d'arbres, tantôt dénudées, ces arêtes géantes sont encore surmontées çà et là de pics audacieux et nus, tandis que sur leurs flancs et à leur base se sont creusées des gorges profondes. La course dans ce défilé m'a causé une impression de calme et de grandeur. Ce qui est sublime donne un doux repos à l'âme, qui s'emplit et se sent elle-même aussi grande qu'elle peut être. Combien est agréable ce sentiment si pur, quand il s'est emparé du cœur sans déborder Mes yeux et mon âme pouvaient saisir les objets, et comme mes pensées étaient pures, cette impression ne produisit aucune dissonance et agissait sur moi de toute sa puissance. Si l'on compare ce sentiment avec celui qu'on éprouve en s'occupant de petites choses et en faisant tous ses efforts pour cacher leur petitesse, pour leur donner un cachet de grandeur factice, afin de préparer un aliment à notre esprit par le spectacle de sa propre créature, on voit comme ce travail est vain. Un jeune homme, qui était venu de Bâle avec nous, nous disait qu'il avait eu beaucoup plus de plaisir lorsqu'il avait vu ce spectacle pour la première fois, et il donnait la préférence à cette première impression. Je dirai quant à moi : Quand on voit pour la première fois de si belles choses, l'âme, qui n'y est pas accoutumée, s'élargit et il en résulte une satisfaction douloureuse, un trop-plein qui agite l'âme et fait couler des larmes d'attendrissement. Par cette opération l'âme s'agrandit sans le savoir et elle n'est plus susceptible de percevoir de nouveau cette première impression. L'homme croit avoir perdu, mais il a gagné. Ce qu'il perd en «.

(34) —. 127. —. il. le regagne en développement intérieur. Parvenu à l'issue de la gorge, je descendis de cheval et je retournai seul quelques pas en arrière. Je ressentis une nouvelle impression profonde, qui augmente encore considérablement le plaisir pour un esprit attentif. Dans l'ombre on entrevoit l'origine et la vie de ces singulières apparitions. A une époque quelconque, ces grandes masses doivent s'être tout simplement agglomérées d'après le poids et l'analogie de leurs éléments constructifs. Quelles qu'aient été les révolutions qui les ont plus tard mises en mouvement, séparées, fendues, ces révolutions n'ont été que des ébranlements successifs, et la pensée même d'un mouvement si considérable inspire une haute idée de la solidité éternelle. Le temps, combiné avec les lois immuables de la nature, a aussi agi sur ces masses, tantôt plus, tantôt moins. Les roches paraissent être de couleur jaunâtre à l'intérieur, mais les intempéries et l'action de l'air transforment cette couleur en gris-bleu, de sorte que la nuance primitive n'est plus visible que çà et là dans les nouvelles crevasses. Peu à peu la pierre se délite et s'arrondit aux angles ; les parties les plus molles sont rongées et il se forme de fort belles cavernes qui, lorsqu'elles se trouvent à côté de fortes saillies et d'aiguilles, prennent un étrange aspect. La végétation maintient ses droits ; sur le moindre promontoire, la mousse et l'herbe recouvrent le rocher. On sent que rien ici n'est livré à l'arbitraire, qu'une loi agit lentement sur tous les objets, et que la main de l'homme n'a créé que le chemin commode au moyen duquel on parcourt cette étrange contrée... ». plaisir,. 2°. LE VOYAGE DU DOYEN BR1DEL EN 1786. Le doyen Bridel s'appelait en réalité Philippe-Sirice Bridel ; de 1757 à 1845. Après avoir fait ses études de théologie à vécut il l'Académie de Lausanne, il fut pasteur de l'Eglise française de Bâle de 1786 à 1796 ; puis pasteur à Château d'Oex et enfin à Montreux dès 1805.. A côté de son ministère pastoral, il s'occupa de littérature, de science, d'histoire ; c'était un esprit curieux de tout, mais un peu superficiel. Il est l'auteur de « Poésies », d'un « Glossaire des patois de la Suisse romande » et surtout des « Etrennes helvétiennes » et du « Conservateur suisse », vaste recueil de récits historiques et légendaires. Par ses écrits, le doyen Bridel a contribué à éveiller en Suisse l'amour du passé et le goût de l'histoire. Il a mis en lumière la beauté de la patrie suisse et il a, à un haut degré, le sens de la nature. Il est bien, à ce point de vue, le disciple et le continuateur.

(35) —. 128. —. de Jean-Jacques Rousseau. Son style est ampoulé et il n'a jamais le temps d'être bref. Aussi ses écrits lassent-ils la patience des lecteurs modernes. Nous n'avons ni le temps, ni la patience de donner ici le Voyage du doyen Bride? dans /es gorges de Montier et de Court en 1786. Nous nous permettons de le signaler à ceux qu'intéresse l'histoire de nos cluses. La description des beautés et des grandeurs de nos sites est fort émouvante et les renseignements vivants et précis du doyen sur les villages qu'il traverse et les humains qu'il rencontre ont conservé leur intérêt. Il décrit tour à tour Courrendlin, le Martinet (Choindez d'aujourd'hui), le hameau de Bellerat (Vellerat), le petit hameau de Roche, le premier village de la Prévôté réformée, la grotte des Suédois, enfin Moutier-Grandval et. Court.. Dans ces vallons étroits, resserrés entre des rocs écroulés et des monts menaçants, dont le torrent dispute encore une partie aux travaux du laboureur, on s'étonne de ce que l'homme peut habiter en paix au milieu de ce conflit des éléments et de cette foule de dangers rangés en bataille contre sa frêle existence ; mais il faudrait aussi s'étonner que le matelot peut dormir sans alarme sur son vaisseau. Soit confiance dans le Ciel protecteur, soit persuasion d'une fatalité inévitable, le paysan des montagnes vit en aussi grande sécurité dans sa maison que menace un roc énorme que si elle était située au milieu d'une vaste plaine. Changer de place, selon lui, ne ferait que changer de péril. » Nous quittons ici le sympathique doyen Bridel et nous allons nous-même prendre congé de nos lecteurs. Mais nous ne les quitterons pas sans poser — avec inquiétude et même un peu d'angoisse — une question : Pourquoi nos gorges n'éveillent-elles plus dans les cœurs des hommes d'aujourd'hui les mêmes émotions, les mêmes admirations que chez les peintres et les voyageurs d'autrefois Est-ce la faute de tous ces tunnels, de tous ces ponts bétonnés, de cette voie ferrée, de cette grande route Y a-t-il trop d'asphalte et trop de circulation pour que le poète puisse encore se recueillir et le peintre s'asseoir devant son chevalet Il y a tout cela ; mais il y a encore autre chose, quelque chose de plus grave et de plus mystérieux : l'âme de la Nature et l'âme de l'Histoire se meurent aujourd'hui. Et c'est pourquoi nous saluons avec joie et beaucoup d'espérance la vaillante phalange des jeunes peintres, poètes et écrivains de notre Jura. «. Philippe PIERREHUMBERT. Clichés autorisés sous No 6699 ACF 3.10.1939.

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