LE CORPS TAOISTE
par K. M. Schipper, Paris
I. Les Immortels
1. La Cosmogonie ancienne et Ie probleme de la mort 2. Lao-tseu : themes mythologiques du corps cosmique 3. Le pays Interieur: \eHouang-ting-king
4. Les pratiques de l'immortalite II. Les Officiers
1. Le mouvement des MaTtres Celestes 2. La liturgie taoTste
La cosmogonie de I'antiquite repose toute entiöre sur l'idee de la differenciation des souffles (k'i). Dans le Chaos primordial, les souffles Etaient contenus, ä l'etat indifferencid, ä l'interieur d'une sphere - ceuf ou matrice. Sous I'impact du temps, le chaos, parvenu ä maturity, se d6chire et laisse echapper des souffles, qui d'abord se divisent et se diversifient: les souffles legers et purs forment le ciel, les souffles
lourds et rnipurs la terre. Iis s'amalgament et se redivisent dans un mouvement
rythmique. L'Homme rdunit les deux essences: souffles legers et souffles lourds. II
participe au ciel et ä Ia terre.
L'amalgame des souffles qui constitue son corps n'a qu'un temps: les matieres
centrifuges dont se compose son corps se disperseront ä nouveau. Une fois vie, une
fois mort, et ainsi de suite; ce mouvement cyclique est rythme par le grand principe, le Tao.
Le TaoTsme seul a conserve une mythologie significative. «Empörte, le roi de la
Mer du Sud, et Etourdi, le roi de la Mer du Nord, se rencontr^rent un jour sur la
terre de Chaos. Chaos les traita fort hien. Empörte et Etourdi se concertSrent alors
pour savoir comment recompenser Chaos de sa vertu. Iis dirent: Tous les hommes
ont sept orifices: pour voir, pour entendre, pour manger, pour respirer ... Lui, il
n'en a aucun. Essayons de lui en percer! lis lui firent ainsi un orifice par jour. Au
septiöme jour. Chaos moumt» (Tchouang-tseu , VII, 7).
Le principe de la mort est inherent ä la creation par diversification des souffles.
L'union des souffles (ho-k'i, union sexuelle) est la vie; leur separation, c'est la mort.
Les ouvrages des Maitres TaoTstes traduisent cette cosmologie dans un discours
philosophique specifique dont l'attrait est toujours restö tris vif. Le Tao-te-king est de loin I'ouvrage chinois le plus traduit en langue occidentale. Les commentaires
chinois de toutes les öpoques se comptent par centaines. De l'auteur pr^sum^,
Lao-tseu , le Vieux Maitre (ou faut-il traduire : le vieil enfant? ), «il ne nous reste que des legendes». En fait, la tradition qui s'attache ä Lao-tseu est l'une des rares mythologies archaiques chinoises qui soit parvenue jusqu'ä nous. EUe reste entiere¬
ment inexploree.
XX. Deutscher Orientalistentag 1977 in Erlangen
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Lao-tseu, etre cosmique, «qui fut avant les ancetres», est la personnification du Tao. II se manifeste au d6but et ä la fin des cycles de l'univers. Etre indifferenci^,
ni homme, ni femme, il cr6e lui-meme un corps de femme qui s'autofeconde. L'em-
bryon reste neuf fois neuf annees dans le ventre de la mhie: un cycle total. Cet
enfant est le Dieu Lao-tseu, le vieil enfant, qui est sa propre mere et qui n'a pas de p&re; il n'est pas pöre.
Ce corps fläminin est le corps humain par excellence, le modele de l'univers. Les Clements divers qui le composent se retrouvent intögralement dans le macrocosme:
«Le corps humain est comme l'image d'un royaume», disent les textes taoTstes
anciens. Les cinq viscöres (coeur, foie, poumons, rate, reins) - correspondant aux
cinq Clements - reprd sen tent le roi et ses ministres. On trouve, dans le corps, un paysage: des forets, des montagnes, des cours d'eau, des palais. II existe des tableaux de ces paysages intärieurs, inconnus jusqu'ici en Oeeident. La souree la plus aneien¬
ne et la plus complete pour ces descriptions est le Livre, fondamental, de la Cour
Jaune, Houang-t'ing-king (2e s. av. n. S.), sur lequel je viens de publier une concor¬
dance et une ^tude philologique (puhlication de l'Ecole Francaise d'Extreme-Orient, vol. 104, Paris 1975).
Le Livre de la Cour Jaune est ä l'origine de la nomenclature de la medecine
chinoise traditionnelle, teile qu'on la trouve notamment dans le grand classique, le
Houang-ti nei-king sou-wen. Je me propose d'analyser cet ouvrage extremement
difficile et de rendre son contenu accessible au public occidental.
L'ötude des proc^dös qui visent ä preserver l'union des souffles, done ä prolon- ger la vie et ä rendre les hommes immortels {sien <l4) a 6t6 abordne une seule fois,
par H. Maspero, dans un artiele du Journal Asiatique, en 1937. Aucune ötude
serieuse n'a encore 6t6 entreprise pour mettre ä jour ce travail de pionnier et le re¬
prendre entierement. En effet, les techniques du souffle, la gymnastique, les prati¬
ques sexuelles, la diötdtique, etc., loin d'etre des disciplines multiples et diverses,
s'intSgrent au contraire dans un ensemble stmctur6 . Nous connaissons mieux au¬
jourd'hui I'histoire du TaoTsme, et les techniques de la Longue Vie peuvent etre
etudiees sur une periode de 2 000 ans.
L'avSnement de l'Empire chinois instaura la supr6matie permanente de l'ortho¬
doxie confucianiste et rejeta le Taoisme dans la marginalitd. II restera l'eternelle
alternative, la doetrine des masses paysannes et des gouvernements locaux face ä
la bureaueratie centrale du Fils du Ciel. Les revokes paysannes de la fin des Han (le
premier grand Empire), en 184 de notre öre, se reclament de Lao-tseu «nouvelle¬
ment appam», messie d'un nouvel ordre cosmique. Les 6tats autonomes issus du
«mouvement des Maitres Celestes», et cröes dans les regions frontaliöres de l'Empire par les r6volt6s, survivront ä la chute de la dynastie. Leurs institutions se perp6- tueront dans les organisations locales et regionales,/«st/M'ä rws jours.
Or l'organisation du mouvement des Maitres Celestes est rigoureusement con¬
forme ä celle du corps humain. Le corps social des fonctionnaires du Tao - les
fidMes s'appellent ainsi - doit correspondre en tous points aux fonctions du corps
de Lao-tseu et ä celles du corps feminin.
La liturgie des assemblies de fidöles est un jeu raffln^ de ces correspondances multiples. Le rituel se deroule simultanement ä plusieurs niveaux. La fete rassemble les fidles, c'est-ä-dire tous les habitants d'une region, dans des joutes «sexuelles»
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appelöes «union des souffles» . Ces fetes sont conduites par des Maitres dont Ies
exercices de meditation extatique operent l'hierogamie des souffles ä l'interieur de leur corps. La jonction entre le rituel «exterieur» et le rituel «interieur» s'opöre par la musique qui rythme ces mouvements paralleles.
Ces conclusions sur la liturgie taoiste, resultat d'une mission de recherche de
l'Ecole Fran9aise d'Extreme-Orient qui a dure 8 ans, n'ont encore jamais ete pu¬
bliees.
JAPANISCHE EROBERUNGSPLÄNE DER PHILIPPINEN
IM 16. UND 17. JAHRHUNDERT*
von Arcadio Schwade, Bochum
Die Eroberung der Philippinen durch die Japaner im Jahre 1942 und ihre Aus¬
wirkung auf die Nachkriegsbeziehungen zwischen beiden Völkern nehmen wir zum
Anlaß, die japanischen Eroberungspläne der Philippinen zu untersuchen, die vier¬
hundert Jahre früher während der Regierungszeit des Toyotomi Hideyoshi (1582—
1598) und während der des Tokugawa lemitsu (1623—1653) erwogen wurden.
Schon im Jahre 1589 hatten auf den Philippinen einige Häuptlinge einheimischer
Völksstämme die Besatzung eines japanischen Handelsschiffes um Unterstützung
für eine geplante RebeUion gegen die Spanier ersucht. Zwischen 1590 und 1597
wurden die spanischen Behörden der PhUippinen mehrmals nicht nur durch die
Spionagetätigkeit japanischer Handelsleute, sondern vor allem durch mehrere
Schreiben des Toyotomi Hideyoshi alarmiert, durch die sie zur Anerkennung der
japanischen Oberherrschaft über die Philippinen aufgefordert wurden. Die Spanier
bemühten sich, der ümen von Japan her drohenden Gefahr zu begegnen, indem sie
durch die Entsendung von Gesandtschaften und das Angebot freundschaftlicher
Handelsbeziehungen Hideyoshi zu besänftigen suchten. Gleichzeitig betrieben sie
auf den Phüippinen den Ausbau der Befestigungen und Verteidigungsmöglichkeiten.
Ferner führten die Angriffsdrohungen des Hideyoshi die Spanier dazu, den Japanern
keine näheren Kenntnisse über die Techniken des Schiffbaus und der Anfertigung
von Artüleriegeschützen zu vermitteln. Erst Hideyoshis Tod im September 1598
und die nachfolgende friedlichere Auslandspolitik des Tokugawa leyasu befreite
die spanischen Einwohner der Philippinen von der Angst vor einem japanischen
Angriff.
Später führte jedoch die christenfeindliche Politik des Tokugawa-Shögunats zum
Abbruch der Handelsbeziehungen mit den Spaniern (1623). Trotz scharfer Verbote
suchten christliche Missionare immer wieder von den Phüippinen aus ihren Weg
nach Japan. Diese Handlungsweise hatte schließlich zur Folge, daß der Daimyö der
Shimabara Halbinsel, Matsukura Shigemasa (reg. 1615-1630) im Jahre 1630 dem
damaligen Shögun Tokugawa lemitsu vorschlug, eine japanische Eroberungsexpedi-
tion nach den Phüippinen zu entsenden. Mit der Genehmigung der Shögunatsregie-
rung schickte Shigemasa im gleichen Jahr gemeinsam mit dem neuen Shögunats-
beauftragten für Nagasaki, Takenaka Unemenoshö , eine Gesandtschaft nach Manüa,
angeführt von Yoshioka Kyüzaemon. In der phUippinischen Hauptstadt wurden die
Besucher, trotz des Spionageverdachts, den man gegen sie hegte, sehr gastfreundlich
* Dieser Beitrag wird voraussichtlich im „Bochumer Jahrbuch zur Ostasienforschung"
(BJOAF), Bd. 2 (1979) in extenso erscheinen.
XX. Deutscher Orientalistentag 1977 in Erlangen