Résumé :
Les sociétés contemporaines sont marquées par un retour de l’importance des problématiques spatiales : cet aspect n’a pas toujours été suffisamment pris en compte par les Sciences Humaines et Sociales qui ont trop souvent développé leur savoir en les négligeant. Le programme proposé invite à reconsidérer cet aspect des choses et à répondre à un certain nombre de questions simples, mais essentielles : comment les groupes humains organisent-ils leur milieu de vie et quelle est la place de l’espace et de la spatialité dans la vie quotidienne de l’individu ? Comment se saisissent-ils des ressources spatiales et assument-ils les exigences de durabilité ? Comment les sociétés fabriquent-elles l’espace et comment l’espace fabrique t-il les sociétés ? En quoi les questions territoriales constituent-elles des clefs de compréhension et d’appréhension des dynamiques économiques, sociales et politiques ? Enfin le présent appel à projet s’inscrit dans le triple contexte de la mondialisation, de l’urbanisation et des questions d’environnement.
Programme nouveau
• Années pour lesquelles le programme serait prévu : 2010
• Type de programme : ouvert
• Programme national
• Relations avec des programmes antérieurs de l’ANR : programme nouveau
1. Finalités visées, objectifs et résultats attendus
Objectifs et finalités
Les Sciences Humaines et Sociales ont longtemps considéré l’espace comme un arrière-plan des activités humaines plutôt que comme une composante multidimensionnelle de la société.
Ce programme vise à favoriser le développement des recherches sur les dimensions spatiales des sociétés humaines, présentes et passées. Il voudrait permettre d’approfondir la connaissance sur la façon dont les groupes humains organisent leur milieu de vie, à des échelles qui vont du corps au monde, via le logement, la ville, etc. Le programme veut interroger les chercheurs sur la place de l’espace et de la spatialité dans la vie quotidienne des individus et leur demander en quoi les questions territoriales constituent des clefs de compréhension et d’appréhension des dynamiques économiques, sociales et politiques.
Résultats attendus
Une ACI Espace et Société avait déjà été lancée il y a quelques années par le ministère de la recherche. Dans cette continuité, mais avec le double souci d’approfondir les principaux acquis de la recherche sur cette thématique et d’ouvrir de nouvelles pistes et perspectives, le présent programme vise à encourager des réponses nouvelles, à savoir celles qui promeuvent des démarches de recherche faisant de l’espace – quelle que soit la manière dont on le considère – un élément de compréhension des phénomènes sociétaux et un élément-clef de réflexion sur le gouvernement des sociétés. Largement ouvert à toutes les disciplines des sciences humaines et sociales, il attend cependant des projets soumis en réponse qu’ils proposent - autant que faire se peut – des approches multidisciplinaires, avec des ouvertures possibles sur des disciplines autres que les SHS. Il veut stimuler les recherches critiques, novatrices, tout en étant irréprochables en ce qui concerne l’état de l’art actuel. Il attend donc une grande précision dans la présentation explicative des méthodes et des choix épistémologiques. Les projets devront être résolument comparatistes et ouverts aux débats internationaux actuels. Les perspectives multiscalaires et diachroniques seront privilégiées (qu’il s’agisse de la prise en compte de temps courts ou des autres temporalités de plus longues durées) et les analyses des phases de crise seront bien accueillies, c’est-à-dire des phases où des configurations territoriales disparaissent et d’autres naissent.
2. Justifications du programme au titre des enjeux de société
Dans le monde contemporain, un certain nombre de dynamiques majeures concernent l’espace :
- le désenclavement généralisé de la planète par les circulations des hommes, mais aussi des objets, des idées, des cultures ;
- le bouleversement des territoires par l’urbanisation généralisée, l’ouverture des frontières et l’explosion des réseaux de toutes sortes ;
- la remise en cause de l’Etat-nation, désormais remis en cause à ses deux extrêmes, par la décentralisation et la mondialisation ;
- la complexification des identités collectives et individuelles, plurielles, mobiles et souvent volatiles.
Par ailleurs, les problèmes de développement durable, des dynamiques économiques des territoires, de la montée en puissance des identités collectives liées aux lieux, de l’hyper-mobilité des individus, des marchandises, des données et de l’information, de la diffusion de l’urbanisation, de mise en question des modèles traditionnels de l’action publique nous confrontent toujours au caractère crucial de la dimension spatiale des phénomènes.
Le programme répond enfin à un certain nombre d’enjeux sociétaux :
- Certains thèmes sont susceptibles de nourrir des recherches débouchant explicitement sur des propositions d’amélioration des structures territoriales ; ces mêmes recherches peuvent modifier la nature des interventions des acteurs économiques et sociaux afin d’améliorer la compétitivité des territoires ;
- L’approche des questions d’innovation territoriale est nécessaire en matière de développement des dynamiques territoriales ;
- L’interrogation sur la durabilité des espaces sociaux est fondamentale dans une perspective de mise en valeur des écosystèmes ;
- Un thème privilégiera les approches des situations de crise afin de parvenir à une meilleure compréhension des risques et de leur régulation par les sociétés.
3. Justifications au titre des stratégies de recherche
Axes et thèmes des recherches
Cet appel à proposition privilégiera les regards spatialistes, c’est-à-dire des démarches de recherche qui font de l’espace (quelle que soit la manière dont on le considère) un élément de compréhension des phénomènes sociétaux et un élément clé de réflexion sur les gouvernements des sociétés. Les porteurs de projet sont invités à se situer prioritairement dans le champ général qui est présenté au § 1 (Finalités visées, objectifs et résultats attendus).
Les projets présentés pourront concerner l’individu comme les sociétés, le présent comme l’ensemble de l’histoire humaine, la totalité des aires géographiques et culturelles sans exclusive, les échelles spatio-temporelles les plus diverses et s’inscrire dans la diachronie. Ils pourront aussi aborder de manière très libre et très large les thèmes présentés ci-dessous, étant entendu que ceux-ci ne sont utiles que pour ce qu’ils permettent de construire en matière de compréhension des sociétés. Tous ces thèmes ont été choisis dans la mesure où ils apparaissent comme des champs de convergence des innovations des sciences sociales contemporaines, dans le monde francophone et aussi dans le monde anglophone et germanophone. Mais il ne saurait être question de limiter le champ de réflexion et d’investigation des chercheurs.
• Les arrangements matériels de la vie quotidienne
Un terrain de recherche reste trop peu abordé par les sciences humaines et sociales, celui de l’espace de vie du quotidien, alors que cet espace de vie est soumis depuis une génération à des modifications rapides, pour ne pas dire brutales. On souhaite que des projets de recherche tentent de comprendre comment les acteurs se saisissent des réalités matérielles et les spatialisent pour agir et en retour analyser les relations
que les acteurs entretiennent avec les formes spatiales et les objets et les choses. Ceci est évidemment historicisé et culturalisé et permet d’envisager l’approche de phénomènes très divers : de l’organisation du foncier à la conception et à l’ergonomie des objets spatialisés, de la mise en place des espaces domestiques par les habitants aux problématiques d’ambiances architecturales et urbaines. Les ingénieries et les différents arts et techniques de la conception des formes et des espaces (architecture, urbanisme, paysagisme, génie urbain, design, ergonomie) sont à l’évidence au cœur de telles réflexions.
• De l’espace ouvert aux secteurs fermés et enfermés
Qu’en est-il de l’actuel retour en force des limites et de la multiplication des espaces fermés, voire d’enfermement, de toute nature et à toute échelle (de la nation au camp de transit via la gated community) ?
• Permanences, durabilités, catastrophes
Les projets attendus en la matière devront être résolument multidisciplinaires et tenter d'articuler recherche de fond et réflexion sur les implications politiques et sociales du développement durable. Il est fait le choix d'inciter les équipes à travailler sur les situations de crise, là où des territoires se défont et d'autres se réorganisent.
• L’institution de l’espace collectif
Comment aborder les politiques territoriales et les territoires des politiques, dans un contexte de multiculturalité et de mobilités généralisées ? Cette question est aujourd'hui au cœur de l'agenda scientifique et l'on attendra des approches comparatives. Le programme vise à inciter les équipes à éprouver la pertinence de nouveaux modèles d'action publique.
• L’individu spatial : identités spatiales, actions (et cognition) spatiales
Les sciences sociales sont aujourd'hui marquées par un intérêt croissant pour la prise en compte des relations de l'individu à son espace, en situation d'action. Il s'agira ici de développer des connaissances innovantes sur cette question délicate en encourageant les projets qui associent réellement approches de la cognition située et approches de sciences moins expérimentales. Les enjeux de compréhension des modes de vie des individus et les implications en termes de conception des espaces de vie sont considérables.
• L’innovation (sociale, économique, culturelle) spatiale, sa diffusion (à toutes les échelles) et les différenciations qui en résultent
• Représentations et figurations de l’espace
Ce thème ne concerne pas seulement les études de cartographie, mais aussi l’ensemble du domaine artistique et littéraire
• Autres espaces
L’analyse de l’espace social doit aujourd’hui s’ouvrir à des espaces autres qui prennent une importance considérable et au premier chef ceux que font exister, les jeux vidéo, le cinéma, les réseaux sociaux sur internet et les plates-formes de réalités
« virtuelles » (type second life), les grands systèmes d’informations géolocalisées. Se crée, à un rythme accéléré, une autre dimension spatiale qu’il importe de ne pas négliger tant elle infuse désormais dans les vies quotidiennes d’un nombre de plus en plus importants d’individus.
Positionnement scientifique et technologique
• Enjeux scientifiques et technologiques du programme
L’enjeu principal est de favoriser l’élaboration de programmes interdisciplinaires pour combler un retard de connaissances dans les SHS en France et de favoriser des avancées épistémologiques et méthodologiques sur des sujets déjà explorés, mais insuffisamment fouillés. On escompte notamment une ouverture des SHS françaises à des problématiques qui commencent à être au cœur des champs académiques dans le monde anglophone et germanophone. On souhaite aussi privilégier les recherches comparatives.
Par ailleurs, la multiplication des représentations spatialisées de l’espace, dont la carte a été le modèle, mais qui se sont diversifiées, offre de nouvelles possibilités et ouvre de nouvelles approches : l’utilisation des innovations scientifiques et technologiques en matière de représentation, de simulation et de communication doit concourir à une meilleure intelligence des espaces humains
• Type de recherche
Fondamentale et interdisciplinaire Positionnement international
• Positionnement du programme par rapport à d’autres programmes en Europe ou dans le monde
La thématique affichée par ce programme est d’actualité à l’étranger, tant aux USA qu’en Allemagne, où elle a été retenue pour 2 projets (sur 5) d’Excellenz Iniative. Les thèmes choisis ont également été sous une forme ou une autre au centre des préoccupations de l'ESF. Ce programme pourrait ainsi permettre de resserrer les liens entre les spécialistes francophones et des équipes étrangères et ainsi contribuer à l'internationalisation des SHS françaises dans un domaine où leur excellence n'est pas suffisamment connue et reconnue.