En pratique, on ne calcule pas les dérivées partielles, on fait un développement limité de f à l’ordre voulu à l’aide des méthodes esquissées dans le § précédent. Et, sous les hypothèses précédentes, ce développement est taylorien.
Problème : formules de Taylor « sans reste ».
Soit E = Rn, U un ouvert de E, convexe ou du moins étoilé en a = (a1, … , an). Montrer que : 4. Extrema locaux, points critiques.
4.1. Définitions, condition nécessaire du premier ordre.
Définition 1 : Soient E un evn, A une partie de E, f une fonction numérique A → R, et a ∈ A.
Mêmes définitions pour les minima.
Définition 2 : Soient E un evn de dim finie, U un ouvert de E, f une fonction différentiable U → R.
On appelle point critique tout a ∈ U tel que f’(a) = 0, lieu critique l’ensemble des points critiques, valeurs critiques les f(a) où a est point critique de f.
Théorème 1 : Soit E un evn de dim finie, U un ouvert de E, f une fonction différentiable U → R.
Si f admet en a un extremum local, f’(a) = 0.
Autrement dit, les extrema locaux sont à chercher parmi les points critiques de f.
Preuve : Soit u un vecteur ≠ 0 de E. La fonction de variable réelle ϕ : t → f(a + tu) est définie dans un voisinage de 0, dérivable, et admet en 0 un extremum local. Par suite, ϕ’(0) = f’(a).u = 0. cqfd.
En pratique, si E = Rn, l’application f s’écrit f(x) = f(x1, … , xn), les points critiques s’obtiennent en résolvant le système :
x1
f
∂∂
(a1, …, an) = … = xn
f
∂∂
(a1, …, an) = 0 .
Comme pour les fonctions d’une variable, le théorème ne s’applique que si f est différentiable dans tout U. Enfin, la condition f’(a) = 0 est nécessaire et non suffisante : penser à x → x3 dans R.
Le théorème 1 est d’un maniement délicat lorsque f est définie sur un domaine non ouvert, ou lorsqu’on cherche ses extrema globaux et non locaux. On combinera alors le théorème 1 avec des arguments topologiques (compacité, convexité, etc.), ou on évitera carrément de l’utiliser si l’on a affaire à un problème de moindres carrés (voir chapitre Espaces euclidiens).
Exercice : Soit P un polygone convexe compact plan. Maximiser f(x, y) = ax + by + c dans P . 4.2. Conditions du second ordre.
Rappelons que si f est une fonction réelle de classe C2 sur un ouvert U contenant a, f’(a) désigne la forme linéaire h →
x1
f
∂∂
(a1, …, an).h1 + … + xn
f
∂∂
(a1, …, an).hn , f’’(a) désigne la forme quadratique h →
∑
≤
≤i,j n
1 xi xj
f
∂
∂∂²
(a).hi.hj
Théorème 2 (Lagrange, 1759) : Soient U un ouvert de E , f : U → R une fonction de classe C2, a un point de U.
i) Conditions nécessaires.
Si f admet en a un minimum local, alors f’(a) = 0 et la forme quadratique f’’(a) est positive ; Si f admet en a un maximum local, alors f’(a) = 0 et la forme quadratique f’’(a) est négative.
ii) Conditions suffisantes. Réciproquement, si f’(a) = 0 et :
• si f’’(a) est définie positive, alors f admet en a un minimum local strict ; • si f’’(a) est définie négative, alors f admet en a un maximum local strict ; • si f’’(a) prend des valeurs > 0 et des valeurs < 0, a n’est pas extremum local de f ; • les cas où f’’(a) est positive ou négative sans être « définie » sont indéterminés.
Preuve : i) Supposons que a soit un minimum local de f. Soit h un vecteur ≠ 0 de E.
La fonction de variable réelle ϕ : t → f(a + t.h) est définie dans un voisinage de 0, de classe C² et admet en 0 un extremum local. Par suite, ϕ’(0) = f’(a).h = 0 et ϕ’’(0) = f’’(a).(h, h) ≥ 0.
Cela découle du dl taylorien ϕ(t) = ϕ(0) + ϕ’(0).t + ϕ’’(0).
2
²
t + o(t2) ; idem si a est max local.
ii) Supposons f’(a) = 0 et f’’(a) définie positive. Alors q = f’’(a) est un produit scalaire : la norme euclidienne associée est équivalente à la norme de Rn :
∃α, β > 0 ∀h ∈ E α || h ||2≤ q(h) ≤β || h ||2 Alors f(a + h) = f(a) + f’(a).h +
2
1f’’(a).(h, h) + || h ||2.ε(h)
= f(a) + 2
1f’’(a).(h, h) + || h ||2.ε(h) ≥ f(a) + || h ||2.(
α
2 + ε(h))∃r > 0 || h || ≤ r ⇒ | ε(h) | ≤ 4
α
. Alors f(a + h) > f(a) pour 0 < || h || ≤ r.iii) Supposons que f’’(a).(h, h) > 0 et f’’(a).(k, k) < 0.
Le raisonnement de i) appliqué aux fonctions de variable réelle ϕ : t → f(a + t.h) et ψ : t → f(a + t.k) montre que f(a) est un minimum local strict dans la direction a + R.h, et un maximum local strict dans la direction a + R.k.
Remarques : 1) En ii), si l’on munit Rn du produit scalaire standard, les constantes α et β sont resp.
la plus petite et la plus grande valeur propre de l’endomorphisme auto-adjoint positif u tel que q(h) = (u(h) | h).
2) Attention ! dans la preuve donnée en ii), il ne suffirait pas de vérifier que f(a) est minimum de f dans toutes les directions, comme l’a montré Peano (cf. exercice ci-dessous).
3) Ce théorème donne une condition nécessaire de minimum local, et une condition suffisante de minimum local strict. Les hypothèses de la condition suffisante sont plus fortes que la conclusion de la condition nécessaire. Un peu de réflexion montre qu’il ne peut en être autrement : il n’y a aucune raison pour que l’examen des parties linéaire et quadratique suffise dans tous les cas.
En pratique, si n = 2, on a, avec les notations de Monge :
f’(a, b).(h, k) = p.h + q.k et f’’(a, b).(h, k) = r.h2 + 2.s.h.k + t.k2 . où : p =
x
∂f
∂ (a, b) = 0 ,q = y
∂f
∂ (a, b) = 0 , r =
²
² x
∂f
∂ (a, b) , s = y x
∂f
∂∂²
(a, b) , t=
²
² y
∂f
∂ (a, b) . ♣ Si r > 0 et r.t − s2 > 0 , (a, b) est un minimum local strict ;
♦ Si r < 0 et r.t − s2 > 0 , (a, b) est un maximum local strict ; ♥ Si r.t − s2 < 0 , (a, b) est un point col ;
♠ Si r.t − s2 = 0 , on ne peut conclure.
Les cas d’indétermination recouvrent des situations fort diverses, qu’on peut préciser en visualisant les courbes de niveau de f :
f(x, y) = x2 + y4 (0, 0) min local strict f(x, y) = − x2− y4 (0, 0) min local strict
f(x, y) = x2 (0, 0) min local large auge de cochon
f(x, y) = x2 y2 (0, 0) min local large auge de cochon en croix f(x, y) = x ( x2− 3.y2 ) (0, 0) point col selle de singe
f(x, y) = x2− y4 (0, 0) point col Gabrielle d’Estrées f(x, y) = x2 + y3
f(x, y) = exp(
²
² 1
y x−+ ).sin
²
² 1
y
x + ondulations
Exercice 1 : Déterminer la nature des points critiques, et les extrema locaux des fonctions : f(x, y) = 2x3 + 3.exp(2y) − 6x.exp(y) ; f(x, y) = x3 y2.( 1 − x − y ) ;
f(x, y) = 2
²
x − cos y. 4−x² ; f(x, y) =
²
² 1 1
y x
y x
+ +
− + ;
f(x, y) = x4 + y4− 4 ( x − y )2 ; f(x, y) = sin x + sin y + cos(x + y) ; f(x, y) = exp(x + y) + exp(3 − x) + exp(3 − y) ;
f(x, y, z) = 2
²
x + x.y.z − y + z ; f(x, y, z) = x.exp y + y.exp z + z.exp x .
Exercice 2 : Soient (xi, yi)1≤i≤N N points du plan. Minimiser f(a, b) = ( . )²
1
b x a y
N
i
i
i− −
∑
=. Exercice 3 : Dans le plan affine euclidien, on considère un triangle ABC.
Un point M du plan se projette resp. en P, Q, R sur les côtés BC, CA, AB du triangle.
On note f(M) = MP2 + MQ2 + MR2 , g(M) = MP + MQ + MR , h(M) = MP.MQ.MR.
Minimiser et maximiser f, g et h dans le plan et sur la plaque triangulaire ABC.
Exercice 4 : Extrema locaux et globaux dans R*+2 des fonctions : f(x, y) =
) ).(
1 ).(
1 (
.
y x y x
y x+ +
+ f(x, y) =
x 1 +
y
1 + x.y f(x, y) = x.ln y − y.ln x f(x, y) = x + y − ln x − ln y
Exercice 5 : Soit q une forme quadratique définie positive sur Rn euclidien standard.
Déterminer les extrema absolus sur Rn de f(x) = q(x).exp(−||x||2). Calculer
∫
Rn f(x).dx.Exercice 6 : Soit n ≥ 2 ; extrema globaux de f(x1, …, xn) = (
∑
i=n1x1i).∏
i=n1(1+xi)dans (R*+)n.Exercice 7 : Déterminer les extrema globaux suivants : max et min de 3x + 4y sur x2 + y2 ≤ 1 ;
max et min de f(x, y) = − 2x3 − x2 − y2 + 5 sur la plaque rectangulaire ABCD, où : A(0, 1) , B(−1, 1) , C(−1, −1) , D(0, −1) ;
max et min de f(x, y) = x2/2 + y2/2 − 2.x.y − x − 2.y sur K = {x ≥ 0 , y ≥ 0 , x + y ≤ 1} ; max et min de f(x , y) = x3 + y2 sur x2 + y2≤ 9 ;
max et min de f(x , y) = x4 + y4− 2.(x − y)2 sur x2 + y2≤ 4 ; max et min de f(x, y) = x2 + xy + y2 − 3x − 3y + 1 sur [0, 3]2 ; max et min de f(x, y) = x − y + x3 + y3 sur [0, 1]2 ; généraliser ;
max et min de f(x, y) = (y − x)2 + 6 xy sur −1 ≤ x ≤ y ≤ 1 ; commentaires ? max et min de | sin z | sur |z| ≤ 1 ;
Exercice 8 : Le chameau sans selle (R. Davies, 1988).
Montrer que la fonction f(x, y) = − ( x2y − x − 1 )2− ( x2− 1 )2 a deux maxima locaux stricts, et aucun autre point critique. Représenter la surface z = f(x, y) avec Maple.
Exercice 9 : D’autres fonctions bizarres.
1) Montrer que la fonction f(x, y) = 2x3 + 3 e2y− 6 x ey est C1, possède un unique point critique, celui-ci étant un minimum local strict, mais n’a pas de minimum global. Essayer de représenter cette fonction. Cette situation peut-elle arriver pour les fonctions d’une variable ?
2) Dans le même ordre d’idées, étudier la fonction g(x, y) = x2 ( 1 + y )3 + y4 . Exercice 10 : Soit f(x, y) = x.( 1 − y ) si y ≤ x , f(x, y) = y.( 1 − x ) si y > x .
1) Montrer que f est continue sur R2 ; en quels points admet-elle des dérivées partielles ? 2) Soit K = [0, 1]2 ; extrema globaux de f sur K.
Exercice 11 : On veut calculer m = min { f(x, y) ; (x, y) ∈ [−1, 1]2 }, où f(x, y) =
∫
−11(t−x)(t−y).dt.1) Montrer que f est lipschitzienne, puis justifier la définition de m.
2) Soit T = { (x, y) ; −1 ≤ x ≤ y ≤ 1 }. Montrer que, sur T, f est un polynôme.
3) Calculer m, et décrire l’ensemble des points où m est atteint.
Exercice 12 : encore un contre-exemple de Peano (1884).
Soit f(x, y) = ( y − x2 ).( y − 2x2 ). Montrer que l’origine est un point critique, n‘est pas un minimum local, mais est un minimum local sur toutes les droites passant par l’origine.
Par cet exemple, Peano a pointé une erreur dans le livre de Serret, dans la preuve de ii).
Exercice 13 : Soient n ≥ 2 , f ∈ C1(Rn , R) telle que x
x f )(
→ +∞ quand ||x|| → +∞. Montrer que la fonction x → gradf(x) est surjective.
Exercice 14 : 1) Soient A une partie de Rn, f : A → R une fonction continue vérifiant : i) ∀a ∈ Fr(A) lim x→a, x∈A f(x) = +∞ ;
ii) Si A est non borné, lim x∈A, ||x||→+∞ f(x) = +∞ .
Si F est un fermé tel que F ∩ A ≠∅, f est minorée sur F ∩ A et ∃ξ∈ A ∩ F f(ξ) = inf x∈A∩U f(x).
2) Application : Soit A = {(x, y) ∈ R2 ; x > y}. Montrer que f(x, y) = x2 + y2 − ln(x − y) est minorée et atteint son inf sur A en un point unique que l’on déterminera.