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Travail laborieux et ingrat s’il en est, le désher- bage des parcelles cultivées a, c’est indéniable, grandement bénéficié de l’introduction des her- bicides ces dernières décennies. Cependant, l’utilisation généralisée de ces produits soulève des problèmes qu’il convient aujourd’hui de prendre en compte. Schématiquement, on peut relever trois inconvénients principaux provoqués par l’utilisation à grande échelle des herbicides:
l’appauvrissement de la flore des champs culti- vés, la contamination des eaux et le développe- ment de biotypes d’adventices résistants. En ce qui concerne les mauvaises herbes résistantes aux herbicides, un des principaux facteurs con- tribuant à limiter leur développement, ainsi qu’à maîtriser la situation lors de leur apparition, est certainement le choix de matières actives aujour- d’hui encore à la disposition des agriculteurs.
Dans ce contexte, la réévaluation, actuellement en cours au niveau européen, de l’homologation de l’ensemble des produits phytosanitaires risque de réduire sensiblement cette palette et de compliquer sérieusement la gestion du problème des résistances. C’est pourquoi il nous a paru judicieux de faire un bilan de la situation actuelle concernant les résistances aux herbicides en Suisse (voir l’article de DELABAYS et al. en page 149).
Comparativement à la situation qui prévaut dans d’autres pays européens, les problèmes d’adven- tices devenues résistantes aux herbicides sont encore peu aigus en Suisse. Certes, nous con- naissons nombre d’espèces ne réagissant plus aux triazines et des graminées qui ne sont plus maîtrisées par l’isoproturon se sont développées ces dernières années. Ainsi, par exemple, à ce jour nous avons pu confirmer l’existence d’une résistance à cet important herbicide des céréales chez une quinzaine de populations de jouet-du- vent (Apera spica-venti). Heureusement, en règle générale, ces cas de résistance peuvent encore
être correctement gérés par les agriculteurs, ce qui signifie que notre situation est globalement encore assez favorable.
Il est intéressant de s’interroger sur les causes de cette situation enviable de l’agriculture suisse.
Notre système de production, caractérisé par des parcelles de taille relativement modeste, applique par ailleurs des rotations de cultures encore di- versifiées. De plus, nombre de zones en milieu agricole, grâce notamment au développement des surfaces de compensation écologique, ne su- bissent aucun traitement, diminuant d’autant la pression de sélection sur la flore adventice des région cultivées. Enfin, nous l’avons dit, nos agriculteurs disposent encore d’une palette de matières actives.
Historiquement, il s’est maintes fois confirmé que les biotypes d’adventices résistants aux herbi- cides apparaissent prioritairement dans des ro- tations peu diversifiées où l’on utilise systémati- quement le même herbicide, ou des herbicides présentant le même mode d’action. Le dernier exemple en date est celui de la multiplication ac- tuelle des cas de résistance au glyphosate aux Etats-Unis, à la suite de l’application répétée et systématique de cet herbicide dans des cultures transgéniques, souvent des monocultures de soja. Ce n’est pas tant la technique elle-même qui est en cause, agronomiquement intéressante (notamment dans les régions à sol fragile, peu propice au labour) et malherbologiquement effi- cace, que son utilisation systématique et irrai- sonnée. En malherbologie comme dans les autres domaines phytosanitaires, la diversité des cultu- res, des méthodes de lutte et des matières actives doit rester la pierre angulaire d’une production saine et durable et nous devons rester vigilants à la promouvoir au maximum.
Nicolas Delabays
E-mail: nicolas.delabays@rac.admin.ch
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Revue suisse Agric. 36 (4): 141, 2004
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Les mauvaises herbes font de la résistance
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