La notion de force cohésive en pointe de fissure, introduite par Barenblatt au début des années
60, a donné -via les Modèles de Zones Cohésives (MZC)- un nouvel élan à la simulation
numérique des problèmes de la rupture interfaciale ces dix dernières années. Les MZC
permettent de remédier à certaines lacunes des approches globales et constituent des méthodes
attractives pour décrire les phénomènes de fissuration, intermédiaires entre les critères
d’amorçage en termes de contraintes ou de taux de restitution d’énergie et la mécanique
continue de l’endommagement. Les MZC présentent l’avantage de pouvoir modéliser le
comportement d’un joint surfacique depuis son comportement linéaire, à l’amorçage et à la
propagation de l’endommagement jusqu’à la rupture finale en une seule analyse, sans
nécessité de traiter les champs de contraintes globaux du système. Un autre avantage des
MZC est la capacité à prédire l'apparition et la propagation d’une fissure interfaciale, sans
connaissance préalable de l'emplacement de la fissure. Actuellement, le champ d’application
des MZC s’élargit de plus en plus grâce au développement continu des modèles qui couvrent
la rupture fragile, ductile, la propagation par fatigue, l’évolution dynamique des fissures, etc.
Ces modèles introduisent entre deux substrats en matériaux quelconques, des éléments
cohésifs d’épaisseur nulle au plan du joint (Figure I.34). Il repose sur la définition d’un
chemin de propagation de la fissure prédéfini. Cela ne pose pas de problème ni dans les cas
des composites stratifiés puisque la propagation du délaminage s’effectue nécessairement
entre deux plis ; ni dans les cas des joints collés ou soudés où la propagation de la fissure se
situe au plan de joint. Une fois que le chemin de propagation de la fissure est défini, le MZC
simule alors l’endommagement macroscopique le long de ce chemin par l’application d’une
loi de traction-séparation nommée en anglais Traction-Separation-Load-Curve (TSLC) entre
des nœuds initialement coïncidents et situés de part et d’autre de la fissure. Dans la plupart
des formulations, le comportement consiste tout d’abord en une augmentation linéaire
réversible de la contrainte de « traction » avec le déplacement relatif de « séparation » des
nœuds. Dès qu’une valeur de la contrainte de « traction » maximale est atteinte, correspondant
à l’amorçage de l’endommagement, la contrainte de « traction » décroît ensuite en fonction du
déplacement relatif de deux nœuds initialement superposés, qui simule un adoucissement du
matériau endommagé. Finalement quand l’énergie de rupture correspondant à la surface sous
la courbe TSLC est atteinte, la liaison entre deux nœuds est rompue, la séparation totale des
nœuds permet de simuler une propagation de fissure.
Figure I.35 Diverses formes de la loi de séparation
La principale différence entre les modèles proposés dans la littérature se situe au niveau des
formes des TSLC. Il existe de nombreuses formes de lois adoucissantes dans la littérature
(Figure I.35) : bilinéaire [28], multilinéaire, exponentielle [29], trapézoïdale [30], polynômiale
[31]. Les paramètres décrivant cette forme, dans le cas bilinéaire (Figure I.34), sont l’aire sous
la courbe G
C, qui correspond au taux de restitution d’énergie critique, et la pente de la
première partie linéaire de la courbe K, qui représente la raideur de la zone cohésive, la
résistance à la traction σ
maxà laquelle l’endommagement de l’élément s’amorce, et le
déplacement ultime δ
f, qui correspond au déplacement des nœuds à la rupture de la zone
cohésive.
Afin de décrire la propagation de la fissure en mode mixte, les critères de fissuration,
présentés dans la partie précédente peuvent être appliqués, tel que le critère de puissance
Eq.(I.45) et de B-K Eq.(I.47). Le mode III peut être intégré dans le même critère en
combinant le mode II et le mode III pour former un mode global de cisaillement de la façon
suivante:
(mode cisaillement)
2= [(mode I)
2+(mode II)
2].
Campilho et al [32-35] ont utilisé MZC pour simuler les interfaces entre le substrat et le patch
de réparation par simple recouvrement et double recouvrement. Ils ont étudié l’influence de la
longueur du chevauchement, l’épaisseur du patch et sa forme. Gutkin et al [36] ont modélisé
la courbe-R en mode I avec des MZC contrôlée par une loi tri-linéaire. Borg et al [37] ont
simulé le mode I, le mode II et le mode mixte avec des MZC et des éléments coques. Les
résultats obtenus de ces études semblent prometteurs.
Cependant, l’utilisation de ces modèles de zones cohésives nécessite des précautions
particulières.
D’abord, le problème de la dépendance au maillage a été soulevé par de nombreux auteurs.
Cette sensibilité au maillage pourrait être atténuée en affinant la taille des éléments comme le
montrent notamment les études de Turon [38]. Il existe alors une taille maximale du maillage.
Les coûts de calcul associés à l’utilisation des modèles de zones cohésives sont donc très
importants, ce qui représente un inconvénient dans le cadre du calcul de structures. Harper et
al [39] proposent deux éléments cohésifs minimum dans la longueur de la zone cohésive afin
de garantir une bonne précision des calculs.
Ensuite, les ondes de compression associées aux problèmes dynamiques peuvent engendrer
une interpénétrabilité des mailles présentes dans l’approche multicorps. Par ailleurs, même en
quasi-statique, la présence de coefficients de Poisson distincts entre deux plis d’un composite
stratifié induit une mixité des modes de fissuration à leur interface. Cette mixité impose elle
aussi une gestion des interpénétrabilités et des glissements tangentiels à l’interface.
Enfin, le comportement des éléments cohésifs est défini par une loi d’endommagements
d’interface, nommé la loi de traction-séparation (TSLC), qui joue un rôle vital dans la qualité
des résultats obtenus par la simulation numérique. Les paramètres caractéristiques de TSLC
ne sont pas reliés clairement aux propriétés mécaniques des substrats, ni à celles de l’adhésif.
Le choix de ces paramètres est encore très problématique dans la modélisation par les MZC.
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